31 octobre 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-26.476

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2012:C101243

Titres et sommaires

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - présomption d'innocence - atteinte - exclusion - cas - condamnation par une juridiction civile - dépôt antérieur d'une plaine pénale - chose jugee - autorité du pénal - limites - mise en mouvement de l'action publique - suspension du jugement des autres actions exercées devant le juge civil - portée

Selon l'article 4 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant les juridictions civiles, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès-civil. Il en va de même, a fortiori, au cas de simple dépôt d'une plainte pénale. Il s'ensuit que le simple exercice par le juge civil de la faculté discrétionnaire que la loi lui ouvre de mener à son terme le procès porté devant lui exclut toute atteinte de sa part à la présomption d'innocence de la personne dont il est amené, le cas échéant, à sanctionner le comportement

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 janvier 2011), qu'alléguant qu'elles portaient la marque Bosch contrefaite, la société Garage Caballero, à qui la société Etablissements L. Ferrier avait vendu sept batteries pour automobiles, a dénoncé les agissements qu'elle imputait à son contractant auprès de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, laquelle a ultérieurement saisi le procureur de la République ;


Attendu que la société Etablissements L. Ferrier fait grief à l'arrêt de la condamner à procéder à l'enlèvement des sept batteries automobiles contrefaites se trouvant dans les locaux de la SARL Garage Caballero et à lui remettre en contrepartie sept batteries de marque Bosch, alors, selon le moyen :


1°/ qu'il y a atteinte à la présomption d'innocence lorsqu'une personne est présentée comme coupable des faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire avant toute condamnation ; qu'en l'espèce, aucune décision de condamnation n'est intervenue à l'encontre de la société Etablissements L. Ferrier suite à la plainte en contrefaçon déposée le 20 novembre 2008 par la société Garage Caballero ; qu'en retenant, sur le seul fondement d'une enquête diligentée par les services de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Languedoc-Roussillon, que la société Etablissements L. Ferrier aurait vendu à la société Garage Caballero des batteries de voitures portant la marque Bosch contrefaite, la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence et violé l'article 9-1 du code civil, ensemble l'article 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


2°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant, pour se déterminer comme elle l'a fait, à retenir qu'il ressortirait de l'enquête diligentée par les services de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Languedoc-Roussillon, suite à la plainte en contrefaçon déposée le 20 novembre 2008 par la société Garage Caballero, que la société Etablissements L. Ferrier lui aurait vendu des batteries de voitures portant la marque Bosch contrefaite, sans se référer ni viser les documents de la cause sur lesquels elle se fonde, ni analyser, même sommairement, le moindre élément de preuve, la cour d'appel a privé sa décision de motif et ainsi violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;


Mais attendu que, selon l'article 4, alinéa 3, du code de procédure pénale, dans la rédaction issue de la loi 2007-291 du 5 mars 2007, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ; qu'il en va de même, a fortiori, au cas de simple dépôt d'une plainte pénale, et qu'il en résulte, en tout état de cause, que le simple exercice par le juge civil de la faculté discrétionnaire que la loi lui ouvre de mener à son terme le procès porté devant lui exclut tout atteinte de sa part à la présomption d'innocence de la personne dont il est amené, le cas échéant, à sanctionner le comportement; qu'ensuite la cour d'appel a expressément fondé sa décision sur l'enquête de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, est mal fondé en son premier grief ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Etablissements L. Ferrier aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Etablissements L. Ferrier ; la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Garage Caballero ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissements L. Ferrier.


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Etablissements L. Ferrier à procéder à l'enlèvement des sept batteries automobiles contrefaites se trouvant dans les locaux de la SARL Garage Caballero et à lui remettre en contrepartie sept batteries de marque Bosch et, ce, dans un délai de deux mois à compter de la signification de son arrêt à peine d'une astreinte de 50 € par jour de retard ;


AUX MOTIFS QU' : « il ressort de l'enquête diligentée par les services de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Languedoc-Roussillon, suite à la plainte déposée par la société Garage Caballero le 20. novembre 2008, que la société Ets L. Ferrier lui a vendu des batteries de voitures portant la marque Bosch contrefaite ; que, dès lors, la société intimée est fondée dans sa demande tendant à la reprise des 7 batteries litigieuses et à la livraison de 7 batteries de la marque Bosch » ;


ALORS 1°) QU' : il y a atteinte à la présomption d'innocence lorsqu'une personne est présentée comme coupable des faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire avant toute condamnation ; qu'en l'espèce, aucune décision de condamnation n'est intervenue à l'encontre de la société Etablissements L. Ferrier suite à la plainte en contrefaçon déposée le 20 novembre 2008 par la SARL Garage Caballero ; qu'en retenant, sur le seul fondement d'une enquête diligentée par les services de la Direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Languedoc-Roussillon, que la société Etablissements L. Ferrier aurait vendu à la SARL Garage Caballero des batteries de voitures portant la marque Bosch contrefaite, la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence et violé l'article 9-1 du code civil, ensemble l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


ALORS 2°) QUE : tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant, pour se déterminer comme elle l'a fait, à retenir qu'il ressortirait de l'enquête diligentée par les services de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes Languedoc-Roussillon, suite à la plainte en contrefaçon déposée le 20 novembre 2008 par la SARL Garage Caballero, que la société Etablissements L. Ferrier lui aurait vendu des batteries de voitures portant la marque Bosch contrefaite, sans se référer ni viser les documents de la cause sur lesquels elle se fonde, ni analyser, même sommairement, le moindre élément de preuve, la cour d'appel a privé sa décision de motif et ainsi violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile.

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