28 février 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-21.015

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:C200338

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - faute inexcusable de l'employeur - indemnisations complémentaires - indemnisation du préjudice d'agrément - domaine d'application - etendue - impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisir - effets - réparation du préjudice - préjudice d'agrément - détermination securite sociale, accident du travail - rente - préjudice indemnisé - détermination

Il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent. Le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L. 452-3 du même code est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir. Sont réparables en application du même texte les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :






Sur le moyen unique :


Vu les articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;


Attendu qu'il résulte des trois premiers de ces textes que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que le préjudice d'agrément réparable en application du quatrième de ces textes est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; que sont réparables en application du même texte les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Polyrey (l'employeur) de 1962 à 1997 en qualité d'ouvrier de fabrication, a déclaré le 24 septembre 2007 une affection due à l'amiante que la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne (la caisse) a prise en charge au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;


Attendu que pour allouer à la victime les sommes de 60 000 euros au titre de l'indemnisation de ses souffrances physiques et morales et de 10 000 euros au titre de l'indemnisation d'un préjudice d'agrément, l'arrêt retient qu'en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dus à la faute inexcusable de l'employeur a le droit de demander, indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées et de ses préjudices esthétique et d'agrément ;


Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, au titre du préjudice d'agrément, la victime justifiait d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie et si les souffrances invoquées par elle n'étaient pas déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé la disposition du jugement ayant alloué à M. X... les sommes de 60 000 euros au titre de l'indemnisation de ses souffrances physiques et morales et de 10 000 euros au titre de l'indemnisation d'un préjudice d'agrément, l'arrêt rendu le 12 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;


Condamne M. X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille treize.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Polyrey


Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir alloué à Monsieur X... des sommes de 60.000 € au titre de l'indemnisation de ses souffrances physiques et morales et de 10.000 € au titre de l'indemnisation d'un préjudice d'agrément ;


AUX MOTIFS QUE « Sur Ies conséquences de la faute inexcusable. Faisant valoir que la rente versée au salarié au titre de l'incapacité permanente indemnise la porte de gains professionnels et le déficit fonctionnel permanent, que selon la nomenclature DINTILHAC les souffrances endurées et le préjudice d'agrément sont incluses dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, et que le salarié ne rapporte pas la preuve de préjudices distincts de ceux déjà réparés par la rente, la société POLYREY demande à la Cour de rejeter les demandes d'indemnisation formées par M. X... au titre des préjudices complémentaires. Mais, en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dûs à la faute inexcusable de l'employeur a le droit de demander, indépendamment de la majoration de la rente qu'elle reçoit la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées et de ses préjudices esthétique et d'agrément. Conformément aux dispositions de la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010, ce système d'indemnisation des conséquences de la faute inexcusable ne se confond pas avec le régime d'indemnisation de droit commun même s'il est, désormais, admis que la victime peut solliciter devant la juridiction de sécurité sociale à !'encontre du seul employeur la réparation des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Contrairement à ce que soutient l'employeur, la nomenclature DINTILHAC qui, au demeurant, ne repose sur aucune base légale, ne peut, donc, se substituer à la liste des préjudices énoncés par l'article L 452-3. C'est, donc, à juste titre, que le premier juge a indemnisé, indépendamment de la majoration de la rente, les préjudices causés par les souffrances physiques et morales endurées et le préjudice d'agrément. En ce qui concerne le montant des indemnités versées à la victime, le tribunat a fait une exacte appréciation des préjudices subis compte tenu des pièces médicales et des témoignages versés aux débats. Sur l'ensemble de ces points, le jugement sera confirmé. » ;


AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur l'indemnisation des préjudices et sur la majoration de la rente. La société POLYREY sollicite une mesure d'expertise pou r permettre au Tribunal de liquider les postes de préjudices allégués et relève que Monsieur X... connaît un état de santé complexe impacté par plusieurs pathologies dont certaines sont


totalement étrangères la maladie professionnelle. La société POLYREY considère également la nature mixte de la rente qui indemnise selon elle l'appréciation du déficit fonctionnel permanent et son incidence professionnelle ce qui entraînerait une double indemnisation. Il reviendrait alors à Monsieur X... à démontrer la preuve de souffrances physiques et d'un préjudice d'agrément distinct de ceux indemnisés par la rente. Enfin, POLYREY fait observer que Monsieur X... a cessé son activité professionnelle en 1997 après avoir exercé son droit à la retraite et que sa maladie s'est déclarée en 2007 alors qu'il était âgé de 68 ans. En l'espèce, il est établi que Monsieur X... est tombé malade en 2006. Le Docteur Y... a diagnostiqué une asbestose dont il n'est pas admissible de contester le caractère évolutif c'est à dire qu'elle évolue pour son propre compte même après cessation de l'exposition. L'origine professionnelle de sa pathologie a été reconnue par la CPAM de la DORDOGNE le 26 décembre 2007. Les pièces médicales et les attestations versées aux débats suffisent à éclairer le Tribunal qui ne prononcera donc pas de mesure d'expertise pour apprécier les préjudices invoqués par la victime. La référence à la nomenclature DINTILHAC et la jurisprudence subséquente issue de la loi du 23 décembre 2006 qui constitue le croit commun positif de la réparation du préjudice corporel n'est pas applicable en l'espèce compte tenu de la spécificité de la législation sociale issue du Code de la Sécurité Sociale protectrice du salarié malade qui a contracté une affection lors de son activité professionnelle. Il résulte même de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale que lorsque la maladie professionnelle est due à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ; Selon les articles L. 452-2 et L. 452-3 du même code la victime d'uns maladie professionnelle résultant de la faute inexcusable de l'employeur perçoit des indemnisations spécifiques limitativement énumérées consistant dans une majoration de rente et la réparation des souffrances physiques et morales endurées, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelles. Il résulte des articles L. 452-3 in fine et L.452-4 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale que l'auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci, la caisse versant directement aux bénéficiaires les indemnités complémentaires qui en récupère le montant auprès de l'employeur. En conséquence, les indemnités prévues par les articles précitées sont dues en plus de la rente servie par la CPAM. En outre, la majoration maximale de la rente réclamée par Monsieur X... sera dès lors ordonnée et cette majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'incapacité permanente partielle. Au regard de l'âge de Monsieur X..., d'une part, et du type et des conséquences de la maladie contractée appréciées notamment en fonction du taux d'I.P.P et des divers justificatifs produits, il sera alloué à Monsieur X... les indemnités suivantes : > pour les souffrances endurées (physiques et morales) : 60.000 euros, > pour le préjudice d'agrément : 10.000 euros, > pour le préjudice esthétique: 10.000 euros, » ;


ALORS, D'UNE PART, QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que le préjudice d'agrément est celui qui résulte de troubles spécifiques ressentis dans les conditions d'existence ; qu'il en résulte que la victime d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut obtenir, en plus de la rente majorée, des dommages-intérêts au titre d'un préjudice d'agrément qu'à condition d'établir judiciairement l'existence de troubles spécifique distinct du déficit fonctionnel consécutif aux séquelles de la maladie ; qu'au cas présent, la société POLYREY exposait que Monsieur X... ne rapportait pas la preuve de troubles de l'existence distinct du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente ; qu'en lui allouant néanmoins des dommages-intérêts pour le préjudice d'agrément, sans caractériser l'existence de troubles spécifiques distincts du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente majorée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 25 et 31 de la Loi du 25 juillet 1985, L.434-1, 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;


ALORS, D'AUTRE PART, QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente n'indemnise nécessairement que le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent comprend les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent ; qu'au cas présent, Monsieur X... était âgé de 68 ans au moment de la survenance de la maladie qui n'avait aucune incidence professionnelle, de sorte que la rente qui lui était versée au titre de la maladie indemnisait nécessairement son déficit fonctionnel permanent ; qu'en refusant, pour fixer le montant des réparations au titre des souffrances physiques et morales, de rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si les souffrances invoquées par Monsieur X... n'étaient pas déjà réparées, au moins partiellement, au titre du déficit fonctionnel permanent par le versement d'une rente majorée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 31 de la Loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et du principe de la réparation intégrale du préjudice.

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