22 avril 2005
Cour de cassation
Pourvoi n° 02-18.326

Chambre mixte

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

TRANSPORTS TERRESTRES - marchandises - responsabilité - clause limitative - opposabilité - exclusion - cas - faute lourde - caractérisation - défaut - applications diverses - impossibilité pour le transporteur de donner des éclaircissements sur la cause du retard - contrat de transport - contrat - type messagerie - clause limitative de responsabilité - portée - responsabilite contractuelle

La faute lourde, de nature à tenir en échec la limitation d'indemnisation prévue au décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat-type spécifique, ne saurait résulter du seul fait pour un transporteur de ne pouvoir fournir d'éclaircissement sur la cause du retard.

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à la société Chronopost de son désistement du premier moyen ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société D... France (la société D...) ayant décidé de concourir à un appel d'offres ouvert par la ville de Calais et devant se clôturer le lundi 25 mai 1999 à 17 h 30, a confié à la société Chronopost, le vendredi 22 mai 1999 l'acheminement de sa candidature qui n'est parvenue à destination que le 26 mai 1999 ; que la société D... a assigné la société Chronopost en réparation de son préjudice ; que cette dernière a invoqué la clause limitative d'indemnité pour retard du contrat-type "messagerie" ; Sur le second moyen :


Vu l'article 1150 du Code civil, l'article 8 paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et les articles 1er, 22-2, 22-3 du décret 99-269 du 6 avril 1999, applicable en la cause ;


Attendu que pour écarter le plafond d'indemnisation prévu au contrat-type "messagerie" et condamner la société Chronopost à payer à la société D... la somme de 100 000 francs, l'arrêt retient que la défaillance de la société Chronopost consistant en un retard de quatre jours, qualifié par elle-même "d'erreur exceptionnelle d'acheminement", sans qu'elle soit en mesure d'y apporter une quelconque explication, caractérise une négligence d'une extrême gravité, constitutive d'une faute lourde et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ;


Qu'en statuant ainsi, alors que la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d'indemnisation prévue par le contrat-type ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d'éclaircissements sur la cause du retard, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Chronopost, l'arrêt rendu le 24 mai 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;


Condamne la société D... France aux dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société D... France ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en Chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-deux avril deux mille cinq.


Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Chronopost.


MOYENS ANNEXES à l'arrêt n° 231.P (Chambre mixte) PREMIER MOYEN DE CASSATION LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société CHRONOPOST et de l'avoir condamnée à verser à la société D... FRANCE une somme de 100 000 F ;


AUX MOTIFS QUE :

considérant que c'est par de justes motifs que la Cour adopte, que les premiers juges ont rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société CHRONOPOST, observant que cette dernière avait admis "l'erreur exceptionnelle d'acheminement" commise et reconnu sa responsabilité par courrier du 2 juin 1999, dans le délai de 21 jours contractuellement convenu, exonérant par là même sa cliente des formalités de réclamation par lettre recommandée adressée à son service clients, prévues dans le contrat ; ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes du contrat de transport conclu entre les sociétés CHRONOPOST et D... FRANCE, "sous peine d'irrecevabilité de la demande, toute réclamation mettant en cause la responsabilité de CHRONOPOST doit être adressée par lettre recommandée au service clients de CHRONOPOST, au plus tard dans les 21 jours qui suivent la livraison" ; qu'en décidant néanmoins, pour rejeter la fin de non-recevoir invoquée par la société CHRONOPOST tirée de la méconnaissance par la société D... FRANCE des stipulations contractuelles, que la société CHRONOPOST ayant, par lettre en date du 2 juin 1999, reconnu l'erreur d'acheminement, il devait s'en déduire que cette dernière avait "(exonéré) par là même sa cliente des formalités de réclamation par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à son service clients, prévues dans le contrat", la Cour d'appel, qui a refusé de donner application au contrat, a violé l'article 1134 du Code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué : D'AVOIR condamné la société CHRONOPOST à payer une somme de 100 000 francs à la société D... FRANCE, à raison de la faute lourde qu'elle aurait commise dans l'exécution du contrat de transport ; AUX MOTIFS QUE : la société D... FRANCE a préparé un dossier de soumission d'un montant de 696 012,75 francs TTC, qu'elle a remis le 22 mai 1999 à 12 heures pour acheminement à la société CHRONOPOST, le colis devant être remis au plus tard le 25 mai 1999 ; que le colis n'étant parvenu à la Ville de Calais que le 26 mai 1999, postérieurement à la date limite de réception des soumissions, celle de la société D... FRANCE n'a pu être examinée ; que la société CHRONOPOST fait valoir que le dommage subi par sa cliente était imprévisible, aucune mention ne figurant sur le colis remis pour acheminement, conteste que le retard survenu puisse être qualifié de faute lourde, soutient qu'en tout état de cause l'indemnité éventuellement due à la société D... FRANCE est égale au montant du prix du transport en application de l'article 15 des conditions générales du contrat, et affirme que la perte de chance alléguée par la société D... FRANCE n'est nullement établie ; qu'en cas de faute lourde du transporteur, celui-ci doit réparer la totalité des préjudices subis par son client sans pouvoir lui opposer les clauses limitatives de responsabilité prévues dans le contrat ; que la société CHRONOPOST assure un service de messagerie rapide dans des délais fixés, et se prévaut dans les documents contractuels qu'elle verse aux débats des "solutions express" proposées à ses clients et de ses "délais record" d'acheminement, la célérité de l'accomplissement de sa prestation constituant une condition essentielle du contrat ; que la défaillance qui lui est reprochée, consistant en un retard de quatre jours qualifié par elle-même "d'erreur exceptionnelle d'acheminement" sans qu'elle soit en mesure d'y apporter une quelconque explication constitue une négligence d'une extrême gravité constitutive d'une faute lourde et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; que la société D... FRANCE justifie par la production de sa soumission et celle de l'attestation de la Ville de Calais du 30 juillet 1999 mentionnant le prix de l'offre finalement retenue, de ce que sa soumission était la moins disante, et qu'elle disposait ainsi d'une chance sérieuse de remporter le marché ; que c'est par de justes motifs que la Cour adopte, que les premiers juges ont observé que les autres caractéristiques de la soumission retenue n'étaient pas connues, et fixé à 100 000 francs le préjudice subi par l'intimée, rejetant pour le surplus ;


1 / ALORS, d'une part, QUE, constitue une faute lourde un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; qu'après avoir relevé que le colis qui devait être remis au plus tard le 25 mai 1999, n'était parvenu à la Ville de Calais que le 26 mai 1999, la Cour d'appel a considéré, pour écarter le plafond d'indemnisation prévu par l'article 15 du contrat type messagerie que l'erreur exceptionnelle d'acheminement reconnue par la société CHRONOPOST, sans qu'elle soit en mesure d'y apporter une quelconque explication, était, à elle seule, constitutive d'une faute lourde ; que le pli a été remis à la société CHRONOPOST le vendredi 22 mai 1999 à 12 heures et a été livré le mardi 26 mai 1999, après le dimanche et le lundi de la Pentecôte, jours fériés et chômés ; qu'en statuant ainsi, pour un retard d'un jour seulement, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une faute lourde de nature à tenir en échec l'application du plafond légal d'indemnisation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1150 du Code civil, ensemble l'article 8, paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et les articles 1er et 15 du contrat type messagerie établi par décret du 4 mai 1988, applicable en la cause ;




2 / ALORS, d'autre part, QUE, la faute lourde de nature à tenir en échec le plafond légal d'indemnisation prévu par l'article 15 du contrat type messagerie doit être prouvée par le donneur d'ordre et ne saurait résulter de l'origine indéterminée de la faute du transporteur ; qu'en se fondant néanmoins, pour écarter le plafond légal d'indemnisation, sur l'absence d'explication par la société CHRONOPOST de l'erreur exceptionnelle d'acheminement qu'elle avait reconnue, la Cour d'appel a violé les articles 1150 et 1315 du Code civil, ensemble l'article 8, paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et les articles 1er et 15 du contrat type messagerie établi par décret du 4 mai 1988, applicable en la cause.

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