7 septembre 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-10.597

Troisième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2011:C300940

Titres et sommaires

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - indemnité - fixation - procédure - expropriation selon les règles du droit commun - immeuble frappé d'insalubrité - valeur - détermination

Ayant relevé que, compte tenu de la présence sur le même site de logements frappés d'insalubrité irrémédiable et de bâtiments salubres ou commerciaux, la procédure d'expropriation s'était déroulée selon le droit commun et exactement retenu que rien n'interdisait l'application simultanée des textes de droit commun et de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 dès lors que les conditions requises pour l'application de cette loi aux logements insalubres étaient réunies, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'indemnité relative à l'expropriation de ces logements insalubres devait être fixée conformément aux dispositions de l'article 18 de cette loi

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :






Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 septembre 2009), que, par arrêté du 25 mars 2002, modifié, le préfet des Alpes Maritimes a déclaré d'insalubrité non remédiable des logements occupés situés sur des parcelles appartenant aux époux X... ; que ces parcelles sur lesquelles étaient également édifiés des maisons à usage d'habitation non frappées d'insalubrité irrémédiable ainsi qu'un local commercial ont été expropriées, au profit de l'Etablissement public foncier Provence Côte d'Azur (EPF PACA), par ordonnance du 14 octobre 2005, selon la procédure de droit commun, aux fins d'acquisition des terrains nécessaires à la résorption de l'habitat insalubre et à la construction de logements sociaux dans le but de reloger les occupants ;


Sur le premier moyen :


Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'évaluer les logements déclarés d'insalubrité non remédiable selon les règles prévues par la loi du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre dite loi Vivien et de limiter en conséquence les indemnités leur étant dues alors, selon le moyen :


1°/ que, lorsque la procédure d'expropriation est conduite selon les dispositions de droit commun, les immeubles doivent être évalués selon les règles habituelles et non selon les règles spéciales prévues par la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, lesquelles ne peuvent s'appliquer que lorsque la procédure d'expropriation a été conduite selon les règles spéciales qui y sont prévues ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que certains des immeubles compris dans le périmètre de l'expropriation devaient être évalués selon les règles prévues par la loi du 10 juillet 1970, motif pris de ce qu'ils étaient insalubres, quand il était par ailleurs constant que la procédure d'expropriation avait été conduite selon les règles du droit commun et non selon les règles spéciales de ladite loi, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé, par fausse application, l'article 18 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 et, par refus d'application, les articles L. 13-13 à L. 13-17 du code de l'expropriation ;


2°/ que les circulaires sont dépourvues de valeur normative en droit privé français ; qu'au cas d'espèce, en se fondant sur les dispositions de la circulaire n° UHC/IUH 48 n° 2003-31 du 5 mai 2003 relative à la mise en oeuvre et au financement des opérations de résorption de l'habitat insalubre irrémédiable, pour en déduire que les règles spéciales issues de la loi du 10 juillet 1970 devaient s'appliquer à l'espèce, les juges du fond ont violé les articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;


Mais attendu qu'ayant relevé que, compte tenu de la présence sur le même site de logements frappés d'insalubrité irrémédiable et de bâtiments salubres ou commerciaux, la procédure d'expropriation s'était déroulée selon le droit commun et exactement retenu que rien n'interdisait l'application simultanée des textes de droit commun et de la loi du 10 juillet 1970 dès lors que les conditions requises pour l'application de cette loi aux logements insalubres étaient réunies, la cour d'appel a déduit à bon droit, de ces seuls motifs, que l'indemnité relative à l'expropriation de ces logements insalubres devait être fixée conformément aux dispositions de l'article 18 de cette loi ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le second moyen, ci-après annexé :


Attendu que la cour d'appel a souverainement retenu, parmi les termes de comparaison qui lui étaient proposés par les parties, ceux qui lui sont apparus les meilleurs et les mieux appropriés, compte tenu des caractéristiques et de la situation des biens expropriés ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne les époux X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux X..., les condamne à payer à l'Etablissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille onze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. et Mme X....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


L'arrêt attaqué encourt la censure ;


EN CE QU'il a limité à 469.720,40 € l'indemnité d'expropriation allouée à M. et Mme X... ;


AUX MOTIFS propres QUE « c'est à juste titre que le premier juge a indiqué que : - d'une part, la procédure s'est déroulée dans le cadre du droit commun de l'expropriation en l'état de l'existence de bâtiments salubres et d'un local commercial et non conformément à la loi du 10 juillet 1970, dite « loi Vivien » ; - d'autre part, qu'eu égard à la circulaire UHC/IUH 48 n° 2003-31 du 5 mai 2003, l'appréciation de la valeur des biens irrémédiablement insalubres expropriés était indépendante de la procédure utilisée pour l'expropriation, donc de la forme de la DUP ; - qu'en conséquence, les biens frappés par l'arrêté d'insalubrité irrémédiable devraient être évalués en application de l'article de la loi du 10 juillet 1970 et les autres, classiquement, en valeur vénale en l'état de leur occupation à usage d'habitation et, pour le local commercial, en valeur libre de toute location ou occupation ; que les époux X... ne critiquent pas valablement l'application de la loi du 10 juillet 1970 ; qu'en effet, les dispositions de cette loi font partie intégrante du Code de l'expropriation en sa troisième partie, dénommée « Annexes à la partie législative – Annexe 1 : Habitat insalubre » ; que si aucun texte de droit commun ne fait référence à cette disposition de la loi spéciale article 18, cela ne fait pas obstacle à l'application de l'annexe, la partie législative faisant partie intégrante des dispositions relatives à l'expropriation ; que par ailleurs, et contrairement à ce que les expropriés soutiennent, rien n'interdit l'application simultanée des deux textes au sein d'une même procédure d'expropriation ; qu'enfin, les conditions requises pour l'application de la loi Vivien sont réunies en l'espèce : interdiction d'habiter suivie d'une déclaration d'utilité publique, une offre de relogement des occupants, arrêté de cessibilité et possibilité offerte aux propriétaires de s'engager à supprimer des bâtiments, à remette en état les sols et à reloger les occupants (…) » (arrêt, p. 5) ;


Et AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QU'« il résulte des pièces du dossier qu'une partie des immeubles objet de l'expropriation ont été frappés d'un arrêté d'insalubrité irrémédiable en date du 25 mars 2002 et qu'une autre partie des immeubles (local commercial, maison d'habitation en façade de la Route de Nice) n'ont pas été frappés par ledit arrêté ; que dès lors, compte tenu de la présence sur le même site de bâtiments salubres et commerciaux, la procédure d'expropriation s'est déroulée dans le cadre du droit commun de l'expropriation (après enquête publique et DUP) et non conformément aux dispositions de la loi du 10 juillet 1970 dite loi Vivien ; que pour autant, en application de la circulaire UHC/IUH 48 n° 2003-31 du 5 mai 2003 relative à la mise en oeuvre et au financement des opérations de résorption de l'habitat insalubre, l'appréciation de la valeur des biens irrémédiables insalubres expropriés est indépendante de la procédure utilisée pour l'expropriation, donc de la forme de la DUP ; qu'il en résulte que la valeur des biens frappés d'insalubrité irrémédiable doit être établie en application de l'article de la loi du 10 juillet 1970 ; que les immeubles non frappés d'insalubrité doivent être évalués en valeur vénale en l'état de leur occupation à usage d'habitation, et pour le local commercial en valeur vénale libre de toute occupation ou occupation (…) » (jugement, p.4-5) ;


ALORS QUE, premièrement, lorsque la procédure d'expropriation est conduite selon les dispositions de droit commun, les immeubles doivent être évalués selon les règles habituelles et non selon les règles spéciales prévues par la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970, lesquelles ne peuvent s'appliquer que lorsque la procédure d'expropriation a été conduite selon les règles spéciales qui y sont prévues ; qu'au cas d'espèce, en décidant au contraire que certains des immeubles compris dans le périmètre de l'expropriation devaient être évalués selon les règles prévues par la loi du 10 juillet 1970, motif pris de ce qu'ils étaient insalubres, quand il était par ailleurs constant que la procédure d'expropriation avait été conduite selon les règles du droit commun et non selon les règles spéciales de ladite loi, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé, par fausse application, l'article 18 de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 et, par refus d'application, les articles L. 13-13 à L. 13-17 du Code de l'expropriation ;


Et ALORS QUE, deuxièmement, les circulaires sont dépourvues de valeur normative en droit privé français ; qu'au cas d'espèce, en se fondant sur les dispositions de la circulaire n° UHC/IUH 48 n° 2003-31 du 5 mai 2003 relative à la mise en oeuvre et au financement des opérations de résorption de l'habitat insalubre irrémédiable, pour en déduire que les règles spéciales issues de la loi du 10 juillet 1970 devaient s'appliquer à l'espèce, les juges du fond ont violé les articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble l'article 12 du Code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ;


EN CE QU'il a limité à 469.720,40 € l'indemnité d'expropriation allouée à M. et Mme X... ;


AUX MOTIFS tout d'abord QUE « s'agissant de la parcelle AL n°44, les époux X... contestent les abattements appliqués par le premier juge et retiennent un abattement de 15 % sur l'ensemble des bâtiments ; qu'ils omettent toutefois le fait qu'une partie de cette série de bâtiments est frappée d'un arrêté d'insalubrité irrémédiable et que c'est pour cette raison que le Tribunal a retenu pour ces derniers biens un abattement de 40 % et pour les autres de 15 % ; que par ailleurs, les estimations d'urgences lire : agences immobilières par les expropriés ne peuvent qu'être rejetées car elles ne sont pas fondées sur des termes de comparaison publiés à la Conservation des hypothèques (…) » (arrêt, p. 6, antépénultième, avant-dernier et dernier §) ;


Et AUX MOTIFS encore QUE « concernant les immeubles à usage d'habitation sur la parcelle A.45, que les expropriés proposent des prix excessifs à hauteur de 2.915 €/m², sans terme de référence correspondant à la jurisprudence de la Cour d'appel AIX-EN-PROVENCE, se basant uniquement sur des moyennes établies par la FNAIM et la Chambre des notaires ; que, par ailleurs, il ne doit pas être tenu compte de l'expertise amiable réalisée le 7 février 2006 par l'expert M. Z..., car ce dernier ne se place pas à la date du 5 avril 2004, date à laquelle l'ouverture effective des enquêtes conjointes d'utilité publique et parcellaire s'est effectuée et date à laquelle le bien n'avait pas encore subi d'amélioration (…) » (arrêt, p. 7, § 5 et 6) ;


ALORS QUE, premièrement, l'exproprié a le droit de produire tous les éléments de preuve de nature à établir la valeur du bien exproprié ; qu'au cas d'espèce, en refusant par principe, s'agissant de la parcelle AL n° 44, de s'interroger sur la valeur probante des estimations émanant d'agences immobilières produites par les expropriés, motif pris de ce que ces estimations n'étaient pas fondées sur des termes de comparaison publiés à la Conservation des hypothèques, les juges du fond ont violé les articles L. 13-13 à L. 13-15 du Code de l'expropriation, ensemble l'article 1353 du Code civil ;


Et ALORS QUE, deuxièmement et de la même manière, en refusant par principe, s'agissant des immeubles à usage d'habitation situés sur la parcelle AL n° 45, de tenir compte des termes de référence proposés par les expropriés et basés sur des moyennes établies par la FNAIM et la Chambre des notaires, motif pris de ce que ces termes de référence ne correspondaient pas à la jurisprudence de la Cour d'appel AIX-EN-PROVENCE, les juges du fond ont, à cet égard encore, violé les articles L. 13-13 à L. 13-15 du Code de l'expropriation, ensemble l'article 1353 du Code civil.

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