19 mars 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-14.389

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C200411

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - ordonnance sur requête - sauvegarde des droits d'une partie ou d'un tiers - mesure prise non contradictoirement - justification - nécessité - mesures d'instruction - sauvegarde de la preuve avant tout procès

Justifie légalement sa décision au regard des articles 145 et 493 du code de procédure civile la cour d'appel qui accueille la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant une mesure d'instruction in futurum après avoir relevé que l'ordonnance visait la requête et les pièces jointes, et que cette requête se bornait à invoquer un risque de dépérissement des preuves et à reprendre les termes de l'article 493 du code de procédure civile, sans démonstration ni prise en compte d'éléments propres au cas d'espèce caractérisant des circonstances autres justifiant la dérogation au principe de la contradiction

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 janvier 2014), qu'alléguant, au préjudice de la société Infilease, des actes de détournement de clientèle, constitutifs d'une concurrence déloyale qu'il imputait à la société Infimed et à M. X..., dirigeant de celle-ci et associé majoritaire de la société Infilease, M. Y..., second associé de cette société, a obtenu du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins notamment d'audition de personnes, de constatations, remises et copie de documents sur tous supports y compris informatiques ; que la société Infilease, la société Infimed et M. X...ont sollicité la rétractation de l'ordonnance sur requête ;

Attendu que M. Y...et M. Z..., en qualité de mandataire ad hoc de la société Infilease, font grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance et d'annuler les opérations de constat effectuées, alors, selon le moyen :

1°/ que les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige peuvent être ordonnées sur requête dès lors que les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'il est ainsi justifié par M. Y...de la nécessité d'écarter le principe du contradictoire dès lors qu'il se prévaut expressément dans sa requête d'un souci d'efficacité et d'un risque de dépérissement des preuves ; qu'il résulte des termes clairs et précis de la requête présentée par M. Y..., afin de voir ordonner sur requête des mesures d'instruction in futurum, que « le président du tribunal de céans ne pourra que constater, par ailleurs, que, pour être efficace et éviter tout risque de dépérissement des preuves par la société Infimed, la mesure de constat souhaitée par les requérants ne peut pas être sollicitée contradictoirement » ; qu'en décidant cependant que ni la requête présentée par M. Y...ni l'ordonnance sur requête ne caractérisaient, par une référence aux éléments propres au cas d'espèce, l'existence de circonstances justifiant de déroger au principe de la contradiction dès lors que M. Y...s'était borné à reproduire l'article 493 du code de procédure civile, bien que la procédure d'ordonnance sur requête ait été expressément motivée par un souci d'efficacité et par la volonté de prévenir la disparition des éléments de preuve recherchés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que la requête et l'ordonnance étaient motivées par un souci d'efficacité et par la conservation des documents de preuve justifiant qu'il soit porté atteinte au principe du contradictoire ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 145, 493, 496, 497 et 875 du code de procédure civile ;

2°/ si tel n'est pas le cas, que, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête, il appartient au juge de vérifier que la procédure d'ordonnance sur requête s'imposait afin de prévenir la disparition des éléments de preuve recherchés, ainsi que le soutenait M. Y...au soutien de sa demande tendant au prononcé de mesures d'instruction in futurum ; qu'en décidant, pour rétracter la mesure d'instruction in futurum ordonnée sur requête, que M. Y...ne démontre pas l'existence de circonstances justifiant de déroger à l'existence du contradictoire qu'il allègue dans la requête faisant corps avec l'ordonnance, quand il appartenait à la juridiction du second degré, saisie d'une demande de rétractation, d'en vérifier l'existence, au jour du prononcé de l'ordonnance sur requête, en considération de ce qui avait été soutenu, la cour d'appel a subsidiairement méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles 145, 496, 497 et 875 du code de procédure civile ;

3°/ qu'il résulte des termes clairs et précis de la requête présentée par M. Y..., afin de voir ordonner sur requête des mesures d'instruction in futurum, que « le président du tribunal de céans ne pourra que constater, par ailleurs, que, pour être efficace et éviter tout risque de dépérissement des preuves par la société Infimed, la mesure de constat souhaitée par les requérants ne peut pas être sollicitée contradictoirement » ; qu'en décidant que les termes de la requête sont la reproduction pure et simple de l'article 493 du code de procédure civile qui est rédigé en des termes différents dès lors qu'il prévoit que « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la requête ; qu'ainsi, elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la requête était muette sur les circonstances susceptibles de justifier qu'il soit procédé non contradictoirement et énonçait que, pour être efficace et éviter tout risque de dépérissement des preuves par la société Infimed, la mesure de constat ne pouvait pas être sollicitée contradictoirement, ce qui ne constituait que la reprise des termes de l'article 493 du code de procédure civile sans démonstration ni prise en compte d'éléments propres au cas d'espèce et, d'autre part, que l'ordonnance se bornait à viser la requête et les pièces jointes sans faire état de circonstances autres justifiant la dérogation au principe de la contradiction, c'est à bon droit et sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel, tenue de statuer au vu des seuls motifs exposés dans la requête, a décidé qu'il y avait lieu de rétracter l'ordonnance ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y...à payer à M. X..., à la société Infilease et à la société Infimed la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. Y...et M. Z...en qualité de mandataire ad hoc de la société Infilease

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR ordonné la rétractation de l'ordonnance rendue le 17 septembre 2012 par le président du Tribunal de commerce de Lille, à la requête de M. Jean-Baptiste Y..., D'AVOIR annulé l'ensemble des opérations de constat effectuées par Maître A..., huissier de justice, en exécution de l'ordonnance ci-dessus rétractée, D'AVOIR ordonné la restitution à M. Olivier X..., à la SAS INFILEASE et à la SAS INFIMED de l'ensemble des documents pris en original ou en copie par Maître A... à l'occasion de l'exécution de ladite ordonnance, ainsi que l'ensemble des procès-verbaux dressés par l'huissier à cette occasion, D'AVOIR dit que cette restitution devrait intervenir au plus tard dans les 48 heures suivant la signification du présent arrêt, faute de quoi, passé ce délai, M. Jean-Baptiste Y...serait redevable d'une astreinte de 200 € par jour de retard pendant trois mois, période à l'issue de laquelle une nouvelle astreinte pourra être prononcée le cas échéant, D'AVOIR fait défense à M. Jean-Baptiste Y...de faire usage ou de faire état, pour quelque motif que ce soit des pièces et informations qui ont été portées à sa connaissance à la faveur des opérations de constat effectuées par l'huissier désigné dans l'ordonnance ci-dessus rétractée, D'AVOIR débouté M. Jean-Baptiste Y...et Me Z..., es qualités de mandataire ad hoc de la société INFILEASE, de leurs demandes visant à ce qu'il soit dit que M. Jean-Baptiste Y...pouvait faire usage du procès-verbal de constat d'huissier et des pièces y annexées et qu'en tout état de cause, ils sont autorisés à faire usage des annexes devant les juridictions, notamment le Tribunal de commerce de LILLE, D'AVOIR dit que, dans le cadre de l'instance en rétractation, la cour n'a pas le pouvoir de statuer sur la faute éventuelle de l'huissier concernant la communication des pièces saisies par lui ;

AUX MOTIFS QUE les appelants se prévalent, sous couvert de la qualification impropre « d'incompétence matérielle », de ce qu'il existait, à la date de la requête, une instance connexe pendante ; qu'en réalité, ce moyen se rattache aux conditions qui doivent être réunies pour que prospère une requête aux fins de constatations non contradictoires basée sur l'article 145 du Code de procédure civile ; qu'en préalable à cette condition propre aux constatations requises avant tout procès, il existe une autre condition commune à l'ensemble des requêtes fondées sur l'article 493 du Code de procédure civile et dont il appartient à la cour de vérifier si elle est bien remplie au présent cas d'espèce ; qu'en effet, l'article 493 précité dispose que « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse » ; que selon l'article 875 du Code de procédure civile, « le président du tribunal de commerce peut ordonner, sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement » ; que selon l'article 875 du Code de procédure civile, « le président du tribunal de commerce peut ordonner, sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement » ; qu'il appartient au juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête de rechercher, au besoin d'office, si la requête et l'ordonnance rendue sur son fondement exposent les circonstances exigeant que la mesure réclamée ne soit pas prise contradictoirement ; qu'en l'espèce, la lecture de la requête déposée par M. Jean-Baptiste Y...le 17 septembre 2012 révèle certes que cette pièce comporte une motivation quant à l'intérêt que le requérant estimait avoir à faire réaliser un certain nombre de constatations avant tout procès en concurrence déloyale dirigé à l'encontre de la société INFIMED ; que néanmoins, l'énoncé d'un motif légitime - au sens de l'article 145 du Code de procédure civile - à conserver ou établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre l'action en concurrence déloyale à intervenir, ne saurait se confondre avec l'énoncé des circonstances justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, dès lors que ces deux conditions, distinctes, sont cumulativement exigées à l'appui d'une requête aux fins de mesures prises non contradictoirement ; que force est de constater que cette requête est totalement muette sur la ou les circonstance (s) susceptible (s) d'autoriser, en l'occurrence, une dérogation au principe de la contradiction, puisqu'elle énonce simplement in fine, au moyen d'une formule générale non circonstanciée, que : « pour être efficace et éviter tout dépérissement des preuves par la société INFIMED, la mesure de constat souhaitée ne peut pas être sollicitée contradictoirement », ce qui ne constitue qu'une reprise des termes de l'article 493 du Code de procédure civile, sans démonstration à l'appui, ni prise en compte des éléments propres au présent cas d'espèce, et ne satisfait donc pas à l'exigence de motivation de la requête posée par ce texte ; que si l'ordonnance rendue sur cette requête le 17 septembre 2012 pouvait valablement se limiter à viser la requête et les pièces qui y sont jointes ¿ ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête ¿ toutefois, en conséquence de ce simple visa, cette ordonnance ne contient pas non plus l'énoncé des circonstances justifiant qu'il fût fait exception au principe de la contradiction au présent cas ; qu'il s'ensuit que la requête n'a pas régulièrement saisi le juge et que l'ordonnance du 17 septembre 2012 n'est pas non plus régulière ; qu'il y a donc lieu de rétracter l'ordonnance dont s'agit, sans qu'il soit besoin de statuer sur les mérites de la requête ; que par voie de conséquence, il sera fait droit aux demandes des appelants tendant à l'annulation des opérations de constatations diligentées par l'huissier commis sur la base de la requête rétractée, à la restitution des pièces saisies par l'huissier sous astreinte, tel que précisé au dispositif du présent arrêt, et à ce qu'il soit fait défense à M. Jean-Baptiste Y...d'utiliser ces pièces ; que l'ordonnance entreprise sera donc réformée en ses dispositions disant n'y avoir lieu à sa rétractation ; que par ailleurs, les intimés seront déboutés de leurs demandes visant à ce qu'il soit dit que M. Jean-Baptiste Y...pouvait faire usage du procès-verbal de constat d'huissier et des pièces y annexées, et qu'en tout état de cause, ils sont autorisés à faire usage des annexes devant les juridictions ; que pour rejeter ces demandes également présentées devant lui, le premier juge a relevé que l'éventuelle faute commise dans l'utilisation des pièces saisies par l'huissier est étrangère à la demande de rétractation dont il était saisi ; qu'en effet, l'instance en rétractation ayant pour seul objet et de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement u ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet ; que dès lors, doit être infirmée la disposition de l'ordonnance entreprise constatant la faute de l'huissier concernant la communication des pièces par lui saisies, la cour saisie en appel d'une décision rendue par le juge de la rétractation n'ayant pas le pouvoir de statuer sur ce point ; que pour le même motif, les demandes indemnitaires présentées par les appelants à l'encontre de M. Jean-Baptiste Y...pour abus de droit résultant du fait d'avoir sollicité le constat d'huissier litigieux et de l'usage des pièces saisies par l'huissier, sont irrecevables devant la cour ;

1. ALORS QUE les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, peuvent être ordonnées sur requête dès lors que les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'il est ainsi justifié par le requérant de la nécessité d'écarter le principe du contradictoire dès lors qu'il se prévaut expressément dans sa requête d'un souci d'efficacité et d'un risque de dépérissement des preuves ; qu'il résulte des termes clairs et précis de la requête présentée par M. Y..., afin de voir ordonner sur requête des mesures d'instruction in futurum, que « le président du Tribunal de céans ne pourra que constater, par ailleurs, que pour être efficace et éviter tout risque de dépérissement des preuves par la société INFIMED, la mesure de constat souhaitée par les requérants ne peut pas être sollicitée contradictoirement » (requête, p. 7, in fine) ; qu'en décidant cependant que ni la requête présentée par M. Y...ni l'ordonnance sur requête ne caractérisaient, par une référence aux éléments propres au cas d'espèce, l'existence de circonstances justifiant de déroger au principe de la contradiction dès lors que M. Y...s'était borné à reproduire l'article 493 du Code de procédure civile, bien que la procédure d'ordonnance sur requête ait été expressément motivée par un souci d'efficacité et par la volonté de prévenir la disparition des éléments de preuve recherchés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que la requête et l'ordonnance étaient motivées par un souci d'efficacité et par la conservation des documents de preuve justifiant qu'il soit porté atteinte au principe du contradictoire ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 145, 493, 496, 497 et 875 du Code de procédure civile ;

2. ALORS si tel n'est pas le cas QUE saisie d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête, il appartient au juge de vérifier que la procédure d'ordonnance sur requête s'imposait afin de prévenir la disparition des éléments de preuve recherchés, ainsi que le soutenait le requérant au soutien de sa demande tendant au prononcé de mesures d'instruction in futurum ; qu'en décidant, pour rétracter la mesure d'instruction in futurum ordonnée sur requête, que M. Y...ne démontre pas l'existence de circonstances justifiant de déroger à l'existence du contradictoire qu'il allègue dans la requête faisant corps avec l'ordonnance, quand il appartenait à la juridiction du second degré, saisie d'une demande de rétractation, d'en vérifier l'existence, au jour du prononcé de l'ordonnance sur requête, en considération de ce qui avait été soutenu, la cour d'appel a subsidiairement méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles 145, 496, 497 et 875 du Code de procédure civile ;

3. ALORS QU'il résulte des termes clairs et précis de la requête présentée par M. Y..., afin de voir ordonner sur requête des mesures d'instruction in futurum, que « le président du Tribunal de céans ne pourra que constater, par ailleurs, que pour être efficace et éviter tout risque de dépérissement des preuves par la société INFIMED, la mesure de constat souhaitée par les requérants ne peut pas être sollicitée contradictoirement » (requête, p. 7, in fine) ; qu'en décidant que les termes de la requête sont la reproduction pure et simple de l'article 493 du Code de procédure civile qui est rédigé en des termes différents dès lors qu'il prévoit que « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la requête ; qu'ainsi, elle a violé l'article 4 du Code de procédure civile.

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