20 octobre 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-23.509

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2011:C100974

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - alcoolisme - lutte contre l'alcoolisme - propagande ou publicité - publicité illicite en faveur de boissons alcooliques - cas

Une cour d'appel qui appréciant la portée des expressions, telles qu'elles apparaissaient sur un site Internet, a constaté que "la patience" renvoyait à l'idée selon laquelle seules les personnes dotées de cette qualité peuvent accéder au produit litigieux, "le choix" à celle que seuls certains initiés sont capables d'apprécier l'un des whiskys de la gamme après avoir parcouru un "long cheminement", que "l'étiquette évoquait un cérémonial de consommation réservé à une élite capable de le respecter, et que "la transmission" visait à inciter le joueur, pour gagner prioritairement, à contacter d'autres internautes et à obtenir qu'ils se connectent au site et qui a relevé que l'emploi du terme "l'alchimie" correspondait à une transformation et une transmutation mystérieuse, et que la qualification de "chef-d'oeuvre" accompagnant la bouteille de quarante ans d'âge, revenait à désigner le contenu comme "une oeuvre capitale, une chose très remarquable, parfaite, une merveille", en a exactement déduit que ces termes et expressions, replacés dans leur contexte, dépourvus de caractère objectif, visaient à délivrer aux internautes une image selon laquelle, en s'adonnant à la consommation de cette marque de whisky, ils ne pouvaient qu'appartenir à une élite restreinte, de sorte que la consommation de cet alcool se trouvait magnifiée, dans une démarche incitative contraire aux dispositions du code de la santé publique, et constituant un trouble manifestement illicite qu'il appartenait à la juridiction des référés de faire cesser. Ayant estimé qu'en offrant à titre gratuit, en tant que lot éminemment enviable, une bouteille d'alcool considérée comme prestigieuse tant par ses caractéristiques, sa rareté et son prix, 3900 euros, le jeu-concours litigieux et les mentions qui y étaient insérées à chacune de ses étapes, renforçaient la suggestion d'élitisme attachée à la consommation de whisky de cette marque, laquelle s'en trouvait sublimée, la cour d'appel en a exactement déduit que cette opération, qui constituait une incitation à consommer une boisson alcoolisée, dépassait les limites de la publicité autorisée par le code de la santé publique, caractérisant un trouble manifestement illicite. La publicité autorisée en faveur de boissons alcooliques étant limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit et pouvant seulement comporter, outre ces indications, des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine telles que définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit, la cour d'appel qui a rejeté la demande d'une association visant au retrait du site Internet de la marque, de certaines mentions et visuels alors qu'il résultait de ses constatations qu'aucun des éléments litigieux ne constituait une simple indication et que, dans le contexte du jeu-concours présenté sur le site qui visait à promouvoir une image d'excellence des produits de la marque et à valoriser les consommateurs, les références à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit dépassaient les limites de l'objectivité, a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lixir ayant mis en place, sur le site www.Glenfiddich.fr, un jeu-concours intitulé "parcours initiatique du club Glenfiddich", l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) l'a assignée, en référé, afin de voir ordonner le retrait de certains visuels et de certaines mentions ainsi que de l'opération de jeu au motif qu'ils constituaient de la publicité illicite en faveur de l'alcool ; que la société Rapp, agence de marketing et de communication, est intervenue volontairement à l'instance ; que la cour d'appel a ordonné à la société Lixir le retrait sur le site des mots ou groupes de mots "la patience"," la transmission", "le choix", "l'étiquette", "l'alchimie", "le chef-d'oeuvre", "rien ne se fait de grand en un jour", "l'esprit du parcours", "le temps est un luxe à la portée de tous", mais a débouté l'ANPAA de sa demande en suppression de l'image animée d'un sablier, ainsi que des expressions "les sens", "l'originalité", "les hommes", "le savoir-faire" ; qu'elle a également fait retirer du site le jeu-concours litigieux ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que les sociétés Lixir et Rapp font grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné sous astreinte à la société Lixir le retrait sur le site www.glenfiddich.fr des termes suivants : "la patience", "le choix", "l'alchimie", "le chef-d'oeuvre", "l'étiquette", alors, selon le moyen, que la publicité pour les boissons alcooliques est autorisée au moyen des services de communication en ligne à la condition de n'être ni intrusive ni interstitielle et peut contenir des indications relatives à la composition, au mode d'élaboration, au mode de consommation du produit et des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que toute publicité a pour but de rendre désirable pour le consommateur auquel elle est destinée le produit qui en fait l'objet ; que le terme "alchimie" suivi des termes de l'eau, de l'orge et du temps indique objectivement la composition et le mode d'élaboration du produit ; que le terme de "patience" renvoie objectivement à la lenteur de maturation du produit ; que le terme "l'étiquette" associé à la présentation des mets que le jeu propose de rapprocher d'une catégorie de whisky constitue une référence objective au mode de consommation du produit ; que le terme de "chef d'oeuvre" est encore objectif pour désigner un produit qui a fait l'objet d'une aussi longue maturation ; que le terme "choix" ne se réfère pas à l'idée selon laquelle seuls certains initiés seraient capables d'apprécier l'un des whiskies de la gamme, mais de présenter celle-ci dont la variété offre en effet un choix, ce qui constitue une information purement objective liée à la composition du produit, à son élaboration et à ses modalités de vente ; qu'en jugeant que l'utilisation de ces vocables pour la publicité des whiskies de la marque Glenfiddich dans le jeu concours à objet publicitaire mis en ligne sur Internet par la société Lixir constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique, ensemble l'article 809 du code de procédure civile;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant la portée des expressions telles qu'elles apparaissaient sur le site, a constaté que "la patience" renvoyait à l'idée selon laquelle seules les personnes dotées de cette qualité peuvent accéder au produit litigieux, "le choix" à celle que seuls certains initiés sont capables d'apprécier l'un des whiskies de la gamme après avoir parcouru un "long cheminement", que l'étiquette" évoquait un cérémonial de consommation réservé à une élite capable de le respecter, et que "la transmission" visait à inciter le joueur, pour gagner prioritairement, à contacter d'autres internautes et à obtenir qu'ils se connectent au site ; que de même, elle a relevé que l'emploi du terme "l'alchimie" correspondait à une transformation et une transmutation mystérieuse, et que la qualification de "chef-d'oeuvre" accompagnant la bouteille de quarante ans d'âge, revenait à désigner le contenu comme "une oeuvre capitale, une chose très remarquable, parfaite, une merveille" ; qu'elle en a exactement déduit que ces termes et expressions, replacés dans leur contexte, dépourvus de caractère objectif, visaient à délivrer aux internautes une image selon laquelle, en s'adonnant à la consommation de cette marque de whisky, ils ne pouvaient qu'appartenir à une élite restreinte, de sorte que la consommation de cet alcool se trouvait magnifiée, dans une démarche incitative contraire aux dispositions du code de la santé publique et constituant un trouble manifestement illicite qu'il appartenait à la juridiction des référés de faire cesser ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident des sociétés Lixir et Rapp :

Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné sous astreinte le retrait sur le site www.glenfiddich.fr du jeu-concours intitulé "Opération le parcours initiatique du club Glenfiddich" alors, selon le pourvoi :

1°/ que la propagande et la publicité pour les boisons alcooliques sont autorisées par la loi dans les limites prévues à l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ; que toute publicité a pour objet de rendre enviable le produit dont il vante les mérites ; qu'en interdisant en référé le jeu concours à objet publicitaire mis en ligne par la société Lixir sur son site internet Glenfiddich.fr pour la raison que le lot offert était constitué par une bouteille de whisky rendue éminemment enviable par le déroulement du jeu, la cour d'appel a violé l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ensemble l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ que les restrictions apportées par le législateur à la publicité en faveur des boissons alcooliques ont pour objectif d'éviter un excès de consommation d'alcool notamment chez les plus jeunes ; qu'en interdisant un jeu concours accessible sur le site internet Glenfiddich au prétexte que les étapes de ce jeu conduisent à considérer comme éminemment désirable une bouteille de single malt de 40 ans d'âge d'une valeur de 3 900 euros offerte à titre de lot, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé, avec l'évidence requise en référé, en quoi le jeu concours litigieux conduisait les participants à une consommation excessive d'alcool, a privé de base légale sa décision au regard des articles L. 3323-4 du code de la santé publique et 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a estimé qu'en offrant à titre gratuit, en tant que lot éminemment enviable, une bouteille d'alcool considérée comme prestigieuse par ses caractéristiques, sa rareté et son prix, 3 900 euros, le jeu-concours litigieux et les mentions qui y étaient insérées à chacune de ses étapes, renforçaient la suggestion d'élitisme attachée à la consommation de whisky de cette marque, laquelle s'en trouvait sublimée ; qu'elle en a exactement déduit que cette opération, qui constituait une incitation à consommer une boisson alcoolisée, dépassait les limites de la publicité autorisée par le code de la santé publique, caractérisant un trouble manifestement illicite; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;



Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article L. 3323-4 du code de la santé publique ;

Attendu que la publicité autorisée en faveur de boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit ; qu'elle peut seulement comporter, outre ces indications, des références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine telles que définies à l'article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ;

Attendu que, pour rejeter la demande de l'ANPAA visant au retrait des mentions et visuels le sablier, "les sens", "l'originalité", "les hommes", "le savoir-faire", la cour d'appel a constaté qu'apparaissait sur le site une animation représentant un sablier en verre, composé de deux cubes translucides contenant un liquide ambré, que le terme "les sens" était utilisé pour faire trouver au participant la bonne association culinaire entre chaque type de Single Malt et des plats proposés, que sous le titre "l'originalité", il lui était proposé de retrouver, à partir d'arômes et saveurs défilant à l'écran, ceux qui composent les quatre Single Malt Glenfiddich, que pour participer au jeu-concours "hommes", il lui fallait trouver quel métier n'existe pas parmi les huit métiers présentés de la distillerie ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'aucun des éléments litigieux ne constituait une simple indication et que, dans le contexte du jeu-concours présenté sur le site qui visait à promouvoir une image d'excellence des produits de la marque et à valoriser les consommateurs, les références à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit dépassaient les limites de l'objectivité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté l'ANPAA de ses demandes visant à obtenir le retrait des mentions et visuels le sablier, "les sens", "l'originalité", "les hommes", "le savoir-faire", l'arrêt rendu le 8 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Lixir et la société Rapp aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé l'ordonnance rendue le 16 février 2010 en ce qu'elle avait ordonné sous astreinte de 10.000 € par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à la société LIXIR le retrait du site litigieux du sablier et des locutions "la patience", "les sens", "l'originalité", "les hommes", "le savoir-faire" et en ce qu'elle avait débouté les parties de leurs autres prétentions et d'avoir, statuant à nouveau et confirmant pour le surplus, débouté l'ANPAA de ses demandes visant à obtenir le retrait du visuel du sablier et des locutions "les sens", "l'originalité", "les hommes", "le savoir-faire", du site litigieux ;

AUX MOTIFS QUE, selon l'ensemble des éléments visés, les termes litigieux pris dans le contexte de leur reproduction tant lors de leur apparition initiale que de leur reprise à l'occasion de chaque jeu vise à délivrer, pour certains d'entre eux, un message non conforme aux critères légaux imposés et aux références objectives exigées par le code de la santé publique ; que tel n'est pas le cas des éléments suivants ; que le sablier peut être considéré comme un signe objectif évocateur du temps nécessaire à la fabrication et à la maturation du produit ; que le terme « les sens », rattaché au goût et aux saveurs et arômes propres de chaque single malt par association avec différents mets susceptibles de mettre le plus en valeur, se réfère objectivement aux caractéristiques gustatives de cet alcool, à son mode de consommation et à son évolution gustative suivant sa maturité ; que «l'originalité » se réfère objectivement aux caractéristiques particulières propres (arômes et saveurs) de chaque type de whisky de la gamme par référence à son âge ; que « le savoir-faire » se rattache aux méthodes d'élaboration spécifiques de cette marque de whisky ; que « les hommes » suivis de la présentation des différents corps de métiers qui participent à l'élaboration du produit à la distillerie et de l'incitation à exclure le corps de métier qui n'y participe pas visent également le mode d'élaboration de cet alcool ;

1°/ ALORS QUE, lorsqu'elle est autorisée, la publicité pour les boissons alcooliques est strictement limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit ; que tel n'est pas le cas de tout message publicitaire tendant à influencer l'imaginaire du consommateur éventuel pour l'incliner à l'acte de consommation, soit par une présentation séductrice du produit, soit par la valorisation de son consommateur ; qu'en l'espèce, le site litigieux présentait en guise de sablier un flacon de verre en lequel s'écoulait goutte à goutte le whisky objet de la publicité ; que cette image, étrangère aux indications limitatives de la loi, tendait à faire associer, par le consommateur lui-même, l'idée de temps à celle d'excellence du produit offert ; qu'elle constituait ainsi une incitation contraire à la loi ; qu'en décidant le contraire, pour juger que le sablier était un signe objectif évocateur du temps nécessaire à la fabrication et à la maturation du produit, la cour a violé l'article L.3323-4 du code de la santé publique ;

2°/ ALORS QUE, pour juger que la locution "les sens" était légale, la cour a retenu qu'elle était rattachée aux goûts et saveurs de chaque single malt par association à différents plats, de sorte qu'elle visait une simple caractéristique gustative et une modalité gustative ; qu'en se déterminant ainsi quand, d'une part, sur la page visant "les sens", cette expression, extraite de tout objet, véhiculait une image de "sensualité" pour séduire le consommateur et quand, d'autre part, la référence ultérieure aux plats renvoyait le consommateur à associer des whiskys différents à des plats différents, ce qui constituait une promotion étrangère aux critères stricts mentionnés par la loi et une incitation à associer ces plats à la consommation des alcools supposés appropriés, la cour a violé l'article L.3323-4 du code de la santé publique ;

3°/ ALORS QUE la publicité pour les boissons alcooliques est limitée à «l'indication » des seuls éléments visés par la loi ; que toutes autres indications, pussent-elles être "rattachées" à ces mentions d'une manière ou d'une autre, ne s'identifient pas à elles ; qu'en l'espèce, pour juger qu'étaient légales les locutions contestées "l'originalité", le "savoir-faire" et "les hommes", la cour a retenu, respectivement, qu'elles « se référaient », « se rattachaient » ou « visaient » les critères légaux ; qu'en se déterminant ainsi, quand ces locutions portaient sur des éléments étrangers aux critères légaux et constituaient seulement des critères de valorisation destinés à convaincre le consommateur de l'excellence du produit qui lui était proposé, afin de l'inciter à le consommer, la cour a violé l'article L.3323-4 du code de la santé publique.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi incident par la société Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Lixir et autre

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant le jugement entrepris, ordonné à la société LIXIR le retrait sur le site www.glenfiddich.fr des termes suivants : la patience, le choix, l'alchimie, le chef-d'oeuvre, l'étiquette, et ce sous astreinte de 10.000 € par jour de retard ;

AUX MOTIFS QUE « il résulte du rappel de l'ensemble des éléments accessibles sur le site www.glenfiddich.fr du jeu-concours intitulé «opération le parcours initiatique du Club Gleenfiddich» que les termes litigieux pris dans le contexte de leur reproduction, tant lors de leur apparition initiale que de leur reprise à l'occasion de chaque jeu, vise à délivrer, pour certains d'entre eux, un message non conforme aux critères légaux imposés et aux références objectives exigées par le code de la santé publique ; Qu'en effet si, - le sablier peut être considéré comme un signe objectif évocateur du temps nécessaire à la fabrication et à la maturation du produit, - le terme «les sens », rattaché au goût et aux saveurs et arômes propres de chaque single malt par association avec différents mets susceptibles de mettre le plus en valeur, se réfère objectivement aux caractéristiques gustatives de cet alcool, à son mode de consommation et à son évolution gustative suivant sa maturité ; - «l'originalité» se réfère objectivement aux caractéristiques particulières propres (arômes et saveurs) de chaque type de whisky de la gamme par référence à son âge, - « Le savoir faire» se rattache aux méthodes d'élaboration spécifiques de cette marque de whisky, - « Les hommes » suivis de la présentation des différents corps de métiers qui participent à l'élaboration du produit à la distillerie et de l'incitation à exclure le corps de métier qui n'y participe pas visent également le mode d'élaboration de cet alcool, Que par contre, les termes et expressions suivants ne respectent manifestement pas la loi en ce que, Contrairement à ce que prétendent les appelantes, « la patience » ne saurait "se rattacher à la durée d'élaboration du produit comme spécificité objective de la marque, dès lors que le message qu'elle contient renvoie directement au consommateur qu'il vise, en lui impartissant d'abord un délai d'attente avant de commencer le jeu titré par ce mot qui revient avec insistance et répétition au cours des 9 jeux, en lui rappelant avant chaque jeu « RIEN NE SE FAIT EN UN JOUR ». Tel est l'esprit du parcours initiatique que vous propose le club Glenfiddich. Rassemblez donc toute votre Patience, vos connaissances de la distillerie Glenfiddich et de l'univers du single Malt. Au bout de ce parcours. vous attend la très rare Glenfiddich de 40 ans d'âge » ; qu'il répond à la définition de « la qualité d'une personne qui sait attendre en conservant son calme », et suscite donc que seules les personnes dotées de cette qualité peuvent accéder à la consommation de ce whisky qui leur est réservé, Que « Le choix » renforce cette idée que seuls certains initiés sont capables d'apprécier l'un des whiskys de la gamme après avoir parcouru un « long cheminement», Que le terme « l'étiquette » ne se contente pas de faire référence ainsi que le soutiennent appelantes, aux différents modes de consommation possibles mais se rattache, ainsi qu'il est habituellement défini, à l'ordre de préséance, au cérémonial en usage auprès d'un grand personnage, suscitant ainsi une magnification de la consommation du whisky en ce que le cérémonial de son mode de consommation le réserve exclusivement à une élite capable de respecter ce cérémonial, « La transmission » ne peut être associée, comme il est soutenu, à l'origine du produit à travers le temps et le monde, ni à un des critères imposés ou références légalement autorisées en ce qu'elle vise à inciter le joueur pour gagner, prioritairement à contacter d'autres internautes et à obtenir qu'ils se connectent au site Glenfiddich, Que « L'alchimie » dont la définition correspond à une « transformation, une transmutation mystérieuse» et dans son acception première à « une science occulte d'origine moyenâgeuse née de la fusion de techniques chimiques gardées secrètes et de spéculations mystiques », quant à elle, ne saurait se rattacher, même suivie des termes « de "eau, de l'orge et du temps » à une des conditions objectives d'élaboration du produit, Que la qualification « le chef d'oeuvre » qui accompagne la bouteille de whisky de 40 ans d'âge et qui, se rapportant à une publicité pour alcool ne peut qu'être attribuée au contenu de la bouteille et non à son conditionnement, ne saurait, même s'il s'agit d'un produit de luxe à distribution très restreinte, être considérée comme objective, en ce qu'elfe revient à désigner ce whisky comme « une oeuvre capitale, une chose très remarquable, parfaite, une merveille », en conséquence magnifiée et inaccessible ; Qu'il s'ensuit que ces termes et expressions, replacés dans leur contexte, visent à délivrer aux internautes une image selon laquelle en s'adonnant à la consommation de cette marque de whisky, ils ne peuvent qu'appartenir à une élite restreinte et ainsi magnifier dans une démarche incitative la consommation de cet alcool, qu'ils ne satisfont pas aux exigences légales et sont donc constitutifs d'un trouble manifestement illicite justifiant les pouvoirs de la juridiction des référés d'ordonner de le faire cesser; Et que le concours organisé par la société LlXIR à la demande de la société GlENFIDDICH ne répond pas à la définition de l'article L 3323-3 du code de la santé publique qui considère « comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique » ; Que les jeux et concours ne sont pas répertoriés dans la liste autorisant exclusivement certaines formes de propagande ou publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites telle que prévue à l'article L 3323~2 du code de la santé publique ; Que le concours litigieux ne peut être, compte tenu de l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, être qualifié de parrainage ayant «pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques» au sens de l'article L 3323-2, le parrainage impliquant en effet le soutien à un tiers ; Mais qu'en l'espèce, dès lors qu'il est constant que l'objectif ultime du concours ainsi organisé est de parvenir à gagner une bouteille de Single Malt de 40 ans d'âge d'une valeur unitaire de 3 900 € TTC, objectif rappelé à chaque étape du jeu par la formule «Au bout de ce parcours vous attend le très rare Glendfiddich de 40 ans d'âge» et que ce concours en ligne, dont le caractère publicitaire n'est pas contesté, doit nécessairement répondre aux exigences du code de la santé publique, il convient d'estimer qu'en offrant à titre gratuit en tant que lot éminemment enviable une bouteille d'alcool considérée comme prestigieuse tant par ses caractéristiques, sa rareté et son prix, ce jeu et les mentions y insérées à chacune de ses étapes, renforcent la suggestion d'élitisme attachée à la consommation du whisky de cette marque dont il sublime la consommation ; qu'il enfreint le code de la santé publique et constitue donc un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en en ordonnant l'interdiction sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ; »

ALORS QUE la publicité pour les boissons alcooliques est autorisée au moyen des services de communication en ligne à la condition de n'être ni intrusive ni interstitielle et peut contenir des indications relatives à la composition, au mode d'élaboration, au mode de consommation du produit et des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; que toute publicité a pour but de rendre désirable pour le consommateur auquel elle est destinée le produit qui en fait l'objet ; que le terme « alchimie » suivi des termes de l'eau, de l'orge et du temps indique objectivement la composition et le mode d'élaboration du produit ; que le terme de « patience » renvoie objectivement à la lenteur de maturation du produit ; que le terme « l'étiquette » associé à la présentation des mets que le jeu propose de rapprocher d'une catégorie de whisky constitue une référence objective au mode de consommation du produit ; que le terme de « chef d'oeuvre » est encore objectif pour désigner un produit qui a fait l'objet d'une aussi longue maturation ; que le terme « choix » ne se réfère pas à l'idée selon laquelle seuls certains initiés seraient capables d'apprécier l'un des whiskies de la gamme, mais de présenter celle-ci dont la variété offre en effet un choix, ce qui constitue une information purement objective liée à la composition du produit, à son élaboration et à ses modalités de vente ; qu'en jugeant que l'utilisation de ces vocables pour la publicité des whiskies de la marque Glenfiddich dans le jeu concours à objet publicitaire mis en ligne sur Internet par la société LIXIR constituait un trouble manifestement illicite, la Cour d'appel a violé l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique, ensemble l'article 809 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné sous astreinte à la SAS LlXIR le retrait sur le site www.glenfiddich.fr du jeu-concours intitulé «Opération le parcours initiatique du Club Glenfiddich » ;

AUX MOTIFS QUE « que les jeux et concours ne sont pas répertoriés dans la liste autorisant exclusivement certaines formes de propagande ou publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites telle que prévue à l'article L 3323~2 du code de la santé publique ; que le concours litigieux ne peut être, compte tenu de l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, être qualifié de parrainage ayant «pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques» au sens de l'article L 3323-2, le parrainage impliquant en effet le soutien à un tiers ; mais qu'en l'espèce, dès lors qu'il est constant que l'objectif ultime du concours ainsi organisé est de parvenir à gagner une bouteille de Single Malt de 40 ans d'âge d'une valeur unitaire de 3 900 € TTC, objectif rappelé à chaque étape du jeu par la formule «Au bout de ce parcours vous attend le très rare Glendfiddich de 40 ans d'âge» et que ce concours en ligne, dont le caractère publicitaire n'est pas contesté, doit nécessairement répondre aux exigences du code de la santé publique, il convient d'estimer qu'en offrant à titre gratuit en tant que lot éminemment enviable une bouteille d'alcool considérée comme prestigieuse tant par ses caractéristiques, sa rareté et son prix, ce jeu et les mentions y insérées à chacune de ses étapes, renforcent la suggestion d'élitisme attachée à la consommation du whisky de cette marque dont il sublime la consommation ; qu'il enfreint le code de la santé publique et constitue donc un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en en ordonnant l'interdiction sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt » ;

1°/ ALORS QUE la propagande et la publicité pour les boisons alcooliques sont autorisées par la loi dans les limites prévues à l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique ; que toute publicité a pour objet de rendre enviable le produit dont il vante les mérites ; qu'en interdisant en référé le jeu concours à objet publicitaire mis en ligne par la société LIXIR sur son site Internet Glenfiddich.fr pour la raison que le lot offert était constitué par une bouteille de whisky rendue éminemment enviable par le déroulement du jeu, la Cour d'appel a violé l'article L. 3323-4 du Code de la santé publique ensemble l'article 809 du Code de procédure civile ;

2°/ALORS QUE les restrictions apportées par le législateur à la publicité en faveur des boissons alcooliques ont pour objectif d'éviter un excès de consommation d'alcool notamment chez les plus jeunes : qu'en interdisant un jeu concours accessible sur le site Internet Glenfiddich au prétexte que les étapes de ce jeu conduisent à considérer comme éminemment désirable une bouteille de single malt de 40 ans d'âge d'une valeur de 3.900 € offerte à titre de lot, la Cour d'appel qui n'a pas caractérisé, avec l'évidence requise en référé, en quoi le jeu concours litigieux conduisait les participants à une consommation excessive d'alcool, a privé de base légale sa décision au regard des articles L. 3323-4 du Code de la santé publique et 809 du Code de procédure civile.

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