14 septembre 2011
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-10.032

Troisième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2011:C301047

Titres et sommaires

BAIL COMMERCIAL - procédure - bail révisé ou renouvelé - mémoire - mémoire préalable - défaut - conclusions après ordonnance de renvoi pour incompétence du juge des référés - portée

Lorsqu'une affaire est renvoyée devant le juge des loyers commerciaux, la procédure se poursuit selon les règles relatives au dépôt des mémoires et à leur notification applicables devant cette juridiction. Une cour d'appel retient donc à bon droit que le juge des loyers ne pouvant être saisi à peine d'irrecevabilité avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification d'un premier mémoire, il appartient aux parties, renvoyées devant ce juge après décision d'incompétence, de procéder à la notification de mémoires et qu'à défaut, la procédure est irrégulière

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 octobre 2009), que par acte du 29 avril 1992, la SCI de Saint-Crescent-le-Vieil (la SCI) a donné à bail à la société La Cave du Palais des locaux à usage commercial ; qu'elle lui a notifié par acte du 14 mai 2004 un congé avec offre de renouvellement avec un loyer déplafonné, puis l'a assignée devant le juge des référés pour voir ordonner une expertise sur la valeur locative ; que par ordonnance du 29 mars 2005, le juge des référés s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire devant le juge des loyers du même tribunal ; que par jugement du 4 septembre 2008, le juge des loyers a fixé à une certaine somme le prix du bail renouvelé; que la cour d'appel a annulé la procédure et les décisions rendues ;


Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrégulière la procédure suivie entre les parties devant le juge des loyers commerciaux, alors, selon le moyen :


1°/ que lorsqu'un jugement d'incompétence désigne le juge compétent, l'instance se poursuit devant le juge ainsi désigné sans qu'il y ait lieu à une nouvelle assignation ; que les parties sont invitées par lettre recommandée avec avis de réception du secrétaire de la juridiction à poursuivre l'instance sans avoir à accomplir une quelconque formalité ; que la procédure sur échange de mémoires préalable à l'assignation est par conséquent sans application lorsque le juge des loyers a été saisi par l'effet d'un renvoi d'une autre juridiction qui l'a désigné ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 96, 97 du code de procédure civile et R. 145-23 et R. 145-27 du code de commerce ;


2°/ que la procédure sur échange de mémoires prévue par les articles R. 145-23 et suivants du code de commerce ne s'applique que pour la contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, formée devant le président du tribunal de grande instance statuant comme juge des loyers ; que le juge des référés est régulièrement saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, directement par voie d'assignation et sans échange préalable de mémoires ; qu'en décidant que la procédure suivie serait entachée de nullité depuis l'assignation en référé du 11 février 2005, la cour d'appel a violé les articles 485 du Code de procédure civile et R. 145-23 et suivants du code de commerce ;


Mais attendu qu'ayant relevé, à bon droit, que la procédure des articles R. 145-23 et suivants du code de commerce, selon laquelle le juge des loyers ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi, s'imposait, en ce qu'elle était relative au dépôt des mémoires et à leur notification, aux justiciables comme ayant été édictée dans le cadre de l'organisation judiciaire et dans l'intérêt d'une meilleure administration de la justice et non dans l'intérêt de l'une ou l'autre des parties, la cour d'appel, qui a exactement retenu que les parties étant renvoyées devant le juge des loyers commerciaux, il leur incombait de procéder conformément aux textes ci-dessus mentionnés, et qui a constaté qu'après la décision d'incompétence, il avait été procédé par simples conclusions sans notification de mémoires, en a justement déduit que la procédure était irrégulière ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :


Vu les articles 500 et 901 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 145-27 du code de commerce ;


Attendu qu'a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution et que le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai ; que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité la constitution de l'avoué de l'appelant, l'indication du jugement et l'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
Attendu que pour annuler les décisions rendues les 29 mars 2005 et 4 septembre 2008, l'arrêt retient que la sanction de l'omission des mémoires préalables à la saisine du juge des loyers n'est pas l'irrecevabilité mentionnée au dispositif des conclusions de la société La Cave du Palais mais la nullité de la procédure suivie depuis l'assignation en référé du 11 février 2005 visée dans le corps de ses conclusions et que cette nullité affecte les jugements rendus les 29 mars 2005 et 4 septembre 2008 ;


Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance du juge des référés n'était frappée d'aucun appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Et vu l'article 627, alinéa 1, du code de procédure civile ;


Attendu que la cassation prononcée n'implique pas qu'il y ait lieu à renvoi, l'irrégularité de la procédure suivie devant le juge des loyers commerciaux après renvoi par le juge des référés entraînant interruption définitive et extinction de l'instance en fixation du loyer ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé les décisions rendues les 29 mars 2005 et 4 septembre 2008, l'arrêt rendu le 20 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;


DIT n'y avoir lieu à renvoi ;


Déclare éteinte l'instance en fixation du loyer du bail renouvelé introduite par la SCI de Saint-Crescent-le-Viel ;


Dit n'y avoir lieu à modifier la condamnation aux dépens prononcée par les juges du fond ;


Condamne la société La Cave du Palais aux dépens du présent arrêt ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille onze.





MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la SCI Saint-Crescent-le-Vieil




Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrégulière la procédure suivie entre les parties devant le juge des loyers commerciaux du Tribunal de grande instance de Narbonne, d'avoir annulé cette procédure et annulé en conséquence les décisions rendues les 29 mars 2005 et 4 septembre 2008 par le juge des loyers commerciaux ;


Aux motifs que les articles 29 et suivants du décret du 30 septembre 1953, depuis codifiés aux articles R 145-23 et suivants du Code de commerce, disposent que les contestations relatives à la fixation du prix du bail renouvelé sont portées devant le président du tribunal de grande instance ou le juge qui le remplace, qu'il est statué sur mémoires, que le contenu des mémoires est fixé par ces textes et que le juge ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi, qu'après remise en greffe des mémoires et pièces par la partie la plus diligente, il est procédé comme il est dit en matière de procédure d'urgence ; que la procédure ainsi prévue par les articles 29 et suivants du décret du 30 septembre 1953 depuis codifiés en ce qu'elle est relative au dépôt des mémoires et à leur notification s'impose aux justiciables comme ayant été édictée «dans le cadre de l'organisation judiciaire et dans l'intérêt d'une meilleure administration de la justice et non dans l'intérêt de l'une ou l'autre des parties» ; que la notification préalable à la saisine du juge du mémoire du demandeur ou du défendeur ne peut être remplacée par aucun acte même extrajudiciaire et que les assignations et conclusions déposées devant le juge des loyers commerciaux ne peuvent suppléer l'absence de mémoire ; que les assignations et conclusions sans mémoire préalable sont affectées d'une nullité de fond affectant la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé ; qu'il est constant en l'espèce que la procédure a été initiée devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Narbonne par une assignation visant l'article 145 du Code de procédure civile ; qu'après décision d'incompétence il a été procédé par simples conclusions sans notification de mémoires, que la procédure ci-dessus décrite a été méconnue ; que s'agissant de droits dont les parties n'ont pas la libre disposition, leur accord mentionné au jugement du 16 juin 2005 n'est d'aucun effet sur la procédure suivie ; qu'il résulte par ailleurs des articles 74 et 118 du Code de procédure civile que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation de règles de fond peuvent être proposées en tout état de cause et sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief ; que les articles 112 et 113 du Code de procédure civile ne s'appliquent pas aux nullités de fond ; que la société La Cave du Palais a donc pu invoquer la nullité pour la première fois après le dépôt du rapport de l'expert alors au surplus qu'il ne résulte d'aucun acte qu'elle y aurait renoncé antérieurement ; que le premier juge a procédé sans fondement juridique à une distinction selon que le juge des loyers commerciaux était saisi par les parties ou par décision de renvoi du juge des référés alors que seules les parties introduisent l'instance ; que les parties étant renvoyées devant le juge des loyers commerciaux, il leur incombait de procéder conformément aux textes ci-dessus mentionnés ; qu'enfin la régularité de la procédure suivie après le dépôt du rapport de l'expert n'a pas fait disparaître l'irrégularité de la saisine initiale du juge des loyers commerciaux ; que la sanction de ces omissions n'est pas l'irrecevabilité mentionnée au dispositif des conclusions de la SARL La Cave du Palais mais la nullité de la procédure suivie depuis l'assignation en référé du 11 février 2005 visée dans le corps de ses conclusions ; que cette nullité affecte les jugements rendus les 29 mars 2005 et 4 septembre 2008 ;


Alors d'une part, que lorsqu'un jugement d'incompétence désigne le juge compétent, l'instance se poursuit devant le juge ainsi désigné sans qu'il y ait lieu à une nouvelle assignation ; que les parties sont invitées par lettre recommandées avec avis de réception du secrétaire de la juridiction à poursuivre l'instance sans avoir à accomplir une quelconque formalité ; que la procédure sur échange de mémoires préalable à l'assignation est par conséquent sans application lorsque le juge des loyers a été saisi par l'effet d'un renvoi d'une autre juridiction qui l'a désigné ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 96, 97 du Code de procédure civile et R 145-23 et R 145-27 du Code de commerce ;


Alors d'autre part, que la procédure sur échange de mémoires prévue par les articles R 145-23 et suivants du Code de commerce ne s'applique que pour la contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, formée devant le président du Tribunal de grande instance statuant comme juge des loyers ; que le juge des référés est régulièrement saisi sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, directement par voie d'assignation et sans échange préalable de mémoires ; qu'en décidant que la procédure suivie serait entachée de nullité depuis l'assignation en référé du 11 février 2005, la Cour d'appel a violé les articles 485 du Code de procédure civile et R 145-23 et suivants du Code de commerce ;


Alors enfin, qu'en annulant la procédure suivie depuis l'assignation devant le juge des référés ainsi que l'ordonnance de référé du 29 mars 2005, la Cour d'appel qui n'était saisie d'aucun recours contre cette ordonnance passée en force de chose jugée, a violé l'article 500 du Code de procédure civile.

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