9 juin 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 09-13.390

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:C100586

Titres et sommaires

MINEUR - assistance éducative - intervention du juge des enfants - compétence - compétence exclusive - etendue - détermination - portée - autorite parentale - personne de l'enfant - relations avec un tiers - intervention du juge aux affaires familiales - portée mineur - mesures d'assistance - placement - droit de visite et d'hébergement des tiers - répartition des compétences avec le juge aux affaires familiales

Si le juge aux affaires familiales est en principe compétent pour fixer, dans l'intérêt de l'enfant, les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, le juge des enfants est seul compétent, en cas de placement, pour statuer sur ces modalités. Viole l'article 371-4, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles 375-1 et 375-7, alinéa 1er, du même code la cour d'appel qui, pour déclarer les grands oncle et tante d'un mineur confié au service départemental de l'Aide sociale à l'enfance irrecevables en leur demande de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant, retient qu'en présence d'opposition des parents, il appartient aux ascendants de saisir le juge aux affaires familiales

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le premier moyen, pris en ses trois branches ci-après annexé :


Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué, statuant en matière d'assistance éducative, d'avoir confirmé une ordonnance du juge des enfant ayant maintenu le placement de leur petit-neveu Nicolas Y... ;


Attendu que sous couvert de griefs non fondés de défaut de base légale au regard de l'article 375-2 du code civil et de violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, le moyen ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation le pouvoir souverain des juges du fond, qui n'étaient pas tenus de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui ont estimé, pour maintenir le placement de Nicolas et confier celui-ci au service de l'Aide sociale à l'enfance, que la situation inconnue de la mère et celle, incertaine, du père, ne permettaient pas sa prise en charge actuelle par ses parents, que la position inadaptée des époux X... à l'égard de ceux-ci rendait inopportun de leur confier l'enfant, sauf à replacer celui-ci au coeur d'un conflit de loyauté dont il commençait juste à se dégager, et qu'enfin, celui-ci évoluait très favorablement en famille d'accueil, tant dans ses relations paternelle et fraternelle que sur le plan scolaire ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;


Mais sur le second moyen :


Vu l'article 371-4, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles 375-1 et 375-7, alinéa 1er, du même code ;


Attendu que, si le juge aux affaires familiales est en principe compétent pour fixer, dans l'intérêt de l'enfant, les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, le juge des enfants est seul compétent, en cas de placement, pour statuer sur ces modalités ;


Attendu que, pour déclarer M. et Mme X... irrecevables en leur demande de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Nicolas Y..., l'arrêt retient que le juge des enfants est compétent pour accorder à la famille élargie un droit de visite lorsqu'il ordonne le placement d'un mineur, si ses parents donnent leur accord à de telles rencontres ; qu'en revanche, en cas d'opposition des parents comme c'est le cas en l'espèce puisque le père s'y oppose, il appartient aux ascendants de saisir le juge aux affaires familiales qui statuera dans l'intérêt de l'enfant ; que M. et Mme X... doivent donc être déclarés irrecevables en leur demande présentée devant la chambre spéciale des mineurs ;


Qu'en statuant ainsi, alors que l'enfant avait été confié au service départemental de l'Aide sociale à l'enfance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, les mesures ordonnées par le juge des enfants ayant épuisé leurs effets ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré M. et Mme X... irrecevables en leur demande de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Nicolas Y..., l'arrêt rendu le 17 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;


Dit n'y avoir lieu à renvoi ;


Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix.






MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour M. et Mme X... ;


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement de maintien de placement de Nicolas Y... Aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier que le mineur ne peut être pris en charge actuellement par aucun de ses deux parents ;; qu'il est confié depuis janvier 2006 au service de l'Aide sociale à l'enfance de l'EURE après avoir été élevé pendant plusieurs mois par Monsieur et Madame X..., grand-oncle et grand-tante, qui l'ont hébergé avec ses parents avant que ceux-ci ne soient plus acceptés ; que cette prise en charge n'a malheureusement pas été poursuivie compte tenu des difficultés pour les parents de Nicolas d'avoir accès à leur fils ; que Monsieur Y... et Madame Z... ont dit avoir finalement été empêchés de rencontrer leur fils chez Monsieur et Madame X... ; que depuis lors, le placement a toujours été renouvelé puisque Monsieur Y... et Madame Z... n'ont pas retrouvé leur capacité éducative et que Monsieur et Madame X... ont maladroitement tout tenté auprès de Nicolas, sans comprendre qu'ils ne pouvaient se substituer dans le coeur de cet enfant à ses père et mère et qu'ils auraient dû rester les personnes-ressources qu'ils étaient à l'origine ; qu'actuellement, Nicolas manifeste de l'animosité à l'endroit de Monsieur et Madame X... et craint jusqu'à les rencontrer, se rendant malade lorsqu'il les voit ; qu'en conséquence, c'est par une motivation pertinente que la cour confirme que le juge des enfants a renouvelé pour un an le placement de Nicolas auprès du service de l'Aide sociale à l'enfance de l'Eure ;


Alors que, d'une part, dans leurs conclusions d'appel, Monsieur et Madame X... avaient sollicité une évaluation du placement institutionnel entrepris depuis trois ans en soutenant qu'alors que le dispositif de l'ordonnance de placement provisoire de Nicolas du 12 janvier 2006 précisait que le placement institutionnel de l'enfant devait permettre de le rapprocher de sa mère et de son père, ce mécanisme avait finalement conduit à la rupture complète des relations mère-enfant parce que les services sociaux n'ont pas su entretenir l'existence d'un lien mère-enfant, ni n'avaient permis le rétablissement d'un lien d'échange structurant entre le père et l'enfant ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen qui était de nature à exercer une influence juridique sur l'issue du litige, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 375-2 du Code civil ;


Alors que d'autre part, dans leurs conclusions d'appel, Monsieur et Madame X... avaient sollicité une évaluation du placement institutionnel entrepris depuis trois ans en soutenant qu'il ressort des éléments du dossier que les deux frères de Nicolas placés depuis plus longtemps que lui n'avaient pas réussi leur scolarité ; que Sébastien, alors âgé de 12 ans et demi, n'est pas entré en 6ème en septembre 2006 (alors qu'un enfant suivant une scolarité normale y entre à 10-11 ans) et a dû suivre une scolarité dans un Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique (ITEP Léon Marron de Vernon) pour enfants et adolescents présentant des difficultés psychologiques dont l'expression perturbe gravement la socialisation et l'accès aux apprentissages ; qu'Aurélien, âgé de 10 ans et demi en septembre 2006, présentait graphologiquement quatre années de retard après quatre années de placement ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen qui était de nature à justifier l'opportunité d'une mesure d'évaluation du placement de Nicolas, la Cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 375-2 du Code civil ;


Alors enfin et pour les mêmes motifs, la Cour d'appel qui n'a pas constaté que le placement institutionnel est fondé sur des motifs pertinents et suffisants, a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.










SECOND MOYEN DE DEFENSE


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Monsieur et Madame Richard X... irrecevables en leur demande de droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Nicolas Y... Aux motifs que le juge des enfants est compétent pour accorder à la famille élargie un droit de visite lorsqu'il ordonne le placement d'un mineur, si ses parents donnent leur accord à de telles rencontres ; qu'en revanche, en cas d'opposition des parents comme c'est le cas en l'espèce puisque Monsieur Y... s'y oppose, il appartient aux ascendants de saisir le juge aux affaires familiales qui statuera dans l'intérêt de l'enfant ; que Monsieur et Madame Richard X... seront donc déclarés irrecevables en leur demande présentée devant la chambre spéciale des mineurs ;


Alors que le juge des enfants étant compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative, il peut prendre, à ce titre, des mesures qui aboutissent à fixer un droit de visite et d'hébergement de la famille élargie dès lors qu'un enfant est en danger ou que ses conditions d'éducation sont gravement compromises ; qu'en déclarant la demande de Monsieur et Madame Richard X... tendant à la fixation d'un droit de visite irrecevable, tout en ordonnant le maintien du placement de Nicolas Y..., la Cour d'appel a violé l'article 375-1 du Code civil.

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