1 juillet 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-17.368

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C100765

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - alcoolisme - lutte contre l'alcoolisme - propagande ou publicité - publicité illicite en faveur de boissons alcooliques - exclusion - cas

La prescription de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique relative au caractère objectif et informatif de la publicité en faveur de boissons alcooliques n'interdit pas la représentation de personnages ayant un verre à demi plein à la main, désignés comme des membres de la filière de production ou de commercialisation de vins et se rattachant aux facteurs humains visés par l'article L. 115-1 du code de la consommation

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 23 février 2012, Bull. n° 37, pourvoi n° 10-17.887), que le 15 avril 2005, puis courant décembre 2005, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a mis en oeuvre une campagne publicitaire d'affichage ; que soutenant que celle-ci contrevenait aux dispositions de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique relatives à la publicité en faveur des boissons alcooliques, l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme et addictologie (ANPAA) a assigné le CIVB en interdiction des affiches litigieuses et condamnation au paiement de dommages-intérêts ;


Attendu que l'ANPAA fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :


1°/ que la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur de boissons alcooliques est autorisée dans les seules conditions strictement et limitativement définies par l'article L. 3323-4 du code de la santé publique, lequel n'autorise que l'indication des caractéristiques objectives et techniques du produit, seules propres à ne pas inciter à la consommation d'alcool ; que cette publicité ne doit pas présenter le produit sous un aspect favorable ou convivial, celui-ci ne pouvant se traduire que par une incitation à la consommation de boissons alcooliques ; qu'en énonçant qu'il « résulte du texte susvisé art. L. 3323-4 du code de la santé publique » que « la présentation du produit à promouvoir suppose (¿) que ce dernier, et sa consommation, soient présentés sous un jour favorable et de façon attractive », la cour d'appel a violé ce texte ;


2°/ que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques, strictement encadrée, est limitée à la représentation des caractéristiques objectives et techniques du produit et ne doit pas inciter à la consommation d'alcool ; qu'en énonçant que les personnages sont représentés « sans invite, en particulier, à un partage du produit avec le public » et qu'est « absente toute référence à une ambiance de convivialité entre consommateurs (...) de même que toute évocation de circonstances favorables à la consommation », tandis qu'elle constatait que les personnes représentées sur les affiches avaient « un verre à demi plein à la main », dans un but de « dégustation », donc de consommation, circonstances outrepassant les limites légales, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ;


3°/ que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques, strictement encadrée, est limitée à la représentation des caractéristiques objectives et techniques du produit ; qu'une telle publicité ne doit pas promouvoir une image de convivialité associée au produit ni tendre à le valoriser ; qu'en décidant qu'était « remplie la prescription de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique relative au caractère objectif et informatif de la publicité », tout en relevant « l'impression incontestable de plaisir (...) liée à l'éclat de la couleur du breuvage, et à l'expression de satisfaction des personnages », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


4°/ que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques ne peut comporter que des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine telles que définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés, ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que les facteurs humains ne peuvent donner lieu à la représentation de personnages, même professionnels de la filière, sous couvert de référence à l'appellation d'origine ; qu'en l'espèce, en relevant que « la représentation de personnages ayant un verre à demi plein à la main, ne dépasse pas les limites fixées par le texte susvisé qui exige une représentation objective du produit », et que les personnages sont « expressément désignés comme des membres de la filière de production ou de commercialisation des vins de Bordeaux », et ainsi « se rattachent (...)
directement au facteur humain visé par l'article L. 115-1 du code de la consommation », la cour d'appel a violé l'article L. 3323-4, alinéa 2, du code de la santé publique ;


5°/ que la publicité pour les boissons alcooliques n'est licite que si elle se borne à reproduire les éléments strictement définis par la loi ; qu'un l'espèce, à l'examen « de l'ensemble des visuels » mis en cause, la cour d'appel a constaté « l'impression incontestable de plaisir » qui s'en « dégage » et « qui est liée à l'éclat de la couleur du breuvage et à l'expression de satisfaction des personnages » ; que les éléments ainsi relevés manifestaient sans équivoque que le message publicitaire litigieux, loin de se borner aux indications objectives et techniques légales, tendait, par la couleur et l'expression des personnages, à susciter une émotion chez le consommateur, liée à la consommation du breuvage, et qu'il atteignait efficacement ce but ; qu'en jugeant pourtant que cette publicité était conforme à la loi, la cour d'appel a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ;


Mais attendu que l'arrêt relève que les personnages figurant sur les affiches, expressément désignés comme des membres de la filière de production ou de commercialisation des vins de Bordeaux, ne sont pas assimilables au consommateur et se rattachent, comme ayant participé à cette production ou à cette commercialisation, au facteur humain visé par l'article L. 115-1 du code de la consommation, auquel fait référence l'article L. 3323-4 du code de la santé publique, que la seule représentation de personnages ayant un verre à demi plein à la main ne dépasse pas les limites fixées par le texte susvisé qui exige une représentation objective du produit, telle que sa couleur ou son mode de consommation, que l'impression de plaisir qui se dégage de l'ensemble des visuels ne dépasse pas ce qui est nécessaire à la promotion des produits et inhérent à la démarche publicitaire proprement dite, laquelle demeure licite, et que l'image donnée de professions investies par des jeunes, ouvertes aux femmes et en recherche de modernité, est enfin pleinement en accord avec les dispositions légales autorisant une référence aux facteurs humains liés à une appellation d'origine ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, qu'était remplie la prescription de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique relative au caractère objectif et informatif de la publicité ; que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA)


Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement déféré qui avait débouté l'ANPAA de ses demandes dirigées contre le CIVB et la société INSERT,


AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique que la publicité en faveur d'une boisson alcoolique demeure en principe licite, la loi se bornant, dans un but de prévention d'une consommation excessive, à en limiter ses modalités ; que, par nature, toute publicité ne peut avoir comme objectif que de modifier le comportement de son destinataire en provoquant l'achat du produit présenté, soit en provoquant le désir d'acheter et de consommer ; que la présentation du produit à promouvoir suppose donc que ce dernier, et sa consommation, soient présentés sous un jour favorable et de façon attractive, la créativité des annonceurs étant seulement encadrée et non totalement muselée ; que l'ANPAA est donc mal fondée à soutenir que toute évocation en termes positifs de la consommation de vins tomberait sous le coup de la loi, et il incombe par conséquent à la Cour de rechercher si les limites fixées par le texte susvisé ont été respectées, étant rappelé que, licite en son principe, la publicité relative à une boisson alcoolisée doit porter sur les éléments limitativement énumérés par l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; qu'en premier lieu, rien ne justifie la critique portant sur la représentation d'un ou plusieurs personnages en elle-même ; qu'en effet, ces derniers sont expressément désignés comme des membres de la filière de production ou de commercialisation des vins de Bordeaux, puisque les visuels les présentent explicitement comme tels, et ne sont donc pas assimilables au consommateur ; qu'ils se rattachent par ailleurs directement au facteur humain visé par l'article L. 115-1 du code de la consommation, auquel fait référence l'article L. 3323-4 du code de la santé publique, puisque les visuels, qui doivent être appréhendés dans leur ensemble, les présentent comme ayant participé à l'élaboration ou à la commercialisation des vins de Bordeaux, et le texte précité n'exige pas que les informations objectives liées à l'identité et l'adresse des membres de la filière soient indiquées de façon exhaustive ; qu'une référence à un site internet est d'ailleurs faite sur tous les visuels, en sorte que ces informations sont accessibles au public ; qu'en second lieu, la seule représentation de personnages ayant un verre à demi plein à la main, ne dépasse pas les limites fixées par le texte susvisé qui exige une représentation objective du produit, telle que sa couleur, visée plus particulièrement par le visuel n° 2 mais mise en valeur dans tous les visuels, ou son mode de consommation ; que la représentation de ce dernier est en l'espèce réduite à sa plus simple expression, puisqu'aucun personnage n'est représenté en train de boire, et que seul est montré un verre très partiellement rempli dans la main de chaque personnage, sans aucune référence à une convivialité entre consommateurs, puisque seule l'idée de dégustation, en petite quantité, par des professionnels est ici suggérée ; qu'en effet, les personnages sont montrés dans une attitude relativement réservée par rapport au verre qu'ils tiennent à la main et à son contenu, sans invite, en particulier, à un partage du produit avec le public, ce qui est cohérent avec le thème du visuel, à savoir la présentation par des professionnels du produit de la filière à laquelle ils appartiennent ; qu'est en outre absente toute référence à une ambiance de convivialité entre consommateurs, ces derniers étant totalement exclus des visuels, de même que toute évocation de circonstances favorables à la consommation, les personnages, censés être des professionnels de la filière, étant présentés en dehors de toute mise en scène ou impression d'ambiance, puisque les fonds utilisés sont totalement neutres ; qu'en troisième lieu, l'impression incontestable de plaisir qui se dégage néanmoins de l'ensemble des visuels, et qui est liée à l'éclat de la couleur du breuvage, et à l'expression de satisfaction des personnages, ne dépasse pas ce qui est nécessaire à la promotion des produits et inhérent à la démarche publicitaire proprement dite, laquelle demeure licite, les annonceurs ne pouvant évidemment être tenus, sous le prétexte de satisfaire aux exigences légales, de représenter des professionnels grincheux, au physique déplaisant et paraissant dubitatifs sur les qualités de produits à la couleur indéfinissable, afin d'éviter au consommateur toute tentation d'excès ; que l''image donnée de professions investies par des jeunes, ouvertes aux femmes, et en recherche de modernité est enfin pleinement en accord avec les dispositions légales autorisant une référence aux facteurs humains liés à une appellation d'origine, étant observé que sont rappelées sur les visuels querellés beaucoup d'appellations de vins de Bordeaux, telles que Sauternes, Barsac, Loupiac, Cadillac, Côtes de Bourg, Premières Côtes de Blaye, Saint-Emilion, Pomerol, etc. en sorte qu'est également remplie la prescription de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique relative au caractère objectif et informatif de la publicité ; qu'en ce qui concerne la mention sanitaire apposée sur les visuels, la critique de l'ANPAA selon laquelle la mention « à consommer avec modération » affaiblirait celle relative aux risques pour la santé d'une consommation excessive d'alcool n'est pas davantage fondée puisque la mention ajoutée n'est que la formulation en d'autres termes de la mention résultant de la loi, la consommation modérée ainsi promue faisant écho au danger pour la santé de l'abus d'alcool ; que dès lors les publicités incriminées en ce qu'elles ont ajouté cette formule ne peuvent être déclarées illicites par ce seul fait ;


ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'en ce qui concerne la question de l'admissibilité de personnages qui divise les parties, il apparaît que c'est à juste titre que le CIVB affirme que l'interdiction de principe de la représentation de personnages sur les publicités relatives aux boissons alcoolisées dont se prévaut l'ANPAA est contredite par les termes mêmes des dispositions reprises ci-dessus en leur entier, en ce qu'elles admettent de « comporter des références relatives aux terroirs (...) » et considèrent que les « facteurs humains » entrent dans les éléments permettant de caractériser un produit susceptible de bénéficier d'une appellation d'origine ; que sauf à ajouter à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas, il y a lieu de considérer que la représentation de personnages pour promouvoir des vins d'appellation comme le sont les vins de Bordeaux et comme il entre dans la mission du CIVB n'est pas, en soi, prohibée par les dispositions combinées des articles L. 3323-4 du code de la santé publique et L. 115-1 du code de la consommation ; qu'en ce qui concerne les personnages eux-mêmes, représentés sur chacun de sept visuels litigieux, l'ANPAA considère que le fait qu'ils soient présentés comme des professionnels de la filière viticole ne légitime pas pour autant leur présence sur ces affiches dans la mesure où ils ne sont pas montrés dans l'exercice de leurs activités et que l'affiche n'apporte aucune information sur celles-ci ; qu'elle affirme, par ailleurs, que « la présentation de ces personnages souriants, détendus, le regard dirigé vers le passant, mis en scène à l'occasion d'une dégustation de vin n'a d'autre objectif que d'inviter à la consommation par un processus d'assimilation et d'identification du passant » ; que ces appréciations paraissent procéder d'une lecture hâtive de la législation en vigueur qui n'exige pas que le facteur humain soit présenté en situation ; qu'il n'est nullement choquant qu'un représentant de la profession viticole, présentant un produit fini et qui se veut soigné, opte, dans un souci de pertinence, pour une tenue vestimentaire soignée en adéquation avec ce produit, étant, au surplus, observé que l'évolution des moeurs vestimentaires conduit à quelque peu reléguer le vêtement de travail traditionnel et à le faire figurer au rang des éléments constitutifs du folklore régional ; que la gestuelle de ces personnages ne paraît pas marquée par l'outrance ; qu'aucun élément ne permet, à l'évidence, de les considérer comme porteurs de « l'invite manifeste à porter un toast et donc à boire » que l'ANPAA entend, par ailleurs, voir constater par le tribunal ; qu'en ce qui concerne la présence de groupes, constitués de deux personnages sur les premier et deuxième visuels et de cinq personnages sur le cinquième, l'ANPAA formule une critique spécifique en stigmatisant l'attention particulière de l'annonceur portée à « la reconstitution d'une ambiance propice, d'une atmosphère complice, où peuvent se lire la soif, l'envie, le plaisir à portée de vue, la tentation à portée de mains, la satisfaction à portée de verre » ; qu'elle qualifie de "suggestives" les poses observées dans le cinquième visuel ; qu'il peut, cependant, être observé qu'objectivement, il est banal, dans la société de l'image actuelle, de représenter un groupe de jeunes gens ; que ces personnages ne se livrent à aucune activité commune si ce n'est la présentation du produit qu'ils ont élaboré et se proposent de faire connaître ; que la représentation des cinq professionnels de la filière figurant dans le cinquième visuel est adaptée à l'information dont l'annonce est porteuse, à savoir la coexistence de plusieurs vins répondant à l'appellation de Côtes de Bordeaux dont ils paraissent incarner la déclinaison ; que leur jeunesse et leur décontraction ne sauraient être considérées comme outrancières dans un contexte neutre dépourvu de tout élément susceptible d'éveiller l'imagination ou de faire naître le désir de participer à quelques bacchanales ; qu'elles ne paraissent pas outrepasser le message de modernité, de professionnalisme et de sobriété que le CIVB déclare vouloir transmettre ; que la gaîté affichée peut, tout aussi bien, être reliée à la satisfaction d'offrir un produit extrait de leur terroir ou encore à la présentation humoristique du message annoncé au fil de ces affiches qui constituent une unité ("Bordeaux la couleur du blanc", "les Bordeaux des personnalités à découvrir") ; qu'ainsi, l'appréciation que porte sur eux l'ANPAA paraît par trop emprunte de subjectivité alors que rien ne permet de considérer que les groupes constitués incitent à autre chose qu'à découvrir les vins de Bordeaux dans leur diversité ; qu'en ce qui concerne les accessoires qui les entourent, ils se réduisent à la présence de verres à pied contenant en quantité modérée le produit dont il est fait la promotion, en lien avec l'information transmise ; que si, sur chacun des sept visuels concernés, chaque personnage tient et non brandit un verre à la main, l'absence de figuration de bouteilles ou de tout autre élément figuratif sur ces photographies permet davantage d'admettre que l'invite est plus à la dégustation qu'à l'excès ; qu'en ce qui concerne les messages proprement dits, c'est à tort que la demanderesse laisse entendre que l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique devrait conduire à reproduire sur les publicités de boissons alcoolisées l'ensemble des mentions figurant au premier alinéa de cet article, lequel ne fait que "limiter" les indications susceptibles d'y être portées ; qu'en tout cas, toutes comportent le message sanitaire imposé par son quatrième alinéa ; qu'il importe donc peu que ces publicités ne comportent, à l'instar de nombreuses autres publicités dans les domaines les plus variés et d'une manière par conséquent commune, que des prénoms et non « l'indication (...) du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires » constituant l'une des indications admises par le législateur, d'autant que l'adresse e-mail lisible sur ces visuels permettrait éventuellement au consommateur qui le souhaiterait d'avoir accès à ces informations ; que l'identification née de la personnalisation et porteuse d'incitation que voudrait y voir l'ANPAA ne paraît pas résister à l'explication donnée par le CIVB qui déclare avoir voulu faire campagne sur les vins de Bordeaux et les appellations contrôlées bordelaises plutôt que sur ces personnages participant, au demeurant, effectivement à la filière ; que le grief paraît dès lors inopérant ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les sept représentations litigieuses s'inscrivent dans les limites de la liberté d'expression sans méconnaître la prohibition contenue en creux dans le cadre mis en place par le législateur dans la mission qui lui est conférée de prévenir les atteintes à la santé publique ; que l'illicéité de ces publicités, affichées sur les murs de Paris par le CIVB dans le strict cadre de son objet, ne saurait, par conséquent, être admise, en sorte que l'ANPAA sera déboutée tant de sa demande d'interdiction que de sa demande indemnitaire ;


1° ALORS QUE la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur de boissons alcooliques est autorisée dans les seules conditions strictement et limitativement définies par l'article L. 3323-4 du code de la santé publique, lequel n'autorise que l'indication des caractéristiques objectives et techniques du produit, seules propres à ne pas inciter à la consommation d'alcool ; que cette publicité ne doit pas présenter le produit sous un aspect favorable ou convivial, celui-ci ne pouvant se traduire que par une incitation à la consommation de boissons alcooliques ; qu'en énonçant qu'il « résulte du texte susvisé art. L. 3323-4 du code de la santé publique » que « la présentation du produit à promouvoir suppose (¿) que ce dernier, et sa consommation, soient présentés sous un jour favorable et de façon attractive », la cour d'appel a violé ce texte ;


2° ALORS QUE la publicité autorisée pour les boissons alcooliques, strictement encadrée, est limitée à la représentation des caractéristiques objectives et techniques du produit et ne doit pas inciter à la consommation d'alcool ; qu'en énonçant que les personnages sont représentés « sans invite, en particulier, à une partage du produit avec le public » et qu'est « absente toute référence à une ambiance de convivialité entre consommateurs (...) de même que toute évocation de circonstances favorables à la consommation », tandis qu'elle constatait que les personnes représentées sur les affiches avaient « un verre à demi plein à la main », dans un but de « dégustation », donc de consommation, circonstances outrepassant les limites légales, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ;


3° ALORS QUE la publicité autorisée pour les boissons alcooliques, strictement encadrée, est limitée à la représentation des caractéristiques objectives et techniques du produit ; qu'une telle publicité ne doit pas promouvoir une image de convivialité associée au produit, ni tendre à le valoriser ; qu'en décidant qu'était « remplie la prescription de l'article L. 3323-4 du code de la santé publique relative au caractère objectif et informatif de la publicité », tout en relevant « l'impression incontestable de plaisir (...) liée à l'éclat de la couleur du breuvage, et à l'expression de satisfaction des personnages », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


4° ALORS QUE la publicité autorisée pour les boissons alcooliques ne peut comporter que des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine telles que définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés, ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que les facteurs humains ne peuvent donner lieu à la représentation de personnages, même professionnels de la filière, sous couvert de référence à l'appellation d'origine ; qu'en l'espèce, en relevant que « la représentation de personnages ayant un verre à demi plein à la main, ne dépasse pas les limites fixées par le texte susvisé qui exige une représentation objective du produit », et que les personnages sont « expressément désignés comme des membres de la filière de production ou de commercialisation des vin de Bordeaux », et ainsi « se rattachent (...) directement au facteur humain visé par l'article L. 115-1 du code de la consommation », la cour d'appel a violé l'article L. 3323-4 alinéa 2 du code de la santé publique ;


5° ALORS QUE la publicité pour les boissons alcooliques n'est licite que si elle se borne à reproduire les éléments strictement définis par la loi ; qu'un l'espèce, à l'examen « de l'ensemble des visuels » mis en cause, la cour a constaté « l'impression incontestable de plaisir » qui s'en « dégage » et « qui est liée à l'éclat de la couleur du breuvage, et à l'expression de satisfaction des personnages » ; que les éléments ainsi relevés manifestaient sans équivoque que le message publicitaire litigieux, loin de se borner aux indications objectives et techniques légales, tendait, par la couleur et l'expression des personnages, à susciter une émotion chez le consommateur, liée à la consommation du breuvage, et qu'il atteignait efficacement ce but ; qu'en jugeant pourtant que cette publicité était conforme à la loi, la cour a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ;

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