17 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-11.114

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00343

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Reclassement - Obligation de l'employeur - Périmètre de l'obligation - Groupe de sociétés - Groupe de reclassement - Reclassement - Recherche de postes disponibles - Recherche assortie du profil personnalisé du salarié - Nécessité (non)

Il résulte de l'article L.1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 que l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe, auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mars 2021




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 343 FS-P+I

Pourvoi n° Y 19-11.114






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MARS 2021


La société VFD, société anonyme, dont le siège est 14 rue du Lac, CS 20105, 38120 Saint-Égrève, a formé le pourvoi n° Y 19-11.114 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme P... J..., domiciliée [...] ,

2°/ à M. K... C..., domicilié [...] ,

3°/ à M. U... Y..., domicilié [...] ,

4°/ à M. F... L..., domicilié [...] ,

5°/ à Mme W... O..., domiciliée [...] ,

6°/ à M. T... A..., domicilié [...] ,

7°/ à Mme N... V..., domiciliée [...] ,

8°/ à Mme D... G... , domiciliée [...] ,

9°/ à Pôle emploi, dont le siège est Le Cinétic,1 à 5 avenue du docteur Gley, 75020 Paris,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Duvallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société VFD, de Me Haas, avocat de Mme J..., de MM. C..., Y..., L..., de Mme O..., de M. A..., de Mmes V... et G... , et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Duvallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mmes Le Lay, Mariette, M. Barincou, conseillers, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 22 novembre 2018), la société VFD, exerçant une activité de transport interurbain de voyageurs et appartenant à un groupe, a décidé de procéder à une restructuration pour motif économique. Des salariés ont été licenciés pour motif économique le 12 décembre 2013 dans le cadre d'un licenciement économique collectif avec mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

2. Contestant leur licenciement, Mme J... et sept autres salariés ont saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, en ses griefs concernant Mmes J... et V... et MM. Y..., L... et C...

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire les licenciements de Mmes J... et V... et de MM. Y..., L... et C... dépourvus de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer à chacun des dommages-intérêts à ce titre et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi d'indemnités de chômage payées aux intéressés, alors :

« 1°/ que l'obligation de reclasser les salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé n'incombe qu'à l'employeur, et non aux autres sociétés du groupe auquel il appartient ; qu'en conséquence, s'il doit rechercher des possibilités de reclassement dans les entreprises du groupe dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'implantation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, l'employeur ne saurait reporter sur ces entreprises la charge d'examiner l'adaptation des postes disponibles en leur sein à la situation de chaque salarié ; que l'employeur n'est donc pas tenu, lorsqu'il interroge les entreprises du groupe sur les possibilités de reclassement existant en leur sein, de leur fournir des indications précises sur les qualifications, expériences et ancienneté de chaque salarié ; qu'en l'espèce, la société VFD justifiait avoir demandé à ses trois filiales, par lettres du 18 juin 2013, de lui communiquer ''toutes les possibilités de reclassement, accompagnées d'un descriptif de poste détaillé (emploi et qualification, nature du contrat, date à laquelle ce poste doit être pourvu, lieu de travail, durée du travail, rémunération, etc.) et ce quelle que soit la localisation géographique des postes'', en leur fournissant la liste des emplois dont elle envisageait la suppression ; qu'en relevant, pour dire que la société VFD ne justifiait pas s'être entièrement libérée de son obligation de reclassement, que ces courriers ne comportent aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté, la cour d'appel a reporté sur les autres sociétés du groupe la charge d'effectuer les recherches de reclassement et a ainsi violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

2°/ que la seule indication de la nature et de la classification des emplois supprimés permet aux entreprises sollicitées de fournir une réponse utile sur l'existence, en leur sein, de postes susceptibles de correspondre aux qualifications des salariés menacés de licenciement et de permettre leur reclassement ; qu'en l'espèce, la société VFD avait indiqué, dans les lettres adressées à ses filiales, le niveau de classification et l'intitulé de chaque poste de travail supprimé, ce qui permettait à ces sociétés de lui faire connaître les postes éventuellement disponibles en leur sein faisant appel à des qualifications de même nature ; qu'ainsi, l'une des filiales avait répondu qu'elle disposait d'un poste de ''contrôle'' susceptible de correspondre aux qualifications des salariés; qu'en considérant néanmoins, par principe, que les recherches effectuées auprès des autres entreprises du groupe n'étaient pas suffisantes, faute de comporter des indications sur l'âge, la formation, l'expérience, la qualification et l'ancienneté de chaque salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

3°/ que l'employeur n'est pas tenu de proposer au salarié des postes qui ne sont pas compatibles avec ses qualifications ; qu'il n'est pas non plus tenu de proposer au salarié un reclassement au sein d'une autre société du groupe sur un poste comparable à celui qu'il a déjà refusé au sein de l'entreprise ; que, dans ses conclusions d'appel, la société VFD soutenait que le seul poste disponible au sein de la société VFC était un poste de ''conducteur'' affecté à la structure ''contrôle'', poste occupé jusqu'alors par un conducteur receveur de la société VFD détaché auprès de sa filiale ; qu'elle expliquait qu'elle avait déjà proposé à cinq salariés, qui étaient titulaires du permis de conduire D, des postes de conducteurs qu'ils avaient refusés et que les trois autres salariés ne disposaient pas de la qualification nécessaire (permis de conduire D) pour exercer des fonctions de conducteur ; qu'en reprochant à la société VFD de n'avoir pas proposé aux salariés licenciés le poste disponible au sein de la structure ''contrôle'' de la société VFC, sans rechercher si des postes comparables n'avaient pas été proposés à cinq salariés au sein de la société VFD et si les trois autres salariés n'étaient pas dépourvus des qualifications nécessaires pour occuper ce poste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

4°/ que le juge doit apprécier le sérieux des recherches de reclassement de l'employeur, en fonction des offres de reclassement proposées à chaque salarié et de sa situation personnelle ; qu'en l'espèce, la société VFD justifiait avoir proposé à chacun des huit salariés défendeurs aux pourvois les postes disponibles en son sein compatibles avec leurs qualifications, de catégorie équivalente ou, à défaut, de catégorie inférieure à celle de leur emploi ; que ces offres de reclassement étaient assorties de toutes les indications utiles sur les postes proposés et de mesures d'accompagnement propres à faciliter un reclassement effectif, tels qu'un maintien temporaire de salaire en cas de déclassement ou des aides financières à la mobilité géographique ; que la société VFD justifiait également que tous les salariés, à l'exception d'un seul d'entre eux, avaient refusé les offres de reclassement proposées et qu'aucun d'entre eux n'avait postulé sur un autre poste disponible, dans l'entreprise ou le groupe, dont la liste leur avait été communiquée ; qu'en refusant d'examiner les ''diverses offres (
) soumises aux salariés'' et ''la situation de chacun d'entre eux'' pour apprécier si la société VFD a satisfait à son obligation de reclassement, au prétexte que les lettres adressées par la société VFD à ses filiales pour les interroger sur les postes disponibles en leur sein ne comportaient pas d'indications personnalisées sur le profil de chaque salarié, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Ayant constaté que l'employeur n'avait pas proposé aux salariés le poste disponible de conducteur dans la structure « contrôle » d'une filiale dont il n'était pas contesté qu'il était compatible avec leur qualification, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à des recherches inopérantes, a pu déduire de ces seuls motifs que l'employeur avait manqué à leur égard à son obligation de reclassement.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, en ses griefs concernant Mmes O..., G... et M. A..., pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire les licenciements de Mmes O..., G... et de M. A... dépourvus de cause réelle et sérieuse, de le condamner à payer à chacun des dommages-intérêts à ce titre et d'ordonner le remboursement à Pôle emploi d'indemnités de chômage payées aux intéressés, alors :

« 1°/ que l'obligation de reclasser les salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé n'incombe qu'à l'employeur, et non aux autres sociétés du groupe auquel il appartient ; qu'en conséquence, s'il doit rechercher des possibilités de reclassement dans les entreprises du groupe dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'implantation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, l'employeur ne saurait reporter sur ces entreprises la charge d'examiner l'adaptation des postes disponibles en leur sein à la situation de chaque salarié ; que l'employeur n'est donc pas tenu, lorsqu'il interroge les entreprises du groupe sur les possibilités de reclassement existant en leur sein, de leur fournir des indications précises sur les qualifications, expériences et ancienneté de chaque salarié ; qu'en l'espèce, la société VFD justifiait avoir demandé à ses trois filiales, par lettres du 18 juin 2013, de lui communiquer ''toutes les possibilités de reclassement, accompagnées d'un descriptif de poste détaillé (emploi et qualification, nature du contrat, date à laquelle ce poste doit être pourvu, lieu de travail, durée du travail, rémunération, etc.) et ce quelle que soit la localisation géographique des postes'', en leur fournissant la liste des emplois dont elle envisageait la suppression ; qu'en relevant, pour dire que la société VFD ne justifiait pas s'être entièrement libérée de son obligation de reclassement, que ces courriers ne comportent aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté, la cour d'appel a reporté sur les autres sociétés du groupe la charge d'effectuer les recherches de reclassement et a ainsi violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

2°/ que la seule indication de la nature et de la classification des emplois supprimés permet aux entreprises sollicitées de fournir une réponse utile sur l'existence, en leur sein, de postes susceptibles de correspondre aux qualifications des salariés menacés de licenciement et de permettre leur reclassement ; qu'en l'espèce, la société VFD avait indiqué, dans les lettres adressées à ses filiales, le niveau de classification et l'intitulé de chaque poste de travail supprimé, ce qui permettait à ces sociétés de lui faire connaître les postes éventuellement disponibles en leur sein faisant appel à des qualifications de même nature ; qu'ainsi, l'une des filiales avait répondu qu'elle disposait d'un poste de ''contrôle'' susceptible de correspondre aux qualifications des salariés ; qu'en considérant néanmoins, par principe, que les recherches effectuées auprès des autres entreprises du groupe n'étaient pas suffisantes, faute de comporter des indications sur l'âge, la formation, l'expérience, la qualification et l'ancienneté de chaque salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

7. Il résulte de ce texte que l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement.

8. Pour dire les licenciements de Mmes O..., G... et M. A... dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à chaque salarié des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que dans ses lettres de recherche de reclassement adressées aux sociétés du groupe, l'employeur fait état de la suppression de plusieurs postes de travail qu'il liste de façon générale et abstraite en indiquant uniquement l'intitulé et la classification de l'ensemble des postes supprimés sans apporter aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les lettres de demande de recherche de postes de reclassement étaient suffisamment précises, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, en ses griefs concernant Mmes O..., G... et M. A..., pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que l'employeur n'est pas tenu de proposer au salarié des postes qui ne sont pas compatibles avec ses qualifications ; qu'il n'est pas non plus tenu de proposer au salarié un reclassement au sein d'une autre société du groupe sur un poste comparable à celui qu'il a déjà refusé au sein de l'entreprise ; que, dans ses conclusions d'appel, la société VFD soutenait que le seul poste disponible au sein de la société VFC était un poste de ''conducteur'' affecté à la structure « contrôle », poste occupé jusqu'alors par un conducteur receveur de la société VFD détaché auprès de sa filiale ; qu'elle expliquait qu'elle avait déjà proposé à cinq salariés, qui étaient titulaires du permis de conduire D, des postes de conducteurs qu'ils avaient refusés et que les trois autres salariés ne disposaient pas de la qualification nécessaire (permis de conduire D) pour exercer des fonctions de conducteur ; qu'en reprochant à la société VFD de n'avoir pas proposé aux salariés licenciés le poste disponible au sein de la structure ''contrôle'' de la société VFC, sans rechercher si des postes comparables n'avaient pas été proposés à cinq salariés au sein de la société VFD et si les trois autres salariés n'étaient pas dépourvus des qualifications nécessaires pour occuper ce poste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

11. Il résulte de ce texte que si l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, au besoin en leur assurant une formation complémentaire, il ne peut lui être imposé d'assurer la formation initiale qui leur fait défaut.

12. Pour dire les licenciements de Mmes O..., G... et M. A... dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer à chaque salarié des dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient encore que l'employeur ne justifie pas avoir proposé aux intéressés le poste disponible dans la structure « contrôle » d'une filiale.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si ce poste de conducteur était compatible avec les qualifications des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit les licenciements de Mmes O..., G... et de M. A... sans cause réelle et sérieuse, condamne l'employeur à payer à ces salariés des dommages-intérêts à ce titre outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il ordonne le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Mmes O..., G... et M. A... dans la limite de six mois d'indemnités, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société VFD

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les licenciements des huit salariés défendeurs au pourvoi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR condamné la société VFD, venant aux droits de la SEM, VFD à verser à chacun des huit salariés défendeurs au pourvoi des dommages et intérêts en application de l'article L. 1235-3 du code du travail et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société VFD, venant aux droits de la SEM VFD, à Pôle emploi les indemnités de chômage payées à chaque salarié à la suite de leur licenciement, dans la limite de six mois d'indemnités versées à chacun d'eux ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L 1233-4 du code du travail, « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. » L'employeur justifie de la saisine de la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi, par la production d'un courrier adressé à cette commission le 7 juin 2013. Le licenciement économique d'un salarié ne pouvant intervenir que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise ou dans le groupe dont elle relève est impossible, il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu'un reclassement était impossible. S'agissant du groupe auquel appartient l'employeur, la SEM VFD dispose de 3 filiales : - la société FORMAPOLE qui a pour objet la formation continue ; - la société VFC qui a pour activité le contrôle et la lutte contre la fraude, la prévention, la qualité et la réalisation d'enquête ; - la société SERUS. L'employeur a interrogé ces 3 sociétés par un courrier en date du 18 juin 2013. Dans ce courrier, l'employeur fait état de la suppression de plusieurs postes de travail qu'il liste de façon générale et abstraite en indiquant uniquement l'intitulé et la classification de l'ensemble des postes supprimés sans apporter aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté. Par ailleurs, alors que la société VFC a répondu le 16 juillet 2013 qu'un poste serait vacant à compter du mois d'octobre dans la structure « contrôle », la société VFD ne justifie pas avoir proposé ce poste aux salariés. Il en résulte que même si diverses offres ont été soumises aux salariés et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la situation de chacun d'eux, faute pour la société VFD de parvenir à justifier s'être entièrement libérée de son obligation préalable de recherche de toutes les possibilités de reclassement, les licenciements qu'elle a prononcés se trouvent privés de cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. Le jugement sera infirmé de ce chef » ;

1. ALORS QUE l'obligation de reclasser les salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé n'incombe qu'à l'employeur, et non aux autres sociétés du groupe auquel il appartient ; qu'en conséquence, s'il doit rechercher des possibilités de reclassement dans les entreprises du groupe dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'implantation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, l'employeur ne saurait reporter sur ces entreprises la charge d'examiner l'adaptation des postes disponibles en leur sein à la situation de chaque salarié ; que l'employeur n'est donc pas tenu, lorsqu'il interroge les entreprises du groupe sur les possibilités de reclassement existant en leur sein, de leur fournir des indications précises sur les qualifications, expériences et ancienneté de chaque salarié ; qu'en l'espèce, la société VFD justifiait avoir demandé à ses trois filiales, par lettres du 18 juin 2013, de lui communiquer « toutes les possibilités de reclassement, accompagnées d'un descriptif de poste détaillé (emploi et qualification, nature du contrat, date à laquelle ce poste doit être pourvu, lieu de travail, durée du travail, rémunération, etc.) et ce quelle que soit la localisation géographique des postes », en leur fournissant la liste des emplois dont elle envisageait la suppression ; qu'en relevant, pour dire que la société VFD ne justifiait pas s'être entièrement libérée de son obligation de reclassement, que ces courriers ne comportent aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté, la cour d'appel a reporté sur les autres sociétés du groupe la charge d'effectuer les recherches de reclassement et a ainsi violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la seule indication de la nature et de la classification des emplois supprimés permet aux entreprises sollicitées de fournir une réponse utile sur l'existence, en leur sein, de postes susceptibles de correspondre aux qualifications des salariés menacés de licenciement et de permettre leur reclassement ; qu'en l'espèce, la société VFD avait indiqué, dans les lettres adressées à ses filiales, le niveau de classification et l'intitulé de chaque poste de travail supprimé, ce qui permettait à ces sociétés de lui faire connaître les postes éventuellement disponibles en leur sein faisant appel à des qualifications de même nature ; qu'ainsi, l'une des filiales avait répondu qu'elle disposait d'un poste de « contrôle » susceptible de correspondre aux qualifications des salariés ; qu'en considérant néanmoins, par principe, que les recherches effectuées auprès des autres entreprises du groupe n'étaient pas suffisantes, faute de comporter des indications sur l'âge, la formation, l'expérience, la qualification et l'ancienneté de chaque salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;

3. ALORS QUE l'employeur n'est pas tenu de proposer au salarié des postes qui ne sont pas compatibles avec ses qualifications ; qu'il n'est pas non plus tenu de proposer au salarié un reclassement au sein d'une autre société du groupe sur un poste comparable à celui qu'il a déjà refusé au sein de l'entreprise ; que, dans ses conclusions d'appel (p. 36), la société VFD soutenait que le seul poste disponible au sein de la société VFC était un poste de « conducteur » affecté à la structure « contrôle », poste occupé jusqu'alors par un conducteur receveur de la société VFD détaché auprès de sa filiale ; qu'elle expliquait qu'elle avait déjà proposé à cinq salariés, qui étaient titulaires du permis de conduire D, des postes de conducteurs qu'ils avaient refusés et que les trois autres salariés ne disposaient pas de la qualification nécessaire (permis de conduire D) pour exercer des fonctions de conducteur ; qu'en reprochant à la société VFD de n'avoir pas proposé aux salariés licenciés le poste disponible au sein de la structure « contrôle » de la société VFC, sans rechercher si des postes comparables n'avaient pas été proposés à cinq salariés au sein de la société VFD et si les trois autres salariés n'étaient pas dépourvus des qualifications nécessaires pour occuper ce poste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;

4. ALORS, ENFIN, QUE le juge doit apprécier le sérieux des recherches de reclassement de l'employeur, en fonction des offres de reclassement proposées à chaque salarié et de sa situation personnelle ; qu'en l'espèce, la société VFD justifiait avoir proposé à chacun des huit salariés défendeurs aux pourvois les postes disponibles en son sein compatibles avec leurs qualifications, de catégorie équivalente ou, à défaut, de catégorie inférieure à celle de leur emploi ; que ces offres de reclassement étaient assorties de toutes les indications utiles sur les postes proposés et de mesures d'accompagnement propres à faciliter un reclassement effectif, tels qu'un maintien temporaire de salaire en cas de déclassement ou des aides financières à la mobilité géographique ; que la société VFD justifiait également que tous les salariés, à l'exception d'un seul d'entre eux, avaient refusé les offres de reclassement proposées et qu'aucun d'entre eux n'avait postulé sur un autre poste disponible, dans l'entreprise ou le groupe, dont la liste leur avait été communiquée ; qu'en refusant d'examiner les « diverses offres (
) soumises aux salariés » et « la situation de chacun d'entre eux » pour apprécier si la société VFD a satisfait à son obligation de reclassement, au prétexte que les lettres adressées par la société VFD à ses filiales pour les interroger sur les postes disponibles en leur sein ne comportaient pas d'indications personnalisées sur le profil de chaque salarié, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article L. 1233-4 du code du travail.

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