13 mai 2015
Cour d'appel de Paris
RG n° 13/23576

Pôle 5 - Chambre 3

Texte de la décision

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 13 MAI 2015



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23576



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/16761





APPELANTE



SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE, représentée par la société SWISSLIFE IMMOBILIER SA, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant

Assistée de Me Sylvie LACROIX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0874, avocat plaidant





INTIMÉE



SAS ETABLISSEMENTS DARTY ET FILS, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Julien DESCLOZEAUX de l'AARPI GINESTIE PALEY-VINCENT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R138





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Brigitte CHOKRON, conseillère

Madame Caroline PARANT, conseillère





Greffier : lors des débats : Madame Laureline DANTZER











ARRÊT :



- contradictoire,



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.




*******



Faits et procédure :



Par acte d'huissier en date du 30 janvier 2007, la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine a fait délivrer à sa locataire, la SAS Etablissements Darty et Fils, un congé avec offre de renouvellement au 31 janvier 2008 d'un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 4] et [Adresse 2] dans le [Localité 1], moyennant un loyer annuel en principal porté à la somme de 3.544.350 euros.



Par courrier daté du 5 décembre 2007, la société Etablissements Darty et Fils a accepté le principe du renouvellement mais s'est opposée à la date du renouvellement et au montant du loyer proposés.



Les parties n'ayant pu parvenir à un accord, la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine a fait assigner la société Etablissements Darty et Fils devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris par acte en date du 30 juin 2008, afin de voir fixer le loyer à la somme de 3.410.000 euros.



Par jugement en date du 9 février 2009, le juge des loyers commerciaux a constaté que par l'effet du congé avec offre de renouvellement, le bail s'est trouvé renouvelé pour neuf années à compter du 1er avril 2008, a désigné M. [W] en qualité d'expert avec pour mission d'évaluer le montant du loyer en renouvellement et a fixé le loyer provisionnel annuel pour la durée de l'instance à la somme de 1.235.865 euros.



L'expert a déposé son rapport le 25 novembre 2011.



Par mémoire en ouverture de rapport notifié le 5 septembre 2012, la SA Swisslife Assurance et Patrimoine a indiqué se trouver aux droits de la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine par suite d'un apport partiel d'actifs emportant transfert de l'ensemble des actifs mobiliers et immobiliers détenus par cette dernière à son profit.



Par jugement du 19 novembre 2012, le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent pour connaître de la qualité et du droit à agir desdites sociétés au profit du tribunal de grande instance.



Par ordonnance en date du 26 novembre 2013, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance, saisi par la société Etablissements Darty et Fils du moyen d'irrecevabilité de la demande pour défaut de qualité de la société Swisslife Assurance et Patrimoine, a :



- constaté que la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine n'avait plus qualité pour agir à compter du 1er octobre 2008,

- constaté que la société Swisslife Assurance et Patrimoine, qui vient aux droits de la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine, n'a effectué un acte interruptif de prescription que le 5 septembre 2012,

- constaté que l'action en fixation du loyer est prescrite depuis le 30 juin 2010,

- déclaré irrecevable la demande de la société Swisslife Assurance et Patrimoine en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2008,

- dit que le juge de la mise en état n'est pas compétent pour statuer sur la fixation du loyer du bail renouvelé et débouté la société Etablissements Darty et Fils de sa demande.



La société Swisslife Assurance et Patrimoine a relevé appel de cette ordonnance le 9 décembre 2013. Par ses dernières conclusions en date du 23 janvier 2015, elle demande à la Cour de :

Déclarer le juge de la mise en état incompétent au profit du tribunal de grande instance statuant au fond,

Déclarer l'appel recevable et bien-fondé,

Confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a constaté que la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine avait qualité pour agir lors de l'assignation du 20 juin 2008,

Infirmer ladite ordonnance en ce qu'elle a constaté que la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine n'avait plus la qualité à agir à compter du 1er octobre 2008 et que l'action en fixation du montant du loyer est prescrite depuis le 30 juin 2008,

Constater la régularité de la procédure engagée par la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine et la recevabilité de l'action de la société Swisslife Assurance Et Patrimoine désormais subrogée dans les droits de celle-ci,

Constater l'absence de prescription,

Débouter la société Etablissements Darty et Fils de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société Etablissements Darty et Fils au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Etablissements Darty et Fils en tous les dépens, de première instance et d'appel.



La société Etablissements Darty et Fils, par ses dernières conclusions datées du 10 octobre 2015, demande quant à elle à la Cour de :

Déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société Swisslife Assurance et Patrimoine à l'encontre de l'ordonnance du 26 novembre 2013,

Débouter la société Swisslife Assurance et Patrimoine de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

Infirmer partiellement l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a jugé que la date d'effet de l'apport partiel d'actif intervenu entre la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine et la société Swisslife Assurance et Patrimoine devait être fixée à la date de publication au Journal Officiel de la décision d'approbation du Comité des entreprises d'assurance soit le 31 octobre 2008,

Dire et juger qu'en application de l'effet rétroactif conféré par les parties à l'apport partiel d'actif intervenu entre la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine et la société Swisslife Assurance et Patrimoine, la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine a perdu toute qualité à agir à compter du 1er janvier 2008,

Déclarer qu'à défaut d'avoir accompli un acte interruptif d'instance avant le 1er avril 2010, l'action de la société Swisslife Assurance et Patrimoine en fixation du loyer du bail renouvelé est irrecevable comme prescrite,

Condamner la société Swisslife Assurance et Patrimoine à verser à la société Etablissements Darty et Fils une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter l'ensemble des dépens, en ce compris les frais et honoraires d'expertise judiciaire.






SUR CE



Sur la recevabilité de l'appel:



L'intimée relève qu'en vertu de l'article 776 du Code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état « ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond », sous réserve des ordonnances statuant sur un incident mettant fin à l'instance ou sur une exception de procédure.



Elle fait valoir que l'ordonnance entreprise a fait droit à une fin de non-recevoir formée par la défenderesse, et que les fins de non-recevoir « ne se confondent en aucun cas avec les « incidents mettant fin à l'instance » et les « exceptions de procédure » visés à l'article 776 du Code de procédure civile », qui renvoient exclusivement aux causes d'extinction de l'instance précisées par les articles 384 et 385 du Code de procédure civile pour les premières (V. Cass Avis 13 novembre 2006 n°06-000.12) et aux exceptions d'incompétence, de litispendance, de connexité, de nullité et aux exceptions dilatoires prévues aux articles 75 à 99, 100 à 107, 112 à 121 et 108 à 111 du même Code pour les secondes.



Or, en application de l'article 776 du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état peuvent être frappées d'appel dans les quinze jours de leur signification lorsqu'elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance ou qu'elles en constatent l'extinction.



En l'espèce, l'ordonnance en statuant sur la demande de la société Darty tendant à voir dire l'intervention de la société Swisslife Assurance et patrimoine irrecevable comme prescrite, outre qu'elle statue à tort sur une fin de recevoir, a eu pour effet de mettre fin à l'instance en constatant que la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine n'avait plus qualité pour agir à compter du 1er octobre 2008, que la société Swisslife Assurance et Patrimoine, qui vient aux droits de la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine, n'a effectué un acte interruptif de prescription que le 5 septembre 2012, que l'action en fixation du loyer est prescrite depuis le 30 juin 2010 et déclarant irrecevable la demande de la société Swisslife Assurance et Patrimoine en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2008, a mis fin à l'instance.



L'appel est donc recevable.



Sur la compétence :



La société Swisslife demande de dire que le juge de la mise en état était incompétent pour statuer sur une fin de non recevoir que constitue la prescription de l'action et la qualité pour agir ;



Or la cour étant juridiction d'appel de la juridiction désignée comme compétente soit le tribunal de grande instance de Paris qui aurait du être saisi de la fin de non recevoir, il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire pour incompétence du juge saisi et il convient de statuer sur l'appel.



Sur la qualité à agir :



La société Etablissements Darty et fils fait valoir qu'en vertu de l'effet rétroactif de l'apport partiel d'actif intervenu entre les sociétés Swisslife Assurance et Patrimoine et Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine au 1er janvier 2008, cette dernière n'était plus propriétaire des locaux donnés à bail et se trouvait dépourvue de qualité à agir à la date de notification du mémoire en fixation du 1er avril 2008 comme au jour de l'assignation de la locataire devant le juge des loyers commerciaux en date du 30 juin 2008, qu'en vertu d'une jurisprudence rendue au visa des articles 30, 31 et 32 du Code de procédure civile, l'irrégularité d'une procédure tenant à l'inexistence de la personne morale qui a agi en justice constitue une irrégularité de fond qui ne peut être couverte et qu'en conséquence, le mémoire en date du 1er avril 2008, l'assignation du 30 juin 2008 et les actes de procédure postérieurs régularisés par la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine sont entachés de nullité.



En réponse à l'argumentation de la partie adverse selon laquelle la rétroactivité de la convention au 1er janvier 2008 est « inopposable aux tiers », elle affirme que l'effet rétroactif est « parfaitement valable et fondé en application L. 236-4 alinéa 2 du Code de commerce » et s'applique à l'ensemble des effets juridiques attachés à cette opération. A titre subsidiaire, elle soutient qu'au 31 octobre 2008, date de la publication au Journal Officiel de l'opération d'apport partiel d'actifs opérant transfert de propriété et entrée en jouissance au profit de la société Swisslife Assurance et Patrimoine, la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine avait en toute hypothèse perdu toute qualité pour agir en fixation du montant du loyer du bail renouvelé, de sorte qu'elle était dépourvue de cette qualité au jour de l'audience de plaidoirie du 15 décembre 2008 et a fortiori au 9 février 2009, date du jugement rendu par le juge des loyers commerciaux et au cours des opérations d'expertise ordonnées par ledit jugement.



La qualité à agir du demandeur doit s'apprécier au jour de l'introduction de l'instance.



Le premier juge a exactement jugé à cet égard que la société Suisse d'Assurances Générales sur La Vie Humaine qui avait une existence légale jusqu'à sa radiation au registre du commerce le 3 mars 2009, avait qualité pour agir à la date de l'assignation du 30 juin 2008 en fixation du loyer du bail renouvelé ;



En effet, l'acte notarié du 17 décembre 2008 constatant la réalisation des conditions suspensives, a précisé que si le traité d'apport partiel a pris effet rétroactivement entre les parties le 1er janvier 2008, l'entrée en jouissance et le transfert de propriété ont été fixées à la date de réalisation de l'apport, soit à la date de publication au Journal Officiel de la décision d'approbation du comité des entreprises d'assurances, le 31 octobre 2008, la société Swisslife assurance et patrimoine étant alors substituée dans les droits et actions de l'apporteur même ayant une cause antérieure à la date de réalisation, étant souligné que l'assemblée générale des actionnaires de la société bénéficiaire n'a approuvé l'apport que le 20 octobre 2008;



Les actes de la société Suisse d'Assurances Générales sur La Vie Humaine réalisés entre la 1er janvier 2008 et le 31 octobre 2008 pour lesquels la société Swisslife Assurance et Patrimoine accepte la substitution, l'ont été valablement ainsi qu'il a été jugé.



Il s'ensuit que la société Suisse d'Assurances Générales a valablement délivré mémoire à la date du 1er avril 2008 et assignation devant le juge des loyers à la date du 30 juin 2008 en fixation du loyer du bail renouvelé ;



Or l'interruption résultant de la demande au fond produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance de sorte qu' aucune prescription ne pouvait être opposée à la société Swisslife Assurance et Patrimoine postérieurement à l'assignation et jusqu'au dépôt du rapport de l'expert intervenu le 25 novembre 2011;



En notifiant le 5 septembre 2012, soit moins d'un an après le dépôt du rapport d'expertise à laquelle elle a participé, son mémoire en tant que bailleresse saisissant à nouveau le juge, la société Swisslife Assurance et Patrimoine a régularisé la procédure avant que le juge de la mise en état saisi ne statue;



Il s'ensuit que la cause de nullité tirée du défaut de qualité à agir de la société Suisse d'Assurances Générales sur La Vie Humaine à compter du 31 octobre 2008, ayant disparu à la date laquelle le juge a statué, c'est à tort cependant qu'il a jugé l'action de la société Swisslife prescrite et dit que la société Swisslife Asurance et Patrimoine était irrecevable à agir en fixation du loyer du bail renouvelé .



Sur les autres demandes :



La société Etablissements Darty et fils supportera les dépens et paiera à la société Swisslife Assurance et Patrimoine une somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





Infirme l' ordonnance déférée, sauf en ce qu'elle a constaté que la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine n'avait plus la qualité à agir à compter du 31 octobre 2008,



Dit que la société Swisslife Assurance et Patrimoine a régularisé la procédure engagée par la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine et qu'aucune prescription de son action ne peut lui être opposée ,



Déclare recevable en conséquence l'action de la société Swisslife Assurance et Patrimoine désormais subrogée dans les droits de la société Suisse d'Assurances Générales Sur La Vie Humaine,



Condamne la société Etablissements Darty et fils aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à la société Swisslife Assurance et Patrimoine la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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