2 juin 1993
Cour de cassation
Pourvoi n° 90-21.982

Première chambre civile

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

PROPRIETE - action en revendication - imprescriptibilité - fondement - défaut d'extinction du droit de propriété par le non - usage - droit de propriété - extinction - défaut prolongé d'usage (non) - prescription civile - action imprescriptible - domaine d'application - action en revendication (non) - banque - secret professionnel - limite - résiliation du contrat de garde conclu avec un client (non) - coffre - location - obligation au secret - résiliation du contrat de garde (non) - banquier - obligations - cessation - etendue - possession - caractères - caractère non équivoque - actes du possesseur - intention de se comporter en propriétaire - circonstances ne permettant pas de douter de cette qualité - recherche nécessaire

La propriété ne s'éteignant pas par le non-usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription.

Texte de la décision

Joint les pourvois n°s 91-10.971, 90-21.982, 91-10.429 et 91-12.013 en raison de leur connexité ;


Attendu, qu'Erich C..., étudiant de nationalité Yougoslave, s'est trouvé, au cours de l'année 1939, en possession d'une importante collection d'objets et de tableaux de valeur, provenant de la galerie d'Ambroise E... ; qu'après le décès de ce dernier, survenu le 22 juillet 1939, il a déposé une partie de cette collection dans un coffre à la Société générale, et transporté l'autre partie en Yougoslavie où elle a été exposée à Zagreb en novembre 1940 ; qu'Erich C... a disparu au cours de la seconde guerre mondiale ; que la Société Générale a fait procéder le 24 octobre 1946 à l'ouverture du coffre, puis conservé son contenu dans une caisse à Nantes jusqu'en 1977 ; qu'elle a alors fait inventorier les objets renfermés dans cette caisse par un commissaire-priseur, puis obtenu, par ordonnance de référé, la désignation d'un séquestre avec mission de faire procéder à la vente publique de ces objets ; que deux commissaires priseurs, mandatés par le séquestre pour organiser la vente, ont réalisé une large publicité pour la vente publique fixée aux 19 et 20 mars 1981 ; qu'informée par cette publicité, Mme Assunta X... veuve A..., aux droits de laquelle se trouve actuellement son neveu et héritier M. Louis D..., a revendiqué, en sa qualité d'ayant-cause d'Ambroise E..., la propriété de la majeure partie des objets trouvés dans le coffre de la Société générale ; qu'à cette instance sont intervenus en leur qualité d'héritiers d'Erich C..., d'une part les consorts Z..., ses cousins en ligne maternelle, d'autre part, Mme Zdenka C..., sa parente en ligne paternelle ; qu'un premier arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 26 février 1987 a reconnu à Mme veuve A... qualité pour agir, déclaré recevable comme non prescrite son action en revendication et ordonné, une expertise ; qu'ensuite du dépôt du rapport de l'expert, la cour d'appel de Paris, a, par un deuxième arrêt du 3 octobre 1990, déclaré M. D... propriétaire de certains lots, dit que les autres lots faisaient partie de la succession d'Erich C..., dont la dévolution s'opérait, conformément à la loi française, par moitié entre, d'une part, les consorts Z..., d'autre part, Mme Zendka C... ; qu'elle a condamné, à proportion de leurs droits héréditaires, les consorts Z... et B... Zdenka C... à payer à la Société Générale les sommes de 30 894 francs et 400 216,64 francs, et débouté toutes les parties de leurs demandes de dommages-intérêts ;


Sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi n° 91-10.971 dirigé par les consorts Y... contre l'arrêt du 26 février 1987 :


Attendu, que les consorts Y... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé recevable parce que non prescrite l'action en revendication exercée par Mme A... et poursuivie par M. D..., au motif que la prescription n'avait couru à son encontre qu'à compter de la vente publique de 1981, alors, d'une part, qu'il n'établissait pas que l'ignorance dans laquelle se trouvait Mme A... de l'existence des biens litigieux jusqu'en 1981 présentait pour elle un caractère irrésistible, et alors, d'autre part, qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que Lucien E..., frère d'Ambroise E... et auteur de Mme A... connaissait l'existence des oeuvres et ouvrages en possession d'Erich C... qui les avait exposés à Zagreb en 1940, sans que Lucien E... ait jamais cherché à reprendre possession de ces oeuvres ;


Mais attendu que la propriété ne s'éteignant pas par le non-usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive ; que, par ce moyen de pur droit, substitué aux motifs de la cour d'appel, l'arrêt se trouve légalement justifié ;


Sur le pourvoi n° 90-21.982 dirigé par M. D... contre l'arrêt du 3 octobre 1980 :


Sur le sixième moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;


Sur le septième moyen, pris en ses deux branches :


Attendu que M. D... reproche encore à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts formée contre la Société Générale, alors que, d'une part, la banque n'était plus tenue au secret vis-à-vis de son déposant après la résiliation du contrat de garde en 1946, et devait donc faire connaître à la succession E... l'existence d'objets susceptibles de l'intéresser, et alors, d'autre part, que la cour d'appel aurait dû rechercher si le silence de la banque après 1946 n'avait pas rendu plus difficile pour les héritiers E... la preuve de la précarité de la possession d'Erick C... ;


Mais attendu que l'obligation au secret à laquelle est tenu le banquier ne cesse pas avec la résiliation du contrat de garde conclu avec son client ; que c'est donc à bon droit que l'arrêt retient que la Société générale n'avait pas à divulguer aux ayants-cause d'Ambroise E... le contenu d'un coffre loué par Erick C... même après l'ouverture de ce coffre ; que par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;


Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :


Attendu que, pour écarter le caractère équivoque de la possession de ces tableaux par Erick C..., la cour d'appel retient que les documents soumis à son appréciation n'apportent pas la preuve que C... ait exercé des fonctions de courtier pour le compte d'Ambroise E... ou ait été son préposé ; qu'en faisant uniquement porter son examen sur deux hypothèses relatives à l'origine possible de cette possession, en omettant d'ailleurs celle d'un mandat occasionnel ayant pu porter sur tout ou partie des oeuvres qui lui avaient été remises, et sans rechercher si, pris en eux-mêmes, les actes du possesseur révélaient sans ambiguïté son intention de se comporter en propriétaire de ces oeuvres, et cela dans des circonstances qui n'étaient pas de nature à faire douter de cette qualité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


Et attendu que la cassation de l'arrêt attaqué du 3 octobre 1990 sur le pourvoi de M. D... rend éventuel l'intérêt qui s'attache aux griefs articulés par les consorts Y... et par Mme Zdenka C... ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi de M. D... ni sur les pourvois des consorts Z... et de Mme Zdenka C... ;


REJETTE le pourvoi n° 91-10.971 dirigé par les consorts Y... contre l'arrêt du 26 février 1987 ;


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives aux demandes de dommages-intérêts formées par M. D... contre les héritiers d'Erick C... d'une part, et contre la Société générale, d'autre part l'arrêt rendu le 3 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

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