28 mai 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-18.212

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:C200929

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - cotisations - assiette - abattement pour frais professionnels - frais professionnels - utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication - remboursement - remboursement sur déclaration des salariés - cas - indemnisation forfaitaire - possibilité (non)

Il résulte des articles 2 et 7 de l'arrêté interministériel du 20 décembre 2002 modifié par l'arrêté du 25 octobre 2005 que l'indemnisation des frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé à des fins professionnelles pour l'utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication s'effectue uniquement sous la forme du remboursement des dépenses réellement exposées ou, lorsque l'employeur ne peut en justifier, d'après la déclaration faite par les salariés évaluant le nombre d'heures d'utilisation à usage strictement professionnel de ces outils, dans la limite de 50 % de l'usage total. Cette indemnisation ne peut être évaluée forfaitairement. Doit, en conséquence, être cassé l'arrêt qui retient que la multiplicité des missions réalisées par les enquêteurs, eux-mêmes recrutés en grand nombre et au moyen de contrats de travail de très courte durée, a pu inciter l'employeur à rechercher un mode forfaitaire d'indemnisation des frais professionnels qui, pour chaque mission effectuée, représentent des sommes minimes engagées par les salariés rendant difficile la production systématique de justificatifs et énonce que la recherche d'une moyenne des dépenses habituellement exposées pour l'impression des documents et la transmission des résultats de l'enquête par internet depuis un ordinateur jusqu'aux services de l'entreprise n'apparaît pas devoir faire l'objet d'un rejet systématique pour la prise en charge des remboursements déductibles des cotisations de sécurité sociale, dès lors que l'employeur justifie de l'obligation pour ses salariés d'engager des dépenses particulières pour l'exécution même du travail fixé par le contrat d'embauche et justifie également, à partir de plusieurs factures obtenues de la part d'enquêteurs, de la réalité de frais inhérents à l'exercice du travail d'enquêteur

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 242-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, 2 et 7 de l'arrêté interministériel du 20 décembre 2002 modifié par l'arrêté du 25 octobre 2005 ;

Attendu qu'il résulte des deux derniers textes que l'indemnisation des frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé à des fins professionnelles pour l'utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication s'effectue uniquement sous la forme du remboursement des dépenses réellement exposées ou, lorsque l'employeur ne peut en justifier, d'après la déclaration faite par les salariés évaluant le nombre d'heures d'utilisation à usage strictement professionnel de ces outils, dans la limite de 50 % de l'usage total ; que cette indemnisation ne peut être évaluée forfaitairement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2005 et 2006, l'URSSAF de Paris et de la région parisienne, devenue URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), a notifié à la société Dynamic marketing services (l'employeur) un redressement résultant de la réintégration, dans l'assiette des cotisations, d'indemnités forfaitaires, dites indemnités web, versées à ses enquêteurs ; que l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce recours, l'arrêt retient notamment que la multiplicité des missions réalisées par les enquêteurs, eux-mêmes recrutés en grand nombre et au moyen de contrats de travail de très courte durée, a pu inciter l'employeur à rechercher un mode forfaitaire d'indemnisation des frais professionnels qui, pour chaque mission effectuée, représentent des sommes minimes engagées par les salariés rendant difficile la production systématique de justificatifs ; qu'à cet égard la recherche d'une moyenne des dépenses habituellement exposées pour l'impression des documents et la transmission des résultats de l'enquête par internet depuis un ordinateur jusqu'aux services de l'entreprise n'apparaît pas devoir faire l'objet d'un rejet systématique pour la prise en charge des remboursements déductibles des cotisations de sécurité sociale, dès lors que l'employeur justifie de l'obligation pour ses salariés d'engager des dépenses particulières (papier, encre, connexion) pour l'exécution même du travail fixé par le contrat d'embauche et justifie également, à partir de plusieurs factures obtenues de la part d'enquêteurs, de la réalité de frais inhérents à l'exercice du travail d'enquêteur (acquisition d'un ordinateur, d'une imprimante ou d'un scanner, de papier et abonnement à une connexion internet) ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;



PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Dynamic marketing services aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Dynamic marketing services et la condamne à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Ile-de-France.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé le redressement notifié au titre des remboursements de frais professionnels constitués par les « indemnités web » versées aux salariés de l'entreprise et débouté l'URSSAF d'Ile de France de sa demande de paiement de la somme de 107.826 euros au titre des cotisations et des majorations de retard ;

AUX MOTIFS QUE l'article 1 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, applicable au présent litige précise que les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celuici supporte au titre de l'accomplissement de ses missions ; que l'article 2 a prévu les modalités de l'indemnisation des frais professionnels soit sous la forme de remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé (l'employeur étant tenu de produire les justificatifs y afférents) soit sur la base d'allocations forfaitaires (l'employeur devant justifier l'utilisation effective des allocations conformément à leur objet) ; qu'enfin l'article 7 a prévu que les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé à des fins professionnelles, pour l'utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication qu'il possède, sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi conformément au contrat de travail (les remboursements devant être justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié ou assimilé) ; que la société DYNAMIC MARKETING SERVICES est spécialisée dans la réalisation d'enquêtes anonymes de satisfaction qu'elle réalise pour le compte de clients ; que pour l'exécution de ces enquêtes, elle emploie de très nombreux enquêteurs (3500 lors du contrôle et 5000 à ce jour) en leur faisant signer des contrats de travail à durée déterminée d'usage souvent de très courtes durées (un jour) ; que pour réaliser ces enquêtes, les salariés travaillent à l'extérieur de l'entreprise et reçoivent à leur domicile, par internet, tous les éléments nécessaires à la réalisation de l'enquête (notamment les questionnaires qui devront être utilisés pour réaliser les visites mystères dont les résultats seront communiqués ultérieurement aux clients de l'entreprise) ; qu'enfin une fois la visite mystère effectuée, l'enquêteur doit se connecter sur le site de l'entreprise pour saisir et envoyer les résultats de l'enquête servant à la mise en forme d'un rapport communiqué aux clients ; que dans ce contexte spécifique d'exécution des missions confiées, l'enquêteur engage avant et après la réalisation des visites mystère, des frais de connexion à internet et d'impression des documents que la société DYNAMIC MARKETING SERVICES analyse comme des « frais web » pour lesquels elle accorde aux enquêteurs, pour chaque mission réalisée, une indemnité « web » qui a été définies à partir d'une étude ayant mis en évidence, au titre de frais fixe (papier, encre, connexion, impression, amortissement ordinateur) une moyenne de dépenses d'environ 2,18 euros par mission permettant ainsi l'allocation d'une somme de 2 euros par mission qualifiée de remboursement de frais professionnels ; que si les contrats de travail à durée déterminée d'usage conclus entre la société DYNAMIC MARKETING SERVICES et les salariés engagés pour l'exécution de ces enquêtes mystères ne comportent pas les mentions d'un exercice des missions sous la forme d'un télétravail, ils indiquent toutefois que les documents nécessaires aux missions seront envoyés et devront être imprimés, ce qui met en évidence le fait que les enquêteurs travaillent hors des locaux de l'entreprise et donc nécessairement depuis leur domicile en faisant usage des outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication qu'ils possèdent nécessairement et qu'ils utilisent dans des cyber cafés ; que la multiplicité des missions réalisés par les enquêteurs eux-mêmes engagés en grand nombre et au moyen de contrats de travail de très courte durée, a pu inciter la société DYNAMIC MARKETING SERVICES à rechercher un mode forfaitaire d'indemnisation des frais professionnels exposés qui, pour chaque mission effectuée, représentent des sommes minimes engagés rendant difficile la production systématique de justificatifs des dépenses exposées ; qu'à cet égard la recherche d'une moyenne des dépenses habituellement exposées pour l'impression des documents et la transmission des résultats de l'enquête par internet depuis un ordinateur jusqu'aux services de l'entreprise n'apparaît pas devoir faire l'objet d'un rejet systématique pour la prise en charge des remboursements déductibles des cotisations de sécurité sociale dès lors que la société DYNAMIC MARKETING SERVICES justifie de l'obligation pour ses salariés d'engager des dépenses particulières (papier, encre, connexion) pour l'exécution même du travail fixé par le contrat d'embauche et justifie également à partir de plusieurs factures obtenues de la part d'enquêteurs de la réalité de frais inhérents à l'exercice du travail d'enquêteur (acquisition d'un ordinateur, d'une imprimante, ou d'un scanner, de papier et abonnement à une connexion internet) ; que dès lors que la société DYNAMIC MARKETING SERVICES démontre que les allocations forfaitaires qualifiées d'indemnités web constituent, au sens des dispositions prévues par les articles 1, 2 et 7 de l'arrêté du 20 décembre 2002, l'indemnisation de frais professionnels engagés par les salariés conformément aux contrats de travail conclus pour l'exécution des missions confiées ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de débouter l'URSSAF de sa demande en paiement ;
1. - ALORS QUE lorsque l'indemnisation des frais professionnels se fait sur la base d'allocations forfaitaires, l'employeur est autorisé à déduire de l'assiette des cotisations sociales leur montant à condition d'apporter la preuve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet ; qu'ainsi, la preuve de l'utilisation conformément à son objet d'une « indemnité web » forfaitaire, destinée à indemniser le salarié pour l'utilisation professionnelle de matériels informatiques privés, doit être rapportée par l'employeur par la production de justificatifs des frais engagés à ce titre par le salarié ; qu'il est constant qu'en l'espèce, la société n'a versé aux débats que quelques documents concernant 16 salariés seulement ; que pour annuler le redressement du chef des « indemnités web », la Cour d'appel a relevé que l'entreprise versait « plusieurs factures » établissant la réalité de frais inhérents à l'exercice du travail d'enquêteur ; qu'en jugeant que l'employeur démontrait l'utilisation conforme des « indemnités web » versées, quand aucune preuve n'était rapportée pour la quasitotalité des enquêteurs bénéficiaires des indemnités, la Cour d'appel a violé l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale et les articles 2 et 7 de l'arrêté du 20 décembre 2002 tel que complété par l'arrêté du 25 juillet 2005 ;
2. ¿ ALORS QU'à l'instar des unions de recouvrement qui ne peuvent procéder par échantillonnage et extrapolation sans avoir recueilli l'accord du cotisant, les juges ne peuvent procéder par extrapolation en étendant à tous les salariés concernés par le redressement les justificatifs produits pour quelques-uns seulement ; qu'en jugeant, à partir de quelques factures concernant 16 salariés, que les « indemnités web » litigieuses qui concernaient 3500 salariés constituaient bien des frais professionnels utilisés conformément à leur objet, la Cour d'appel a procédé par extrapolation en violation des articles R.242-5 et R.243-59 du code de la sécurité sociale et 12 du code de procédure civile ;

3.- ALORS QUE le juge tranche les litiges conformément aux règles de droit applicables et ne peut fonder sa décision sur l'équité ; qu'en se contentant de la production par la société DMS de quelques factures en considérant qu'il était difficile pour l'employeur de produire les justificatifs des dépenses exposées, la Cour d'appel a violé les article 12 du code de procédure civile et 1315 du code civil ;

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