10 mai 1988
Cour de cassation
Pourvoi n° 86-15.834

Première chambre civile

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

TESTAMENT - legs - délivrance - objet - reconnaissance des droits du légataire - portée - définition - paiement du legs (non) - interets - intérêts moratoires - article 1153 du code civil - application - legs universel - période allant de la demande en délivrance au paiement du legs (non) - demande - effets - point de départ (non) - succession - héritier - obligations - droits consentis par le défunt - fruits et revenus des biens entrant dans la masse partageable - conservation en vue de leur remise au légataire lors du partage

La délivrance du legs, qui a pour seul objet de reconnaître les droits du légataire, doit être distinguée du paiement du legs, lequel ne peut intervenir qu'au cours des opérations de partage par l'attribution au légataire de biens le remplissant de ses droits. Dès lors, dans l'attente du partage, l'héritier réservataire n'a d'autre obligation que de conserver les fruits et revenus des biens entrant dans la masse partageable afin de pouvoir les remettre au légataire universel dans la proportion de ses droits, et ce dernier ne saurait prétendre à des intérêts sur le legs s'ajoutant aux fruits de celui-ci

Texte de la décision

Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :




Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'Henriette Y..., veuve de Charles X..., est décédée le 29 mai 1971, laissant pour seul héritier son fils M. Marc X... et, en l'état de deux testaments olographes en date des 21 juillet 1968 et 2 mars 1969, aux termes desquels elle a institué légataires universels ses cinq petits-enfants, Céline, Martial, Donald, Renaud et Gaspard X... ; qu'un arrêt en date du 10 novembre 1976 a ordonné la délivrance par M. Marc X... du legs universel et a dit que les intérêts de ce legs courront du 17 avril 1973, date de la demande en justice, jusqu'à la date effective de la délivrance ; que, devant le notaire liquidateur, une difficulté s'est élevée sur l'interprétation de cet arrêt entre M. Marc X... qui estimait que les intérêts du legs couvraient uniquement les fruits et revenus des biens légués et M. Martial X..., l'un des légataires, qui opposait que ces intérêts devaient s'ajouter aux fruits et revenus afin de compenser la privation de jouissance à la fois des biens légués et de leurs fruits et revenus depuis le jour de la demande en délivrance jusqu'à celui de la délivrance effective ; que la cour d'appel, saisie à nouveau, après rédaction par le notaire liquidateur d'un procès-verbal de difficultés, a, par un arrêt du 22 janvier 1981, jugé que la difficulté opposant l'héritier et le légataire relevait de la compétence du tribunal de grande instance et que l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 avril 1986) a décidé que M. Marc X... est tenu envers M. Martial X... des fruits civils des biens qu'il a reçus en sa qualité de légataire universel, c'est-à-dire des revenus, intérêts des capitaux, dividendes des actions, à compter du 17 avril 1973 jusqu'à l'exécution du partage de l'indivision et que ces revenus, intérêts et dividendes seront calculés année par année et remis au légataire par l'héritier jusqu'à complet paiement ;


Attendu que M. Martial X... reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, saisie d'une demande tendant au paiement par l'héritier de dommages-intérêts compensant le refus fautif de délivrance de legs, elle aurait méconnu les termes du litige et n'aurait pas tranché la contestation conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; alors, d'autre part, qu'elle n'aurait pas répondu aux conclusions formulant cette demande en paiement de dommages et intérêts ; alors, de troisième part, qu'elle aurait méconnu le principe de la contradiction en affirmant, par référence à des conclusions prises dans la procédure d'origine et dont elle constatait qu'elles n'avaient pas été versées en totalité aux débats, que M. Martial X... n'avait pas, à l'époque, formé de demande en dommages et intérêts ; et alors, enfin, qu'elle aurait méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 22 janvier 1981 qui avait décidé que la disposition du précédent arrêt du 10 novembre 1976, selon laquelle les intérêts des legs courront à compter du 17 avril 1973 jusqu'à la date effective de leur délivrance, était claire et précise et ne pouvait donner lieu à interprétation ;


Mais attendu, qu'examinant la demande dont elle était saisie et dont elle n'a pas dénaturé les termes, la cour d'appel a rappelé que, par son arrêt du 10 novembre 1976, elle avait exactement distingué la délivrance du legs, qui avait pour seul objet de reconnaître les droits du légataire, du paiement du legs lequel ne peut intervenir qu'au cours des opérations de partage par l'attribution au légataire de biens le remplissant de ses droits et en a justement conclu que dans l'attente du partage, l'héritier réservataire n'a d'autre obligation que de conserver les fruits et revenus des biens entrant dans la masse partageable afin de pouvoir les remettre au légataire universel dans la proportion de ses droits ; qu'elle a légalement justifié sa décision et que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi

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