7 mars 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-70.039

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C115003

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Demande d'avis
n° F 17-70.039


Juridiction : tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye


Avis du 7 mars 2018


N° 15003 P+B+I










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E




COUR DE CASSATION


Première chambre civile




Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;


Vu la demande d'avis formulée le 27 octobre 2017 par le tribunal d'instance de Saint-Germain-en-Laye, reçue le 8 décembre 2017, dans une instance concernant Mmes X... et Y..., en présence du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Versailles, et ainsi libellée :


« Les articles 317 et 320 du code civil autorisent-ils la délivrance d'un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie ?


En cas de réponse négative, l'impossibilité de délivrer un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie méconnaît-elle l'intérêt supérieur de l'enfant au sens de l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant ? Et peut-elle constituer, au regard des circonstances de fait appréciées concrètement par le juge d'instance, une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard du but légitime poursuivi ? »


Vu les observations écrites de Me Z... pour Mme X... ;


Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, et les conclusions de M. Sassoust, avocat général, entendu en ses observations orales ;


MOTIFS :


En ouvrant le mariage aux couples de même sexe, la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a expressément exclu qu'un lien de filiation puisse être établi à l'égard de deux personnes de même sexe, si ce n'est par l'adoption.


Ainsi, l'article 6-1 du code civil, issu de ce texte, dispose que le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe.


Les modes d'établissement du lien de filiation prévus au titre VII du livre Ier du code civil, tels que la reconnaissance ou la présomption de paternité, ou encore la possession d'état, n'ont donc pas été ouverts aux époux de même sexe, a fortiori aux concubins de même sexe.


En toute hypothèse, l'article 320 du code civil dispose que, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait.


Ces dispositions s'opposent à ce que deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles soient établies à l'égard d'un même enfant.


Il en résulte qu'un lien de filiation ne peut être établi, par la possession d'état, à l'égard du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie.


Le contrôle de conventionnalité, au regard de l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989 et de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relève de l'examen préalable des juges du fond et, à ce titre, échappe à la procédure de demande d'avis.


En conséquence,


LA COUR EST D'AVIS QUE :


1°) Le juge d'instance ne peut délivrer un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état au bénéfice du concubin de même sexe que le parent envers lequel la filiation est déjà établie.


2°) La seconde question relève de l'examen préalable des juges du fond et, à ce titre, échappe à la procédure de demande d'avis.


Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 7 mars 2018, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 27 février 2018 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon , conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva et Mme Auroy, conseillers, M. Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud et Azar, conseillers référendaires, Mme Pecquenard, greffier de chambre.
Le présent avis a été signé par le conseiller référendaire rapporteur, le président et le greffier de chambre.


Le conseiller référendaire rapporteur Le président






Rachel Le Cotty Anne-Marie Batut






Le greffier de chambre






Nadège Pecquenard

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.