22 décembre 1989
Cour de cassation
Pourvoi n° 88-10.979

Assemblée plénière

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

TRANSPORTS MARITIMES - marchandises - responsabilité - action en responsabilité - personne pouvant l'exercer - chargeur non endossataire du connaissement à ordre - condition - préjudice supporté par le chargeur seul - action du chargeur contre le transporteur - recevabilité - droit maritime - ventes maritimes - vente fob - marchandises expédiées par le vendeur - dommages résultant du transport - action en responsabilité de l'expéditeur contre le transporteur - effets de la vente fob - possibilité pour le transporteur de s'en prévaloir (non) - contrats et obligations - effets - effets à l'égard des tiers - effet relatif des conventions - vente - vente maritime

Si l'action en responsabilité, pour pertes ou avaries, contre le transporteur maritime n'appartient qu'au dernier endossataire du connaissement à ordre, cette action est ouverte au chargeur, lorsque celui-ci est seul à avoir supporté le préjudice résultant du transport.

Texte de la décision

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :




Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que deux grues, vendues selon contrat FOB par la société Kahes Equipement à la société SAMHO, ont été chargées par la SCAC Paris transports, agissant pour le compte de la venderesse, à bord du navire Mercandia Transporter II, pour être transportées de Marseille à Dammam (Arabie Saoudite) ; que l'une de ces grues a été normalement livrée à destination, tandis que l'autre, ayant subi des avaries pendant le trajet maritime et n'ayant pu être déchargée, a été ramenée à Marseille ; que la société Kahes Equipement l'a fait réparer à ses frais ; que la Réunion européenne-UMAT, assureur subrogé dans les droits de la société Kahes qu'elle avait indemnisée, a assigné en réparation du préjudice la compagnie Mercandia Shipping, dénommée, depuis lors, Mediterranean Y... France, transporteur maritime ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Montpellier, 1er décembre 1987), statuant sur renvoi après cassation, a accueilli la demande ;


Attendu que la compagnie Mediterranean Y... France fait grief à cet arrêt d'avoir déclaré recevable l'action intentée par l'UMAT à son encontre, alors que, selon le moyen, d'une part, en se bornant à déduire du connaissement l'existence d'un mandat donné par la société Kahes Equipement, expéditeur, à la société SCAC, chargeur, sans préciser les éléments de fait caractérisant un tel mandat, en vertu duquel le chargeur aurait agi au nom de l'expéditeur, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; alors que, d'autre part, l'action en réparation du préjudice résultant des avaries causées à la marchandise par la mauvaise exécution du contrat de transport ne peut être exercée, en cas d'émission d'un connaissement à ordre, que par le dernier endossataire ou le cessionnaire de sa créance ; qu'ayant relevé que la société Kahes Equipement n'était ni endossataire du connaissement à ordre ni cessionnaire de la créance, la Cour d'appel ne pouvait statuer comme elle a fait sans violer l'article 49 du décret du 31 décembre 1966 ; alors, en outre, que la grue endommagée ayant été vendue FOB, seul un acte de cession ou de subrogation du destinataire à la société Kahes Equipement pouvait permettre la recevabilité de l'action engagée ; qu'en retenant que cette société aurait eu un intérêt à agir, sans constater l'existence d'un tel acte, la Cour d'appel a, de nouveau, privé son arrêt de base légale ; et alors, enfin, que l'effet relatif des contrats n'interdisant pas aux tiers d'invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties, la vente FOB de la grue endommagée, qui emportait l'irrecevabilité de l'action de la société Kahes à son encontre, lui était opposable ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil ;


Mais attendu, d'abord, que la juridiction du second degré a relevé que la SCAC, indiquée au connaissement comme étant le chargeur, a effectué ce chargement dans l'exercice de son activité de transitaire agissant pour le compte de la société Kahes Equipement, qui était l'expéditeur des grues litigieuses ; qu'ayant encore justement énoncé que la SCAC, dont il n'était pas allégué qu'elle eût été investie d'une commission de transport, avait agi en exécution du mandat qu'elle avait reçu de la société Kahes Equipement, la Cour d'appel en a exactement déduit que la mandante était partie au contrat de transport ;


Attendu, ensuite, que, si l'action en responsabilité, pour pertes ou avaries, contre le transporteur maritime, n'appartient qu'au dernier endossataire du connaissement à ordre, cette action est ouverte au chargeur lorsque celui-ci est seul à avoir supporté le préjudice résultant du transport ; que l'arrêt attaqué, après avoir relevé que la grue endommagée, laquelle n'a pas été livrée au destinataire, a été renvoyée à l'expéditeur qui a supporté tant les frais de réparation que le coût du transport de retour et de nouvelle expédition, énonce qu'il est ainsi démontré que seule la société Kahes Equipement, à laquelle la société SAMHO a d'ailleurs fait connaître qu'elle renonçait à toute action, a intérêt à agir en responsabilité contre le transporteur maritime ; que, de ces constatations et énonciations, la Cour d'appel a déduit à bon droit que l'action engagée par l'assureur subrogé aux droits de la société Kahes était recevable ;


Et attendu, enfin, que l'arrêt attaqué retient encore à juste titre que la compagnie Mediterranean Y... France, n'étant pas partie au contrat de vente de la grue litigieuse conclu entre la société Kahes Equipement et la société SAMHO, ne peut se prévaloir des effets de cette vente FOB quant aux droits et obligations de la venderesse, pour soutenir que celle-ci serait dépourvue d'intérêt à agir contre elle, à défaut d'une cession, en sa faveur, des droits de l'acquéreur ou d'une subrogation dans ces mêmes droits ;


D'où il suit qu'en aucune de ses branches, le moyen n'est fondé ;


Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :


Attendu que, sous le couvert du grief infondé de défaut de motifs, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation l'évaluation du dommage faite souverainement par les juges du fond ; que, dès lors, il ne peut être accueilli ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi


MOYENS ANNEXES


Moyens produits par la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocats aux Conseils, pour la compagnie Mediterranean Schipping France.


PREMIER MOYEN DE CASSATION. Par ce moyen, le transporteur Mercandia reproche à la Cour d'appel d'avoir déclaré recevable l'action en réparation de l'assureur UMAT, subrogé dans les droits de son assuré l'expéditeur Kahes Equipement ;


AUX MOTIFS QUE le mandat donné par Kahes à SCAC se déduit du fait qu'il n'est pas contesté que la société Kahes avait la qualité d'expéditeur et SCAC celle de chargeur et que le connaissement établit l'exécution du mandat par la SCAC et l'acceptation tacite donnée par celle-ci conformément à l'article 1984 du Code civil ; qu'ainsi, la société Kahes était partie au contrat de transport ; qu'une interprétation extensive de l'article 49 du décret du 31 décembre 1966 ne peut, en ajoutant à ce texte purement réglementaire, imposer des conditions de recevabilité qui ne sont pas prévues dans la convention de Bruxelles du 25 août 1924 et qui surtout tendent à faire échec aux droits de la société Kahes qui résultent du droit commun des contrats et plus précisément de l'article 1146 du Code civil ; que, sans méconnaître pour autant la nature juridique et les effets du connaissement qui pour agir en responsabilité contre le transporteur confère une priorité au dernier endossataire, il suffit de constater que ce dernier ne dispose pas d'un droit exclusif dès lors qu'il est démontré en l'espèce, qu'en raison de la réexpédition de la marchandise et en l'état de la renonciation du destinataire suivant télex du 19 mai 1983, seule la société Kahes avait intérêt à agir et qu'on ne saurait lui faire grief de ne pas s'être trouvée en possession du connaissement à l'égard duquel il est établi que, pour le transport des deux grues, un seul original avait été rédigé et que pour prendre livraison de la grue qui n'était pas endommagée, le destinataire avait été dans l'obligation de remettre ce document au transporteur ; que par ailleurs, le transporteur qui n'avait pas été partie au contrat intervenu entre l'expéditeur Kahes et le destinataire SAMHO n'est pas fondé à tirer argument de ce que la marchandise litigieuse avait été vendue FOB ;


ALORS QUE 1°) pour déclarer l'expéditeur Kahes partie au contrat de transport en tant que mandant du chargeur SCAC, il incombait à la Cour d'appel de préciser les éléments de fait caractérisant le mandat et notamment que le chargeur aurait agi au nom de l'expéditeur ; qu'en se bornant à déduire du connaissement l'existence d'un mandat entre l'expéditeur et le chargeur, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1984 du Code civil ;


ALORS QUE 2°) l'action en réparation du préjudice résultant des avaries causées à la marchandise par la mauvaise exécution du contrat le transport ne peut être exercée, en cas d'émission d'un connaissement à ordre, que par le dernier endossataire ou le cessionnaire de sa créance ; qu'en l'espèce il résulte de l'arrêt attaqué que la société Kahes Equipement dans les droits de laquelle se trouve subrogée la société UMAT, n'était ni le dernier endossataire du connaissement à ordre, ni le cessionnaire de la créance, ce qui rendait irrecevable son action en réparation ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 49 du décret du 31 décembre 1966 ;


ALORS QUE 3°) la grue endommagée ayant été vendue FOB, seul un acte de cession ou de subrogation du destinataire à la société Kahes pouvait rendre recevable son action ; qu'en déclarant que cette société aurait eu un intérêt à agir, sans constater l'existence d'un tel acte, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 et 1146 du Code civil ;


ALORS QUE 4°) l'effet relatif des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties ; qu'en l'espèce, la vente FOB de la grue endommagée rendant irrecevable l'action de l'expéditeur Kahes - et de son assureur UMAT - était opposable à l'exposante ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire). Par ce moyen, l'exposante reproche à la Cour d'appel d'avoir confirmé le jugement entrepris qui l'avait condamnée à payer à la société UMAT la somme de 228 638,12 francs avec intérêts de droit à compter de la demande en justice ;


AUX MOTIFS ADOPTES QU'il échet de retenir le montant des réparations tel que fixé par l'expert X... à concurrence de 174 181 francs pour les dommages survenus en cours de transport terrestre, à concurrence de 45 557,12 francs au titre de la facture SCAC, outre la somme de 8 900 francs au titre du transport de Marseille à Charlieu, soit au total la somme de 228 638,12 francs ;


ALORS QUE 1°) dans ses conclusions d'appel, l'exposante avait fait valoir que l'expert X... avait procédé à cette évaluation sans tenir compte de la déduction pour récupération des pièces accidentées et ces pièces n'avaient pas été restituées ; qu'en entérinant le rapport de l'expert sans se préoccuper de la récupération des pièces, la Cour d'appel a privé son arrêt de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;


ALORS QUE 2°) dans ses mêmes conclusions, l'exposante avait démontré que le chiffrage des réparations avait été établi selon les prix " catalogues " au prix de vente " clients " alors qu'il s'agit d'une réparation pour son propre compte ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la Cour d'appel a privé son arrêt de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile

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