8 janvier 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-27.678

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C200025

Titres et sommaires

PERSONNE MORALE - personne morale de droit public - collectivité territoriale - recouvrement de créance - titre exécutoire - action en contestation - prescription - délai - opposabilité - conditions - détermination - portée - notification - mentions - délais et voies de recours - nécessité

Le délai de deux mois ouvert par l'article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales au débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé du titre exécutoire constatant ladite créance n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que la voie de recours, dans la notification de ce titre exécutoire. Encourt par conséquent la censure l'arrêt qui déclare irrecevable comme tardive la contestation d'une redevance d'assainissement, en retenant notamment que le redevable avait été informé des délais de recours et de la nécessité de saisir le tribunal de grande instance eu égard au montant de la créance, aux motifs que la notification du titre de perception mentionnait que la créance pouvait être contestée en fonction de sa nature en saisissant le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance et indiquait, seulement parmi des exemples, que la contestation des redevances d'assainissement est portée devant le tribunal d'instance si le montant est inférieur à 7 600 euros et devant le tribunal de grande instance au-delà de ce seuil, sans désigner la juridiction devant laquelle le recours devait être porté

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales et R. 421-5 du code de justice administrative ;

Attendu qu'en application du premier de ces textes l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ; qu'en vertu du second texte, dont l'application n'est pas exclue par le premier, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la régie du SPANC du territoire de La Cinor (la régie) ayant émis, le 18 décembre 2009, un titre de recette à l'encontre de la société Grand Moka, celle-ci a formé un recours gracieux le 18 février 2010 puis a contesté le titre devant un tribunal de grande instance, saisi par une assignation délivrée le 9 novembre 2010 ;

Attendu que pour déclarer l'action de la société Grand Moka irrecevable comme prescrite, la cour d'appel retient que le titre, daté du 18 décembre 2009, précise les modalités de règlement, les renseignements, réclamations, difficultés de paiement et voies de recours dont il peut faire l'objet ; que le titre mentionne expressément « attention la contestation amiable ne suspend pas le délai de saisine du juge judiciaire » et précise que la créance peut être contestée en fonction de sa nature en saisissant directement le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance, indiquant au surplus parmi les exemples que les redevances d'assainissement sont portées devant le tribunal d'instance si le montant est inférieur à 7 600 euros et devant le tribunal de grande instance au-delà de ce seuil, qu'il résulte de ces éléments que le redevable a été clairement informé des délais de recours, de l'effet non suspensif de la contestation amiable à l'égard de la saisine du juge judiciaire et de la nécessité de saisir le tribunal de grande instance eu égard au montant de la créance ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait que la notification du titre de perception ne désignait pas la juridiction devant laquelle le recours devait être porté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;

Condamne la régie du SPANC du territoire de La Cinor aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la régie du SPANC du territoire de La Cinor ; la condamne à payer à la société Grand Moka la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Grand Moka.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif par substitution de motifs, d'AVOIR déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la Société GRAND MOKA dirigée contre l'ETABLISSEMENT PUBLIC REGIE du SPANC du TERRITOIRE de la CINOR ;

AUX MOTIFS QUE la SARL GRAND MOKA estime que son recours n'est pas tardif, considérant que, pour être opposable, le délai doit avoir été valablement notifié, que le recours gracieux interrompt le délai de recours contentieux, que le titre exécutoire doit être annulé à défaut de mention de l'identité de son auteur et de sa signature et compte tenu de l'illégalité de la demande, de la violation de l'article R. 2224-19-8 du Code général des collectivités territoriales et de l'article 81 alinéa 1 du décret du 29 décembre 1962 sur la comptabilité publique ; que la Régie du service public d'assainissement non collectif du territoire de la CINOR rappelle les dates d'émission du titre exécutoire, de la réclamation préalable, de son rejet et de l'assignation ; qu'elle fait valoir que le recours administratif contre un titre exécutoire relevant de la juridiction judiciaire en cas de litige n'interrompt pas le délai de saisine du juge judiciaire, comme mentionné sur le titre exécutoire, qu'à supposer que le recours gracieux ait interrompu le délai, son rejet a fait courir les délais, que le jugement doit être confirmé d'autant que l'appelante a parfaitement identifié l'émetteur du titre exécutoire, que la demande est fondée sur l'article R. 2224-19 du Code général des collectivités territoriales, que l'existence de la redevance était connue de la SARL GRAND MOKA, qu'au moment de l'instruction du dossier, le lotisseur est le propriétaire à qui le coût de l'intervention est facturé, qu'elle exerce un contrôle sur pièces et rend un avis technique ; que l'article L. 1617-5 du Code général des collectivités territoriales visé par le titre exécutoire dispose en son 2° que l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ; que l'action dont dispose le débiteur de la créance visée à l'alinéa précédent pour contester directement devant le juge de l'exécution mentionné aux articles L. 213-5 et L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire la régularité formelle de l'acte de poursuite diligenté à son encontre se prescrit dans le délai de deux mois suivant la notification de l'acte contesté ; que le titre est daté du 18 décembre 2009 et qu'il précise les modalités de règlement, les renseignements, réclamations, difficultés de paiement et voies de recours dont il peut faire l'objet ; que si sa date de réception n'est pas connue, il est constant qu'il a été contesté par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2010 adressée à l'établissement émetteur ; que le titre mentionne expressément « attention la contestation amiable ne suspend pas le délai de saisine du juge judiciaire » et précise que la créance peut être contestée en fonction de sa nature en saisissant directement le Tribunal judiciaire ou le Tribunal administratif compétent selon la nature de la créance indiquant au surplus parmi les exemples que les redevances d'assainissement sont portées devant le Tribunal d'instance si le montant est inférieur à 7 600 euros et devant le Tribunal de grande instance au-delà de ce seuil ; qu'il résulte de ces éléments que le redevable a été clairement informé des délais de recours, de l'effet non suspensif de la contestation amiable à l'égard de la saisine du juge judiciaire et de la nécessité de saisir le Tribunal de grande instance eu égard au montant de la créance ; qu'autrement dit, d'une part, la contestation amiable n'a pas interrompu de délai de saisine du juge judiciaire, à l'inverse de ce qui a été retenu par le premier juge mais d'autre part, ainsi qu'il l'a retenu, la contestation intervenue par assignation du 9 novembre 2010 est tardive et l'action irrecevable de sorte que le jugement doit être confirmé par substitution de motifs ;

ALORS QUE, D'UNE PART, l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire, à condition que ce délai ait été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision avec la précision du tribunal compétent et du lieu où elles doivent être exercées ; que la notification du titre exécutoire daté du 18 décembre 2009 mentionne « Dans le délai de deux mois suivant la notification du présent acte (article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales), vous pouvez contester la somme mentionnée ci-dessus en saisissant directement le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance. A titre d'exemple : cantines scolaires : tribunal administratif ; produits hospitaliers (frais d'hospitalisation, soins, frais d'hébergement, forfait journalier) : tribunal administratif ; loyers d'habitation et charges locatives : tribunal d'instance ; redevances d'assainissement : tribunal d'instance si le montant de la créance est inférieur ou égal au seuil fixé par l'article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire et tribunal de grande instance au-delà de ce seuil (actuellement fixé à 7600 €) ; redevances d'enlèvement des ordures ménagères : tribunal d'instance ou tribunal de grande instance selon le même seuil que ci-dessus ; consommation d'eau : tribunal d'instance ou de grande instance selon le même seuil que ci-dessus » ; qu'en considérant, pour dire prescrite l'action de la Société GRAND MOKA, qu'une telle notification l'avait clairement informée des délais et voies de recours, la Cour d'appel a violé l'article L. 1617-5-2° du code général des collectivités territoriales, ensemble les articles R. 421-5 du code de justice administrative, 1er dernier alinéa du décret n° 65-29 du 11 janvier 1965, issu du décret n° 93-1025 du 28 novembre 1983, 680 et 693 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, sauf texte législatif ou règlementaire contraire, l'exercice d'un recours gracieux interrompt le délai du recours contentieux ; qu'en relevant, pour considérer que le recours gracieux introduit par la Société GRAND MOKA devant l'ETABLISSEMENT PUBLIC REGIE du SPANC du TERRITOIRE de la CINOR n'avait pas interrompu le délai de son recours contentieux, que le titre exécutoire mentionnait expressément « attention la contestation amiable ne suspend pas le délai de saisine du juge judiciaire », la Cour d'appel, qui n'a relevé aucun texte l'excluant, a violé l'article L. 1617-5 2° du code général des collectivités territoriales.

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