10 décembre 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-23.903

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:C101463

Titres et sommaires

AGRICULTURE - contrat d'intégration - nullité - effets - restitution des prestations fournies - restitution par équivalent - définition - exclusion - bénéfices tirés du contrat par l'intégrateur

Pour remettre les parties d'un contrat d'intégration annulé dans leur état antérieur, seules doivent être prises en considération les prestations fournies par chacune d'elles en exécution de ce contrat, sans avoir égard aux bénéfices tirés de celui-ci par l'intégrateur

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 5 janvier 2004, M. X..., exploitant agricole, a conclu un contrat de production d'oeufs de dindes à couver avec la société Sicamen, aux droits de laquelle vient la société Caringa (la société) ; que M. X... a assigné la société en annulation de ce contrat d'intégration ;


Sur le moyen unique pris en sa première branche :


Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner, suite à l'annulation du contrat litigieux, à payer à M. X... une certaine somme au titre des prestations fournies par celui-ci en exécution du contrat, alors, selon le moyen, que l'annulation d'une convention a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ; que pour déterminer la valeur du service fourni par M. X... en exécution du contrat d'intégration annulé, la cour d'appel s'est fondée sur la convention collective des exploitations d'élevage de la Sarthe ; que cette convention, qui ne concerne que les travailleurs salariés, ne pouvait recevoir application s'agissant d'une prestation de service par un éleveur indépendant et non salarié ; que la cour d'appel a ainsi fait une fausse application de la convention collective litigieuse et violé les articles 1234 et 1304 du code civil ;


Mais attendu que le moyen, sous le couvert de grief non fondé de violation de la loi, tente de contester l'évaluation souveraine faite par la cour d'appel des prestations contractuelles fournies par M. X... ; qu'il ne peut donc être accueilli ;


Mais sur le premier moyen pris en sa seconde branche :


Vu l'article 1234 du code civil ;


Attendu que pour condamner la société à payer à M. X..., en conséquence de l'annulation du contrat litigieux, une certaine somme au titre des bénéfices réalisés sur la vente des oeufs produits, l'arrêt retient que la remise des parties dans la situation où elles se trouvaient avant la signature du contrat annulé interdit à la société de conserver l'intégralité de ces bénéfices ;


Qu'en statuant ainsi, alors que pour remettre les parties d'un contrat d'intégration annulé dans leur état antérieur, seules doivent être prises en considération les prestations fournies par chacune d'elles en exécution de ce contrat, sans avoir égard aux bénéfices tirés de celui-ci par l'intégrateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Caringa à payer à M. X... la somme de 122 373 euros au titre des bénéfices réalisés sur la vente des oeufs qu'il a livrés, l'arrêt rendu le 25 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;


Condamne M. X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Caringa.


Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société GRELIER POUSSINS ACCOUVEUR à payer à Monsieur X... la somme de 90.341 euros à titre d'indemnisation de son travail et 122.373 euros à titre d'indemnisation pour les bénéfices réalisés sur la vente des oeufs qu'il a livrés,


AUX MOTIFS QUE sur la détermination du manque à gagner au titre de la rémunération du travail de M. X..., cette rémunération concerne six lots mis en place dans les bâtiments de M. X... entre le 30 mars 2004 et le 26 février 2008 ; qu'afin de déterminer son montant, il apparaît pertinent, comme le propose l'expert judiciaire, de prendre pour référence la convention collective des exploitations d'élevage de la Sarthe ; que c'est en toute connaissance de cause de l'absence de formation théorique de M. Jean-Christophe X... en matière d'aviculture, que la société SICAMEN (GRELIER POUSSINS ACCOUVEUR), après avoir fait bénéficier M. X... d'une formation pratique de quatre mois en son sein, a conclu, en dehors de toute relation salariée, un contrat d'intégration pour douze ans dont elle a accepté de poursuivre l'exécution pendant cinq ans sans contester ni la qualité des prestations fournies, ni le rendement de l'éleveur, allant même jusqu'à insister pour que, malgré sa volonté exprimée le 10 mai 2007 de mettre un terme au contrat d'intégration, il accepte d'élever un dernier lot qui a été mis en place le 19 juillet 2007 ; que dans ces conditions, la société GRELIER POUSSINS ACCOUVEUR ne peut utilement invoquer une productivité insatisfaisante pour prétendre voir réduite la rémunération qui est due à M. X... ; qu'au demeurant, un tel défaut de productivité n'a pas été retenu par l'expert et ne résulte que d'attestations tardivement produites et de tableaux élaborés par la société GRELIER elle-même sans possibilité d'en vérifier l'exactitude alors que l'expert affirme n'avoir pas obtenu d'elle en cours d'expertise de documents relatifs aux coûts de revient d'autres lots que ceux de M. X... (p 13 du rapport d'expertise) ; qu'afin de tenir compte de son manque d'expérience et de formation théorique en début de contrat, l'expert a pertinemment proposé une rémunération croissante correspondant, pendant un an et quatre mois, à celle d'un agent technique d'exploitation, puis, pendant un an, à celle d'un chef d'élevage, et enfin, du 1er juillet 2006 au 28 février 2008, à celle d'un directeur d'exploitation ; que sur cette base et compte tenu des résultats globalement bénéficiaires de la société S1CAMEN (GRELIER) en 2006 et 2007 et du résultat consolidé de M. X... de 2004 à début 2008 (402 euros) hors rémunération de son travail, il convient d'approuver l'expert qui a fixé à la somme de 90 341 euros le juste montant de cette indemnisation en exécution du contrat annulé ; que la valorisation croissante du travail fourni par M. X... de 2004 à 2008 compense intégralement son manque d'expérience en début de période sans qu'il y ait lieu d'appliquer à la somme de 90 341 euros l'abattement supplémentaire de 30 % proposé par l'expert afin de « tenir compte du fait que M. X... débutait comme éleveur » ; que par ailleurs, la société GRELIER ne saurait utilement voir réduire de 22% l'indemnisation du travail fourni par M. X... ; qu'en effet, il ressort de l'attestation du CER FRANCE en date du 12 avril 2013 que ce dernier devra payer des cotisations sociales sur cette indemnisation ; que dans ses dernières conclusions, la société GRELIER demande que soit déduite de l'indemnisation du travail de M. X... la somme de 35 542,81 euros qu'elle affirme correspondre à la valeur des 76 623 oeufs à couver qu'il se serait approprié sur le dernier lot ; que cependant, il y a lieu de relever que la société GRELIER n'a présenté cette réclamation ni avant la dénonciation du contrat et l'introduction la procédure judiciaire, ni en cours d'expertise et qu'elle se dispense de rapporter la preuve de la réalité et de l'ampleur du détournement qu'elle invoque ; que dans ces conditions, il y a lieu d'écarter la demande de la société GRELIER à ce titre ; que sur la demande de M. X... au titre du bénéfice réalisé par la société GRELIER sur les oeufs qu'il a produits et livrés à la société SICAMEN (GRELIER) pendant la durée d'exécution du contrat annulé du fait de l'annulation prononcée le 27 octobre 2009, le contrat d'intégration du 5 janvier 2004 est rétroactivement anéanti et les parties doivent être rétablies dans la situation où elles étaient avant sa conclusion ;qu'il en résulte que tous les actes et les engagements qui sont la suite ou la conséquence du contrat annulé ne peuvent être pris en considération pour la détermination des sommes dues à M. X... ; que cependant, la remise des parties dans la situation où elles se trouvaient avant la signature du contrat annulé interdit à l'accouveur de conserver le bénéfice de la vente des oeufs produits par l'éleveur en exécution du contrat annulé ; que M. X... bénéficie donc légitimement d'une créance au titre des bénéfices réalisés par la société GRELIER dans la vente des oeufs qu'il lui a livrés ; que s'agissant d'une appréciation à caractère juridique, l'avis de M. Y... selon lequel M. X... ne peut prétendre, dans le cadre de l'apurement des comptes, à une participation au titre des bénéfices réalisés par la société GRELIER ne saurait faire échec aux principes rappelés ci-dessus ; que par contre, il incombe à M. X... de prouver la réalité et le montant des bénéfices sur lesquels il fonde sa créance compte tenu qu'il n'est pas contestable que la société GRELlER assume seule les risques résultant du choix des souches, ainsi que les investissements et les charges liées à l'écoulement des oeufs à couver livrés (prospection de clientèle, vente, facturation, livraison,...) ; que la société GRELIER n'ayant pas produit, malgré les demandes réitérées de l'expert judiciaire, les éléments permettant de déterminer les profits qu'elle a réalisés à partir de l'atelier LANDAIS, et, notamment n'ayant pas communiqué le prix de vente des OAC livrés, ce prix moyen peut être fixé à 0,62 euros par OAC tel que proposé par le CER ; que sur cette base, compte tenu des charges de la société GRELIER afférent à cet atelier (1 870 868 euros) et des 4 154 375 OAC livrés par M. X..., il est possible de chiffrer à la somme de 704 844 euros le bénéfice réalisé par l'accouveur ; que cependant, ce bénéfice ne prend en compte ni les amortissement des investissements, ni les coûts et les risques liés à la sélection et au choix des souches, ni les dépenses liées à l'écoulement des oeufs livrés ; que ces risques et ces charges supportés exclusivement par la société GRELIER ne peuvent profiter à M. X... dans l'évaluation de son manque à gagner ; que ce dernier ne peut donc justement prétendre qu'à la moitié de la somme de 704 844 euros après déduction de celle de 460 098 euros (p 14 du rapport d'expertise) qu'il a perçue au titre de son activité d'éleveur ; qu'il lui sera donc alloué la somme de 122 373 euros (704 844 - 460 098 ) /2 dans le cadre de l'apurement des comptes résultant de l'annulation du contrat d'intégration au titre de sa participation au bénéfice réalisé sur les oeufs qu'il a produits et livrés du 3 mars 2004 au 26 février 2008,


1) ALORS QUE l'annulation d'une convention a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ; que pour déterminer la valeur du service fourni par Monsieur X... en exécution du contrat d'intégration annulé, la cour d'appel s'est fondée sur la convention collective des exploitations d'élevage de la Sarthe ; que cette convention, qui ne concerne que les travailleurs salariés, ne pouvait recevoir application s'agissant d'une prestation de service par un éleveur indépendant et non salarié ; que la cour d'appel a ainsi fait une fausse application de la convention collective litigieuse et violé les articles 1234 et 1304 du code civil ;


2) ALORS QUE l'annulation d'un contrat synallagmatique exécuté entraîne des restitutions réciproques ; que lorsque la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution s'avère impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation en nature qu'elle ne peut restituer doit s'acquitter d'une indemnité équivalente à cette prestation ; que cette indemnité ne saurait excéder la rémunération de la prestation et englober les bénéfices qu'a pu éventuellement en tirer son cocontractant, dans le cadre de son activité propre ; qu'en accordant cependant à M. X... une somme de 122.373 euros à titre d'indemnisation pour les bénéfices réalisés sur la vente des oeufs qu'il avait livrés, la cour d'appel a violé les articles 1234 et 1304 du code civil.

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