13 juin 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-22.170

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:C200980

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - lutte contre le tabagisme - interdictin de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif - lieux affectés à un usage collectif - lieux fermés et couverts - définition - portée - tabac - interdiction de fumer - domaine d'application - terrasse d'un établissement accueillant du public - conditions - détermination

En application de l'article L. 3511-7 du code de la santé publique, interprété à la lumière de l'article 8 de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac du 21 mai 2003 ratifiée par la France le 19 octobre 2004, il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs. Selon l'article R. 3511-1 1° du code de la santé publique, l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7 du même code s'applique dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail.Il en résulte que la terrasse d'un établissement accueillant du public ne constitue pas un lieu fermé et couvert où s'impose l'interdiction totale de fumer, dès lors que close des trois côtés, elle n'a ni toit ni auvent, ou bien si, disposant d'un toit ou auvent, elle est intégralement ouverte en façade frontale

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, pris en sa première branche :


Vu les articles L. 3511-7 du code de la santé publique, interprété à la lumière de l'article 8 de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac du 21 mai 2003 ratifiée par la France le 19 octobre 2004 et l'article R. 3511-1, 1° du même code, ensemble l'article 1382 du code civil ;


Attendu qu'en application du premier de ces textes, il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, notamment scolaire, et dans les moyens de transport collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs ; que selon le second, l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif mentionnée à l'article L. 3511-7 s'applique dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ; qu'il en résulte que la terrasse d'un établissement accueillant du public ne constitue pas un lieu fermé et couvert où s'impose l'interdiction totale de fumer, dès lors que close des trois côtés, elle n'a ni toit ni auvent, ou bien si, disposant d'un toit ou auvent, elle est intégralement ouverte en façade frontale ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association Les Droits des non-fumeurs (l'association), qui a pour mission reconnue d'utilité publique de lutter contre le tabagisme et d'agir pour le respect de la réglementation qui protège les non-fumeurs, reprochant à la société Indiana Richelieu Drouot de ne pas respecter les dispositions des articles L. 3511-7 et R. 3511-1 et suivants du code de la santé publique relatives à l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, dans le restaurant ayant pour enseigne « Indiana café » qu'elle exploite 18 boulevard Montmartre à Paris, l'a assignée en paiement de dommages-intérêts et délivrance d'une injonction, sous astreinte, de se mettre en conformité avec les dispositions de ce code ;


Attendu que pour débouter l'association de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt confirmatif énonce qu'invoquant une faute au sens de l'article 1382 du code civil, il appartient à l'association d'établir, d'une part, que l'espace litigieux constitue effectivement un lieu fermé et couvert relevant des dispositions de l'article R. 3511-3 du code de la santé publique, d'autre part, que les autres espaces sont dépourvus de la signalétique relative à l'interdiction de fumer prévue par l'article R. 3511-6, étant observé qu'il ne s'agit pas de savoir si les lieux litigieux sont de nature à protéger les consommateurs contre l'exposition tabagique mais de savoir si ceux-ci sont des « lieux fermés » au sens des dispositions réglementaires en vigueur ; qu'en l'espèce, l'huissier de justice mandaté par l'association, ayant procédé à un constat, depuis l'extérieur du café, s'est borné à une description de onze lignes, faisant état d'une terrasse hermétiquement close, tout en relevant des espaces d'ouverture d'environ 50 centimètres entre le store banne et la façade avant de la terrasse ; que les photos versées aux débats ne sont que des copies de mauvaise qualité, ne permettant pas une vision précise de la situation de la terrasse ; qu'en tout état de cause, l'existence d'un espace ouvert entre les châssis et le store banne, ne permet manifestement pas de dire que la façade est fermée, même si elle n'est pas complètement ouverte ;


Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la terrasse du café « Indiana café », librement accessible à l'usage collectif des consommateurs et du personnel de l'établissement, mais également fermée par ses trois côtés principaux, et munie seulement d'une aération partielle sous toiture, comme telle impropre à répondre à l'exigence susvisée, constituait un lieu fermé et couvert accueillant du public et constituant un lieu de travail, la cour d'appel a violé par fausse application les deux premiers de ces textes et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du troisième ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;


Condamne la société Indiana Richelieu Drouot aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à l'association Les Droits des non-fumeurs la somme de 3 000 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour l'association Les Droits des non-fumeurs


Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté l'association Les droits des non-fumeurs de l'ensemble de ses demandes ;


AUX MOTIFS PROPRES QU'« alléguant d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil commise par l'intimée, il appartient à l'association DNF d'établir, d'une part, que l'espace litigieux constitue effectivement un lieu fermé et couvert (désignés " lieux fermés ") relevant des dispositions de l'article R. 3511-3 du code de la santé publique, d'autre part, que les autres espaces sont dépourvus de la signalétique relative à l'interdiction de fumer prévue par l'article R. 3511-6, étant observé qu'il ne s'agit pas de savoir si les lieux litigieux sont de nature à protéger les consommateurs contre l'exposition tabagique mais de savoir si ceux-ci sont des " lieux fermés " au sens des dispositions réglementaires en vigueur ; / considérant qu'en l'espèce, l'association DNF ne fait que réitérer, sous une forme nouvelle mais sans justification supplémentaire utile les moyens dont les premiers juges ont eu à connaître et auxquels, par des motifs pertinents qu'elle fait siens en les adoptant, ils ont fait une exacte appréciation des circonstances factuelles de la cause et du droit des parties qui leur étaient soumis, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; / qu'il sera seulement ajouté que c'est à tort que l'appelante soutient que l'indication de l'heure du constat est sans incidence sur le débat ; qu'en effet, pour constater la présence de fumer en un " lieu fermé ", encore faut-il que celui-ci soit effectivement exploité, c'est-à-dire ouvert à la clientèle donc au public, notion qui détermine l'applicabilité éventuelle des textes réglementaires précités » (cf., arrêt attaqué, p. 3 et 4) ;


ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « l'association DNF reproche à la défenderesse de ne pas respecter l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, mentionnée à l'article L. 3511-7 du code de la santé publique, qui s'applique, aux termes de l'article R. 3511-1 de ce code, " dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail " ; / l'article R. 3511-2 du code de la santé publique précise que l'interdiction de fumer ne s'applique pas dans les emplacements mis à la disposition des fumeurs au sein des lieux précités ; / l'article R. 3511-3 de ce code indique que ces emplacements réservés sont des salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n'est délivrée et détaillée les normes applicables (dispositif d'extraction d'air permettant un renouvellement d'air minimal de dix fois le volume de l'emplacement par heure, local maintenu en dépression d'au moins cinq pascals par rapport aux pièces communicantes, fermetures automatiques, ne pas constituer un lieu de passage, superficie maximum) ; / l'article R. 3511-6 de ce code dispose que dans les lieux mentionnés à l'article R. 3511-1, une signalisation apparente, conforme à un modèle déterminé par arrêté du ministre chargé de la santé, doit être appliquée, tandis qu'un autre avertissement sanitaire doit être apposé à l'entrée des espaces mentionnés à l'article R. 3511-2 (les emplacements réservés) ; / des circulaires ont été prises, en particulier celle du 17 septembre 2008, sur l'application de l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif, selon laquelle doivent être, en particulier, considérées comme des espaces extérieurs : - les terrasses totalement découvertes quand bien même elles seraient closes sur leurs côtés, - les terrasses couvertes mais dont le côté principal serait intégralement ouvert (en général, la façade frontale) ; / il résulte de ce qui précède que, s'agissant des terrasses extérieures, espaces sur trottoir, à proximité immédiate des cafés dont ils sont des dépendances, où les consommateurs peuvent s'attabler, celles-ci ne tombent sous le coup de l'interdiction de fumer de l'article R. 3511-1 du code de la santé publique que si leur aménagement en fait des lieux fermés et couverts ; / or, une circulaire étant dépourvue de valeur normative, il apparaît qu'aucun texte à valeur contraignante ne définit ce qu'il faut entendre par lieu fermé ; / en l'espèce, l'huissier de justice, ayant procédé à un constat, à la demande de l'association DNF, depuis l'extérieur du café Indiana, s'est borné à une description de onze lignes, faisant état d'une terrasse hermétiquement close, tout en relevant des espaces d'ouverture d'environ 50 cm entre le store banne et la façade avant de la terrasse ; / les constatations sont en conséquence contradictoires ; / les photos versés aux débats ne sont que des copies de mauvaise qualité, ne permettant pas une vision précise de la situation de la terrasse ; / en tout état de cause, l'existence d'un espace ouvert entre les châssis et le store banne, ne permet manifestement pas de dire que la façade est fermée, même si elle n'est pas complètement ouverte ; / en outre, il convient d'observer que le constat d'huissier ne comporte aucune mention de l'heure à laquelle il a été dressé, de sorte qu'il n'est pas établi que l'on se situe à l'intérieur des horaires d'ouverture au public et que les personnes présentes dans l'établissement sont des clients ; / dans ces conditions, l'association, qui ne justifie pas que la terrasse litigieuse soit un lieu où l'interdiction de fumer s'applique, ne démontre pas la faute de la défenderesse et doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions » (cf., jugement entrepris, p. 3 et 4) ;


ALORS QUE, de première part, il résulte des dispositions des articles L. 3511-7 et R. 3511-1 du code de la santé publique qu'il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, et, notamment, dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ; que la terrasse d'un lieu de convivialité, tel que, notamment, un café ou un restaurant, est un lieu fermé, au sens des dispositions de l'article R. 3511-1 du code de la santé publique, dès lors que l'un de ses côtés principaux n'est pas entièrement ouvert ; qu'en énonçant, par conséquent, pour débouter l'association Les droits des non-fumeurs de l'ensemble de ses demandes, que l'existence d'un espace ouvert entre le châssis clôturant la terrasse du restaurant exploité par la société Indiana Richelieu Drouot et le store banne qui en constituait la couverture ne permettait manifestement pas de dire que la façade de ce restaurant était fermée, même si cette façade n'était pas complètement ouverte, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3511-7 et R. 3511-1 du code de la santé publique, ensemble les dispositions de l'article 1382 du code civil ;


ALORS QUE, de seconde part, il résulte des dispositions des articles L. 3511-7 et R. 3511-1 du code de la santé publique qu'il est interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, et, notamment, dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail ; qu'en considérant, dès lors, pour débouter l'association Les droits des nonfumeurs de l'ensemble de ses demandes, que l'application de l'interdiction de fumer édictée par les articles L. 3511-7 et R. 3511-1 du code de la santé publique était subordonnée à l'exploitation effective et à l'ouverture au public du lieu considéré, quand l'interdiction de fumer édictée par les articles L. 3511-7 et R. 3511-1 du code de la santé publique est applicable dans tous les lieux dont la destination est de servir à un usage collectif et, notamment, dont la destination est d'accueillir du public ou de constituer des lieux de travail, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 3511-7 et R. 3511-1 du code de la santé publique, ensemble les dispositions de l'article 1382 du code civil.

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