2 mars 2021
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 18/04116

Ch. Sociale -Section A

Texte de la décision

VC



N° RG 18/04116



N° Portalis DBVM-V-B7C-JWSQ



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



la SELARL GIRARD & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 02 MARS 2021





Appel d'une décision (N° RG F 17/00499)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE CEDEX

en date du 06 septembre 2018

suivant déclaration d'appel du 03 Octobre 2018





APPELANTE :



SAS BOURG DISTRIBUTION, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]



représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE,

et par Me Stéphanie GIRAUD de la SELAS CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE, avocat au barreau de LYON,





INTIME :



Monsieur [L] [A]

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]



représenté par Me Fabrice GIRARD de la SELARL GIRARD & ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE,





COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DU DÉLIBÉRÉ :



M.Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseillère,





DÉBATS :



A l'audience publique du 04 Janvier 2021, tenue par M.Philippe SILVAN et Mme Valéry CHARBONNIER, chargée du rapport, assistés de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, l'affaire a été mise en délibéré 02 Mars 2021.



L'arrêt a été rendu le 02 Mars 2021.


















Exposé du litige :



Monsieur [L] [A] a été embauché par la SAS BOURG DISTRIBUTION (exerçant sous l'enseigne Centre Commercial LECLERC) le 9 novembre 1998 en qualité d'ouvrier au rayon pâtisserie, par contrat de travail à durée déterminée. Il a ensuite signé un contrat à duré indéterminée le 31 janvier 1999 et en mai 2004, il a été promu en tant qu'adjoint au rayon pâtisserie.



Le 12 octobre 2016, Monsieur [L] [A] s'est vu remettre en mains propres une convocation à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement.



L'entretien préalable de M.[A] s'est déroulé le 24 octobre 2016 en présence de la DRH, de Monsieur [Z], responsable actuel du rayon pâtisserie et de Monsieur [E], délégué syndical.



Le 16 novembre 2016, Monsieur [L] [A] a reçu une lettre de son employeur lui

noti'ant un licenciement pour faute grave.



M.[A] a saisi le conseil des prud'hommes de Valence du 18 septembre 2017 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.



Par jugement du 6 septembre 2018, le conseil des prud'hommes de Valence a :



'requalifié le licenciement en date du 16 novembre 2016, de M.[A] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'condamné la SAS BOURG DISTRIBUTION à verser à M.[A] les sommes suivantes :

'8.332,98 € BRUTS au titre de l'indemnité de licenciement ;

' 30 000,00 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; .

'3571,28 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

' 357 € bruts au titre des congés payés afférents ;

'1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'débouté M.[A] de sa demande de, dommages et intérêts pour préjudice moral ;

'ordonné l'exécution provisoire du jugement dans sa totalité en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

'débouté la SAS BOURG DISTRIBUTION de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné la SAS BOURG DISTRIBUTION aux entiers dépens de l'instance.



La décision a été notifiée aux parties et la SAS BOURG DISTRIBUTION en a interjeté appel principal et M.[A], appel incident.



Par conclusions récapitulatives du 24 novembre 2020, la SAS BOURG DISTRIBUTION demande à la cour d'appel de :

-dire la société BOURG DISTRIBUTION recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit et statuant à nouveau :

- réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Valence du 6/09/2018 requalifiant le licenciement en date du 16 novembre 2016, de M.[A] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnant à lui verser 3.571,28 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 357 € au titre des congés payés afférents, 8.332,98 € à titre d'indemnité de licenciement, 30.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC,

- débouter M.[A] de son appel incident,

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a débouté Monsieur [A] de sa demande de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

En conséquence :

- débouter M.[A] de sa demande tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse son licenciement.

- débouter M.[A] de sa demande de 3.571,28 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 357 € au titre des congés payés afférents.

- débouter M.[A] de sa demande de 8.332,98 € à titre d'indemnité de licenciement.

- débouter M.[A] de sa demande de 30.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

- débouter M.[A] de sa demande de 20.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

- débouter M.[A] de sa demande de 5.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.

- dire que l'arrêt à intervenir constituera le titre permettant à la société BOURG DISTRIBUTION de récupérer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire

- débouter en tout état de cause M.[A] de l'intégralité de ses demandes, fins, et conclusions

- condamner M.[A] au paiement d'une somme de 2.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC.

- condamner le même aux entiers dépens.





Par conclusions d'intimé portant appel incident N°2 en réponse du 8 juillet 2019, M.[A] demande à la cour d'appel de :

'Le recevoir en ses observations et les déclarer bien fondées.

'Confirmer le jugement du 6 septembre 2018 rendu par le Conseil de Prud'hommes de Valence en ce qu'il a :

' requalifié le licenciement par courrier du 16 novembre 2016 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'condamné la SAS BOURG DISTRIBUTION à verser à Monsieur [A] les sommes suivantes :

' 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

' 8 332.98 € au titre de l'indemnité de licenciement,

'3 571.28 €au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

'357 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

'1 500 € au titre de l'article 700 du CPC.



A titre subsidiaire :

' Dire et juger que le licenciement oral du 15 novembre 2016 est sans cause réelle et sérieuse,

' Dire et juger que le second licenciement du 16 novembre 2016 est nul

' Dire et juger que le licenciement pour faute grave est injustifié, la faute grave n'étant aucunement démontrée,

' Condamner la SAS BOURG DISTRIBUTION à lui verser les sommes suivantes :

' 30.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

' 8.332.98 € au titre de l'indemnité de licenciement,

'3.571.28 €au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

'357 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.



Réformant partiellement le jugement du 6 septembre 2018 :

' Condamner la SAS BOURG DISTRIBUTION à lui verser la somme 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral ;

' Débouter la SAS BOURG DISTRIBUTION de l'intégralité de ses demandes ;

'Condamner la SAS BOURG DISTRIBUTION au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l'instance.

' Condamner la SAS BOURG DISTRIBUTION aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2020.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.


















SUR QUOI :



Sur l'existence d'un licenciement verbal :



Moyens des parties :



M.[A] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car licencié ainsi qu'un collègue (M.[B]) verbalement de façon tout à fait expéditive après 18 années d'ancienneté par téléphone le 15 novembre 2016 à 17h50 après avoir été appelés par leur employeur. Il explique que par cet appel, l'employeur lui a annoncé, sans explication ni motivation et sans préavis, qu'il ne devait pas se présenter à son poste le lendemain (5 heures) et qu'il était déjà remplacé. Il a ensuite été de nouveau licencié par courrier du 16 novembre 2016. Il fait également valoir qu'on ne peut sanctionner deux fois les mêmes faits.



La SAS BOURG DISTRIBUTION soutient pour sa part que M.[A] ne démontre ni qu'il a reçu un appel de la Direction de la société BOURG DISTRIBUTION le 15 novembre, ni la teneur de cet échange téléphonique et qu'il est de jurisprudence constante que la rupture du contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture soit le 15 novembre 2016, lors de la levée du courrier de 16h30, lorsque la société BOURG DISTRIBUTION a envoyé à M.[A] sa lettre de licenciement.



Sur ce,



Il résulte des dispositions de article L. 1232-6 du code du travail dans leur rédaction applicable aux faits d'espèce, que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.



Le licenciement verbal est dépourvu de cause réelle et sérieuse. L'employeur ne peut régulariser ce licenciement verbal par l'envoi postérieur d'une lettre de licenciement.



Le 11 octobre 2016, M.[A] s' est vu remettre en mains propres une convocation à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement. L'entretien préalable de M.[A] s'est déroulé le 24 octobre 2016.



Le 16 novembre 2016, M.[A] recevait un courrier de la SAS BOURG DISTRIBUTION lui notifiant son licenciement pour faute grave.



Mme [S] [A] atteste que le 15 novembre, alors qu'elle était en présence de M.[A], il a reçu un appel téléphonique de Mme [P] vers 17 H50 lui notifiant son licenciement sans plus d'explication et lui indiquant de ne pas se rendre au travail le lendemain.



M.[A] produit, ainsi que son collègue, M.[B], des captures d'écrans de leur téléphones portables respectifs démontrant avoir reçu le 15 novembre 2016 un appel de la SAS BOURG DISTRIBUTION (centre Leclerc) 04 75 82 26 26, M.[B] à 17 h44, appel durant 3 minutes et 9 secondes et M.[A] à 17H50, celui-ci tentant d'appeler M.[B] dès 17H55.



Il appert également du registre du personnel produit que M.[O] et M.[W] ont été recrutés sur des postes d'ouvriers de production dès le 16 novembre 2016.



Il ressort de l'ensemble des éléments susvisés que M.[A] démontre avoir été licencié verbalement par téléphone le 15 novembre 2016 soit concomitamment à l'envoi du courrier de licenciement par la SAS BOURG DISTRIBUTION.





Par conséquent il convient de dire que le licenciement de M.[A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS BOURG DISTRIBUTION à lui verser par voie de confirmation du jugement déféré la somme de 30 000 € eu égard à son ancienneté, son âge et sa situation professionnelle.





Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :



M.[A] soutient qu'il a subi un préjudice moral du fait du motif discriminatoire de son licenciement et de la différence de traitement dont il aurait été victime par rapport à un autre salarié M.[T], lié à son refus de travailler le dimanche et à son ancienneté.



La SAS BOURG DISTRIBUTION rétorque qu'en vertu de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires et dans l'intérêt de l'entreprise, elle était tout à fait en droit de sanctionner différemment M.[T] de M.[B] et M.[A], puisque les 20 et 24 septembre 2016, seuls ces derniers salariés réceptionnaient les packs de lait litigieux.



Sur ce,



M.[A] ne démontre ni avoir subi un préjudice moral du fait de la différence de sanction disciplinaire subie par les trois salariés concernés par les faits du 20 et 24 septembre 2016, ni de l'existence d'une discrimination compte tenu du pouvoir d'individualisation des sanctions détenu par l'employeur, M.[A] ne démontrant pas, par ailleurs, avoir été licencié en raison de son refus de travailler le dimanche ou de son ancienneté. Il sera par conséquent débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.





Sur le remboursement des allocations chômage :



Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par la salariée du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.



Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.





Sur les demandes accessoires :



Il convient de condamner la SAS BOURG DISTRIBUTION partie perdante, aux entiers dépens et à la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,



DECLARE les parties recevables en leur appel,



CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,



y Ajoutant :



CONDAMNE la SAS BOURG DISTRIBUTION à payer à M.[A] la somme de 2 500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois,



Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.



CONDAMNE la SAS BOURG DISTRIBUTION aux dépens exposés en cause d'appel.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par M.Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Mériem CASTE-BELKADI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LE GREFFIERLE CONSEILLER

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