23 octobre 2003
Cour de cassation
Pourvoi n° 02-14.359

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - instituteur - faute - défaut de surveillance - cours de natation - elève blessé par un équipement dangereux - enseignement - responsabilité

L'élève d'un établissement scolaire public ayant été blessé par la chute d'un rouleau de ligne de flotteurs, alors qu'il participait, sous la direction d'un professeur d'éducation physique, à une séance de natation dans une piscine municipale, a commis une faute personnelle le professeur d'éducation physique qui s'est abstenu de toute initiative pour écarter le danger résultant de la position anormale du rouleau de flotteurs, posé à même le sol au bord du bassin, alors qu'en raison de son poids de vingt-cinq kilos et de sa propension à rouler, il aurait dû être arrimé sur le socle prévu à cet effet.

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :




Donne acte à Mlle X... de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé contre la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes ;

Sur le moyen unique :


Vu l'article 1384, alinéas 6 et 8, du Code civil, ensemble l'article 2 de la loi du 5 avril 1937 ;


Attendu, selon ces textes, que la responsabilité de l'Etat est substituée à celle des membres de l'enseignement public à la suite ou à l'occasion d'un fait dommageable commis soit par les enfants ou jeunes gens qui leur sont confiés en raison de leurs fonctions, soit à ces enfants ou jeunes gens dans les mêmes conditions toutes les fois que, pendant la scolarité ou en dehors de la scolarité, dans un but d'éducation morale ou physique non interdit par les règlements, les enfants ou jeunes gens confiés ainsi aux membres de l'enseignement public se trouvent sous la surveillance de ces derniers ; que les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable devront être prouvées conformément au droit commun par le demandeur à l'instance ;


Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que Mlle X..., alors âgée de 14 ans, élève de troisième au collège Saint-Hilaire à Grasse, établissement scolaire public, participant à une séance de natation à la piscine municipale de cette ville sous la surveillance de Mme Y..., professeur d'éducation physique, a été blessée par la chute d'un rouleau de lignes de flotteurs ; qu'estimant que ses études avaient été perturbées par cet accident, elle a assigné en réparation le préfet des Alpes-Maritimes représentant l'Etat en invoquant la faute de l'enseignante ;


Attendu que pour déclarer la cour d'appel incompétente et renvoyer Mlle X... à mieux se pourvoir, l'arrêt retient que l'aménagement et l'entretien d'un ouvrage public tel qu'une piscine municipale incombent à la commune concernée, qui a l'obligation d'assurer la sécurité de ses installations ; qu'en l'espèce, le rouleau de flotteurs se trouvait dans une position anormale, posé à même le sol au bord du bassin, alors qu'en raison de son poids de 25 kilos et de sa propension à rouler, il aurait dû être arrimé sur le socle prévu à cet effet ;


que le professeur utilisateur de l'ouvrage, qui n'avait pas nécessairement été en mesure de percevoir immédiatement l'anormalité de la position du rouleau ni le danger qu'elle pouvait générer, n'était pas en capacité de prendre les mesures propres à le faire cesser ; que l'obligation générale de surveillance et de sécurité qui pèse sur les enseignants s'applique aux élèves et à leur environnement immédiat, mais ne saurait être étendue à la surveillance de la conformité des ouvrages publics dont ils ne sont que les utilisateurs et sur lesquels ils n'ont pas compétence pour exercer des pouvoirs de direction et de contrôle ;


Qu'en statuant ainsi, et alors qu'il ressortait de ses propres constatations que la dangerosité, pour les nageurs, de la position du rouleau de flotteurs en bord de piscine et hors de son socle de fixation ne pouvait être ignorée du professeur d'éducation physique, ce dont il résulte que cet enseignant, qui avait l'obligation d'assurer la sécurité des élèves évoluant dans le bassin sous sa surveillance, a commis, en s'abstenant de toute initiative pour écarter le danger, une faute personnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;


Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;


Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille trois.

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