10 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-17.213

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00322

Texte de la décision

SOC.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 mars 2021




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 322 F-D

Pourvoi n° C 19-17.213







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

1°/ Mme R... S..., domiciliée [...] ,

2°/ le Syndicat national des journalistes (SNJ), dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° C 19-17.213 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige les opposant à la société Prisma média, société en nom collectif, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La société Prisma média a formé un pourvoi incident préalable contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident préalable invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme S... et du Syndicat national des journalistes, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Prisma média, après débats en l'audience publique du 20 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2019), à compter de 1994, Mme S... a collaboré avec la société Prisma média (la société) en qualité de journaliste pigiste en rédigeant des articles pour différents magazines appartenant au groupe. La collaboration a pris fin au mois de septembre 2013.

2. Mme S... a saisi la juridiction prud'homale afin que la collaboration soit requalifiée en contrat de travail et de diverses demandes se rapportant tant à l'exécution qu'à la rupture de la relation de travail.

3. Le Syndicat national des journalistes (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses deux premières branches ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche, dont l'examen est préalable

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement est nul, de la condamner au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés, une provision à valoir sur l'indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement nul, des dommages-intérêts pour absence de mentions de droit individuel à la formation, à remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail ainsi qu'une attestation destinée à pôle emploi conformes et de la condamner à verser des dommages-intérêts au syndicat, alors « que selon l'article L. 1233-61 du code du travail, l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi est obligatoire lorsque le nombre de licenciements pour motif économique envisagés par l'employeur sur une même période de trente jours est au moins égal à dix ; qu'en relevant, pour dire que Mme S... aurait dû bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi, que la société Prisma média a informé les représentants du personnel, en juillet 2013, de la suppression de sept postes de journalistes permanents en raison de la cessation de parution des magazines dits cuisine", que Mme S... a été informée de la cessation de sa collaboration au mois de juillet 2013 du fait de la cessation de la parution de titres cuisine " et qu'il résulte d'autres arrêts du même jour concernant le même employeur, que les contrats de travail de trois autres journalistes pigistes doivent être requalifiés en contrat de travail, dont la rupture est intervenue pendant la même période, sans constater que la rupture du contrat de ces salariés avait également un motif économique et qu'elle était intervenue dans les trente jours de l'engagement de la procédure de licenciement des sept journalistes professionnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-61 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Selon ce texte, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

7. Pour dire que le licenciement est nul et condamner la société au paiement de sommes en conséquence, l'arrêt retient qu'il résulte de l'accord relatif aux conditions de reclassement signé le 3 octobre 2013 que, le 17 juillet 2013, les représentants du personnel de la société ont été informés, dans le cadre d'une réunion du comité d'entreprise, qu'une diminution d'effectif aurait lieu au sein de l'entreprise dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et ce, à la suite de la cessation de parution par l'entreprise des magazines dits "cuisine", sept postes de journalistes permanents étant concernés.


8. Il ajoute que Mme S..., dont la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail la place dans la même situation que ces sept salariés, a été informée de la cessation de sa collaboration au mois de juillet 2013.

9. L'arrêt relève ensuite que, selon le procès-verbal de réunion du comité d'entreprise de l'unité économique et sociale du 27 septembre 2013, le plan aboutissait également à la suppression de trente emplois de pigistes et qu'il résulte d'autres arrêts prononcés le même jour, que les contrats de trois autres journalistes pigistes liés au même employeur, ont été requalifiés en contrat de travail et rompus pendant la même période, ce dont il déduit que l'intéressée aurait dû bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi.

10. En se déterminant ainsi, sans qu'il ne ressorte de ses constatations que les trois journalistes pigistes auxquels elle se référait pour considérer que le projet de licenciement concernait au moins dix salariés sur une période de trente jours, avaient été licenciés pour un motif économique et que la rupture de leur contrat était intervenue dans les trente jours de l'engagement de la procédure de licenciement des sept journalistes permanents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation prononcée sur la troisième branche du moyen du pourvoi incident n'entraîne pas la cassation sur le chef de dispositif qui condamne la société à verser des dommages-intérêts pour absence de mention du droit individuel à la formation, en revanche, elle entraîne, la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif critiqués par les premier, deuxième et troisième moyens du pourvoi principal se rapportant à la fixation à une certaine somme de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, au titre de l'indemnité légale de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement nul, au rejet de la demande de dommages-intérêts pour non-remise de l'attestation pôle emploi et rejet de la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, unis par un lien de dépendance nécessaire.

12. La cassation partielle n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif portant sur la condamnation de la société à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des dépens, justifiées par ailleurs.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de Mme F... est nul, condamne la société Prisma média à lui verser des sommes au titre d'une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, de provision à valoir sur son indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement nul, à lui remettre des documents conformes, à verser des dommages-intérêts au Syndicat national des journalistes, déboute Mme S... de ses demandes de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et non-remise de l'attestation pôle emploi, l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un, et signé par lui, le conseiller rapporteur référendaire et Mme Piquot, greffier en remplacement du greffier empêché.








MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme S... et le Syndicat national des journalistes.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Prisma Media à payer à Mme S... les sommes de seulement 2.513,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 251,38 euros de congés payés afférents, 18.853,65 euros d'indemnité légale de licenciement et 19.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE, l'employeur d'un journaliste pigiste n'étant pas tenu de lui fournir un volume de travail constant, Mme S... est mal fondée à calculer le montant des sommes réclamées sur la base du salaire moyen de l'année 2012, seul le salaire brut moyen le plus favorable entre les 12 et les 24 derniers mois devant être pris en considération, soit la somme de 1.256,91 euros, ainsi que le fait valoir la société Prisma Media à juste titre ; à la date de la rupture, Mme S... avait plus de deux années d'ancienneté et est donc fondée à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 2.513,82 euros, ainsi que les congés payés afférents, soit 251,38 euros, le jugement doit donc être infirmé quant aux montants retenus ; aux termes des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements, dans la limite de quinze mois et lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due ; il convient donc, infirmant le jugement sur ce point, de condamner la société Prisma Media à payer à Mme S... la somme de 18.853,65 euros, correspondant à 15 mois de salaire à titre de provision à valoir sur son indemnité légale de licenciement et de la renvoyer à saisir la commission arbitrale des journalistes pour la fixation définitive de cette indemnité ; en application des dispositions de l'article L. 1235-11 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, Mme S... est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement nul qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois ; au moment de la rupture, Mme S..., âgée de 59 ans, comptait plus de 19 ans d'ancienneté ; elle ne produit aucun justificatif de ses revenus à la suite de la rupture de son contrat de travail ; compte tenu de ces éléments, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande à hauteur de 19.000 euros ;

1) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en affirmant péremptoirement que « seul le salaire brut moyen le plus favorable entre le 12 et les 24 derniers mois [devait] être pris en considération, soit la somme de 1.256,91 euros, ainsi que le fait valoir la société Prisma Media à juste titre », sans expliciter l'assiette de calcul du salaire de référence retenue ni indiquer de quels éléments elle déduisait la somme retenue comme salaire brut moyen, la cour d'appel, qui n'a pas mis la cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce Mme S... produisait ses bulletins de paie, notamment pour les années 2011 à 2013 (pièces n° 5, 6 et 7), dont il ressortait qu'elle avait perçu chaque mois une indemnité de congés payés, une prime de treizième mois et une prime d'ancienneté ; qu'en décidant toutefois de retenir le salaire moyen de référence dont se prévalait la société Prisma Media, laquelle avait exclu à tort de son assiette de calcul les indemnités et primes précitées, sans prendre en compte ni analyser, même sommairement, ces pièces essentielles de la salariée, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE l'indemnité de congés payés rémunérant les périodes de congés prises pendant la période de référence doit être prise en considération pour calculer le salaire de référence servant de base de calcul à l'indemnité de licenciement, à l'indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que pour condamner la société Prisma Media à verser à la salariée les sommes de 2.513,82 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 251,38 euros de congés payés afférents, 18.853,65 euros d'indemnité légale de licenciement et 19.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu la somme de 1.256,91 euros « ainsi que le fait valoir la société Prisma Media à juste titre » ; qu'en se déterminant ainsi, sur la base du salaire de référence erroné calculé par l'employeur, sans qu'il résulte de ses constatations que l'indemnité de congés payés, qui avait été versée à la salariée pendant toute la durée de la relation contractuelle et qui devait être intégrée au calcul du salaire de référence, avait été prise en compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles R 1234-4 et D 3141-7 du code du travail ;

4) ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article R. 1234-4 du code du travail que sont incluses dans l'assiette de l'indemnité de licenciement toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel ; que pour condamner la société Prisma Media à verser à la salariée les sommes de seulement 2.513,82 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 251,38 euros de congés payés afférents, 18.853,65 euros d'indemnité légale de licenciement et 19.000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a pris en considération la somme de 1.256,91 euros « ainsi que le fait valoir la société Prisma Media à juste titre » ; qu'en se déterminant ainsi, sur la base du salaire de référence erroné calculé par l'employeur, sans qu'il résulte de ses constatations que les primes d'ancienneté et de 13ème mois qui avaient été versées à la salariée pendant toute la durée de la relation contractuelle et qui devaient être intégrées au calcul du salaire de référence, avaient été prises en compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article R. 1234-4 ensemble les articles 23 et 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme S... de sa demande de dommages et intérêts au titre de la non-remise de l'attestation Pôle emploi ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme S... ne rapportant pas la preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité pour licenciement nul, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, s'agissant des demandes de dommages et intérêts supplémentaires pour absence de remise de l'attestation Pôle emploi, non-respect des engagements conventionnels ainsi que des dispositions légales relatives au DIF et à la visite médicale, la salariée ne justifiant ni du principe ni du quantum des différents préjudices allégués, il convient de les rejeter ;

1) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale impose de replacer la victime dans l'état dans lequel elle se serait trouvée si le dommage ne s'était pas réalisée ; que tout événement, négligence ou abstention sans lequel le dommage ne se serait pas produit en constitue la cause et oblige son auteur à réparer l'entier préjudice en étant résulté ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 1234-9, alinéa 1er du code du travail, dans sa version applicable au litige que « L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 » ; que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ; que la non-remise de l'attestation Pôle emploi, à la suite d'une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, qu'elle soit pourvue ou non d'une cause réelle et sérieuse, et qui l'a privé de bénéficier légitimement d'un revenu de remplacement, cause au salarié un préjudice distinct du préjudice né de la simple perte d'emploi injustifiée et réparée par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il en va d'autant plus ainsi lorsque le comportement de l'employeur s'apparente à un licenciement de fait que le salarié ne pourra faire reconnaître en justice qu'a posteriori comme nul ou infondé, ce comportement fautif de l'employeur aboutissant à ce que le salarié ne puisse obtenir des rappels de salaire pour la période postérieure à la date à laquelle le licenciement est réputé être intervenu, tout en ayant été privé de la possibilité de bénéficier des indemnités chômage en l'absence de remise par l'employeur des documents idoines ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la rupture du contrat de travail de Mme S... était intervenue à l'initiative de l'employeur au mois de septembre 2013 par la cessation brutale de la fourniture de travail, alors que les parties devaient être regardées comme liées par un CDI ; qu'elle a aussi relevé que le conseil de prud'hommes avait ordonné à la société Prisma Media de remettre à Mme S... une attestation Pôle emploi conforme par un jugement du 23 février 2017 ; que la cour d'appel a toutefois débouté Mme S... de sa demande de dommages et intérêts pour non-remise de l'attestation Pôle emploi au motif péremptoire que « Mme S... ne rapportant pas la preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande » ; qu'en se déterminant ainsi, par affirmation péremptoire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'absence de remise de l'attestation par l'employeur pendant plusieurs années après la date à laquelle il convenait de fixer la rupture abusive et nulle du contrat de travail par la société Prisma Media, date au-delà de laquelle la salariée ne pouvait obtenir de rappel de salaire puisque le contrat était réputé rompu, sans pouvoir non plus bénéficier d'indemnités-chômage en l'absence de documents idoines, ne générait pas dès lors un préjudice distinct, spécifique, qui ne pouvait pas être réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1234-9 du code du travail, ensemble l'article 1142 du code civil dans sa version applicable au litige ;

2) ALORS QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que la non-remise de l'attestation Pôle emploi, à la suite d'une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, qu'elle soit pourvue ou non d'une cause réelle et sérieuse, et qui a privé le salarié de bénéficier légitimement d'un revenu de remplacement, constitue un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail, qu'il lui appartient dès lors de réparer ; qu'en déboutant Mme S... de sa demande de dommages et intérêts pour non-remise de l'attestation Pôle emploi au motif péremptoire que « Mme S... ne rapportant pas la preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande », sans rechercher si la non-remise de l'attestation Pôle emploi par l'employeur pendant plus de trois ans et demi, ce qui avait empêché la salariée de bénéficier légitimement d'un revenu de remplacement, ne constituait pas un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail et qui avait causé à la salariée un préjudice distinct du préjudice réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme S... de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement n'est due que lorsque le licenciement comporte une cause réelle et sérieuse ;

1) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Prisma Media a cessé toute collaboration avec Mme S... à compter du mois de septembre 2013, à la suite de la cessation de la parution des titres « cuisine », alors qu'il lui incombait de lui fournir du travail, que cette rupture s'analysait donc en un licenciement et que Mme S... aurait dû bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi, ce dont il résulte que son licenciement est nul ; qu'elle a toutefois débouté Mme S... de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect par la société Prisma Media de la procédure de licenciement, au motif qu' « aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement n'est due que lorsque le licenciement comporte une cause réelle et sérieuse » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles la rupture du contrat de travail était nul, ce qui autorisant donc un cumul avec l'indemnité pour irrégularité de la rupture, a violé les dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail ;

2) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement ; qu'en décidant de débouter Mme S..., dont elle avait jugé le licenciement nul, de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect par la société Prisma Media de la procédure de licenciement, au motif qu' « aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail, l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement n'est due que lorsque le licenciement comporte une cause réelle et sérieuse », la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT PRÉALABLE par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Prisma média.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié la relation contractuelle de 1994 à la fin du mois de septembre 2013 en contrat de travail à durée indéterminée, d'AVOIR déclaré nul le licenciement de Mme S..., d'AVOIR condamné la société Prisma Media à payer à Mme S... une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de congés payés, une provision à valoir sur l'indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement nul et des dommages et intérêts pour absence de mention du droit individuel à la formation, d'AVOIR ordonné à la société Prisma Media de remettre à Mme S... des bulletins de salaire, un certificat de travail ainsi qu'une attestation destinée à Pôle emploi conformes et d'AVOIR condamné la société Prisma Media à payer au Syndicat National des Journalistes la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la qualification de la relation contractuelle. L'article L. 7112-1 du code du travail dispose que toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. Il appartient donc à celui qui conteste la qualité de salarié du journaliste de rapporter la preuve contraire. En l'espèce, il est constant que la société PRISMA MEDIA est une entreprise de presse. Aux termes de l'article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. En l'espèce, Mme S..., justifie, par la production de copies d'articles de 1996 à 2013, de bulletins de paie de 1996 à 2013, ainsi que de courriels de 2008 à 2013 que, jusqu'à la rupture de ses relations contractuelles avec la société PRISMA MEDIA, elle exerçait la fonction de journaliste à titre principal et de manière permanente et régulière. Mme S... produit également des tableaux, à propos desquels la société PRISMA MEDIA ne formule aucune observation, faisant apparaître que l'essentiel de ses ressources provenait de l'exercice de sa profession de journaliste. Mme S... était titulaire de la carte d'identité de journaliste professionnelle, délivrée conformément aux dispositions de l'article L. 7111-6 alinéa 1er du code du travail, par la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels, laquelle a pour rôle de vérifier si le journaliste demandeur de la carte exerce bien à titre principal des fonctions de journaliste dans le cadre d'une ou plusieurs entreprises de presse. Les conditions de la présomption de contrat de travail sont donc réunies et il appartient en conséquence à la société PRISMA MEDIA de rapporter la preuve de l'absence de lien de subordination. A cet égard, la société PRISMA MEDIA fait valoir que Mme S... disposait d'une totale liberté quant au lieu et au temps de réalisation de son travail. Cependant, eu égard à la spécificité de la profession de journaliste, il ne peut s'agir d'éléments déterminants de la nature de la relation contractuelle. De même, le fait, allégué par la société PRISMA MEDIA, Mme S... n'était pas soumise à une obligation d'exclusivité est inopérant, un salarié pouvant avoir plusieurs employeurs et les dispositions susvisées n'imposent pas au salarié journaliste de tirer l'essentiel de ses ressources de la même entreprise de presse. Enfin, la société PRISMA MEDIA fait valoir que la rémunération des piges de Mme S... fluctuait dans des proportions importantes d'un mois sur l'autre et d'une année sur l'autre. Cependant, cet élément n'est pas de nature à établir la preuve d'une absence de lien de subordination. Enfin, la société PRISMA MEDIA ne produit aucun élément concret, de nature à établir que Mme S... ne lui était pas subordonnée, alors qu'au contraire, cette dernière établit que les sujets de ses piges, le nombre de signes et les délais de restitution lui étaient imposés. La société PRISMA MEDIA ne renverse donc pas la présomption susvisée et il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que les parties étaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée. Sur la rupture de la relation contractuelle. La rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative de l'employeur constitue un licenciement. Si l'employeur d'un journaliste pigiste, collaborateur régulier, n'est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant, il ne peut néanmoins cesser de lui fournir tout travail. En l'espèce, il est constant que la société PRISMA MEDIA a cessé toute collaboration avec Mme S... à compter du mois de septembre 2013, alors qu'il lui incombait de lui fournir du travail. Cette rupture s'analyse donc en licenciement. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au litige, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile et aux termes de l'article L. 1235-10 du même code, la procédure de licenciement est nulle tant que ce plan de reclassement n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés. Pour apprécier le seuil de déclenchement de dix salariés sur une période de trente jours, doit être prise en compte toute rupture du contrat de travail pour motif économique envisagée par l'employeur, dès lors qu'au moins 10 salariés sont concernés. La date de l'engagement de la procédure de licenciement doit être entendue comme celle du jour où le projet est définitivement présenté aux membres du Comité d'Entreprise. En l'espèce, il résulte de l'accord relatif aux conditions de reclassement signé le 3 octobre 2013 que, le 17 juillet 2013, les représentants du personnel de la société PRISMA MEDIA avaient été informés, dans le cadre d'une réunion du Comité d'Entreprise, qu'une diminution d'effectif aurait lieu au sein de l'entreprise dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et ce, à la suite de la cessation de parution par l'entreprise des magazines dits "cuisine", sept postes de journalistes permanents étant concernés. Concernant Mme S..., il résulte des considérations qui précèdent que la requalification de la situation contractuelle en contrat de travail a pour conséquence de la placer dans la même situation que ces sept salariés. Par ailleurs, il est constant que Mme S... a été informée de la cessation de sa collaboration au mois de juillet 2013 du fait de la cessation de parution des titres "cuisine". Il résulte du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise de l'UES du 27 septembre 2013, que le plan aboutissait également à la suppression de trente emplois de pigistes et il résulte d'autres arrêts prononcés ce jour et concernant le même employeur, que les contrats de trois autres journalistes pigistes, doivent être requalifiés en contrat de travail, dont la rupture est intervenue pendant la même période. Par conséquent, Mme S... aurait dû bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi, ce dont il résulte que son licenciement est nul » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « en l'espèce, au vu des différentes pièces versées aux débats par la demanderesse et notamment des bordereaux de paiement de piges, force est de constater que cette dernière a collaboré en qualité de pigiste de manière régulière et permanente depuis 1994 avec la SNC PRISMA MEDIA, entreprise de presse au sens des dispositions précitées, en rédigeant de multiples articles dans différents magazines appartenant à la société, les documents fiscaux produits permettant en outre d'établir qu'elle tirait effectivement l'essentiel de ses ressources de l'exercice de la profession de journaliste, étant de surcroît relevé que l'intéressée est titulaire de la carte d'identité professionnelle des journalistes depuis 1996 » ;

1. ALORS QUE l'entreprise de presse n'est pas tenue de fournir du travail à un journaliste pigiste avec lequel elle collabore de manière ponctuelle ou irrégulière ; que l'employeur d'un journaliste pigiste n'est tenu de lui fournir du travail sauf à engager une procédure de licenciement qu'en cas de collaboration régulière et permanente ; qu'en l'espèce, la société Prisma Media soutenait que Mme S..., qui travaillait pour plusieurs entreprises de presse, collaborait de manière fluctuante et irrégulière avec elle, la rémunération de ses piges variant dans des proportions importantes d'un mois sur l'autre et d'une année sur l'autre ; que, pour le justifier, elle produisait un tableau de synthèse de ses piges dont il ressortait que la collaboration de Mme S... avec la société Prisma Media n'était pas régulière (pièce n° 8) ; qu'en se bornant à affirmer, pour dire que la société Prisma Media devait fournir du travail à Mme S... et que la cessation de leur collaboration s'analysait en un licenciement, que Mme S... réunit les conditions de la présomption de salariat de l'article L. 7112-1 et que les éléments produits par la société Prisma Media ne permettent pas de renverser cette présomption, sans avoir vérifié si la collaboration de Mme S... avec la société Prisma Media était régulière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7112-1 du code du travail.

2. ALORS QUE l'entreprise de presse n'est pas tenue de fournir du travail à un journaliste pigiste avec lequel elle collabore de manière ponctuelle ou irrégulière ; que l'employeur d'un journaliste pigiste n'est tenu de lui fournir du travail sauf à engager une procédure de licenciement qu'en cas de collaboration régulière et permanente ; qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en se bornant à affirmer que Mme S... a collaboré en qualité de pigiste de manière régulière et permanente depuis 1994 avec la SNC Prisma Media, sans s'expliquer sur la variabilité de ses piges sur la période, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7112-1 du code du travail ;

3. ALORS QUE selon l'article L. 1233-61 du code du travail, l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi est obligatoire lorsque le nombre de licenciements pour motif économique envisagés par l'employeur sur une même période de trente jours est au moins égal à dix ; qu'en relevant, pour dire que Mme S... aurait dû bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi, que la société Prisma Media a informé les représentants du personnel, en juillet 2013, de la suppression de sept postes de journalistes permanents en raison de la cessation de parution des magazines dits « cuisine », que Mme [...] a été informée de la cessation de sa collaboration au mois de juillet 2013 du fait de la cessation de la parution de titres « cuisine » et qu'il résulte d'autres arrêts du même jour concernant le même employeur, que les contrats de travail de trois autres journalistes pigistes doivent être requalifiés en contrat de travail, dont la rupture est intervenue pendant la même période, sans constater que la rupture du contrat de ces salariés avait également un motif économique et qu'elle était intervenue dans les trente jours de l'engagement de la procédure de licenciement des sept journalistes professionnels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-61 du code du travail.

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