4 mars 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-19.015

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C100328

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - intervention - intervention volontaire - conditions - intérêt - aspects civils de l'enlèvement international d'enfants - juridiction saisie par l'autorité centrale - possibilité - conventions internationales - accords et conventions divers - convention de la haye du 25 octobre 1980 - intervention volontaire du parent - recevabilité - article 3 - déplacement illicite - définition - cas - critères - résidence habituelle de l'enfant - détermination - portée union europeenne - règlement (ce) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 - compétence judiciaire en matière de responsabilité parentale - déplacement ou non - retour illicite d'un enfant - cas union europeenne - portée

Aucune disposition de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants n'impose au parent, pour le compte de qui il est procédé par le ministère public, de saisir le juge, et, dans la mesure où il y a intérêt, l'intervention volontaire de celui-ci est recevable et ne peut être considérée comme accessoire

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des relations de M. X... et de Mme Y... est née Rachel le 11 octobre 2011 à Limoges ; qu'un arrêt du 5 août 2013 a sursis à statuer sur le litige opposant les parents quant à la fixation de la résidence de l'enfant jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive sur la demande formée par le ministère public le 24 juin 2013 aux fins de retour de l'enfant en Belgique en application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ; que, statuant sur contredit formé par le procureur de la République, la cour d'appel a dit que le juge aux affaires familiales était compétent pour statuer sur la demande de ce dernier et décidé d'évoquer l'affaire au fond ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que Mme Y... soutient que M. X... n'a pas qualité à agir dès lors que seul le ministère public a saisi les juges du fond et qu'il avait la qualité d'intimé ;

Mais attendu qu'aucune disposition de la convention du 25 octobre 1980 n'impose au parent, pour le compte de qui il est procédé par le ministère public, de saisir le juge, et que, dans la mesure où il y a intérêt, l'intervention volontaire de celui-ci est recevable et ne peut être considérée comme accessoire ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, ensemble les articles 2 11) et 11, paragraphe 1, du règlement (CE) du Conseil n° 2201/ 2003 du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale ;

Attendu qu'au sens de ces textes est illicite tout déplacement d'un enfant fait en violation d'un droit de garde exercé effectivement et attribué à une personne par le droit ou le juge de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts A du 2 avril 2009 n° C-523/ 07, arrêt du 22 décembre 2010, Mercredi, aff. C-497/ 10 PPU, arrêt du 9 octobre 2014, C, n° C-376/ 14 PPU) que la résidence habituelle de l'enfant doit être établie en considération de facteurs susceptibles de faire apparaître que la présence physique de l'enfant dans un État membre n'a nullement un caractère temporaire ou occasionnel et que la résidence de l'enfant correspond au lieu qui traduit une certaine intégration dans un environnement social et familial et qu'à cette fin, doivent être notamment pris en compte non seulement la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d'un État membre et du déménagement de la famille dans cet État, la nationalité de l'enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux de l'enfant dans ledit État mais aussi l'intention des parents ou de l'un des deux de s'établir avec l'enfant dans un autre État membre, exprimée par certaines mesures tangibles telles que l'acquisition ou la location d'un logement dans cet État ;

Attendu que, pour écarter la demande de retour de l'enfant, l'arrêt retient que jusqu'en août 2012, date à laquelle le couple X...-Y... a envisagé une vie commune en Belgique, lieu de la résidence professionnelle du père, la mère résidait habituellement en France où Rachel est née, que Mme Y... a déménagé avec ses trois enfants, les deux aînés-issus d'une première union-ayant été inscrits dans une école en Belgique où ils ont suivi les cours pendant le premier trimestre et Rachel ayant été inscrite dans une crèche, qu'elle avait néanmoins conservé son appartement à Limoges où elle avait également inscrit ses deux aînés à l'école le 26 septembre 2012, se réservant ainsi manifestement la possibilité d'un retour en France en cas d'échec de la cohabitation envisagée avec son compagnon, que l'essai de vie commune du couple du mois d'août 2012 au 22 décembre 2012 n'a pas eu pour conséquence de transférer la résidence habituelle de l'enfant en Belgique, que la notion de résidence habituelle de l'enfant, sur laquelle repose l'action en retour de l'enfant illégalement déplacé dans les termes de la Convention de La Haye, suppose en effet une stabilité de cette résidence dans le temps qui, au regard des circonstances susvisées, fait manifestement défaut ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la résidence de l'enfant doit être déterminée à la lumière de l'ensemble des circonstances de fait particulières dont la commune intention des parents de transférer cette résidence ainsi que les décisions prises en vue de l'intégration de l'enfant, la cour d'appel, qui s'est prononcée en considération de la seule durée du séjour de la mère et de sa fille, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'avoir débouté le ministère public de sa demande de retour de l'enfant Rachel, Virginie, née le 11 octobre 2011 à Limoges de Zsolt X... et Margery Y... en Belgique ;

Aux motifs qu'« au fond, le père est demandeur du retour de l'enfant sur le fondement de la convention de La Haye par l'intermédiaire des autorités centrales Belges et Françaises et à la suite des diligences de celles-ci par le biais de l'assignation délivrée par le Ministère Public ; que la convention de La Haye dispose en son article 3 que le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite : a) lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'état dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ; et b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient intervenus ; que l'article 4 prévoit par ailleurs que la convention s'applique à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un état contractant immédiatement avant l'atteinte aux droits de garde ou de visite ; qu'ainsi l'application de la convention de La Haye sur l'enlèvement international d'enfant suppose nécessairement qu'il soit démontré que l'enfant a été illicitement déplacé du pays où il avait sa résidence habituelle immédiatement avant le déplacement ; qu'or, s'il est constant que Margery Y..., a quitté le 22 décembre 2012, avec l'enfant Rachel qu'elle a ramenée en France, un foyer d'accueil en Belgique où elle avait été admise avec ses trois enfants le 16 décembre 2012 à l'issue de sa vie commune en Belgique avec Zsolt X..., il ne peut toutefois être considéré, au regard des éléments du dossier, que la résidence habituelle de Rachel était en Belgique ; que force est de constater en effet que cette enfant, née à Limoges le 11 octobre 2011, y est demeurée avec sa mère et ses frères jusqu'en août 2012, date à laquelle le couple X...-Y... a envisagé une vie commune, laquelle s'est rapidement soldée toutefois par un échec puisque le couple se séparait dès le 16 décembre 2012 ; que s'il est incontestable ainsi que la mère avait déménagé avec ses trois enfants en août 2012 pour vivre avec le père de Rachel en Belgique, les deux plus grands-issus d'une première union-ayant été inscrits dans une école en Belgique où ils ont suivi les cours pendant le premier trimestre et la petite Rachel ayant été inscrite dans une crèche, force est de constater toutefois que la mère avait néanmoins conservé son appartement à Limoges où elle avait également inscrit ses deux aînés à l'école Marcel Proust le 26 septembre 2012, se réservant ainsi manifestement la possibilité d'un retour en France, où elle avait sa résidence habituelle avec ses enfants jusqu'alors, en cas d'échec de la cohabitation envisagée avec son compagnon ; qu'il ne peut être jugé en conséquence que l'essai de vie commune de la mère avec son compagnon en Belgique a eu pour conséquence un transfert de la résidence habituelle de l'enfant Rachel en Belgique, résidence professionnelle du père, où la fratrie n'aura vécu que du mois d'août 2012 au 22 décembre 2012 ; que la notion de résidence habituelle de l'enfant, sur laquelle repose l'action en retour de l'enfant illégalement déplacé dans les termes de la convention de La Haye, suppose en effet une stabilité de cette résidence dans le temps qui, au regard des circonstances susvisées, fait manifestement défaut en I'espèce ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de retour de l'enfant en Belgique fondée sur la convention de La Haye formée par le Ministère Public ;

Alors que la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international des enfants dispose que le déplacement ou le nonretour d'un enfant est considéré comme illicite (a) lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, et (b) que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient survenus (article 3), la Convention s'appliquant à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un Etat contractant immédiatement avant l'atteinte aux droits de garde ou de visite (article 4) ; que la cour d'appel, pour débouter le ministère public de sa demande de retour à Limoges de l'enfant Rachel, Virginie, née le 11 octobre 2011 à Limoges de Zsolt X... et Margery Y... en Belgique, a retenu que l'enfant Rachel était née le 11 octobre 2011 où elle était demeurée avec sa mère et ses frères jusqu'en août 2012, où la mère avait conservé son appartement à Limoges où elle avait également inscrit ses deux aînés à l'école Marcel Proust le 26 septembre 2012, se réservant ainsi manifestement la possibilité d'un retour en France, qu'il ne pouvait être jugé en conséquence que l'essai de vie commune de la mère avec son compagnon en Belgique avait eu pour conséquence un transfert de la résidence habituelle de l'enfant Rachel en Belgique, résidence professionnelle du père, où la fratrie n'aura vécu que du mois d'août 2012 au 22 décembre 2012, et que la notion de résidence habituelle de l'enfant, sur laquelle repose l'action en retour de l'enfant illégalement déplacé dans les termes de la convention de La Haye, suppose en effet une stabilité de cette résidence dans le temps qui, au regard des circonstances susvisées, fait manifestement défaut en I'espèce ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la mère avait déménagé avec ses trois enfants en août 2012 pour vivre avec le père de Rachel en Belgique, les deux plus grands-issus d'une première union-ayant été inscrits dans une école en Belgique où ils avaient suivi les cours pendant le premier trimestre et que la petite Rachel avait été inscrite dans une crèche, et subordonnant l'application de la Convention de La Haye à des conditions, de durée dans le passé et de certitude dans l'avenir, non prévues par la Convention, a violé les articles 3 et 4 de cette convention.

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