9 mars 1999
Cour de cassation
Pourvoi n° 96-16.560

Première chambre civile

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

ETAT - responsabilité - responsabilité du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice - agents investis de pouvoirs de police judiciaire - service de la répression des fraudes - faute lourde - divulgation d'informations permettant d'identifier les personnes mises en cause à l'occasion d'une enquête - cassation - arrêt - arrêt de cassation - cassation sans renvoi - cassation limitée au chef erroné sur l'existence d'une faute lourde - renvoi limité à la question du préjudice

Les dispositions de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire suivant lesquelles l'Etat est tenu de réparer le dommage causé, en cas de faute lourde, par le fonctionnement du service de la justice sont applicables aux agents investis, sous le contrôle et l'autorité d'un magistrat du siège ou du Parquet, de pouvoirs de police judiciaire à l'effet de constater et réprimer des infractions à la loi. La divulgation, par les services de la répression des fraudes, d'informations permettant d'identifier les personnes mises en cause à l'occasion d'une enquête est constitutive d'une faute lourde.

Texte de la décision

Attendu qu'agissant dans le cadre de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et de son décret d'application du 22 janvier 1919, les agents du service de la répression des fraudes de la Corrèze ont, en octobre 1988, procédé à des prélèvements dans des bocaux présentés comme étant du " foie gras d'oie entier " fabriqué par la société Produits agro-alimentaires d'Aquitaine (PAA), dont le gérant était M. X..., la consignation et la saisie de dizaines de milliers de ces bocaux étant ensuite faites en raison du fait qu'il ne s'agissait pas de " foie gras entier ", mais de " foie gras d'oie " ; que le procureur de la République a donné mainlevée de ces saisies le 14 novembre 1988, la commercialisation étant autorisée sous l'appellation de " foie gras d'oie " au lieu de " foie gras d'oie entier " ; qu'alléguant diverses irrégularités et retards dans la conduite de la procédure et la divulgation à la presse des faits imputés à la société PAA, celle-ci ainsi que son gérant et son liquidateur ont engagé une action en réparation de leur préjudice contre l'agent judiciaire du Trésor ; que l'arrêt infirmatif attaqué les a déboutés ;


Sur les trois premiers moyens, pris en leurs diverses branches :


Attendu, d'abord, que l'arrêt attaqué, compte tenu du nombre d'échantillons saisis, de la complexité des analyses entreprises et des diverses investigations complémentaires nécessaires pour déterminer avec suffisamment de précision si le produit pouvait être commercialisé et sous quelle appellation, a pu décider qu'aucune faute tenant à des lenteurs ou négligences ne pouvait être imputée à l'Administration ;


Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que la société PAA avait été tenue informée des résultats des analyses, qu'elle n'alléguait aucune violation des règles relatives aux saisies opérées par les agents de la répression des fraudes et que la régularité des opérations de consignation et de saisie avait été reconnue par les juridictions répressives ; qu'elle a pu en déduire l'absence de violation des droits de la défense ;


Qu'ainsi les trois premiers moyens doivent être rejetés ;


Mais sur le quatrième moyen, pris en ses quatre branches :


Vu l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire, ensemble les articles 11 et 28 du Code de procédure pénale ;


Attendu que les dispositions du premier de ces textes suivant lesquelles l'Etat est tenu de réparer le dommage causé, en cas de faute lourde, par le fonctionnement du service de la justice sont applicables aux agents investis, sous le contrôle et l'autorité d'un magistrat du siège ou du Parquet, de pouvoirs de police judiciaire à l'effet de constater et réprimer des infractions à la loi ; que la divulgation d'informations permettant d'identifier les personnes mises en cause à l'occasion d'une enquête est constitutive d'une faute lourde ;


Attendu que bien qu'elle ait constaté que les services de la répression des fraudes avaient divulgué en novembre 1988 à l'agence France Presse des informations sur la procédure en cours et sur les faits de mise en vente pas la société PAA de " foie gras entier " qui n'aurait pas mérité cette appellation, la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas établi que la campagne de presse dénigrante ait été déclenchée par l'Administration ;


Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Et attendu qu'il y a lieu de prononcer une cassation sans renvoi du chef de la faute lourde ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant écarté la faute lourde des services de la répression des fraudes de la Corrèze à raison de la divulgation à des tiers de renseignements relatifs à l'enquête concernant la société Produits agro-alimentaires d'Aquitaine, l'arrêt rendu le 28 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;


Vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;


DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la faute lourde ;


Dit que les services de la répression des fraudes de la Corrèze ont commis une faute lourde en divulguant des informations relatives à l'enquête concernant la société Produits agro-alimentaires d'Aquitaine ;


Renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, mais uniquement pour qu'elle statue sur le préjudice résultant de cette faute.

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