10 février 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 09-12.125

Troisième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:C300179

Titres et sommaires

CONTRAT D'ENTREPRISE - sous - traitant - rapports avec l'entrepreneur principal - coût des travaux - etablissement et notification du décompte définitif - modalités - détermination - portée

Un entrepreneur n'est pas fondé à faire valoir que son mémoire définitif ne peut plus être contesté par le maître de l'ouvrage qui ne lui a pas notifié son décompte définitif, lorsqu'il n'a fait parvenir ce mémoire qu'au sous-traitant du maître d'oeuvre, et que ce sous-traitant ne l'a pas transmis au maître de l'ouvrage

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :






Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 6 janvier 2009), qu'en septembre 2000, la Société d'investissement touristique et immobilier (SITI) a confié à la société Rhône fluides le lot n° 9 "plomberie-ventilation" des travaux de rénovation d'un hôtel ; que la réception a été prononcée avec réserves le 22 décembre 2000 ; que la société Rhône fluides a assigné la société SITI en paiement d'un solde dû sur marché et que la société SITI a appelé en garantie la société E2CA, sous-traitante du maître d'oeuvre chargée d'une mission d'économiste de la construction portant notamment sur la vérification des comptes ;


Sur le premier moyen :


Vu l'article 1134 du code civil ;


Attendu que pour condamner la société SITI à payer à la société Rhône fluides la somme de 85 701,25 euros, l'arrêt retient que la société SITI n'a pas fait parvenir son décompte définitif à la société Rhône fluides et que celle-ci est fondée à faire valoir que son décompte définitif du 25 janvier 2005 ne peut plus être contesté par la société SITI ;


Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la société E2CA était intervenue en qualité de sous-traitante du maître d'oeuvre et n'avait pas transmis au maître de l'ouvrage le mémoire définitif reçu de l'entrepreneur, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :


Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile ;


Attendu que la cassation de l'arrêt du 6 janvier 2009 en ce qu'il condamne la société SITI à payer à la société Rhône fluides une somme de 85 701,25 euros entraîne par voie de conséquence l'annulation de la décision en ce qu'elle a débouté la société SITI de sa demande contre la société E2CA qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;


Condamne la société Rhône fluides aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Rhône fluides à payer à la Société d'investissement touristique et immobilier la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société E2CA Ingénierie ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix.MOYENS ANNEXES au présent arrêt.


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la Société d'investissement touristique et immobilier.


PREMIER MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la SA SITI à payer à la SARL RHONE FLUIDES la somme de 85.701,25 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2005, avec application de l'article 1154 du Code civil ;


AUX MOTIFS QU'au bas de la pièce n° 11 invoquée par la SITI figure une phrase libellée dans les termes suivants : « nous vous demandons de bien vouloir nous faire adresser un chèque de ce montant 353.077,98 F par le maître d'ouvrage dans les plus brefs délais, avant de régler définitivement cette opération ; nous vous en remercions et restons votre dévoué » ; que l'emploi du mot « avant » implique la volonté de la SARL RHONE FLUIDES, comptable selon l'article 19.5 précité, de considérer le compte comme provisoire ; qu'au surplus telle était bien la volonté commune des parties ainsi qu'il résulte de la circonstance qu'une situation n° 5 était établie le 25 juillet 2001 ; qu'en outre, la situation n° 4, comme la situation n° 5, mentionnent que des déductions sont opérées pour malfaçons et retard, mais à titre de provision, terme qui implique également le caractère provisoire du compte ; que selon l'article 19.5 de la norme AFNOR précitée, dans le délai de 60 jours à dater de la réception (…), l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché ; que, par ailleurs, si le mémoire définitif n'a pas été remis au maître d'oeuvre dans ce délai, le maître de l'ouvrage peut, après mise en demeure restée sans effet, le faire établir par le maître d'oeuvre aux frais de l'entrepreneur ; que le dépassement du délai de 60 jours n'entraîne donc aucune forclusion, qu'il autorise seulement le maître de l'ouvrage à faire établir un décompte par le maître d'oeuvre, de sorte que les demandes contenues dans le « mémoire définitif » étaient recevables ; que, selon l'article 19.6, le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur le décompte définitif vérifié par le maître d'oeuvre dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d'oeuvre ; que si le décompte n'est pas notifié dans ce délai, le maître de l'ouvrage est réputé ne pas avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d'oeuvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours ; qu'un document intitulé « mémoire définitif » était adressé à la SA E2CA le 25 janvier 2005 conformément aux prescriptions de la norme AFNOR ; qu'en l'espèce, il est constant que la SA SITI n'a pas fait parvenir son décompte définitif à la SARL RHONE FLUIDES, qui lui a adressé une mise en demeure le 18 mars 2005, de sorte que le délai de 45 jours a été respecté ; qu'en conséquence la SARL est fondée à faire valoir que son décompte définitif du 25 janvier 2005, arrêté à la somme de 85.701,25 euros ne peut plus être contesté par la SA SITI ; que, selon l'article 20.8 de la norme AFNOR, après mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, les retards de paiement ouvrent droit pour l'entrepreneur au paiement d'intérêts moratoires à un taux, qui à défaut d'être fixé aux cahiers des clauses administratives particulières, sera le taux de l'intérêt légal augmenté de sept points ; que toutefois, dans la rédaction de cet article résultant de l'annexe D, cette clause doit figurer en tête de l'échéancier ; que la SARL RHONE FLUIDES ne prétend pas avoir satisfait à cette dernière exigence, de sorte que la créance résultant de la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article 19.6 est soumise aux dispositions de l'article 1153 du Code civil ; que le point de départ des intérêts légaux doit être fixé en application de ce texte au 18 mars 2005 ;


ALORS QU'aux termes des articles 19.5.1 et 19.6.2 de la norme AFNOR applicable au litige, l'entrepreneur doit remettre son mémoire définitif au maître d'oeuvre ; qu'en jugeant que le mémoire en date du 25 janvier 2005, établi par la société RHONE FLUIDES, entrepreneur, était un mémoire définitif au sens des articles précités, tout en relevant que ce mémoire avait été remis à la société E2CA INGENIERIE, sous-traitant du maître d'oeuvre, et non à ce dernier, la société AMC, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1134 du Code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la SA SITI de sa demande contre la société E2CA INGENIERIE ;


AUX MOTIFS QUE selon l'article 19.5 de la norme AFNOR précitée, il appartient au maître de l'ouvrage de prendre les initiatives utiles pour faire établir le mémoire définitif par le maître d'ouvre en cas de carence de l'entrepreneur ; qu'il appartenait en conséquence à la SA SITI de réclamer ce décompte définitif à la SA E2CA dans le cours du second semestre de l'année 2001 ; qu'il convient en conséquence de débouter la SA SITI de ses demandes contre la SA E2CA ; que la SA SITI invoque un manquement de la SA E2CA à son devoir de prudence qu'elle situe en janvier 2005 ; mais que le manquement reproché à cette société ne pouvait avoir d'autre conséquence que d'entraîner une perte de chance de faire réduire le montant de la créance de la SARL RHONE FLUIDES ; que la somme réclamée par celle-ci se compose, d'une part, du solde de son marché, c'est-à-dire en excluant les déductions pour malfaçons et retard, et, d'autre part, d'intérêts de retard ; que la SA SITI n'expose pas comment elle aurait pu éviter de payer le solde du marché de la SA RHONE FLUIDES ; que le taux des intérêts de retard compris dans le décompte de la SA RHONE FLUIDES s'analyse pour partie comme une clause pénale ; mais attendu que la SA SITI savait que la SA RHONE FLUIDES voulait obtenir paiement du solde de son marché, notamment par un courrier du 28 janvier 2003, de sorte qu'elle pouvait prendre toutes dispositions utiles pour contester le décompte de cette société bien avant qu'il ne devienne définitif ; qu'il en résulte que la SA E2CA ne peut être tenue pour responsable de la dette d'intérêts de la SA SITI ;


1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations ; qu'en imputant à faute, au maître de l'ouvrage, la SITI, de n'avoir pas réclamé le décompte définitif des sommes dues à la société RHONE FLUIDES dans le cours du second semestre de l'année 2001, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;


2°) ALORS QUE le client d'un professionnel n'est pas tenu de vérifier la réalisation des tâches qu'il lui confie ; qu'en déboutant la SITI de son action en responsabilité dirigée contre la société E2CA INGENIERIE, professionnelle chargée de l'établissement de la comptabilité du chantier, au motif qu'il lui appartenait de réclamer le décompte définitif des sommes dues à la société RHONE FLUIDES, tout en relevant que la SITI avait fait intervenir un professionnel pour effectuer ce travail de comptabilité, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;


3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la faute du professionnel qui ne réalise pas la tâche qui lui est confiée absorbe celle du client qui ne vérifie pas la réalisation de cette tâche ; qu'en déboutant la SITI de l'action en responsabilité dirigée contre la société E2CA INGENIERIE, professionnelle chargée de l'établissement de la comptabilité du chantier, au motif qu'il lui appartenait de réclamer la décompte définitif des sommes dues à la société RHONE FLUIDES, sans rechercher si, en ne réclamant pas elle-même ce document, la société E2CA INGENIERIE n'avait pas commis une faute qui avait absorbé celle imputée au maître de l'ouvrage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;


4°) ALORS QU'en toute hypothèse, la faute de la victime ne peut produire un effet totalement exonératoire que si elle est la cause unique du dommage ; qu'en déboutant la SITI de l'action en responsabilité dirigée contre la société E2CA INGENIERIE, professionnelle chargée de l'établissement de la comptabilité du chantier, au motif qu'il lui appartenait de réclamer la décompte définitif des sommes dues à la société RHONE FLUIDES, sans rechercher si la société E2CA INGENIERIE n'avait pas elle-même commis une faute en n'établissant pas d'elle-même ce décompte définitif, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;


5°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en affirmant que la SA SITI savait que la SA RHONE FLUIDES voulait obtenir paiement du solde de son marché, notamment par courrier du 28 janvier 2003, de sorte qu'elle pouvait prendre toutes dispositions utiles pour contester le décompte de cette société bien avant qu'il ne devienne définitif, tout en relevant que le décompte litigieux, qui portait la date du janvier 2005, n'existait pas encore au moment où la société SITI aurait dû, selon la Cour d'appel, le contester, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et ainsi violé l'article du Code de procédure civile ;


6°) ALORS QU'en affirmant que la SITI n'exposait pas comment elle aurait pu éviter de payer le solde du marché de la SA RHONE FLUIDES, quand la SITI faisait valoir, en cause d'appel, que les sommes dont la société RHONE FLUIDES demandait le paiement plus de deux ans après la réception des travaux n'étaient pas dues à raison des pénalités pour retards et malfaçons que l'entrepreneur devait supporter (conclusions en date du 21 novembre 2008, p. 17), la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société SITI et ainsi violé l'article 4 du Code de procédure civile.

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