5 novembre 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-25.820

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:C101304

Titres et sommaires

SOCIETE (RèGLES GéNéRALES) - associés - qualité - epoux commun en biens - perception des dividendes par le conjoint - conditions - accord de l'époux associé - recherche nécessaire

L'associé a seul qualité pour percevoir les dividendes. En conséquence, la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'épouse, à laquelle devaient être versés des dividendes, avait donné son accord pour qu'ils le soient entre les mains de son conjoint n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1832-2 du code civil

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y..., mariés sans contrat préalable, sont devenus associés de la société CIBTP (la société), dont le premier détenait 200 parts et la seconde 9500 parts, que la société ayant versé à M. X... les dividendes au titre des années 2002 et 2005 dus à Mme Y..., celle-ci a assigné la société et son époux aux fins de paiement de ces sommes ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 1832-2 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Y... dirigée contre la société, l'arrêt retient que celle-ci a versé les sommes dues et que M. X... est réputé légalement, par les articles 1421 et 1401 du code civil, avoir perçu les dividendes en cause pour le compte de la communauté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'associé a seul qualité pour percevoir les dividendes, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'épouse avait donné son accord pour que ces dividendes soient versés entre les mains de son conjoint, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu que la cassation ainsi prononcée rend sans objet le grief de la troisième branche et entraîne la cassation par voie de conséquence du rejet des demandes indemnitaires de Mme Y..., critiqué par les trois dernières branches du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'arrêt rendu le 5 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. X... et la CIBTP aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et la société CIBTP à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros, rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement et débouté madame Y... de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;

AUX MOTIFS QU'« Il est constant comme le souligne les premiers juges que :- la société CIBTP a mis en distribution pour les exercices 2002 et 2005 des dividendes dont une part revenait à Mme Y... en tant qu'associée, sa part étant encaissée par Monsieur X... à hauteur de 696087. 50 €,- Madame Y... était gérante de la société CIBTP au moment de la décision de répartition de dividendes de 200l et 2005 et elle n'établit à aucun moment n'avoir été qu'une gérante prête-nom, étant relevé que Mme Y..., au soutien de sa demande d'expertise, exposait qu'elle était elle-même gérante de la société jusqu'en 2008 (soit à peine plus d'un an avant l'introduction du référé), c'est-à-dire non seulement au moment de la décision de distribution des dividendes, mais aussi du versement aux associés par la société CIBTP des sommes en cause,- le Notaire instrumentaire désigné, après investigation de la situation de chacun des époux (dont les comptes y compris au Portugal ont été évoqués), a dans son rapport reconnu une équivalence des situations des époux : (Pièce 3 Page 35) « Au vu du projet de liquidation, il n'apparaît pas de déséquilibre dans le patrimoine des époux » et aucun des époux ne prétend à l'acquisition de biens propres avant l'introduction de la procédure en divorce, et leurs droits dans le patrimoine commun est totalement égalitaire (Appartements, maison, parts sociales.),- les parts sociales détenues par les époux dans le capital de la société CIBTP sont des biens communs pour avoir été acquises pendant la durée du mariage et avec des fonds communs,- s'agissant de dividendes, il s'agit de fruits revenant à chacun des associés et non de fruits communs. Cela dit (...)

Sur la créance de Madame Y... sur la société :

Mme Y... est irrecevable et en tous les cas mal fondée en sa demande de condamnation de la société CIBTP dès lors que celle-ci a versé les sommes dues et que Monsieur X... est réputé légalement par les articles 1421 et 140 du code civil avoir perçu pour le compte de la communauté les dividendes en cause. Le moyen soutenu par l'appelante sera rejeté et le jugement infirmé.

Sur la créance de Madame Y... sur Monsieur X... :

Les dividendes en cause ayant été perçus, ils sont devenus acquêts de communauté (article 1401 du Code civil), susceptibles d'être administrés par un seul des époux en application de l'article 1421 du code civil qui dispose que chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion et leur emploi est présumé avoir été fait dans l'intérêt de la communauté. Il appartenait ainsi à Mme Y... de régler la question avec le juge du divorce et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme Y... :

Non seulement la demande de dommages-intérêts se trouve fondée sur la résistance de Monsieur X... à lui verser le montant des dividendes lui revenant et elle succombe dans son action. Non seulement, le notaire expert désigné par le JAF retient dans son rapport (Pièce 3 page 25) que les valeurs des appartements communs acquis au Portugal et rentrant en communauté sont respectivement d'un Dupleix à LEIRA : 370 000 €,- d'un Appartement 3 pièces à FIGUEIA DA FOZ : 252 000 €,- d'un Appartement 2 pièces à FlGUEIA DA FOZ : 242 000 €, et d'un Local commercial à FIGUEIA DA FOZ : 515 000 €, soit au total de 1 379 000 € et il n'est pas contesté que Mme Y... n'a apporté aucune contribution à leur achat. Mais ces fruits sont tombés en communauté et elle en partage le produit dans le cadre de la liquidation de cette communauté. Elle sera ainsi déboutée de ses demandes à ce titre et le jugement infirmer. » ;

1) ALORS QUE tenus de motiver leurs décisions, les juges du fond doivent examiner les éléments de preuve dont se prévalent les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant péremptoirement en l'espèce que l'exposante n'établit pas qu'elle n'a été qu'une gérante prête-nom, sans viser ni examiner la lettre du 28 mai 2008 versée aux débats par monsieur X... lui-même (pièce d'appel adverse n° 9), ainsi que les procès-verbaux de police et les documents médicaux (pièces d'appel n° 7 et 7 bis) montrant que madame Y... était la victime de la violence de son époux, ce qui excluait qu'elle ait pu exercer réellement des fonctions de gérante au sein de l'entreprise CIBTP qu'il avait créée avec elle, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE lorsque deux époux sont associés au sein d'une société, chacun exerce personnellement ses droits d'associés, si bien que ¿ sauf stipulation expresse contraire ¿ la société ne peut valablement se libérer des dividendes qu'entre les mains de chacun d'entre eux en fonction de leurs droits respectifs d'associés, peu important leur régime matrimonial ; qu'en l'espèce, il était constant que madame Y... détenait personnellement 9800 parts de la société CIBTP, son époux, monsieur X..., étant titulaire de 200 parts seulement ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la société CIBTP a mis en distribution pour les exercices 2002 et 2005 des dividendes, mais que la part revenant à madame Y... a été payée au seul monsieur X... à hauteur de 696087, 50 ¿ ; qu'il s'en évinçait, sauf à ce que soit caractérisé l'accord clair et non équivoque de l'associée, que la société CIBTP ne s'était pas valablement acquittée de son obligation de libérer les dividendes revenant à madame Y... entre ses mains ; qu'en écartant, comme irrecevable ou à tout le moins mal fondée, la demande de paiement de ses dividendes dirigée par madame Y... contre la société CIBTP, au prétexte que les sommes correspondantes avant été remises à monsieur X... qui était réputé les avoir perçues pour le compte de la communauté par application des articles 1421 et 140 du code civil, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'accord de madame Y... pour que ses dividendes soient payés à son époux a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1832-2 du Code civil ;

3) ALORS QU'un associé ne peut pas détourner les dividendes dus à un autre associé, fussent-ils mariés sous le régime de la communauté ; qu'en refusant de constater l'existence d'une créance de madame Y... vis à vis de son époux au prétexte que les dividendes qu'il a perçus à sa place sont devenus acquêts de communauté (article 1401 du Code civil) susceptibles d'être administrés par un seul des époux en application de l'article 1421 du code civil qui dispose que chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion et leur emploi est présumé avoir été fait dans l'intérêt de la communauté, la cour d'appel a violé l'article 1832-2 du Code civil ;

4) ALORS QUE lorsqu'un époux encaisse les dividendes dus à son conjoint, il lui cause nécessairement un préjudice dès lors qu'il lui interdit d'exercer ses droits d'associé, peu important que les sommes correspondantes soient destinées à tomber dans la communauté de biens existant entre les époux ; qu'en écartant en l'espèce tout préjudice de madame Y..., dont l'époux avait encaissé seul les dividendes sur un compte personnel, au prétexte que ces fruits étaient tombés en communauté et qu'elle en partageait le produit dans le cadre de la liquidation de cette communauté, la cour d'appel a violé l'article 1832-2 du Code civil ;

5) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, madame Y... faisait valoir (conclusions d'appel page 25) qu'il ne pouvait pas être prétendu, pour écarter son droit à indemnisation, que les dividendes perçus à tort par monsieur X... avaient servi à acquérir des immeubles devenus biens communs des époux dès lors qu'un seul appartement avait été acquis après la distribution des dividendes litigieux pour un montant bien inférieur à leur chiffre, ce dont il était précisément justifié (pièce d'appel n° 14) ; qu'en écartant la demande d'indemnisation de madame Y... au prétexte de la valeur des biens immobiliers entrés dans le patrimoine commun des époux, sans répondre au moyen selon lequel leur acquisition était sans lien avec les dividendes litigieux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de motiver leurs décisions ; qu'en rejetant la demande de madame Y... au titre de son préjudice moral sans motiver sa décision sur ce point, quand de nombreux certificats médicaux étaient versés aux débats (pièces d'appel 7 et 7 bis) pour établir l'état de détresse physique et morale dont se prévalait précisément l'exposante (conclusions page 27), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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