16 avril 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-10.257

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C100465

Titres et sommaires

AVOCAT - exercice de la profession - différend entre avocats - arbitrage du bâtonnier - domaine d'application - désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats - recours devant la cour d'appel - portée - societe (règles générales) - parts sociales - cession - prix - fixation - fixation par expert - désignation - modalités - détermination

Il résulte de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, que le bâtonnier, saisi en qualité d'arbitre d'un différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, procède, le cas échéant, à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats. Cette désignation, dérogatoire à l'article 1843-4 du code civil, est soumise à un recours devant la cour d'appel, qui, dès lors, en apprécie le bien-fondé

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 octobre 2013), que la SCP A... & associés (la SCP UGGC), qui souhaitait développer son activité en Asie, a acquis 60 % des parts de la société Adamas Asie, filiale de la société Adamas international, dans laquelle M. X... était associé et Mme Y... collaboratrice ; que ceux-ci sont devenus associés de la SCP UGGC ; que reprochant à la SCP UGGC une négligence fautive lors de l'exécution de la transaction conclue en vue de la cession des parts de la société Adamas Asie, à l'origine du refus des autorités chinoises de la désigner comme sa représentante en Chine, et contestant avoir manifesté, par un message du 12 septembre 2010, la volonté de se retirer de la SCP UGGC, dont l'assemblée générale a pourtant pris acte le 16 octobre 2010, Mme Y... a saisi le bâtonnier du barreau de Paris en indemnisation et désignation d'un expert ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire alors, selon le moyen, que dans les échanges de mails entre l'ensemble des parties, exerçant toutes la profession d'avocat, le terme employé quant à la procédure à mettre en oeuvre à l'encontre de la société Adamas et M. Z..., seule de nature à permettre à M. X... et Mme Y... d'obtenir leur nomination à la fonction de représentant de la SCP UGGC en Chine était celui de « référé » ; qu'en considérant néanmoins que la procédure dont il était question lors de ces échanges était en réalité celle prévue par les articles 28. 3 du règlement intérieur du barreau de Paris et P 71. 4. 4 des dispositions propres à ce même barreau, consistant pour l'arbitre à répondre des demandes de mesures urgentes, sans réel pouvoir coercitif, la cour d'appel a dénaturé les termes desdits mails en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que n'est pas recevable le grief de dénaturation portant sur un ensemble de documents, sans que soit précisé celui ou ceux des documents qui en font l'objet ; que le moyen qui se borne en l'espèce à alléguer la dénaturation des échanges de « mails » entre les parties est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de dire que le courriel adressé le 12 septembre 2010 à la SCP UGGC s'analyse comme une demande de retrait volontaire et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le décret du 20 juillet 1992 prévoit que, dans une société civile professionnelle d'avocats, lorsqu'un associé demande son retrait, il notifie cette demande à la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en se fondant sur un simple courriel du 12 septembre 2010 traduisant prétendument l'intention non équivoque de Mme Y... de se retirer d'UGGC et en considérant que le recours à la lettre recommandée avec accusé de réception, prévu par l'article 29 des statuts de la SCP UGGC, ne constituerait qu'une simple modalité destinée à faire courir le délai de six mois accordé à la SCP pour prendre parti sur le sort des parts du retrayant et ne serait donc pas nécessaire au retrait, la cour d'appel a violé l'article 28 du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ;

2°/ qu'à supposer même que le formalisme prévu par l'article 28 du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ne s'impose pas dans le silence des statuts, le retrait d'un associé ne saurait se présumer ; qu'en considérant que la déclaration de Mme Y... selon laquelle « Je pense, dans l'intérêt de tous, qu'il serait préférable de faire l'économie de deux billets d'avion, et que mon conseil traite directement avec le vôtre des conséquences de notre départ imposé par vos propositions qui n'en sont pas. Bien entendu, ce départ devra être discuté sur la base de nos accords passés » traduirait l'intention non équivoque de Mme Y... de se retirer d'UGGC, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme Y..., par assimilation à M. X... menacé depuis le 3 août 2010 d'une exclusion par la SCP UGGC, ne se bornait pas à faire le constat d'une situation de blocage initiée par la SCP elle-même, manifestant non pas une volonté de retrait mais le souhait de trouver une issue en concertation avec la SCP UGGC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ;

Mais attendu, d'abord, que la formalité de la lettre recommandée est stipulée à titre probatoire et non pour la validité de l'acte ;

Attendu, ensuite, que sous le couvert d'un manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la manifestation de volonté de Mme Y... ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;



Sur le troisième moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'expertise en évaluation des parts sociales de la SCP UGGC, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il ressort du relevé de compte produit par Mme Y... que celle-ci n'a nullement encaissé la somme de 6 100 euros reçue de la SCP UGGC, mais que cette somme a fait l'objet d'un virement par la société UGGC elle-même, ce qui n'impliquait pas d'encaissement ou d'acceptation de la part de la destinataire ; qu'en considérant néanmoins que Mme Y... aurait « encaissé cette somme sur son compte », en se fondant sur ce relevé « pièce n° 63, appelante », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit relevé en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°/ que le silence ne vaut pas acceptation ; que la cession n'est parfaite qu'à partir du moment où chacune des parties en a sans ambiguïté fixé le prix, autrement dit l'évaluation des parts lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une cession de part ; qu'en aucun cas, une telle acceptation peut résulter du simple silence ou de la tardiveté à émettre des réserves ; que pour débouter Mme Y... de sa demande de désignation d'un expert, la cour d'appel a considéré que celle-ci n'avait élevé aucune contestation sur la valeur de ses parts en temps utile ; que, cependant, la valeur des parts dont la contrepartie unilatéralement déterminée par la SCP a été simplement versée par virement sur le compte de l'associée, son silence à réception de ce virement ou l'absence de réserves émises sur l'évaluation avant la procédure devant le bâtonnier n'étant pas de nature à caractériser un acquiescement à l'évaluation des parts ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée, que le bâtonnier, saisi en qualité d'arbitre d'un différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, procède, le cas échéant, à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats ; que cette désignation, dérogatoire à l'article 1843-4 du code civil, est soumise à un recours devant la cour d'appel, qui dès lors en apprécie le bien-fondé ;

Attendu, d'autre part, que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; que l'arrêt relève que Mme Y... ne conteste pas avoir reçu le 28 octobre 2010 la contre-valeur de ses parts dans la SCP UGGC telle que retenue par l'assemblée générale du 3 juillet 2009, non remise en cause, ni l'avoir encaissée, y compris par un virement bancaire, et qu'elle ne fait pas état de réserves émises par elle sur cette évaluation, à l'exception de celles formulées la veille de l'audience devant l'arbitre ; que la cour d'appel a pu déduire de ces circonstances que la remise des fonds établissait l'existence d'une transaction parfaite, de sorte que la désignation d'un expert était sans objet ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de la condamner à indemniser la SCP UGGC de divers préjudices, alors, selon le moyen :

1°/ que pour condamner Mme Y... au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la désorganisation de ses bureaux en Asie, la cour d'appel s'est bornée à relever « que les circonstances du retrait de Mme Y..., son investissement immédiat dans une nouvelle structure et son influence sur les partenaires chinois (cabinets Wang Jing à Canton et WTW à Taïpei) comme le départ de certains membres des équipes ont causé un préjudice à la SCP UGGC qui aurait pu être évité si les parties s'étaient rapprochées à temps, que Mme Y... ne pouvait ignorer en effet qu'elle avait bénéficié de l'investissement de la société, qui s'était substituée à M. X..., dans le bénéfice du protocole passé avec les anciens associés d'Adamas Asie et que la SCP avait de ce fait payé 1 200 000 euros deux ans auparavant » ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement caractériser la faute imputée à Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que pour condamner Mme Y... au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image, la cour d'appel s'est bornée à relever que « la fermeture de son bureau à Pékin et le départ de Mme Y... ayant atteint l'image internationale de la SCP, notamment quant à sa capacité de développement en Asie », sans autrement caractériser la faute prétendument commise par Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ que la cour d'appel, pour condamner Mme Y... au paiement des sommes de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la désorganisation de ses bureaux en Asie et 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image, n'a pas caractérisé le lien de causalité existant entre le fait de Mme Y... et les préjudices prétendument subis, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que Mme Y... a refusé la proposition de retour en France qui lui a été faite par la SCP UGGC comme alternative aux difficultés rencontrées avec les autorités administratives chinoises, faisant le choix d'un retrait de la société, qu'elle s'est sans délai investie dans une nouvelle structure créée quelques jours après son départ, laquelle a bénéficié des réseaux constitués depuis des années en Extrême-Orient et a attiré certains membres des équipes de la SCP UGGC, profitant ainsi de l'investissement de cette dernière, qui s'est substituée à M. X... pour l'achat des parts de la société Adamas Asie ; qu'il relève encore que la SCP UGGC a dû faire face à la désorganisation de ses bureaux en Chine notamment lors de la fermeture de celui de Pékin et que cette situation a porté atteinte à l'image internationale de ce cabinet ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a caractérisé les fautes reprochées à Mme Y... ainsi que le lien de causalité entre ces fautes et le préjudice allégué par la SCP UGGC ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille quinze.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame Y... de sa demande de dommages-intérêts formée contre la SCP UGGC pour " négligence fautive " dans le cadre de la procédure d'arbitrage contre Monsieur Z... et Adamas ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la Cour adopte que l'arbitre a retenu une responsabilité partagée des parties en causes dans le retard apporté à actionner Maitre Z... et ADAMAS ASIE ; qu'en effet, observation faite que Maître Y... fait sienne l'attitude adoptée par son compagnon, celui-ci, responsable du bureau de Pékin, était l'interlocuteur objectif des autorités chinoises dans l'exécution du Protocole, qu'il s'est écoulé plusieurs mois entre son courriel du 22 janvier 2009 rappelant Maitre Z... à ses obligations, renouvelé seulement le 8 avril 2009, et sa mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2009 alors qu'en sa qualité de signataire du Protocole, il avait qualité pour saisir rapidement le Bâtonnier des difficultés d'exécutions rencontrées, ce qu'il n'a fait que le 26 janvier 2010 (avec Maitre Y... et UGGC) ; que s'il a adressé de nombreux courriels à UGGC, ce n'est que très tardivement qu'il a fait allusion à la nécessité d'engager des actions sans toutefois les définir avec précision avant le 19 août 2009 ; que s'agissant du " référé " discuté par les parties, il s'agit en réalité de la procédure prévue par les articles 28. 3 du Règlement intérieur (R. I.) du Barreau de Paris et P 71. 4. 4 des dispositions propres à ce même Barreau, consistant pour l'arbitre à répondre à des demandes de " mesures urgentes " sans formalisme défini par les textes, en l'espèce par les lettres des 7 et 8 octobre 2009 et le " relevé de décisions " du 15 mars 2010 (pièce n° 19 et 20, appelante) pour tenter de répondre aux difficultés d'exécution du Protocole ; qu'en outre, Maitre X... a demandé lui-même " d'attendre que la licence d'UGGC soit officiellement renouvelée en Chine (...) avant de réfléchir a nouveau sur ce qui peut être fait a l'encontre d'ADAMAS " (courriel 29 novembre 2009, pièce n° 6, intimée), et, alors que la demande de mesure urgente était en préparation, a indiqué " tant que ma situation n'est pas réglée, je ne bougerai pas, je ne donnerai pas de document et je n'assisterai pas " (Pour le renouvellement de licence 2009) "... et tout comme Alina, je m'interroge, compte tenu de mon préjudice personnel, sur la nécessité d'assigner rapidement Z... et ADAMAS " (courriel du 2 octobre 2009, pièce n° 7, idem) ; qu'enfin, de nombreux échanges de courriels démontrent qu'UGGC s'est préoccupée de la situation (notamment pièces n° 72 à 90, appelante) » ;

ALORS QUE : dans les échanges de mails entre l'ensemble des parties, exerçant toutes la profession d'avocat, le terme employé quant à la procédure à mettre en oeuvre à l'encontre de la société Adamas et monsieur Z..., seule de nature à permettre à monsieur X... et madame Y... d'obtenir leur nomination à la fonction de représentant de la SCP UGGC en Chine était celui de « référé » ; qu'en considérant néanmoins que la procédure dont il était question lors de ces échanges était en réalité celle prévue par les articles 28. 3 du règlement intérieur du Barreau de Paris et P 71. 4. 4 des dispositions propres à ce même Barreau, consistant pour l'arbitre à répondre des demandes de « mesures urgentes », sans réel pouvoir coercitif, la cour d'appel a dénaturé les termes desdits mails en violation de l'article 1134 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le courriel adressé par madame Y... le 12 septembre 2010 à la SCP UGGC s'analysait comme une demande de retrait volontaire et d'AVOIR en conséquence débouté celles-ci de l'ensemble de ses demandes formées au titre de son exclusion par la SCP UGGC ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Maître Y... affirme n'avoir jamais démissionné ni exercé son droit de retrait et que son exclusion est contraire aux statuts de la UGGC ; qu'elle soutient que celle-ci ne démontre pas les griefs invoqués dans la convocation de l'assemblée générale (AG) et repris dans le procès-verbal (PV) subséquent, sensés démontrer son absence de participation active aux activités de la SCP, qu'une expulsion forcée ne peut être fondée que sur une faute en l'espèce inexistante mais organisée a posteriori sur de prétendues fautes ou comportements postérieurs à la décision d'exclusion ; que c'est à la suite de motifs pertinents que la Cour fait siens en les adoptant, que l'arbitre a retenu que le courrier du 12 septembre 2010 (pièce n° 47, appelante) traduit l'intention non équivoque de Maître Y... de se retirer d'UGGC ; qu'en effet, celle-ci déclare « Je pense, dans l'intérêt de tous, qu'il serait préférable de faire l'économie de deux billets d'avion, et que mon conseil traite directement avec le vôtre des conséquences de notre départ imposé par vos propositions qui n'en sont pas. Bien entendu, ce départ devra être discuté sur la base de nos accords passés » ; qu'il sera seulement ajouté que, lors de son assemblée générale du 10 octobre 2010, UGGC ayant purement et simplement acté, au regard de ce courrier, que Maître Y... avait entendu « démissionner » (pièce n° 10, intimée), le recours à la lettre recommandée avec accusé de réception comme prévu par l'article 29 des statuts est devenu sans objet, cette modalité étant destinée à faire courir le délai de six mois pour acquérir ou faire acquérir les parts du retrayant ; que par voie de conséquence la discussion engagée par l'appelant sur les conditions du retrait forcé prévu à l'article 30 desdits statuts devient également sans effet » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « Les parties sont contraires en fait sur les circonstances qui ont conduit a la rupture de leurs relations et elles s'imputent réciproquement des intentions malicieuses.
Mme D... considère que des le mois de juillet 2010 la SCP a mis en place à son encontre une procédure d'exclusion abusive tandis que la SCP lui fait grief d'avoir, à partir de cette époque, commencé de prendre des dispositions pour créer en Asie une structure concurrente.
L'analyse des pièces, et notamment des courriels échanges entre les parties, permet de constater qu'il y eut pour le moins un malentendu puis une suspicion réciproque à partir du moment ou, le 5 juillet 2010, M. G..., Associe de la SCP, s'est entendu signifier par les autorités du BOJ de Pékin l'impossibilité pour M. X... ou Mme D... d'être nommes représentants de la SCP dans cette ville et ou ceux-ci ont eux-mêmes évoqué un risque d'expulsion de Chine.
Le refus par M. X... et Mme D... de venir a Paris rencontrer leurs associés au mois de juillet, alors qu'ils se trouvaient en vacances en France, a contribue à aggraver le malentendu et a manifestement tendu les relations.
L'on peut comprendre par ailleurs que M. X... et Mme D..., dont la vie professionnelle et familiale était en Chine, n'aient pas admis la volonté affichée par la SCP de les rapatrier en France même s'il paraît exact que les solutions alternatives proposées par M. X... n'étaient pas étayées par des propositions concrètes.
Du fait de la position du BOJ de Pékin, ii ne peut être fait grief à la SCP d'avoir désigné deux représentants le 7 juillet, même s'il est pour le moins regrettable que cette désignation ne se soit pas faite en concertation avec M. X... et Mme D...
II reste à déterminer si, comme l'affirme Y..., les derniers courriels adresses par M. X... à la SCP étaient constitutifs d'une manifestation de retrait volontaire ou de démission de la SCP, ou si ces courriels ont été sur-interprètes par ladite SCP dans le but de fonder une exclusion abusive.
L'attitude de M. X... et de Mme D..., à partir de la mi-août, face à un raidissement de l'attitude de la SCP, fait clairement apparaître qu'ils n'étaient pas résolus à revenir en France, leurs attaches étant en Chine.
Des lors, tout en continuant des discussions, mais en refusant un certain nombre de contacts directs, ils ont manifestement préparé une solution de rechange dont témoignent notamment la réservation du nom de domaine K... et ce qui apparaît comme leur désintérêt pour la situation économique très obérée du bureau de Pékin qui inquiétait les associés de la SCP.
Quelques semaines après l'assemblée générale d'Y... ayant consacré leur départ de la SCP, M. X... et Mme D... étaient en mesure de présenter une structure d'Avocats manifestement compétitive qui ne peut être due qu'à la qualité de leurs réseaux en Asie.
Si ce rapide « rétablissement » témoigne de ce qu'il existait effectivement des solutions alternatives qui auraient pu permettre leur maintien en Asie au profit de la SCP, L'on peut comprendre l'agacement de cette dernière qui perdait en même temps l'essentiel de son investissement.
A l'égard des règles applicables aux SCP et des statuts d'Y... & Associes, il convient de rechercher si ces comportements et échanges ont constitue une exclusion ou un retrait volontaire de Mme D....
L'article 30 des statuts, relatif au « retrait force » et aux exclusions stipule : « peut de même être exclu de la société, par décision prise dans les conditions de quorum et de majorité prévues à l'article 18, tout associe dont le comportement professionnel ou le comportement en tant qu'associe est de nature à porter gravement atteinte aux intérêts OU àa la réputation de la société, ou qu'il a cesse de participer activement aux activités de la société ».
En l'espèce, il n'apparaît pas a l'arbitre que le comportement de Mme X... ait pu, a la date de la convocation de l'assemblée du 16 octobre 2010, être considéré comme suffisamment grave et préjudiciable pour la SCP au sens de l'article 30 des statuts, ce comportement étant largement la résultante de circonstances extérieures, de malentendus et de difficultés de communication avec les organes de direction de la SCP.
L'article 29 des statuts de la SCP, relatif au « retrait volontaire » stipule pour sa part que « lorsqu'un associé le demande, la société est tenue, dans le délai de six (6) mois a compter du jour de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de la décision de retrait, soit d'acquérir elle-même les parts, soit de les faire acquérir par un cessionnaire ».
S'il est fait mention d'une notification par courrier recommande AR comme point de départ du délai de rachat des parts du retrayant, cet article n'exige pas de condition de forme particulière pour un retrait volontaire comme en témoigne la formule « lorsqu'un associe le demande ».
Bien que Mme D... proteste de ce qu'elle n'a jamais fait valoir son intention de se retirer de la SCP, force est de constater que par son courriel du 12 septembre 2010 elle indiquait aux responsables d'Y... :
« Je pense, dans l'intérêt de tous, qu'il serait préférable de faire l'économie de deux billets d'avion, et que mon conseil traite directement avec le vôtre des conséquences de notre départ imposé par vos propositions qui n'en sont pas. Bien entendu, ce départ devra être discuté sur la base de nos accords passés ».
Ce courriel manifeste à l'évidence la constatation par son auteur d'un défaut « d'affectio societatis » et de « projets communs », la volonté d'en « tirer les conséquences » qualifiées « d'inévitables » et la volonté de se retirer de la SCP dans des conditions à déterminer entre les conseils des parties.
La référence qui y est faite au courrier de la SCP du 3 août 2010 dans lequel Mme D... prétend avoir lu que celle-ci souhaitait son expulsion, pour lui imputer la responsabilité de la rupture, ne parait pas fondée tant à la lecture dudit courrier qu'à celle des échanges qui l'ont suivi.
C'est donc à juste titre que la SCP a enregistré le retrait de Mme D..., même si elle l'a improprement qualifié de « démission » » ;

ALORS 1°) QUE : le décret du 20 juillet 1992 prévoit que, dans une société civile professionnelle d'avocats, lorsqu'un associé demande son retrait, il notifie cette demande à la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en se fondant sur un simple courriel du 12 septembre 2010 traduisant prétendument l'intention non équivoque de Maître Y... de se retirer d'UGGC et en considérant que le recours à la lettre recommandée avec accusé de réception, prévu par l'article 29 des statuts de la SCP UGGC, ne constituerait qu'une simple modalité destinée à faire courir le délai de six mois accordé à la SCP pour prendre parti sur le sort des parts du retrayant et ne serait donc pas nécessaire au retrait, la cour d'appel a violé l'article 28 du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ;

ALORS 2°) QUE : subsidiairement, à supposer même que le formalisme prévu par l'article 28 du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992 ne s'impose pas dans le silence des statuts, le retrait d'un associé ne saurait se présumer ; qu'en considérant que la déclaration de Maître Y... selon laquelle « Je pense, dans l'intérêt de tous, qu'il serait préférable de faire l'économie de deux billets d'avion, et que mon conseil traite directement avec le vôtre des conséquences de notre départ imposé par vos propositions qui n'en sont pas. Bien entendu, ce départ devra être discuté sur la base de nos accords passés » traduirait l'intention non équivoque de l'exposant de se retirer d'UGGC, sans rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions, p. 17.), si madame Y..., par assimilation à monsieur X..., menacé depuis le 3 août 2010 d'une exclusion par la SCP UGGC, ne se bornait pas à faire le constat d'une situation de blocage initiée par la SCP elle-même, manifestant non pas une volonté de retrait mais le souhait de trouver une issue en concertation avec la SCP UGGC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 28 du décret n° 92-680 du 20 juillet 1992.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté madame Y... de sa demande d'expertise aux fins de détermination de la valeur des parts sociales de la SCP UGGC ;

AUX MOTIFS QUE : « s'agissant de l'expertise ordonnée par l'arbitre, que Maître Y... qui ne conteste pas avoir reçu la contrevaleur de ses parts dans la SCP, estime qu'il ne peut s'agir d'une cession de ses parts en l'absence d'une lettre de démission claire, unilatérale et sans équivoque, conforme aux statuts, d'une offre de vente, de tout document démontrant une convention sur ce sujet et de document évoquant une éventuelle promesse de vente et qu'en conséquence, il appartient à un expert désigné en application de l'article 1843-4 du code civil d'évaluer la valeur de sa participation dans le capital d'UGGC ; qu'elle relève que la dernière assemblée générale du 13 juillet 2010 n'a pas statué sur la valeur de rachat de ses parts et qu'en tout état de cause la clause prévue par l'article 23 des statuts prévoyant la valorisation annuelle et le recours à l'article 1843-4 précité en cas de désaccord est nulle dès lors qu'il y a contestation sur le prix ; que si les dispositions de l'article 1843 du code civil sont d'ordre public, il y a lieu de relever que ce texte n'a vocation à s'appliquer qu'en cas de contestation ; qu'en conséquence, sans qu'il soit besoin de répondre à ses arguments sur l'absence de « démission volontaire » qui ont été précédemment tranché par la Cour, il y a lieu de relever que Maître Y... ne conteste pas avoir reçu le 28 octobre 2010 la somme correspondant à la valeur de ses parts dans le capital d'UGGC telle que retenue par l'assemblée générale du 3 juillet 2009 qui n'a pas été remise en cause ; qu'elle a encaissé cette somme sur son compte le 2 novembre 2010 (pièce n° 63, appelante) et n'établit ni n'allègue avoir émis des réserves sur cette évaluation et cette remise à un moment quelconque si ce n'est le 5 septembre 2011 au soir c'est-à-dire la veille de l'audience devant l'arbitre donc largement postérieurement à la remise de fonds constituant une transaction parfaite, cette contestation étant tardive, il n'y a pas lieu à expertise et la sentence déférée doit être infirmée de ce chef » ;

ALORS 1°) QU': il ressort du relevé de compte produit par madame Y... que celle-ci n'a nullement encaissé la somme de 6100 ¿ reçue de la SCP UGGC, mais que cette somme a fait l'objet d'un virement par la société UGGC elle-même, ce qui n'impliquait pas d'encaissement ou d'acceptation de la part de la destinataire ; qu'en considérant néanmoins que madame Y... aurait « encaissé cette somme sur son compte », en se fondant sur ce relevé « pièce n° 63, appelante », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit relevé en violation de l'article 1134 du code civil ;

ALORS 2°) QUE : le silence ne vaut pas acceptation ; que la cession n'est parfaite qu'à partir du moment où chacune des parties en a sans ambiguïté le prix, autrement dit l'évaluation des parts lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une cession de part ; qu'en aucun cas, une telle acceptation peut résulter du simple silence ou de la tardiveté à émettre des réserves ; que pour débouter madame Y... de sa demande de désignation d'un expert, la cour d'appel a considéré que celui-ci n'avait élevé aucune contestation sur la valeur de ses parts en temps utile ; que, cependant, la valeur des parts dont la contrepartie unilatéralement déterminée par la SCP a été simplement versée par virement sur le compte de l'associé, son silence à réception de ce virement ou l'absence de réserves émises sur l'évaluation avant la procédure devant le bâtonnier n'étant pas de nature à caractériser un acquiescement à l'évaluation des parts ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné madame Y... à payer à la SCP UGGC les sommes de 100. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la désorganisation de ses bureaux en Asie, 50. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « que sur les préjudices résultant de la désorganisation des bureaux chinois et de la perte d'image, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que l'arbitre a retenu l'existence de ces deux chefs de préjudice qu'il y a lieu d'indemniser par l'octroi de la somme de 200. 000 ¿ pour le premier, englobant les frais de licenciement, et de 100. 000 € pour le second, dont Maître Y... ne sera redevable qu'à hauteur de la moitié pour chacun » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « il apparaît en revanche que les circonstances du retrait de Mme Y..., son investissement immédiat dans une nouvelle structure et son influence sur les partenaires chinois (cabinets Wang Jing à Canton et WTW à Taïpei) comme le départ de certains membres des équipes ont causé un préjudice à la SCP UGGC qui aurait pu être évité si les parties s'étaient rapprochées à temps. Mme Y... ne pouvait ignorer en effet qu'elle avait bénéficié de l'investissement de la SCP, qui s'était substituée à M. X..., dans le bénéfice du protocole passé avec les anciens associés d'Adamas Asie et que la SCP avait de ce fait payé 1. 200. 000 € deux ans auparavant. Dès lors, il sera fait droit à la demande d'indemnisation formée par la SCP au titre de la désorganisation de ses bureaux chinois, à hauteur de 190. 000 €, en ce compris la demande formée au titre des frais de licenciement du personnel du bureau de Taïpei. Il sera également alloué à la SCP une indemnité de 60. 000 € au titre du préjudice d'image qu'elle a subi, la fermeture de son bureau à Pékin et le départ de Mme Y... ayant atteint l'image internationale de la SCP, notamment quant à sa capacité de développement en Asie » ;

ALORS 1°) QUE : pour condamner madame Y... au paiement de la somme de 100. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la désorganisation de ses bureaux en Asie, la cour d'appel s'est bornée à relever que « les circonstances du retrait de Mme Y..., son investissement immédiat dans une nouvelle structure et son influence sur les partenaires chinois (cabinets Wang Jing à Canton et WTW à Taïpei) comme le départ de certains membres des équipes ont causé un préjudice à la SCP UGGC qui aurait pu être évité si les parties s'étaient rapprochées à temps. Mme Y... ne pouvait ignorer en effet qu'elle avait bénéficié de l'investissement de la SCP, qui s'était substituée à M. X..., dans le bénéfice du protocole passé avec les anciens associés d'Adamas Asie et que la SCP avait de ce fait payé 1. 200. 000 € deux ans auparavant » ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement caractériser la faute imputée à madame Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

ALORS 2°) QUE : pour condamner madame Y... au paiement de la somme de 50. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image, la cour d'appel s'est bornée à relever que « la fermeture de son bureau à Pékin et le départ de madame Y... ayant atteint l'image internationale de la SCP, notamment quant à sa capacité de développement en Asie », sans autrement caractériser la faute prétendument commise par madame Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

ALORS 3°) QU': en toute hypothèse, la cour d'appel, pour condamner madame Y... au paiement des sommes de 100. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la désorganisation de ses bureaux en Asie et 50. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'image, n'a pas caractérisé le lien de causalité existant entre le fait de madame Y... et les préjudices prétendument subis, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.