10 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.014

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00314

Texte de la décision

SOC.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 mars 2021




Cassation partielle


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller
doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 314 F-D

Pourvoi n° X 19-20.014







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 10 MARS 2021

Mme W... P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° X 19-20.014 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant à la société Coup de pouce, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme P..., après débats en l'audience publique du 19 janvier 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 18 septembre 2018), Mme P... a été engagée à compter du 10 janvier 2014 en qualité d'auxiliaire de vie par la société Coup de pouce. Elle a été en arrêt de travail pour maternité du 13 décembre 2014 au 3 avril 2015.

2. A l'issue d'un seul examen du 9 avril 2015, la salariée a été déclarée par le médecin du travail inapte à tout poste.

3. La salariée a été licenciée le 4 mai 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et solliciter le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en nullité de son licenciement prononcé en raison de son état de santé et de sa demande consécutive en réintégration, alors :

« 1°/ que selon l'article R. 4624-31, alinéa 1 du code du travail, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé une étude de ce poste, une étude des conditions de travail dans l'entreprise, deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires ; que selon l'alinéa 2, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen ; que pour débouter la salariée de sa demande en nullité du licenciement, la cour d'appel, après avoir rappelé que l'inaptitude d'un salarié à son poste de travail ''ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l'avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l'article R. 4624-31 du code du travail, qu'une seule visite est effectuée'', a retenu que ''tel est le cas en l'espèce dès lors que le médecin du travail a précisé que cet avis est rendu en un seul examen au visa de l'article R. 4624-31 du code du travail'' ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que le médecin du travail avait constaté que le maintien de Mme P... à son poste entraînait un danger immédiat pour sa santé, la cour d'appel a violé l'article R. 4624-31, alinéa 1 du code du travail ;

2°/ qu'en énonçant que ''certes, le médecin du travail en concluant ''inapte en un seul examen'', fait référence à l'examen de ''préreprise en date du 10 février 2015'' lequel a été effectué plus de trente jours auparavant '', pour en déduire que ''toutefois cette annotation n'est pas de nature à priver la mention ''en un seul examen'' de son effet nonobstant l'absence expresse de référence à la notion de danger immédiat laquelle est implicite au regard du visa à l'article R. 4624-31'', la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles l'examen de préreprise avait eu lieu dans un délai supérieur à trente jours, de sorte qu'en l'absence de mention de danger immédiat, l'avis d'inaptitude ne pouvait être délivré en un seul examen, a violé derechef les dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 :

6. Selon ce texte, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.

7. Pour débouter la salariée de sa demande en nullité de son licenciement et de sa demande consécutive en réintégration, l'arrêt retient que le médecin du travail a précisé que son avis du 9 avril 2015 était rendu en un seul examen au visa de l'article R. 4624-31 du code du travail, que certes, le médecin du travail, en concluant « inapte en un seul examen », faisait référence à l'examen de « préreprise en date du 10 février 2015 » lequel avait été effectué plus de trente jours auparavant, que toutefois cette annotation n'était pas de nature à priver la mention « en un seul examen » de son effet, nonobstant l'absence expresse de référence à la notion de danger immédiat, laquelle était implicite au regard du visa à l'article R. 4624-31.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'examen de préreprise du 10 février 2015 avait été effectué plus de trente jours avant l'avis d'inaptitude du 9 avril 2015 et que cet avis ne mentionnait pas l'existence d'un danger immédiat, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il déboute Mme P... de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration, de dommages-intérêts équivalant aux salaires perdus entre la date du licenciement et la réintégration, de congés payés afférents, subsidiairement de rappels de salaires et congés payés, et de remise sous astreinte des documents de fin de contrat ainsi que des bulletins de salaire, l'arrêt rendu le 18 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Coup de pouce aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Coup de pouce à payer à Mme P... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme P....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame P... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de temps de pause, non-respect du repos quotidien et une amplitude excessive,

Aux motifs que Mme P... invoque pour solliciter des dommages et intérêts un non-respect du temps de pause, un non-respect du repos quotidien de 11 heures consécutives et une amplitude de travail excessive ; que concernant le non-respect du temps de pause Mme P..., dans ses écritures, met en exergue 4 journées pour du temps de travail de 2H à 9h30 ou de 2h30 à 10h30 ; que l'examen du planning permet de relever que Mme P... a également travaillé plus de 6 heures consécutives le 24 avril et le 22 mai, le 19 juin (de 10 à 19 h) le 25 avril et le 26 juin (de 2h30 à 9h30) ; que en premier lieu il sera relevé que les manquements invoqués sont très ponctuels et concernent des heures de nuit dont il est difficilement imaginable qu'en sa qualité d'auxiliaire de nuit la salariée n'ait pas pu bénéficier de temps de pause ; qu'en outre, ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes, l'employeur justifie que le contrat de prestation de service remis aux clients dispose que les journées de travail d'une durée supérieure à 6 heures continues doivent être interrompues par une pause de 20 minutes et que par conséquent elle a veillé au respect des dispositions légales, étant souligné à l'instar des premiers juges, que Mme P... n'a pas référé à son employeur d'un manquement du client à ce titre ; que relativement au repos quotidien et l'amplitude horaire les premiers juges ont justement rappelé les dispositions de la convention collective applicables desquelles il ressort à : -que l'amplitude quotidienne de travail est d'au plus 12 heures et peut être portée à 13 heures pour les salariés travaillant auprès de publics fragiles et/ou dépendants. -que la durée quotidienne de travail effectif est en principe de 10 h pouvant être portée à un maximum de 12 heures dans la limite de 70 jours par an. - que tant l'amplitude quotidienne de travail que la durée quotidienne maximale du travail s'apprécient sur une même journée de 0h à 24h. -que le temps de présence nocturne obligatoire auprès de publics fragiles et/ou dépendants entre 22 heures et 7 heures sont en principe des temps d'inaction pendant lesquels, le salarié pourra se reposer mais pourront comporter des périodes de travail ponctuelles et toute intervention avant pendant ou après cette période sera décomptée et payée comme du temps de travail effectif ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 3131-1 du code du travail tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives ; que Mme P... met en évidence le non-respect de ces dispositions pour les journées des 13 et 27 février et des 13 et 27 mars 2014 ; que ainsi elle a travaillé le : -13 février : de 10 à 15 h puis de 19 à 21h, elle a repris son poste de travail 14 février à 2h à 9h30. -le 27 février, selon les deux feuilles de planning relatives à cette journée produites au débat : de 9h30 à 10h puis de 10h à 15h et de 19h à 21h, cette dernière tranche horaire portant l'indication "garde de nuit ; présence", elle a repris son poste de travail 28 février à 2 h. - le 13 mars 2014 : de 9h30 à 10 h puis de 10 à 15 h et de 19 à 21h, elle a repris son poste de travail 14 mars à 2 h 30. -le 27 mars 2014 de 9h30 à 10 h puis de 10 à 15 h et de 19 à 21h, elle a repris son poste de travail le 28 mars à 2 h 30 ; qu'au regard des dispositions précitées et des horaires retenus, force est de constater que l'amplitude quotidienne de travail de Mme P... n'a pas excédé 12 heures de travail effectif sur la tranche 0h/24h ; que en revanche ainsi que l'a souligné le conseil de prud'hommes au regard des horaires ainsi spécifiés, il ressort que la salariée n'aurait ainsi pas bénéficié du repos quotidien légal ; que pour s'exonérer de ce manquement l'employeur soutient que les heures notées de 2 heures à 7 heures consistaient en réalité en un moyen de faire rentrer dans le logiciel, le fait que Mme P... assurait une garde de nuit sans travail effectif et constituaient des temps d'inaction indemnisés selon la convention collective précitée. Outre que ce point n'est pas contesté par la salariée, il convient de relever que l'employeur produit une attestation de Mme G... chez laquelle intervenait, la salariée précisant que lorsqu'elle fait appel à la société Coup de pouce pour la remplacer la nuit de 20 heures à 8 heures auprès de sa soeur et sa fille, toutes deux handicapées incapables de sortir de leur lit, il s'agissait d'assurer une « simple présence responsable ». Elle ajoute que « la personne qui assure la garde de nuit doit être capable d'appeler les pompiers en cas d'incendie par exemple mais cela ne l'empêche pas de dormir ou regarder la télévision » ; que ainsi, conformément à la convention collective précitée ces temps de présence nocturne, sans intervention, ne s'assimilent pas à du temps de travail effectif, de sorte qu'il ne peut être retenu que l'employeur n'a pas respecté le temps de repos quotidien légal ; qu'en conséquence Mme P... sera déboutée de sa demande à ce titre et le jugement infirmé en ce sens ;

Alors d'une part, que tout jugement doit être motivé ; qu'un motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en énonçant pour justifier sa décision, que « les manquements invoqués sont très ponctuels et concernent des heures de nuit dont il est difficilement imaginable qu'en sa qualité d'auxiliaire de nuit la salariée n'ait pas pu bénéficier de temps de pause », la Cour d'appel s'est prononcée par un motif purement hypothétique, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 3121-33 du Code du travail dans sa version applicable au litige, « dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives » ; que la preuve du respect effectif des temps de pause incombe à l'employeur ; qu'en énonçant, pour débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de faire respecter son temps de pause, que les manquements invoqués étaient très ponctuels et que Madame P... n'avait pas référé à son employeur d'un manquement du client à ce titre, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs parfaitement inopérants, en violation du texte susvisé ;

Alors, en outre, qu'il incombe à l'employeur de prouver que le respect du temps de pause imposé par l'article L. 3121-33 du Code du travail a été effectif ; que par conséquent, en se bornant à énoncer que « le contrat de prestation de service remis aux clients dispose que les journées de travail d'une durée supérieure à 6 heures continues devaient être interrompues par une pause de 20 minutes et que par conséquent elle a veillé au respect des dispositions légales », la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'employeur établissait le respect effectif de la pause de 20 minutes au-delà de 6 heures de travail continu, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-33 du Code du travail dans sa version applicable au litige, ensemble l'article 1315, devenu 1353, du Code civil ;

Alors, par ailleurs, qu'aux termes de l'article L. 3131-1 du Code du travail, « tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives. C'est à l'employeur de prouver qu'il a respecté le repos quotidien de 11 heures. » ; qu'ayant dûment constaté qu'il ressortait des journées mises en évidence par la salariée que celle-ci n'avait pas bénéficié du repos quotidien légal, la Cour d'appel, pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité au titre du repos quotidien, a décidé qu'il ne pouvait être retenu que l'employeur n'avait pas respecté le temps de repos légal ; qu'en se prononçant en ce sens, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 3131-1 du Code du travail ;

Alors, qu'aux termes de l'article 4 du Code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'ayant constaté qu'il ressortait des journées mises en évidence par la salariée que celle-ci n'avait pas bénéficié du repos quotidien légal, la Cour d'appel, pour néanmoins débouter la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité, a observé que « pour s'exonérer de ce manquement, l'employeur soutient que les heures notées de 2 heures à 7 heures consistaient en réalité en un moyen de faire rentrer dans le logiciel, le fait que Mme P... assurait une garde de nuit sans travail effectif et constituaient des temps d'inaction indemnisés selon la convention collective précitée » et que ce point n'était pas contesté par la salariée ; qu'en se prononçant en ce sens, alors que la salariée soutenait que son travail de nuit constituait du travail effectif, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

Alors, en tout état de cause, qu'aux termes de l'article 16 du Code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant que « ces temps de présence nocturne, sans intervention, ne s'assimilent pas à du temps de travail effectif, de sorte qu'il ne peut être retenu que l'employeur n'a pas respecté le temps de repos légal », pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'indemnités, quand il ne ressort pas des écritures des parties que la question du droit au repos légal en cas de temps de présence nocturne entre 22 heures et 7 heures ait été débattue, la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Madame P... en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé,

Aux motifs que dès lors que Mme P... est déboutée de ses demandes au titre du temps de travail effectif, l'indemnité pour travail dissimulé qu'elle sollicite doit être rejetée ;

Alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 5 du Code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé ; que pour débouter Madame P... de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, la Cour d'appel a retenu que Madame P... était déboutée de ses demandes au titre du temps de travail effectif ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'elle n'était pas invitée par la salariée à statuer sur une demande d'indemnité au titre du travail effectif, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article susvisé ;

Alors, d'autre part, en tout état de cause, qu'il ressort des plannings versés aux débats que seule la tranche horaire de 19h à 21h du 27 février 2014 porte l'indication « garde de nuit », les tranches horaires de 19h à 21h, de 2h à 9h, ou de 2h30 à 9h30 des autres jours de l'année portant exclusivement l'indication « auxiliaire de vie à domicile » ou « aide ménagère à votre domicile » ; que partant, en ne recherchant pas si les heures de travail nocturne, à l'exception de la tranche horaire de 19h à 21h du 27 février 2014, correspondaient en réalité, comme la salariée le soutenait dans ses écritures d'appel, à du travail effectif non rémunéré à ce titre, justifiant le paiement d'une indemnité au titre du travail dissimulé, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 8221-1 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame P... de sa demande en nullité de son licenciement prononcé en raison de son état de santé et de sa demande consécutive en réintégration et d'avoir, en conséquence, infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait fait droit aux demandes de la salariée,

Aux motifs que Madame P... a été licenciée par courrier en date du 4 mai 2015 aux motifs suivants : «Nous vous avons convoqués pour un entretien préalable de licenciement le Mercredi 29 avril 2015 à heures. Dans le cadre de voire inaptitude professionnelle en date du 09 avril 2015, reconnue à l'issue d'une visite médicale faisant suite à une pré-visite médicale en date du 10 février 2015, nous vous informons que nous sommes dans l'incapacité de trouver un nouveau poste adapté à votre situation au sein de notre entreprise. Malgré notre recherche de reclassement, et après étude attentive des postes que vous seriez susceptible d'occuper au regard des disponibilités d'emploi qui sont les nôtres et suite à l'impossibilité de procéder un aménagement de votre poste de travail conclu par le médecin du travail, nous sommes au regret de conclure à notre impossibilité de vous reclasser dans notre entreprise ou dans l'une de celles composant notre groupe d'appartenance. Du fait de votre impossibilité de travailler, nous nous trouvons dans l'obligation de procéder à licenciement dont la rupture prend effet à réception de la présente soit au 07 mai 2015, en raison de l'inaptitude physique à votre emploi, pour cause de maladie, à laquelle a conclu le médecin du travail à l'issue d'une seconde visite médicale en date du 09 avril 2015 qui ne vous permet plus d'exercer vos fonctions. Nous restons à votre entière disposition pour vous renseigner si nécessaire. » ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail alors applicable, « le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : 1° une étude de ce poste ; 2° une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° deux examens médicaux, de l'intéressé espacés de deux semaines accompagnés le cas échéant des examens complémentaires. Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celle des tiers ou lorsqu'un examen de pré-reprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus l'avis d'aptitude médicale peut être délivré en un seul examen » ; que Mme P..., en arrêt de travail depuis plus de trois mois, a bénéficié, à sa demande, d'une visite médicale le 10 février 2015, lors de laquelle elle a été déclarée inapte par le médecin du travail, celui-ci précisant « inapte temporaire- demande à la revoir le 7 avril 2015 à 13h30 » ; que le 9 avril 2015, dans le cadre de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme P... « inapte à tous les postes » en « un seul examen (article R. 4624-31 du code du travail...) » et a coché la case « examen de pré-reprise en date du 10 février 2015 » ; que suite à interrogation de l'employeur quant à un aménagement ou transformation du poste ou du temps de travail et les tâches que la salariée est susceptible d'assurer, le médecin du travail, le 22 avril 2015 a confirmé l'inaptitude de Mme P... à tout poste dans l'entreprise et à l'absence de reclassement possible au vu de son dossier médical ; qu'au regard de l'article R. 4624-3 1 précité, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude d'un salarié à son poste de travail qu'après deux examens médicaux espacés de deux semaines, il s'ensuit que cette inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l'avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l'article R. 4624-31 du code du travail, qu'une seule visite est effectuée ; or, que tel est le cas en l'espèce dès lors que le médecin du travail a précisé que cet avis est rendu en un seul examen au visa de l'article R. 4624-3-1 du code du travail ; que certes, le médecin du travail en concluant « inapte en un seul examen », fait référence à l'examen de « pré reprise en date du 10 février 2015 » lequel a été effectué plus de 30 jours auparavant ; que toutefois cette annotation n'est pas de nature à priver la mention « en un seul examen » de son effet nonobstant l'absence expresse de référence à la notion de danger immédiat laquelle est implicite au regard du visa à l'article R. 4624-31 ; que enfin il convient de rappeler que l'avis médical s'impose aux parties sauf à exercer un recours à rencontre de cet avis, recours que n'ont engagé ni l'employeur ni la salariée ; qu'il convient en conséquence de rejeter la demande de nullité à ce titre ; le jugement entrepris, en ce qu'il a fait droit aux demandes de la salariée, sera infirmé ;

Alors, d'une part, que selon l'article R. 4624-31, alinéa 1 du Code du travail, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé une étude de ce poste, une étude des conditions de travail dans l'entreprise, deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires ; que selon l'alinéa 2, lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen ; que pour débouter la salariée de sa demande en nullité du licenciement, la Cour d'appel, après avoir rappelé que l'inaptitude d'un salarié à son poste de travail « ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l'avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l'article R. 4624-31 du Code du travail, qu'une seule visite est effectuée », a retenu que « tel est le cas en l'espèce dès lors que le médecin du travail a précisé que cet avis est rendu en un seul examen au visa de l'article R. 4624-31 du Code du travail » ; qu'en se prononçant en ce sens, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que le médecin du travail avait constaté que le maintien de Madame P... à son poste entraînait un danger immédiat pour sa santé, la Cour d'appel a violé l'article R. 4624-31 al.1 du Code du travail ;

Alors, d'autre part, en tout état de cause, qu'en énonçant que « certes, le médecin du travail en concluant « inapte en un seul examen », fait référence à l'examen de « préreprise en date du 10 février 2015 » lequel a été effectué plus de 30 jours auparavant » », pour en déduire que « toutefois cette annotation n'est pas de nature à priver la mention « en un seul examen » de son effet nonobstant l'absence expresse de référence à la notion de danger immédiat laquelle est implicite au regard du visa à l'article R. 4624-31 », la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles l'examen de pré-reprise avait eu lieu dans un délai supérieur à trente jours, de sorte qu'en l'absence de mention de danger immédiat, l'avis d'inaptitude ne pouvait être délivré en un seul examen, a violé derechef les dispositions de l'article R. 4624-31 du Code du travail ;

Alors, enfin, qu'en énonçant, pour décider que le licenciement prononcé pour inaptitude était fondé, qu'il « convient de rappeler que l'avis médical s'impose aux partis sauf à exercer un recours à l'encontre de cet avis, recours que n'ont engagé ni l'employeur ni la salariée », tandis qu'il ressortait de ses constatations que l'avis du médecin n'avait pas été émis dans des conditions régulières, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article R. 4624-31 al. 2 du Code du travail.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.