17 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-12.025

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00342

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Cause - Cause réelle et sérieuse - Motif économique - Défaut - Cas - Difficultés économiques résultant d'agissements fautifs de l'employeur - Caractérisation - Conformité aux dispositions de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 - Portée

La jurisprudence de la chambre sociale de Cour de cassation, qui admet qu'un licenciement économique puisse être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur a commis une faute à l'origine du motif économique invoqué, ne procède pas, comme dans l'affaire AGET Iraklis examinée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 décembre 2016 (CJUE, arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis/ Ypourgos Ergasias, Koinonikis Asfalisis kai Koinonikis Allilengyis, C-201/15), d'un contrôle préalable permettant à une autorité nationale de s'opposer à un projet de licenciement collectif pour des motifs ayant trait à la protection des travailleurs et de l'emploi, mais s'inscrit au contraire dans un contrôle « a posteriori » de la cause du licenciement, en sorte qu'elle ne touche en rien à la liberté de jugement de l'employeur quant à savoir si et quand il doit former un projet de licenciement collectif. Elle repose en outre sur des critères suffisamment précis, seuls certains comportements fautifs de l'employeur, ne constituant pas une simple erreur dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, pouvant priver de cause réelle et sérieuse un licenciement de nature économique. Elle n'est donc pas de nature à faire obstacle au droit de l'employeur de licencier et partant à l'effet utile de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs, laquelle a pour objectif principal de faire précéder les licenciements collectifs d'une consultation des représentants des travailleurs et de l'information de l'autorité publique compétente. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de cette directive, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle

UNION EUROPEENNE - Cour de justice de l'Union européenne - Question préjudicielle - Interprétation des actes pris par les institutions de l'Union - Directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 - Droit pour l'employeur dont les difficultés économiques sont avérées de procéder à un licenciement économique - Portée

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 mars 2021




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 342 FS-P
sur la question préjudicielle


Pourvois n°
P 19-12.025
Q 19-12.026
R 19-12.027 JONCTION





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MARS 2021

La société Keyria, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé les pourvois n° P 19-12.025, Q 19-12.026 et R 19-12.027 contre trois arrêts rendus le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans les litiges l'opposant respectivement à :

1°/ M. H... Q..., domicilié [...] ,

2°/ Mme N... V..., domiciliée [...] ,

3°/ M. Y... S..., domicilié [...] ,

4°/ à M. U... A...,

5°/ M. L... K...,

tous deux domiciliés [...] et pris en qualité de commissaires à l'exécution du plan de la société Keyria,

6°/ la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [...] , prise en la personne de Mme X... F..., en qualité de mandataire judiciaire de la société Keyria,

7°/ la société Legris industries FE, société de droit belge, dont le siège est [...] (Belgique),

8°/ la société Legris industries SE, société de droit belge, dont le siège est [...] (Belgique) et en tant que de besoin, pris en son établissement sis en France, [...],

9°/ à la société Frégate, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

10°/ à la société Legris industries Partners 1, société de droit belge, dont le siège est [...] (Belgique),

11°/ à l'association Unedic délégation AGS CGEA IDF Ouest, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Keyria, les observations écrites de Me Haas, avocat de MM. Q..., S... et de Mme V..., et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Le Lay, M. Barincou, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° P 19-12.025 à R 19-12.027 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Keyria du désistement de ses pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre MM. A... et K..., pris en leur qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Keyria, la société MJA, prise en la personne de Mme F... en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Keyria, la société Frégate, la société Legris industries Partners 1 (LIP1) et l'AGS CGEA IDF Ouest.

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués (Paris, 11 décembre 2018), au 1er janvier 2009, le groupe Legris était organisé en trois divisions industrielles, dont la division Keyria regroupant trente et une sociétés ayant pour activité la conception et l'installation d'usines et des équipements de production de matériaux de construction. La société Keyria, elle-même détenue par la société Legris industrie par l'intermédiaire des sociétés Legris industries Partner 1 et Legris industrie FE, était la société holding de la division Keyria et avait pour activité l'accomplissement de prestations de services au profit de l'ensemble des sociétés de la division dans différents domaines (comptabilité, fiscalité, communication...).

4. Par jugement du 28 octobre 2009, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Keyria, puis, par jugement du 9 juin 2010, a arrêté le plan de sauvegarde de la société. Dans le même temps, la plupart des filiales françaises de la division Keyria ont fait l'objet de liquidations judiciaires.

5. MM. Q..., S... et Mme V..., qui étaient salariés de la société Keyria, ont été licenciés entre février et mai 2010, dans le cadre d'un licenciement économique collectif concernant 30 salariés, et ont saisi la juridiction prud'homale afin de voir constater que le motif économique invoqué résultait d'une faute et à tout le moins d'une légèreté blâmable de leur employeur, demandant la condamnation de la société Keyria à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande de saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne

6. La société Keyria demande que soient transmises à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

« Le licenciement opéré en l'espèce étant, on l'a dit, collectif, la question se pose en effet de savoir si la directive 98/59/CE du 20 juillet 1998, ensemble le principe de la liberté d'établissement et de la liberté d'entreprendre, ne doivent pas être interprétés en ce sens que, dès lors qu'un employeur connaît des difficultés économiques avérées, il ne doit pas pouvoir librement procéder à un licenciement collectif, avec pour seule exception à ce principe le cas de la fraude ?

Cette directive et ces principes ne doivent-ils pas être interprétés comme prohibant la disqualification d'un licenciement collectif en licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que les difficultés économiques, ainsi que l'absence de fraude, sont avérées et que le cas de disqualification retenu (la « légèreté blâmable ») non seulement empiète sur l'appréciation souveraine de l'employeur sur les décisions de gestion, mais encore n'est pas suffisamment précis ni connu à l'avance ? »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 267, 3e alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que lorsqu'une question est soulevée dans le cadre d'une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour d'une demande de décision préjudicielle. Une telle obligation n'incombe pas à cette juridiction lorsque celle-ci constate que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition du droit de l'Union en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

8. La directive 98/59/CE du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs a pour objectif principal de faire précéder les licenciements collectifs d'une consultation des représentants des travailleurs et de l'information de l'autorité publique compétente.

9. Il ne ressort pas de l'arrêt que la société Keyria relève de la liberté d'établissement comme établie dans un autre Etat membre ayant créé des filiales en France.

10. La Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 21 décembre 2016 (CJUE, arrêt du 21 décembre 2016, AGET Iraklis, C-201/15), après avoir relevé que l'article 2 de la directive 98/59 du Conseil du 20 juillet 1998 « impose une obligation de négociation », la consultation des représentants des travailleurs devant être effectuée « en vue d'aboutir à un accord » afin d'éviter ou de limiter le nombre de licenciements, ainsi que d'en atténuer les conséquences, a précisé que les conditions de fond auxquelles se trouve, le cas échéant, soumise la possibilité pour l'employeur de procéder ou non à des licenciements collectifs ne relèvent pas, en principe, de l'application de la directive 98/59 et demeurent, en conséquence, du ressort des Etats membres (point 33). Ainsi, ladite directive ne saurait, en principe, être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à un régime national conférant à une autorité publique le pouvoir d'empêcher des licenciements collectifs par une décision motivée, sauf dans l'hypothèse où un tel régime national aurait pour effet de priver les dispositions des articles 2 à 4 de la directive 98/59 de leur effet utile (points 34 et 35), c'est à dire d'exclure toute possibilité effective pour l'employeur de procéder à des licenciements collectifs (point 38).

11. Cependant, il convient de relever que la jurisprudence critiquée de la Cour de cassation ne procède pas, comme dans l'affaire AGET Iraklis, d'un contrôle préalable permettant à une autorité nationale de s'opposer à un projet de licenciement collectif pour des motifs ayant trait à la protection des travailleurs et de l'emploi, mais s'inscrit au contraire, dans un contrôle « a posteriori » de la cause du licenciement, en sorte qu'elle ne touche en rien à la liberté de jugement de l'employeur quant à savoir si et quand il doit former un projet de licenciement collectif et n'est donc pas de nature à priver d'effet utile la directive 98/59 du Conseil du 20 juillet 1998.

12. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de cassation, que si les juges du fond doivent contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique de licenciement au regard des critères posés par l'article L. 1233-3 du code du travail pour autant ils ne peuvent pas se substituer à l'employeur quant aux choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise. La Cour de cassation veille ainsi à ce que dans le cadre de ce contrôle de la réalité et du sérieux du motif économique, les juges du fond ne procèdent pas à une appréciation des choix de gestion de l'employeur (Ass. plén. 8 décembre 2000, pourvoi n° 97-44.219, Bull civ Ass plén n° 11 ; Soc., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-40.046, Bull V, n° 173).

13. Il ressort de cette jurisprudence que dès lors que l'employeur justifie de difficultés économiques réelles et sérieuses, de mutations technologiques, d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou d'une cessation d'activité totale et définitive, il ne peut pas être sanctionné pour ses choix de gestion, même lorsqu'ils résultent d'une erreur d'appréciation (Soc., 14 décembre 2005, pourvoi n° 03-44.380, Bull. V, n° 365). Seuls certains comportements fautifs de l'employeur, ne constituant pas une simple erreur dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, peuvent priver de cause réelle et sérieuse un licenciement de nature économique (Soc., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-44.647, Bull. V, n° 10 ; Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-23.029, publication en cours).

14. Les difficultés économiques ne sauraient être ainsi issues d'une situation volontaire dans laquelle l'employeur « s'était laissé dépouiller par pure complaisance d'une partie importante de son patrimoine et avait ainsi contribué en connaissance de cause à la création de la mauvaise situation financière apparue à l'époque du licenciement » (Soc., 9 octobre 1991, pourvoi n° 89-41.705, Bull. V, n° 402), ou d'une fraude lorsque les difficultés ont été « intentionnellement et artificiellement créées » (Soc., 12 janvier 1994, pourvoi n° 92-43.191).

15. Dans l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 (Soc., 10 septembre 2019, pourvois n° 19-12.025, 19-12.026, 19-12.027) refusant de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Keyria, la Cour de cassation a en outre rappelé qu'il n'existait pas de jurisprudence constante selon laquelle un licenciement pour motif économique pourrait être privé de cause réelle et sérieuse en présence d'une quelconque faute de gestion, alors même que celle-ci serait dépourvue de lien de causalité direct et certain avec les difficultés économiques.

16. Il en résulte que la jurisprudence critiquée de la Cour de cassation qui admet, dans le cadre d'un contrôle « a posteriori », qu'un licenciement économique puisse être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur a commis une faute à l'origine du motif économique invoqué, repose sur des critères suffisamment précis. Elle n'est pas de nature à faire obstacle au droit de l'employeur de licencier et partant à l'effet utile de la directive 98/59.

17. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de la directive 98/59 du Conseil du 20 juillet 1998, il n'y a pas lieu en conséquence de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens :


18. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel ;

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Keyria aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Keyria et la condamne à payer aux salariés la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits, au pourvoi n° P 19-12.025, par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Keyria

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, d'avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. H... Q..., condamné la SAS Keyria à verser à M. Y... S... la somme de 45.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que 1.800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Aux motifs que « il est constant que, par un mémo adressé par email le 14 avril 2008, M. P... C..., directeur financier de la SAS Keyria, a demandé aux différentes entités de la division Keyria soit les sociétés opérationnelles, d'inclure dans les résolutions à venir de leurs assemblées et conseils d'administration, les propositions de distribution de dividendes suivantes : - Céric SA : 3.142K€, - Céric Auto : 3.020K€, - Fimec : 8.965K€, - Adler : 1.610K€, - Pèlerin : 1.700K€, - Técauma : 2.459K€, - Hallumeca : 800K€, en précisant clairement la destination de l'opération : « les distributions sont destinées à « alimenter » Keyria afin de procéder au remboursement des crédits vendeurs et dettes senior de Keyria » ; que la SAS Keyria ne saurait se retrancher derrière la SA Céric pour affirmer que le versement de dividendes par les sociétés de la division Keyria ne la concerne pas puisque destiné à la SA Céric, alors que l'email émane d'un des dirigeants de la SA Keyria démontrant donc son implication comme holding animatrice et constituée pour l'opération de LBO et qu'en outre il ressort des écritures mêmes de la SAS Keyria que ces dividendes distribués à la SA Céric ont permis à cette dernière de verser elle-même des dividendes à la SAS Keyria ; que, contrairement aux affirmations de la société intimée, les rapports des administrateurs judiciaires des différentes filiales comme le rapport de l'expertcomptable nommé par le comité d'entreprise et enfin le rapport GIAC ont mis en lumière : - un bénéfice plus important en 2008 qu'en 2007, par exemple pour la société Pèlerin, la société Hallumeca et la société Fimec ; - pour cette dernière, une baisse des capitaux propres vertigineuse (9,767M€ sur l'exercice 2007 contre 2,462M€ en 2008 après versement de dividendes et affectation aux réserves du bénéfice de l'exercice), ce qui a conduit la SA GIAC à écrire dans sa lettre du 18 décembre 2008 dénonçant la Convention de participation au prêt groupé : « la situation de votre société s'est fortement dégradée du fait des ponctions anormales opérées par son actionnaire » observant que « sa situation nette a fortement diminuée pour les mêmes raisons » pour conclure : « le changement d'actionnaire survenus en décembre 2006 a eu notamment pour conséquence des prélèvements de liquidités et de dividendes qui ont notablement affecté l'autonomie financière de votre société », relevant enfin « ainsi, l'autofinancement, qui s'élevait en 2002 à 0,66M€ est devenu en 2007 négatif » ; - le même constat de baisse des capitaux propres par prélèvements dans les mêmes termes a été fait par la SA FIAC pour la SAS Adler : - après avoir réalisé un bénéfice très important en 2008 (triple par rapport à 2007), la SAS Pèlerin ne disposait plus que de 2,155M€ de fonds propres à la fin de l'exercice 2008 alors que ceux-ci représentaient 3,238M€ en 2007 et ce du fait principalement de la distribution de dividendes principalement ; - pour la société Céric Automation, après avoir stigmatisé dans son rapport de situation du 11 septembre 2009 un versement de dividendes en présence d'un résultat 2007 et des capitaux propres passés de 4,951K€ au 31 décembre 2007 à 163K€ à la fin de l'année 2008, et divers éléments qualifiés de fautifs, l'administrateur judiciaire nommé par le tribunal de commerce de Dijon a signalé la situation au Parquet lequel a ouvert une information ; qu'à la suite de concessions réciproques, une transaction est intervenue entre les différentes parties le 9 mars 2010 prévoyant le versement par la SA Legris Industries de la somme de 4M€ à l'issue de laquelle le liquidateur de la SAS Céric Automation s'estimera intégralement rempli de ses droits à l'égard des sociétés du Groupe LI et en avertira le procureur de la République de Dijon ; - que l'expert-comptable désigné pour une expertise libre par le comité d'entreprise de la SA Céric souligne que le bénéfice dégagé par Céric sur 2007-2008 a été entièrement reversé à l'actionnaire (la société Keyria) : ainsi, en 2008, il a été versé la somme de 8,089M€ de dividendes provenant pour partie d'une prime de fusion de 2007, alors que le résultat net de la société était négatif à cette époque et en 2008 pour 5M€ de remontées de dividendes des filiales compensant la perte opérationnelle de 12,3M€ ; que les éléments recueillis dans ces différents rapports, s'ils expliquent les difficultés économiques de sociétés opérationnelles par la crise internationale de 2008, permettent également de constater que la remontée de dividendes des filiales vers la société mère dans des proportions notables a fortement diminué les fonds propres de ces sociétés, et a dès lors considérablement réduit voire anéantit leurs capacités à s'auto financer comme précédemment avant leur rachat fin 2006, et a donc dangereusement fragilisé des entreprises exerçant dans un domaine dont l'activité par nature est soumise à des cycles, lesquelles n'ont pu réagir, du fait de leurs capacités financières amoindries par le ponctionnèrent opéré, qui, sans être irrégulier, n'était manifestement pas mesuré à l'échelle de chaque société ; qu'au surplus, au-delà de l'ampleur et donc de la disproportion de la demande de remontée de dividendes, il a été relevé par certains intervenants judiciaires un empressement voire une anticipation sur le remboursement des créanciers ; que si ces éléments mis en évidence n'autorisent pas la présente juridiction à confirmer totalement le scénario invoqué par les salariés du groupe, ils permettent toutefois de caractériser de la part de la SAS Keyria dans sa décision préjudiciable de procéder à des remontées importantes de dividendes, une légèreté blâmable qui a contribué en très grande partie aux difficultés financières des filiales, sans être attentive à leur sort, et par voie d'enchaînement voire d'effet « boomerang » à celle de la SAS Keyria, holding dont l'activité était exclusivement orientée vers ses filiales ; que dès lors cette circonstance prive le licenciement économique de toute cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 5 à 7) ;

1° Alors que le juge appelé à statuer sur l'existence d'une éventuelle faute de l'employeur censément à l'origine des difficultés économiques visées pour justifier un licenciement collectif doit procéder à une appréciation au cas par cas des litiges qui lui sont soumis, sans pouvoir reproduire la motivation retenue par un arrêt d'appel rendu à la demande d'un autre salarié ; que cette exigence s'applique y compris lorsque ce précédent arrêt d'appel a donné lieu à un arrêt de rejet du pourvoi formé contre lui ; qu'au cas présent, la cour d'appel, loin de donner une motivation propre à sa décision concernant le salarié qui l'avait saisie, a procédé par recopiage de la motivation qui avait été adoptée par un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu le 8 décembre 2016, ayant donné lieu à un arrêt de rejet du 24 mai 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a donné qu'une apparence de motivation à sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6§1 de la CESDH, ensemble le principe du procès équitable ;

2° Alors qu'il en va d'autant plus ainsi que l'arrêt de rejet du 24 mai 2018 s'appuyait sur des constatations souveraines des juges du fond, pour ne procéder qu'à un contrôle léger de la faute de l'employeur prétendument à l'origine de ses propres difficultés économiques, de sorte que la cour d'appel, saisie par un autre salarié dans un autre litige, fût-il connexe, était invitée à procéder à une appréciation propre (conclusions p. 2, 15, 18, 20, 21, 26, 27, 29, 32), sans se ranger à une motivation précédente qu'elle ne pouvait, en droit, considérer comme ayant été « validée » ; qu'en reprenant la motivation du précédent du 8 décembre 2016, l'arrêt attaqué a, dès lors, violé de plus fort les articles 455 du code de procédure civile et 6§1 de la CESDH ;

3° Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a conféré inexactement une autorité de chose jugée au précédent arrêt du 8 décembre 2016, violant ainsi l'article 1351 ancien du code civil (devenu 1355 nouveau).

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, d'avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. Y... S..., condamné la SAS Keyria à verser à M. H... Q... la somme de 45.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que 1.800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Aux motifs que « il est constant que, par un mémo adressé par email le 14 avril 2008, M. P... C..., directeur financier de la SAS Keyria, a demandé aux différentes entités de la division Keyria soit les sociétés opérationnelles, d'inclure dans les résolutions à venir de leurs assemblées et conseils d'administration, les propositions de distribution de dividendes suivantes : - Céric SA : 3.142K€, - Céric Auto : 3.020K€, - Fimec : 8.965K€, - Adler : 1.610K€, - Pèlerin : 1.700K€, - Técauma : 2.459K€, - Hallumeca : 800K€, en précisant clairement la destination de l'opération : « les distributions sont destinées à « alimenter » Keyria afin de procéder au remboursement des crédits vendeurs et dettes senior de Keyria » ; que la SAS Keyria ne saurait se retrancher derrière la SA Céric pour affirmer que le versement de dividendes par les sociétés de la division Keyria ne la concerne pas puisque destiné à la SA Céric, alors que l'email émane d'un des dirigeants de la SA Keyria démontrant donc son implication comme holding animatrice et constituée pour l'opération de LBO et qu'en outre il ressort des écritures mêmes de la SAS Keyria que ces dividendes distribués à la SA Céric ont permis à cette dernière de verser elle-même des dividendes à la SAS Keyria ; que, contrairement aux affirmations de la société intimée, les rapports des administrateurs judiciaires des différentes filiales comme le rapport de l'expertcomptable nommé par le comité d'entreprise et enfin le rapport GIAC ont mis en lumière : - un bénéfice plus important en 2008 qu'en 2007, par exemple pour la société Pèlerin, la société Hallumeca et la société Fimec ; - pour cette dernière, une baisse des capitaux propres vertigineuse (9,767M€ sur l'exercice 2007 contre 2,462M€ en 2008 après versement de dividendes et affectation aux réserves du bénéfice de l'exercice), ce qui a conduit la SA GIAC à écrire dans sa lettre du 18 décembre 2008 dénonçant la Convention de participation au prêt groupé : « la situation de votre société s'est fortement dégradée du fait des ponctions anormales opérées par son actionnaire » observant que « sa situation nette a fortement diminuée pour les mêmes raisons » pour conclure : « le changement d'actionnaire survenus en décembre 2006 a eu notamment pour conséquence des prélèvements de liquidités et de dividendes qui ont notablement affecté l'autonomie financière de votre société », relevant enfin « ainsi, l'autofinancement, qui s'élevait en 2002 à 0,66M€ est devenu en 2007 négatif » ; - le même constat de baisse des capitaux propres par prélèvements dans les mêmes termes a été fait par la SA FIAC pour la SAS Adler : - après avoir réalisé un bénéfice très important en 2008 (triple par rapport à 2007), la SAS Pèlerin ne disposait plus que de 2,155M€ de fonds propres à la fin de l'exercice 2008 alors que ceux-ci représentaient 3,238M€ en 2007 et ce du fait principalement de la distribution de dividendes principalement ; - pour la société Céric Automation, après avoir stigmatisé dans son rapport de situation du 11 septembre 2009 un versement de dividendes en présence d'un résultat 2007 et des capitaux propres passés de 4,951K€ au 31 décembre 2007 à 163K€ à la fin de l'année 2008, et divers éléments qualifiés de fautifs, l'administrateur judiciaire nommé par le tribunal de commerce de Dijon a signalé la situation au Parquet lequel a ouvert une information ; qu'à la suite de concessions réciproques, une transaction est intervenue entre les différentes parties le 9 mars 2010 prévoyant le versement par la SA Legris Industries de la somme de 4M€ à l'issue de laquelle le liquidateur de la SAS Céric Automation s'estimera intégralement rempli de ses droits à l'égard des sociétés du Groupe LI et en avertira le procureur de la République de Dijon ; - que l'expert-comptable désigné pour une expertise libre par le comité d'entreprise de la SA Céric souligne que le bénéfice dégagé par Céric sur 2007-2008 a été entièrement reversé à l'actionnaire (la société Keyria) : ainsi, en 2008, il a été versé la somme de 8,089M€ de dividendes provenant pour partie d'une prime de fusion de 2007, alors que le résultat net de la société était négatif à cette époque et en 2008 pour 5M€ de remontées de dividendes des filiales compensant la perte opérationnelle de 12,3M€ ; que les éléments recueillis dans ces différents rapports, s'ils expliquent les difficultés économiques de sociétés opérationnelles par la crise internationale de 2008, permettent également de constater que la remontée de dividendes des filiales vers la société mère dans des proportions notables a fortement diminué les fonds propres de ces sociétés, et a dès lors considérablement réduit voire anéantit leurs capacités à s'auto financer comme précédemment avant leur rachat fin 2006, et a donc dangereusement fragilisé des entreprises exerçant dans un domaine dont l'activité par nature est soumise à des cycles, lesquelles n'ont pu réagir, du fait de leurs capacités financières amoindries par le ponctionnèrent opéré, qui, sans être irrégulier, n'était manifestement pas mesuré à l'échelle de chaque société ; qu'au surplus, au-delà de l'ampleur et donc de la disproportion de la demande de remontée de dividendes, il a été relevé par certains intervenants judiciaires un empressement voire une anticipation sur le remboursement des créanciers ; que si ces éléments mis en évidence n'autorisent pas la présente juridiction à confirmer totalement le scénario invoqué par les salariés du groupe, ils permettent toutefois de caractériser de la part de la SAS Keyria dans sa décision préjudiciable de procéder à des remontées importantes de dividendes, une légèreté blâmable qui a contribué en très grande partie aux difficultés financières des filiales, sans être attentive à leur sort, et par voie d'enchaînement voire d'effet « boomerang » à celle de la SAS Keyria, holding dont l'activité était exclusivement orientée vers ses filiales ; que dès lors cette circonstance prive le licenciement économique de toute cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 5 à 7) ;

1° Alors que seule la fraude peut paralyser le droit pour l'employeur dont les difficultés économiques sont avérées de procéder à un licenciement économique, la simple légèreté blâmable ne suffisant pas à caractériser la fraude ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la société Keyria se serait rendue coupable de « légèreté blâmable » en faisant procéder, selon la cour, à une remontée de dividendes depuis les filiales du sous-groupe Keyria, sans jamais caractériser l'intention frauduleuse qui aurait animé la société Keyria, mais en retenant une simple imprudence éventuelle caractérisée par l'« effet boomerang » pour ses propres salariés de la décision qu'elle avait prise, plus d'un an avant, d'organiser une « remontée » de dividendes ; qu'en statuant ainsi, cependant que cet « effet », à le supposer avéré, n'était pas, dès lors qu'il n'était pas voulu (ce qui a été reconnu par l'arrêt attaqué, le « scénario invoqué par les salariés » ayant été écarté), de nature à brider le droit de licencier reconnu à l'employeur dont les difficultés économiques n'étaient pas contestées, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, lu à la lumière de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs ;

2° Alors subsidiairement que, à supposer qu'une faute simple de gestion suffise à retenir la responsabilité de l'employeur pour conduire à lui interdire d'invoquer ses difficultés économiques pour licencier, encore convient-il que cette faute soit nettement caractérisée ; qu'en particulier, si l'acte de gestion stigmatisé correspond à une opération prévue par la loi et dotée d'une réglementation spécifique (ce qui est le cas d'une « remontée de dividendes », la « remontée » étant bornée par la notion de « distribution de dividendes fictifs »), il est exclu qu'une faute de gestion soit retenue en l'absence de méconnaissance de ladite réglementation spécifique ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la « remontée de dividendes » était parfaitement régulière (« sans être irrégulier », arrêt p. 7) ;
qu'en imputant à faute cette remontée régulière, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, l'article L. 232-12 du code de commerce, ensemble le principe de l'employeur seul juge, le principe selon lequel le droit spécial déroge au droit général, et le principe de sécurité juridique ;

3° Alors que l'erreur éventuelle commise par l'employeur dans l'appréciation du risque inhérent à un choix de gestion fait avant l'apparition des premières difficultés économiques et la décision de licencier, ne caractérise pas en soi une légèreté blâmable ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que ce serait une « remontée de dividendes » préconisée le 14 avril 2008 à une date à laquelle la crise économique mondiale qui allait commencer n'avait pas débuté et était encore imprévisible, qui aurait été l'acte de gestion fautif ; qu'en imputant cette décision à faute à la société Keyria cependant que les licenciements litigieux n'ont été décidés qu'au début de l'année 2010, soit 2 ans plus tard, ce qui faisait apparaître que la décision litigieuse ne relevait, replacée dans le contexte où elle avait été prise, que d'une prise de risque normale non couronnée de succès, la cour d'appel a violé l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

4° Alors que la faute de gestion suppose de confronter le comportement de l'employeur-gérant à celui qui aurait été celui de l'employeur-gérant raisonnable ; qu'au cas présent, il est constant que, en tant que holding animatrice d'un sous-groupe acquis en partie par recours à l'endettement, la société Keyria était confrontée à deux obligations entre lesquelles il convenait de trouver un équilibre : animer ses filiales et contribuer au remboursement de la dette d'acquisition ; qu'il est encore constant que la société Keyria n'est pas restée inerte lorsque, à la fin de l'année 2008, les difficultés se sont faites sentir ; qu'en considérant, isolément, la seule préconisation de « remontées de dividendes », sans l'inscrire dans ce contexte global ni expliciter ce qu'aurait fait, selon elle, le bon employeur-gérant raisonnable placé dans les mêmes conditions, la cour d'appel, qui, en l'absence de référentiel pertinent, ne s'est pas mis en situation de caractériser un comportement fautif, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

5° Alors en tout état de cause que le juge qui retient l'existence d'une faute de gestion de nature à paralyser le droit pour l'employeur qui s'en est rendu coupable de procéder à un licenciement économique doit établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette faute et les difficultés économiques invoquées par l'employeur pour procéder au licenciement ; qu'au cas présent, la société Keyria exposait dans ses conclusions d'appel (p. 20, 21, 25, 26, 27, 29, 32, 59, 67) que les « remontées de dividendes » qui lui étaient imputées à faute avaient été sans effet sur les difficultés rencontrées par ses filiales, à la fois parce que les sommes « remontées » avaient été bien moindres que celles initialement envisagées et que le passif constaté à la date de cessation des paiements des filiales et parce que ces sommes avaient en fait alimenté une centrale de trésorerie (la société FIF), centrale de trésorerie dont elles étaient librement « redescendues » quand les filiales en avaient eu besoin par la suite, de sorte que « l'effet boomerang » à la base de la thèse adverse n'existait même pas dans son premier mouvement ; qu'en se bornant à affirmer que ces « remontées » avaient « contribué en très grande partie aux difficultés des sociétés filiales », sans vérifier si le mécanisme ainsi stigmatisé n'était pas indolore, dès lors qu'il fonctionnait dans les deux sens et permettait un retour, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

6° Alors que la faute de gestion de l'employeur susceptible de paralyser le licenciement économique s'entend d'une faute en lien de causalité directe avec les difficultés économiques ; qu'une faute ayant uniquement « contribué » à une « partie » du dommage ne peut en rien justifier d'interdire à l'employeur d'invoquer les difficultés avérées rencontrées ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la supposée faute imputée à la société Keyria n'aurait fait, au pire, que « contribuer en très grande partie aux difficultés financières des sociétés filiales » (p. 7, al. 2) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contentée d'une causalité indirecte, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

7° Alors que dans ses conclusions d'appel (p. 20, 21, 25, 26, 27, 29, 32, 59, 67), la société Keyria soulignait que la thèse d'une prétendue mise en difficulté de ses filiales par voie de « remontée de dividendes » excessive revenait à lui imputer a posteriori des choix de gestion suicidaires, dès lors qu'en tant que holding animatrice, elle n'avait pas d'autre raison d'être que de faire vivre ses filiales ; qu'en retenant cette thèse absurde, sans s'expliquer sur ce moyen péremptoire des conclusions de la société Keyria, et tout en constatant que le « scénario » d'un sacrifice des filiales françaises au bénéfice des entités étrangères du groupe ne pouvait être retenu, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

8° Alors que l'abrogation à intervenir, par le Conseil constitutionnel, après la transmission de la QPC figurant dans l'écrit distinct et motivé, de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, en ce que, faute d'exigence forte sur le lien de causalité unissant la faute de gestion aux difficultés économiques, ce texte, tel qu'interprété en jurisprudence, prévoit un mécanisme de sanction à caractère de punition de l'employeur jugé coupable d'une faute de gestion, une sanction non prévue par les textes, non proportionnée et donc contraire à l'article 8 de la Déclaration de 1789, ensemble la garantie des droits, telle que celle-ci est protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué. Moyens produits, au pourvoi n° Q 19-12.026, par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Keyria

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, d'avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme. N... E... épouse V..., condamné la SAS Keyria à verser à Mme E... épouse V... la somme de 40.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que 1.800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Aux motifs que « il est constant que, par un mémo adressé par email le 14 avril 2008, M. P... C..., directeur financier de la SAS Keyria, a demandé aux différentes entités de la division Keyria soit les sociétés opérationnelles, d'inclure dans les résolutions à venir de leurs assemblées et conseils d'administration, les propositions de distribution de dividendes suivantes : - Céric SA : 3.142K€, - Céric Auto : 3.020K€, - Fimec : 8.965K€, - Adler : 1.610K€, - Pèlerin : 1.700K€, - Técauma : 2.459K€, - Hallumeca : 800K€, en précisant clairement la destination de l'opération : « les distributions sont destinées à « alimenter » Keyria afin de procéder au remboursement des crédits vendeurs et dettes senior de Keyria » ; que la SAS Keyria ne saurait se retrancher derrière la SA Céric pour affirmer que le versement de dividendes par les sociétés de la division Keyria ne la concerne pas puisque destiné à la SA Céric, alors que l'email émane d'un des dirigeants de la SA Keyria démontrant donc son implication comme holding animatrice et constituée pour l'opération de LBO et qu'en outre il ressort des écritures mêmes de la SAS Keyria que ces dividendes distribués à la SA Céric ont permis à cette dernière de verser elle-même des dividendes à la SAS Keyria ; que, contrairement aux affirmations de la société intimée, les rapports des administrateurs judiciaires des différentes filiales comme le rapport de l'expertcomptable nommé par le comité d'entreprise et enfin le rapport GIAC ont mis en lumière : - un bénéfice plus important en 2008 qu'en 2007, par exemple pour la société Pèlerin, la société Hallumeca et la société Fimec ; - pour cette dernière, une baisse des capitaux propres vertigineuse (9,767M€ sur l'exercice 2007 contre 2,462M€ en 2008 après versement de dividendes et affectation aux réserves du bénéfice de l'exercice), ce qui a conduit la SA GIAC à écrire dans sa lettre du 18 décembre 2008 dénonçant la Convention de participation au prêt groupé : « la situation de votre société s'est fortement dégradée du fait des ponctions anormales opérées par son actionnaire » observant que « sa situation nette a fortement diminuée pour les mêmes raisons » pour conclure : « le changement d'actionnaire survenus en décembre 2006 a eu notamment pour conséquence des prélèvements de liquidités et de dividendes qui ont notablement affecté l'autonomie financière de votre société », relevant enfin « ainsi, l'autofinancement, qui s'élevait en 2002 à 0,66M€ est devenu en 2007 négatif » ; - le même constat de baisse des capitaux propres par prélèvements dans les mêmes termes a été fait par la SA FIAC pour la SAS Adler : - après avoir réalisé un bénéfice très important en 2008 (triple par rapport à 2007), la SAS Pèlerin ne disposait plus que de 2,155M€ de fonds propres à la fin de l'exercice 2008 alors que ceux-ci représentaient 3,238M€ en 2007 et ce du fait principalement de la distribution de dividendes principalement ; - pour la société Céric Automation, après avoir stigmatisé dans son rapport de situation du 11 septembre 2009 un versement de dividendes en présence d'un résultat 2007 et des capitaux propres passés de 4,951K€ au 31 décembre 2007 à 163K€ à la fin de l'année 2008, et divers éléments qualifiés de fautifs, l'administrateur judiciaire nommé par le tribunal de commerce de Dijon a signalé la situation au Parquet lequel a ouvert une information ; qu'à la suite de concessions réciproques, une transaction est intervenue entre les différentes parties le 9 mars 2010 prévoyant le versement par la SA Legris Industries de la somme de 4M€ à l'issue de laquelle le liquidateur de la SAS Céric Automation s'estimera intégralement rempli de ses droits à l'égard des sociétés du Groupe LI et en avertira le procureur de la République de Dijon ; - que l'expert-comptable désigné pour une expertise libre par le comité d'entreprise de la SA Céric souligne que le bénéfice dégagé par Céric sur 2007-2008 a été entièrement reversé à l'actionnaire (la société Keyria) : ainsi, en 2008, il a été versé la somme de 8,089M€ de dividendes provenant pour partie d'une prime de fusion de 2007, alors que le résultat net de la société était négatif à cette époque et en 2008 pour 5M€ de remontées de dividendes des filiales compensant la perte opérationnelle de 12,3M€ ; que les éléments recueillis dans ces différents rapports, s'ils expliquent les difficultés économiques de sociétés opérationnelles par la crise internationale de 2008, permettent également de constater que la remontée de dividendes des filiales vers la société mère dans des proportions notables a fortement diminué les fonds propres de ces sociétés, et a dès lors considérablement réduit voire anéantit leurs capacités à s'auto financer comme précédemment avant leur rachat fin 2006, et a donc dangereusement fragilisé des entreprises exerçant dans un domaine dont l'activité par nature est soumise à des cycles, lesquelles n'ont pu réagir, du fait de leurs capacités financières amoindries par le ponctionnèrent opéré, qui, sans être irrégulier, n'était manifestement pas mesuré à l'échelle de chaque société ; qu'au surplus, au-delà de l'ampleur et donc de la disproportion de la demande de remontée de dividendes, il a été relevé par certains intervenants judiciaires un empressement voire une anticipation sur le remboursement des créanciers ; que si ces éléments mis en évidence n'autorisent pas la présente juridiction à confirmer totalement le scénario invoqué par les salariés du groupe, ils permettent toutefois de caractériser de la part de la SAS Keyria dans sa décision préjudiciable de procéder à des remontées importantes de dividendes, une légèreté blâmable qui a contribué en très grande partie aux difficultés financières des filiales, sans être attentive à leur sort, et par voie d'enchaînement voire d'effet « boomerang » à celle de la SAS Keyria, holding dont l'activité était exclusivement orientée vers ses filiales ; que dès lors cette circonstance prive le licenciement économique de toute cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 5 à 7) ;

1° Alors que le juge appelé à statuer sur l'existence d'une éventuelle faute de l'employeur censément à l'origine des difficultés économiques visées pour justifier un licenciement collectif doit procéder à une appréciation au cas par cas des litiges qui lui sont soumis, sans pouvoir reproduire la motivation retenue par un arrêt d'appel rendu à la demande d'un autre salarié ; que cette exigence s'applique y compris lorsque ce précédent arrêt d'appel a donné lieu à un arrêt de rejet du pourvoi formé contre lui ; qu'au cas présent, la cour d'appel, loin de donner une motivation propre à sa décision concernant le salarié qui l'avait saisie, a procédé par recopiage de la motivation qui avait été adoptée par un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu le 8 décembre 2016, ayant donné lieu à un arrêt de rejet du 24 mai 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a donné qu'une apparence de motivation à sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6§1 de la CESDH, ensemble le principe du procès équitable ;

2° Alors qu'il en va d'autant plus ainsi que l'arrêt de rejet du 24 mai 2018 s'appuyait sur des constatations souveraines des juges du fond, pour ne procéder qu'à un contrôle léger de la faute de l'employeur prétendument à l'origine de ses propres difficultés économiques, de sorte que la cour d'appel, saisie par un autre salarié dans un autre litige, fût-il connexe, était invitée à procéder à une appréciation propre (conclusions p. 2, 15, 18, 20, 21, 26, 27, 29, 32), sans se ranger à une motivation précédente qu'elle ne pouvait, en droit, considérer comme ayant été « validée » ; qu'en reprenant la motivation du précédent du 8 décembre 2016, l'arrêt attaqué a, dès lors, violé de plus fort les articles 455 du code de procédure civile et 6§1 de la CESDH ;

3° Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a conféré inexactement une autorité de chose jugée au précédent arrêt du 8 décembre 2016, violant ainsi l'article 1351 ancien du code civil (devenu 1355 nouveau).

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, d'avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme. N... E... épouse V..., condamné la SAS Keyria à verser à Mme E... épouse V... la somme de 40.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que 1.800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Aux motifs que « il est constant que, par un mémo adressé par email le 14 avril 2008, M. P... C..., directeur financier de la SAS Keyria, a demandé aux différentes entités de la division Keyria soit les sociétés opérationnelles, d'inclure dans les résolutions à venir de leurs assemblées et conseils d'administration, les propositions de distribution de dividendes suivantes : - Céric SA : 3.142K€, - Céric Auto : 3.020K€, - Fimec : 8.965K€, - Adler : 1.610K€, - Pèlerin : 1.700K€, - Técauma : 2.459K€, - Hallumeca : 800K€, en précisant clairement la destination de l'opération : « les distributions sont destinées à « alimenter » Keyria afin de procéder au remboursement des crédits vendeurs et dettes senior de Keyria » ; que la SAS Keyria ne saurait se retrancher derrière la SA Céric pour affirmer que le versement de dividendes par les sociétés de la division Keyria ne la concerne pas puisque destiné à la SA Céric, alors que l'email émane d'un des dirigeants de la SA Keyria démontrant donc son implication comme holding animatrice et constituée pour l'opération de LBO et qu'en outre il ressort des écritures mêmes de la SAS Keyria que ces dividendes distribués à la SA Céric ont permis à cette dernière de verser elle-même des dividendes à la SAS Keyria ; que, contrairement aux affirmations de la société intimée, les rapports des administrateurs judiciaires des différentes filiales comme le rapport de l'expertcomptable nommé par le comité d'entreprise et enfin le rapport GIAC ont mis en lumière : - un bénéfice plus important en 2008 qu'en 2007, par exemple pour la société Pèlerin, la société Hallumeca et la société Fimec ; - pour cette dernière, une baisse des capitaux propres vertigineuse (9,767M€ sur l'exercice 2007 contre 2,462M€ en 2008 après versement de dividendes et affectation aux réserves du bénéfice de l'exercice), ce qui a conduit la SA GIAC à écrire dans sa lettre du 18 décembre 2008 dénonçant la Convention de participation au prêt groupé : « la situation de votre société s'est fortement dégradée du fait des ponctions anormales opérées par son actionnaire » observant que « sa situation nette a fortement diminuée pour les mêmes raisons » pour conclure : « le changement d'actionnaire survenus en décembre 2006 a eu notamment pour conséquence des prélèvements de liquidités et de dividendes qui ont notablement affecté l'autonomie financière de votre société », relevant enfin « ainsi, l'autofinancement, qui s'élevait en 2002 à 0,66M€ est devenu en 2007 négatif » ; - le même constat de baisse des capitaux propres par prélèvements dans les mêmes termes a été fait par la SA FIAC pour la SAS Adler : - après avoir réalisé un bénéfice très important en 2008 (triple par rapport à 2007), la SAS Pèlerin ne disposait plus que de 2,155M€ de fonds propres à la fin de l'exercice 2008 alors que ceux-ci représentaient 3,238M€ en 2007 et ce du fait principalement de la distribution de dividendes principalement ; - pour la société Céric Automation, après avoir stigmatisé dans son rapport de situation du 11 septembre 2009 un versement de dividendes en présence d'un résultat 2007 et des capitaux propres passés de 4,951K€ au 31 décembre 2007 à 163K€ à la fin de l'année 2008, et divers éléments qualifiés de fautifs, l'administrateur judiciaire nommé par le tribunal de commerce de Dijon a signalé la situation au Parquet lequel a ouvert une information ; qu'à la suite de concessions réciproques, une transaction est intervenue entre les différentes parties le 9 mars 2010 prévoyant le versement par la SA Legris Industries de la somme de 4M€ à l'issue de laquelle le liquidateur de la SAS Céric Automation s'estimera intégralement rempli de ses droits à l'égard des sociétés du Groupe LI et en avertira le procureur de la République de Dijon ; - que l'expert-comptable désigné pour une expertise libre par le comité d'entreprise de la SA Céric souligne que le bénéfice dégagé par Céric sur 2007-2008 a été entièrement reversé à l'actionnaire (la société Keyria) : ainsi, en 2008, il a été versé la somme de 8,089M€ de dividendes provenant pour partie d'une prime de fusion de 2007, alors que le résultat net de la société était négatif à cette époque et en 2008 pour 5M€ de remontées de dividendes des filiales compensant la perte opérationnelle de 12,3M€ ; que les éléments recueillis dans ces différents rapports, s'ils expliquent les difficultés économiques de sociétés opérationnelles par la crise internationale de 2008, permettent également de constater que la remontée de dividendes des filiales vers la société mère dans des proportions notables a fortement diminué les fonds propres de ces sociétés, et a dès lors considérablement réduit voire anéantit leurs capacités à s'auto financer comme précédemment avant leur rachat fin 2006, et a donc dangereusement fragilisé des entreprises exerçant dans un domaine dont l'activité par nature est soumise à des cycles, lesquelles n'ont pu réagir, du fait de leurs capacités financières amoindries par le ponctionnèrent opéré, qui, sans être irrégulier, n'était manifestement pas mesuré à l'échelle de chaque société ; qu'au surplus, au-delà de l'ampleur et donc de la disproportion de la demande de remontée de dividendes, il a été relevé par certains intervenants judiciaires un empressement voire une anticipation sur le remboursement des créanciers ; que si ces éléments mis en évidence n'autorisent pas la présente juridiction à confirmer totalement le scénario invoqué par les salariés du groupe, ils permettent toutefois de caractériser de la part de la SAS Keyria dans sa décision préjudiciable de procéder à des remontées importantes de dividendes, une légèreté blâmable qui a contribué en très grande partie aux difficultés financières des filiales, sans être attentive à leur sort, et par voie d'enchaînement voire d'effet « boomerang » à celle de la SAS Keyria, holding dont l'activité était exclusivement orientée vers ses filiales ; que dès lors cette circonstance prive le licenciement économique de toute cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 5 à 7) ;

1° Alors que seule la fraude peut paralyser le droit pour l'employeur dont les difficultés économiques sont avérées de procéder à un licenciement économique, la simple légèreté blâmable ne suffisant pas à caractériser la fraude ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la société Keyria se serait rendue coupable de « légèreté blâmable » en faisant procéder, selon la cour, à une remontée de dividendes depuis les filiales du sous-groupe Keyria, sans jamais caractériser l'intention frauduleuse qui aurait animé la société Keyria, mais en retenant une simple imprudence éventuelle caractérisée par l'« effet boomerang » pour ses propres salariés de la décision qu'elle avait prise, plus d'un an avant, d'organiser une « remontée » de dividendes ; qu'en statuant ainsi, cependant que cet « effet », à le supposer avéré, n'était pas, dès lors qu'il n'était pas voulu (ce qui a été reconnu par l'arrêt attaqué, le « scénario invoqué par les salariés » ayant été écarté), de nature à brider le droit de licencier reconnu à l'employeur dont les difficultés économiques n'étaient pas contestées, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, lu à la lumière de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs ;

2° Alors subsidiairement que, à supposer qu'une faute simple de gestion suffise à retenir la responsabilité de l'employeur pour conduire à lui interdire d'invoquer ses difficultés économiques pour licencier, encore convient-il que cette faute soit nettement caractérisée ; qu'en particulier, si l'acte de gestion stigmatisé correspond à une opération prévue par la loi et dotée d'une réglementation spécifique (ce qui est le cas d'une « remontée de dividendes », la « remontée » étant bornée par la notion de « distribution de dividendes fictifs »), il est exclu qu'une faute de gestion soit retenue en l'absence de méconnaissance de ladite réglementation spécifique ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la « remontée de dividendes » était parfaitement régulière (« sans être irrégulier », arrêt p. 7) ; qu'en imputant à faute cette remontée régulière, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, l'article L. 232-12 du code de commerce, ensemble le principe de l'employeur seul juge, le principe selon lequel le droit spécial déroge au droit général, et le principe de sécurité juridique ;

3° Alors que l'erreur éventuelle commise par l'employeur dans l'appréciation du risque inhérent à un choix de gestion fait avant l'apparition des premières difficultés économiques et la décision de licencier, ne caractérise pas en soi une légèreté blâmable ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que ce serait une « remontée de dividendes » préconisée le 14 avril 2008 à une date à laquelle la crise économique mondiale qui allait commencer n'avait pas débuté et était encore imprévisible, qui aurait été l'acte de gestion fautif ; qu'en imputant cette décision à faute à la société Keyria cependant que les licenciements litigieux n'ont été décidés qu'au début de l'année 2010, soit 2 ans plus tard, ce qui faisait apparaître que la décision litigieuse ne relevait, replacée dans le contexte où elle avait été prise, que d'une prise de risque normale non couronnée de succès, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

4° Alors que la faute de gestion suppose de confronter le comportement de l'employeur-gérant à celui qui aurait été celui de l'employeur-gérant raisonnable ; qu'au cas présent, il est constant que, en tant que holding animatrice d'un sous-groupe acquis en partie par recours à l'endettement, la société Keyria était confrontée à deux obligations entre lesquelles il convenait de trouver un équilibre : animer ses filiales et contribuer au remboursement de la dette d'acquisition ; qu'il est encore constant que la société Keyria n'est pas restée inerte lorsque, à la fin de l'année 2008, les difficultés se sont faites sentir ; qu'en considérant, isolément, la seule préconisation de « remontées de dividendes », sans l'inscrire dans ce contexte global ni expliciter ce qu'aurait fait, selon elle, le bon employeur-gérant raisonnable placé dans les mêmes conditions, la cour d'appel, qui, en l'absence de référentiel pertinent, ne s'est pas mis en situation de caractériser un comportement fautif, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

5° Alors en tout état de cause que le juge qui retient l'existence d'une faute de gestion de nature à paralyser le droit pour l'employeur qui s'en est rendu coupable de procéder à un licenciement économique doit établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette faute et les difficultés économiques invoquées par l'employeur pour procéder au licenciement ; qu'au cas présent, la société Keyria exposait dans ses conclusions d'appel (p. 20, 21, 25, 26, 27, 29, 32, 59, 67) que les « remontées de dividendes » qui lui étaient imputées à faute avaient été sans effet sur les difficultés rencontrées par ses filiales, à la fois parce que les sommes « remontées » avaient été bien moindres que celles initialement envisagées et que le passif constaté à la date de cessation des paiements des filiales et parce que ces sommes avaient en fait alimenté une centrale de trésorerie (la société FIF), centrale de trésorerie dont elles étaient librement « redescendues » quand les filiales en avaient eu besoin par la suite, de sorte que « l'effet boomerang » à la base de la thèse adverse n'existait même pas dans son premier mouvement ; qu'en se bornant à affirmer que ces « remontées » avaient « contribué en très grande partie aux difficultés des sociétés filiales », sans vérifier si le mécanisme ainsi stigmatisé n'était pas indolore, dès lors qu'il fonctionnait dans les deux sens et permettait un retour, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

6° Alors que la faute de gestion de l'employeur susceptible de paralyser le licenciement économique s'entend d'une faute en lien de causalité directe avec les difficultés économiques ; qu'une faute ayant uniquement « contribué » à une « partie » du dommage ne peut en rien justifier d'interdire à l'employeur d'invoquer les difficultés avérées rencontrées ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la supposée faute imputée à la société Keyria n'aurait fait, au pire, que « contribuer en très grande partie aux difficultés financières des sociétés filiales » (p. 7, al. 3) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contentée d'une causalité indirecte, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

7° Alors que dans ses conclusions d'appel (p. 20, 21, 25, 26, 27, 29, 32, 59, 67), la société Keyria soulignait que la thèse d'une prétendue mise en difficulté de ses filiales par voie de « remontée de dividendes » excessive revenait à lui imputer a posteriori des choix de gestion suicidaires, dès lors qu'en tant que holding animatrice, elle n'avait pas d'autre raison d'être que de faire vivre ses filiales ; qu'en retenant cette thèse absurde, sans s'expliquer sur ce moyen péremptoire des conclusions de la société Keyria, et tout en constatant que le « scénario » d'un sacrifice des filiales françaises au bénéfice des entités étrangères du groupe ne pouvait être retenu, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

8° Alors que l'abrogation à intervenir, par le Conseil constitutionnel, après la transmission de la QPC figurant dans l'écrit distinct et motivé, de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, en ce que, faute d'exigence forte sur le lien de causalité unissant la faute de gestion aux difficultés économiques, ce texte, tel qu'interprété en jurisprudence, prévoit un mécanisme de sanction à caractère de punition de l'employeur jugé coupable d'une faute de gestion, une sanction non prévue par les textes, non proportionnée et donc contraire à l'article 8 de la Déclaration de 1789, ensemble la garantie des droits, telle que celle-ci est protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué. Moyens produits, au pourvoi n° R 19-12.027, par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Keyria

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, d'avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. Y... S..., condamné la SAS Keyria à verser à M. Y... S... la somme de 38.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que 1.800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Aux motifs que « il est constant que, par un mémo adressé par email le 14 avril 2008, M. P... C..., directeur financier de la SAS Keyria, a demandé aux différentes entités de la division Keyria soit les sociétés opérationnelles, d'inclure dans les résolutions à venir de leurs assemblées et conseils d'administration, les propositions de distribution de dividendes suivantes : - Céric SA : 3.142K€, - Céric Auto : 3.020K€, - Fimec : 8.965K€, - Adler : 1.610K€, - Pèlerin : 1.700K€, - Técauma : 2.459K€, - Hallumeca : 800K€, en précisant clairement la destination de l'opération : « les distributions sont destinées à « alimenter » Keyria afin de procéder au remboursement des crédits vendeurs et dettes senior de Keyria » ; que la SAS Keyria ne saurait se retrancher derrière la SA Céric pour affirmer que le versement de dividendes par les sociétés de la division Keyria ne la concerne pas puisque destiné à la SA Céric, alors que l'email émane d'un des dirigeants de la SA Keyria démontrant donc son implication comme holding animatrice et constituée pour l'opération de LBO et qu'en outre il ressort des écritures mêmes de la SAS Keyria que ces dividendes distribués à la SA Céric ont permis à cette dernière de verser elle-même des dividendes à la SAS Keyria ; que, contrairement aux affirmations de la société intimée, les rapports des administrateurs judiciaires des différentes filiales comme le rapport de l'expertcomptable nommé par le comité d'entreprise et enfin le rapport GIAC ont mis en lumière : - un bénéfice plus important en 2008 qu'en 2007, par exemple pour la société Pèlerin, la société Hallumeca et la société Fimec ; - pour cette dernière, une baisse des capitaux propres vertigineuse (9,767M€ sur l'exercice 2007 contre 2,462M€ en 2008 après versement de dividendes et affectation aux réserves du bénéfice de l'exercice), ce qui a conduit la SA GIAC à écrire dans sa lettre du 18 décembre 2008 dénonçant la Convention de participation au prêt groupé : « la situation de votre société s'est fortement dégradée du fait des ponctions anormales opérées par son actionnaire » observant que « sa situation nette a fortement diminuée pour les mêmes raisons » pour conclure : « le changement d'actionnaire survenus en décembre 2006 a eu notamment pour conséquence des prélèvements de liquidités et de dividendes qui ont notablement affecté l'autonomie financière de votre société », relevant enfin « ainsi, l'autofinancement, qui s'élevait en 2002 à 0,66M€ est devenu en 2007 négatif » ; - le même constat de baisse des capitaux propres par prélèvements dans les mêmes termes a été fait par la SA FIAC pour la SAS Adler : - après avoir réalisé un bénéfice très important en 2008 (triple par rapport à 2007), la SAS Pèlerin ne disposait plus que de 2,155M€ de fonds propres à la fin de l'exercice 2008 alors que ceux-ci représentaient 3,238M€ en 2007 et ce du fait principalement de la distribution de dividendes principalement ; - pour la société Céric Automation, après avoir stigmatisé dans son rapport de situation du 11 septembre 2009 un versement de dividendes en présence d'un résultat 2007 et des capitaux propres passés de 4,951K€ au 31 décembre 2007 à 163K€ à la fin de l'année 2008, et divers éléments qualifiés de fautifs, l'administrateur judiciaire nommé par le tribunal de commerce de Dijon a signalé la situation au Parquet lequel a ouvert une information ; qu'à la suite de concessions réciproques, une transaction est intervenue entre les différentes parties le 9 mars 2010 prévoyant le versement par la SA Legris Industries de la somme de 4M€ à l'issue de laquelle le liquidateur de la SAS Céric Automation s'estimera intégralement rempli de ses droits à l'égard des sociétés du Groupe LI et en avertira le procureur de la République de Dijon ; - que l'expert-comptable désigné pour une expertise libre par le comité d'entreprise de la SA Céric souligne que le bénéfice dégagé par Céric sur 2007-2008 a été entièrement reversé à l'actionnaire (la société Keyria) : ainsi, en 2008, il a été versé la somme de 8,089M€ de dividendes provenant pour partie d'une prime de fusion de 2007, alors que le résultat net de la société était négatif à cette époque et en 2008 pour 5M€ de remontées de dividendes des filiales compensant la perte opérationnelle de 12,3M€ ; que les éléments recueillis dans ces différents rapports, s'ils expliquent les difficultés économiques de sociétés opérationnelles par la crise internationale de 2008, permettent également de constater que la remontée de dividendes des filiales vers la société mère dans des proportions notables a fortement diminué les fonds propres de ces sociétés, et a dès lors considérablement réduit voire anéantit leurs capacités à s'auto financer comme précédemment avant leur rachat fin 2006, et a donc dangereusement fragilisé des entreprises exerçant dans un domaine dont l'activité par nature est soumise à des cycles, lesquelles n'ont pu réagir, du fait de leurs capacités financières amoindries par le ponctionnèrent opéré, qui, sans être irrégulier, n'était manifestement pas mesuré à l'échelle de chaque société ; qu'au surplus, au-delà de l'ampleur et donc de la disproportion de la demande de remontée de dividendes, il a été relevé par certains intervenants judiciaires un empressement voire une anticipation sur le remboursement des créanciers ; que si ces éléments mis en évidence n'autorisent pas la présente juridiction à confirmer totalement le scénario invoqué par les salariés du groupe, ils permettent toutefois de caractériser de la part de la SAS Keyria dans sa décision préjudiciable de procéder à des remontées importantes de dividendes, une légèreté blâmable qui a contribué en très grande partie aux difficultés financières des filiales, sans être attentive à leur sort, et par voie d'enchaînement voire d'effet « boomerang » à celle de la SAS Keyria, holding dont l'activité était exclusivement orientée vers ses filiales ; que dès lors cette circonstance prive le licenciement économique de toute cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 6 à 8) ;

1° Alors que le juge appelé à statuer sur l'existence d'une éventuelle faute de l'employeur censément à l'origine des difficultés économiques visées pour justifier un licenciement collectif doit procéder à une appréciation au cas par cas des litiges qui lui sont soumis, sans pouvoir reproduire la motivation retenue par un arrêt d'appel rendu à la demande d'un autre salarié ; que cette exigence s'applique y compris lorsque ce précédent arrêt d'appel a donné lieu à un arrêt de rejet du pourvoi formé contre lui ; qu'au cas présent, la cour d'appel, loin de donner une motivation propre à sa décision concernant le salarié qui l'avait saisie, a procédé par recopiage de la motivation qui avait été adoptée par un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu le 8 décembre 2016, ayant donné lieu à un arrêt de rejet du 24 mai 2018 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a donné qu'une apparence de motivation à sa décision, a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6§1 de la CESDH, ensemble le principe du procès équitable ;

2° Alors qu'il en va d'autant plus ainsi que l'arrêt de rejet du 24 mai 2018 s'appuyait sur des constatations souveraines des juges du fond, pour ne procéder qu'à un contrôle léger de la faute de l'employeur prétendument à l'origine de ses propres difficultés économiques, de sorte que la cour d'appel, saisie par un autre salarié dans un autre litige, fût-il connexe, était invitée à procéder à une appréciation propre (conclusions p. 2, 15, 18, 20, 21, 26, 27, 29, 32), sans se ranger à une motivation précédente qu'elle ne pouvait, en droit, considérer comme ayant été « validée » ; qu'en reprenant la motivation du précédent du 8 décembre 2016, l'arrêt attaqué a, dès lors, violé de plus fort les articles 455 du code de procédure civile et 6§1 de la CESDH ;

3° Alors qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a conféré inexactement une autorité de chose jugée au précédent arrêt du 8 décembre 2016, violant ainsi l'article 1351 ancien du code civil (devenu 1355 nouveau).

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, d'avoir dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. Y... S..., condamné la SAS Keyria à verser à M. Y... S... la somme de 38.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que 1.800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et d'avoir débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Aux motifs que « il est constant que, par un mémo adressé par email le 14 avril 2008, M. P... C..., directeur financier de la SAS Keyria, a demandé aux différentes entités de la division Keyria soit les sociétés opérationnelles, d'inclure dans les résolutions à venir de leurs assemblées et conseils d'administration, les propositions de distribution de dividendes suivantes : - Céric SA : 3.142K€, - Céric Auto : 3.020K€, - Fimec : 8.965K€, - Adler : 1.610K€, - Pèlerin : 1.700K€, - Técauma : 2.459K€, - Hallumeca : 800K€, en précisant clairement la destination de l'opération : « les distributions sont destinées à « alimenter » Keyria afin de procéder au remboursement des crédits vendeurs et dettes senior de Keyria » ; que la SAS Keyria ne saurait se retrancher derrière la SA Céric pour affirmer que le versement de dividendes par les sociétés de la division Keyria ne la concerne pas puisque destiné à la SA Céric, alors que l'email émane d'un des dirigeants de la SA Keyria démontrant donc son implication comme holding animatrice et constituée pour l'opération de LBO et qu'en outre il ressort des écritures mêmes de la SAS Keyria que ces dividendes distribués à la SA Céric ont permis à cette dernière de verser elle-même des dividendes à la SAS Keyria ; que, contrairement aux affirmations de la société intimée, les rapports des administrateurs judiciaires des différentes filiales comme le rapport de l'expertcomptable nommé par le comité d'entreprise et enfin le rapport GIAC ont mis en lumière : - un bénéfice plus important en 2008 qu'en 2007, par exemple pour la société Pèlerin, la société Hallumeca et la société Fimec ; - pour cette dernière, une baisse des capitaux propres vertigineuse (9,767M€ sur l'exercice 2007 contre 2,462M€ en 2008 après versement de dividendes et affectation aux réserves du bénéfice de l'exercice), ce qui a conduit la SA GIAC à écrire dans sa lettre du 18 décembre 2008 dénonçant la Convention de participation au prêt groupé : « la situation de votre société s'est fortement dégradée du fait des ponctions anormales opérées par son actionnaire » observant que « sa situation nette a fortement diminuée pour les mêmes raisons » pour conclure : « le changement d'actionnaire survenus en décembre 2006 a eu notamment pour conséquence des prélèvements de liquidités et de dividendes qui ont notablement affecté l'autonomie financière de votre société », relevant enfin « ainsi, l'autofinancement, qui s'élevait en 2002 à 0,66M€ est devenu en 2007 négatif » ; - le même constat de baisse des capitaux propres par prélèvements dans les mêmes termes a été fait par la SA FIAC pour la SAS Adler : - après avoir réalisé un bénéfice très important en 2008 (triple par rapport à 2007), la SAS Pèlerin ne disposait plus que de 2,155M€ de fonds propres à la fin de l'exercice 2008 alors que ceux-ci représentaient 3,238M€ en 2007 et ce du fait principalement de la distribution de dividendes principalement ; - pour la société Céric Automation, après avoir stigmatisé dans son rapport de situation du 11 septembre 2009 un versement de dividendes en présence d'un résultat 2007 et des capitaux propres passés de 4,951K€ au 31 décembre 2007 à 163K€ à la fin de l'année 2008, et divers éléments qualifiés de fautifs, l'administrateur judiciaire nommé par le tribunal de commerce de Dijon a signalé la situation au Parquet lequel a ouvert une information ; qu'à la suite de concessions réciproques, une transaction est intervenue entre les différentes parties le 9 mars 2010 prévoyant le versement par la SA Legris Industries de la somme de 4M€ à l'issue de laquelle le liquidateur de la SAS Céric Automation s'estimera intégralement rempli de ses droits à l'égard des sociétés du Groupe LI et en avertira le procureur de la République de Dijon ; - que l'expert-comptable désigné pour une expertise libre par le comité d'entreprise de la SA Céric souligne que le bénéfice dégagé par Céric sur 2007-2008 a été entièrement reversé à l'actionnaire (la société Keyria) : ainsi, en 2008, il a été versé la somme de 8,089M€ de dividendes provenant pour partie d'une prime de fusion de 2007, alors que le résultat net de la société était négatif à cette époque et en 2008 pour 5M€ de remontées de dividendes des filiales compensant la perte opérationnelle de 12,3M€ ; que les éléments recueillis dans ces différents rapports, s'ils expliquent les difficultés économiques de sociétés opérationnelles par la crise internationale de 2008, permettent également de constater que la remontée de dividendes des filiales vers la société mère dans des proportions notables a fortement diminué les fonds propres de ces sociétés, et a dès lors considérablement réduit voire anéantit leurs capacités à s'auto financer comme précédemment avant leur rachat fin 2006, et a donc dangereusement fragilisé des entreprises exerçant dans un domaine dont l'activité par nature est soumise à des cycles, lesquelles n'ont pu réagir, du fait de leurs capacités financières amoindries par le ponctionnèrent opéré, qui, sans être irrégulier, n'était manifestement pas mesuré à l'échelle de chaque société ; qu'au surplus, au-delà de l'ampleur et donc de la disproportion de la demande de remontée de dividendes, il a été relevé par certains intervenants judiciaires un empressement voire une anticipation sur le remboursement des créanciers ; que si ces éléments mis en évidence n'autorisent pas la présente juridiction à confirmer totalement le scénario invoqué par les salariés du groupe, ils permettent toutefois de caractériser de la part de la SAS Keyria dans sa décision préjudiciable de procéder à des remontées importantes de dividendes, une légèreté blâmable qui a contribué en très grande partie aux difficultés financières des filiales, sans être attentive à leur sort, et par voie d'enchaînement voire d'effet « boomerang » à celle de la SAS Keyria, holding dont l'activité était exclusivement orientée vers ses filiales ; que dès lors cette circonstance prive le licenciement économique de toute cause réelle et sérieuse » (arrêt p. 6 à 8) ;

1° Alors que seule la fraude peut paralyser le droit pour l'employeur dont les difficultés économiques sont avérées de procéder à un licenciement économique, la simple légèreté blâmable ne suffisant pas à caractériser la fraude ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la société Keyria se serait rendue coupable de « légèreté blâmable » en faisant procéder, selon la cour, à une remontée de dividendes depuis les filiales du sous-groupe Keyria, sans jamais caractériser l'intention frauduleuse qui aurait animé la société Keyria, mais en retenant une simple imprudence éventuelle caractérisée par l'« effet boomerang » pour ses propres salariés de la décision qu'elle avait prise, plus d'un an avant, d'organiser une « remontée » de dividendes ; qu'en statuant ainsi, cependant que cet « effet », à le supposer avéré, n'était pas, dès lors qu'il n'était pas voulu (ce qui a été reconnu par l'arrêt attaqué, le « scénario invoqué par les salariés » ayant été écarté), de nature à brider le droit de licencier reconnu à l'employeur dont les difficultés économiques n'étaient pas contestées, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, lu à la lumière de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs ;

2° Alors subsidiairement que, à supposer qu'une faute simple de gestion suffise à retenir la responsabilité de l'employeur pour conduire à lui interdire d'invoquer ses difficultés économiques pour licencier, encore convient-il que cette faute soit nettement caractérisée ; qu'en particulier, si l'acte de gestion stigmatisé correspond à une opération prévue par la loi et dotée d'une réglementation spécifique (ce qui est le cas d'une « remontée de dividendes », la « remontée » étant bornée par la notion de « distribution de dividendes fictifs »), il est exclu qu'une faute de gestion soit retenue en l'absence de méconnaissance de ladite réglementation spécifique ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la « remontée de dividendes » était parfaitement régulière (« sans être irrégulier », arrêt p. 7) ; qu'en imputant à faute cette remontée régulière, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, l'article L. 232-12 du code de commerce, ensemble le principe de l'employeur seul juge, le principe selon lequel le droit spécial déroge au droit général, et le principe de sécurité juridique ;

3° Alors que l'erreur éventuelle commise par l'employeur dans l'appréciation du risque inhérent à un choix de gestion fait avant l'apparition des premières difficultés économiques et la décision de licencier, ne caractérise pas en soi une légèreté blâmable ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que ce serait une « remontée de dividendes » préconisée le 14 avril 2008 à une date à laquelle la crise économique mondiale qui allait commencer n'avait pas débuté et était encore imprévisible, qui aurait été l'acte de gestion fautif ; qu'en imputant cette décision à faute à la société Keyria cependant que les licenciements litigieux n'ont été décidés qu'au début de l'année 2010, soit 2 ans plus tard, ce qui faisait apparaître que la décision litigieuse ne relevait, replacée dans le contexte où elle avait été prise, que d'une prise de risque normale non couronnée de succès, la cour d'appel a violé l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

4° Alors que la faute de gestion suppose de confronter le comportement de l'employeur-gérant à celui qui aurait été celui de l'employeur-gérant raisonnable ; qu'au cas présent, il est constant que, en tant que holding animatrice d'un sous-groupe acquis en partie par recours à l'endettement, la société Keyria était confrontée à deux obligations entre lesquelles il convenait de trouver un équilibre : animer ses filiales et contribuer au remboursement de la dette d'acquisition ; qu'il est encore constant que la société Keyria n'est pas restée inerte lorsque, à la fin de l'année 2008, les difficultés se sont faites sentir ; qu'en considérant, isolément, la seule préconisation de « remontées de dividendes », sans l'inscrire dans ce contexte global ni expliciter ce qu'aurait fait, selon elle, le bon employeur-gérant raisonnable placé dans les mêmes conditions, la cour d'appel, qui, en l'absence de référentiel pertinent, ne s'est pas mis en situation de caractériser un comportement fautif, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

5° Alors en tout état de cause que le juge qui retient l'existence d'une faute de gestion de nature à paralyser le droit pour l'employeur qui s'en est rendu coupable de procéder à un licenciement économique doit établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette faute et les difficultés économiques invoquées par l'employeur pour procéder au licenciement ; qu'au cas présent, la société Keyria exposait dans ses conclusions d'appel (p. 20, 21, 25, 26, 27, 29, 32, 59, 67) que les « remontées de dividendes » qui lui étaient imputées à faute avaient été sans effet sur les difficultés rencontrées par ses filiales, à la fois parce que les sommes « remontées » avaient été bien moindres que celles initialement envisagées et que le passif constaté à la date de cessation des paiements des filiales et parce que ces sommes avaient en fait alimenté une centrale de trésorerie (la société FIF), centrale de trésorerie dont elles étaient librement « redescendues » quand les filiales en avaient eu besoin par la suite, de sorte que « l'effet boomerang » à la base de la thèse adverse n'existait même pas dans son premier mouvement ; qu'en se bornant à affirmer que ces « remontées » avaient « contribué en très grande partie aux difficultés des sociétés filiales », sans vérifier si le mécanisme ainsi stigmatisé n'était pas indolore, dès lors qu'il fonctionnait dans les deux sens et permettait un retour, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

6° Alors que la faute de gestion de l'employeur susceptible de paralyser le licenciement économique s'entend d'une faute en lien de causalité directe avec les difficultés économiques ; qu'une faute ayant uniquement « contribué » à une « partie » du dommage ne peut en rien justifier d'interdire à l'employeur d'invoquer les difficultés avérées rencontrées ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la supposée faute imputée à la société Keyria n'aurait fait, au pire, que « contribuer en très grande partie aux difficultés financières des sociétés filiales » (p. 7, dernier al.) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contentée d'une causalité indirecte, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;

7° Alors que dans ses conclusions d'appel (p. 20, 21, 25, 26, 27, 29, 32, 59, 67), la société Keyria soulignait que la thèse d'une prétendue mise en difficulté de ses filiales par voie de « remontée de dividendes » excessive revenait à lui imputer a posteriori des choix de gestion suicidaires, dès lors qu'en tant que holding animatrice, elle n'avait pas d'autre raison d'être que de faire vivre ses filiales ; qu'en retenant cette thèse absurde, sans s'expliquer sur ce moyen péremptoire des conclusions de la société Keyria, et tout en constatant que le « scénario » d'un sacrifice des filiales françaises au bénéfice des entités étrangères du groupe ne pouvait être retenu, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble le principe de l'employeur seul juge ;

8° Alors que l'abrogation à intervenir, par le Conseil constitutionnel, après la transmission de la QPC figurant dans l'écrit distinct et motivé, de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, en ce que, faute d'exigence forte sur le lien de causalité unissant la faute de gestion aux difficultés économiques, ce texte, tel qu'interprété en jurisprudence, prévoit un mécanisme de sanction à caractère de punition de l'employeur jugé coupable d'une faute de gestion, une sanction non prévue par les textes, non proportionnée et donc contraire à l'article 8 de la Déclaration de 1789, ensemble la garantie des droits, telle que celle-ci est protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué.

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