30 juin 2015
Cour d'appel de Paris
RG n° 14/12333

Pôle 1 - Chambre 1

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 30 JUIN 2015



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/12333



Décision déférée à la Cour : Ordonnances rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris du 11 juillet 2013 conférant l'exequatur aux sentences du 22 janvier et du 28 mars 2013 (rectificative) rendues par le tribunal arbitral composé de MM [E] et [S], arbitres et de M. Jas, président



APPELANTE :



SAS VANILLE ET PRODUITS

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 2]

[Localité 1]



représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat postulant au barreau de PARIS, toque: J151

assisté de Me Alain JAKUBOWICZ, avocat plaidant du barreau de LYON



INTIMÉE :



Société MONAPRO BV Société de droit néerlandais

prise en la personne de ses représentants légaux



Beursplien 37

[Adresse 1]

HOLLANDE



représentée par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0042

assisté de Me Lucas NICOLET SERRA, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : J031





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 26 mai 2015, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :



Monsieur ACQUAVIVA, Président

Madame GUIHAL, Conseillère

Madame DALLERY, Conseillère



qui en ont délibéré















Greffier, lors des débats : Madame PATE





ARRET :



- CONTRADICTOIRE



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.





Le 6 octobre 2011, la société de droit néerlandais MONAPRO BV a engagé une procédure d'arbitrage contre la société de droit français VANILLE ET PRODUITS SAS (VANIPRO), à laquelle elle reprochait d'avoir refusé la livraison de lots de gousses de vanille dont elle avait passé commande.



Une sentence condamnant VANIPRO à payer à MONAPRO la somme de 794.570 USD a été rendue le 14 juin 2012 à [Localité 2] sous l'égide de la Netherlands Association for the trade in dried Fruit, spices and allied products. MONAPRO a formé un appel principal et VANIPRO un appel incident.



La sentence au second degré rendue le 22 janvier 2013 par un tribunal arbitral composé de MM [E] et [S], arbitres et de M. Jas, président, a confirmé la première. Elle a été rectifiée par une sentence du 28 mars 2013.



Les sentences du 22 janvier et du 28 mars 2013 ont été exequaturées par ordonnances du président du tribunal de grande instance de Paris du 11 juillet 2013, dont appel a été interjeté par VANIPRO le 10 juin 2014. Les deux dossiers ont été joints par ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 septembre 2014.



La demande d'arrêt de l'exécution de la sentence a été déclarée irrecevable par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 octobre 2014 au motif que VANIPRO avait déjà procédé à l'exécution.




Par des conclusions signifiées le 19 mai 2015, VANIPRO demande à la cour d'infirmer les ordonnances d'exequatur et de condamner MONAPRO à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent (article 1520 1° du code de procédure civile), qu'il a méconnu le principe de la contradiction (article 1520 4° du code de procédure civile), enfin, qu'il a violé l'ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile).



Par des conclusions signifiées le 20 mai 2015, MONAPRO demande à la cour de débouter VANIPRO de son appel et de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
















SUR QUOI :



Sur le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520 1° du code de procédure civile) :



L'appelante soutient que le tribunal arbitral a considéré à tort comme une clause compromissoire le simple renvoi dans les ordres de vente émis par MONAPRO aux 'conditions de l'association néerlandaise pour le commerce de fruits secs, épices et produits y afférents', alors qu'elle n'avait pas eu connaissance que ces conditions contenaient une clause d'arbitrage, qu'en outre, les ordres de vente sont des documents unilatéraux et que la lettre d'intention qui liait les parties, ainsi que son avenant ne comportaient pas de convention d'arbitrage.



Considérant que la convention d'arbitrage international n'est soumise à aucune condition de forme; que la clause compromissoire par référence à un document qui la stipule est valable lorsque la partie à laquelle on l'oppose en a eu connaissance au moment de la conclusion du contrat et qu'elle a, fût-ce par son silence, accepté cette référence;



Considérant que les négociations engagées entre le groupe néerlandais M&R de Monchy et la société française VANIPRO en vue d'une prise de participation de la première dans le capital de la seconde ont donné lieu à une lettre d'intention du 19 novembre 2008 et à un avenant du 5 juin 2009 qui prévoyaient, à titre de première phase du processus, l'achat à VANIPRO d'un certain tonnage de vanille par la filiale de la société de Monchy, MONAPRO, puis sa revente à VANIPRO; que cette lettre d'intention, qui mentionnait qu'elle ne réglait pas tous les aspects des relations contractuelles en cours de négociation, ne comportait notamment aucune clause de règlement des différends;



Considérant qu'en exécution de cette convention, MONAPRO a adressé à VANIPRO, entre le 3 avril 2009 et le 28 décembre 2010, huit 'ordres de vente' précisant les quantités de vanille vendues à VANIPRO, leur prix, le lieu et la date de livraison, et dont chacun stipulait :'Conditions : Selon les conditions de l'Association Néerlandaise pour le négoce des fruits secs, épices et autres produits similaires enregistrée auprès de la Chambre de Commerce de Haaglanden sous le n° 40341013. Lesdites conditions peuvent être consultées en nos bureaux et peuvent également vous être envoyées gratuitement, à votre demande';



Considérant que VANIPRO a reconnu au cours de l'instance arbitrale qu'elle avait effectivement signé l'ordre de vente n° 8; qu'elle a en outre reçu livraison et réglé les factures concernant les ordres n° 2, 4 et 5; qu'elle ne peut dès lors contester être liée par l'ensemble des contrats en cause; qu'en les exécutant, au moins partiellement, sans élever de réserve sur l'application d'une clause compromissoire qui figurait dans des conditions générales auxquelles ces ordres renvoyaient expressément avec l'indication des modalités suivant lesquelles elles étaient accessibles, VANIPRO a accepté la référence qui leur était faite;



Considérant que le moyen tiré de ce que les arbitres auraient statué sans convention d'arbitrage ne peut donc qu'être écarté;



Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la contradiction (article 1520 4° du code de procédure civile) :



VANIPRO fait valoir qu'elle a disposé d'un délai insuffisant et inéquitable pour se défendre en première instance, que MONAPRO a conclu et communiqué ses pièces tardivement en première instance, et enfin qu'elle a été privée des moyens nécessaires à l'exercice de ses droits dans la mesure où les ordres de vente qu'elle contestait avoir signés n'ont été produits qu'en copie et où le tribunal arbitral a refusé d'ordonner une expertise pour en vérifier l'authenticité.



Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré d'éventuelles anomalies de la procédure suivie devant le tribunal arbitral au premier degré est dénué de pertinence à l'égard de la sentence rendue au second degré; que l'appelante ne soutenant pas qu'elle n'aurait pas disposé devant le tribunal arbitral au second degré d'un délai suffisant pour préparer sa défense et répondre aux arguments de la partie adverse, le moyen en ses deux premières branches ne peut être accueilli;



Considérant, en second lieu, que le principe de la contradiction exige seulement que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n'ait échappé à leur débat contradictoire;



Considérant que le moyen qui invite la cour à substituer son appréciation à celle du tribunal arbitral relativement aux pièces et aux mesures d'instruction qui auraient été utiles à la solution du litige tend à une révision au fond de la sentence qui n'est pas permise au juge de l'exequatur, de sorte qu'il doit être écarté en sa troisième branche;



Sur le moyen tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile) :



VANIPRO soutient qu'en raison de la hausse des cours en 2013 et 2014, MONAPRO a pu finalement revendre le stock de vanille à un cours supérieur au prix stipulé et n'a donc subi aucun préjudice, de sorte que les arbitres l'ont condamnée à payer une indemnité dépourvue de cause qui a procuré un enrichissement à MONAPRO en violation des règles fondamentales de la responsabilité contractuelle.



Considérant que l'allocation de dommages-intérêts non compensatoires, à supposer que ce caractère soit démontré, n'est pas en soi contraire à l'ordre public international; qu'il n'en est autrement que lorsque le montant alloué est disproportionné au regard du préjudice subi et des manquements aux obligations contractuelles du débiteur;



Considérant qu'en l'espèce, la sentence, qui calcule l'indemnité allouée à MONAPRO sur la base de la différence entre le prix stipulé et le cours du marché en avril 2012, à la date où VANIPRO aurait dû prendre livraison de la marchandise, n'est pas, contrairement à ce que soutient l'appelante, dénuée de caractère compensatoire, de sorte que le moyen n'est pas fondé;



Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les ordonnances entreprises doivent être confirmées;



Sur l'article 700 du code de procédure civile :



Considérant que VANIPRO, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée sur ce fondement à payer à MONAPRO la somme de 20.000 euros;















PAR CES MOTIFS :



Rejette l'appel de la SAS VANILLE ET PRODUITS.



Confirme les ordonnances du président du tribunal de grande instance de Paris du 11 juillet 2013 qui ont conféré l'exequatur à une sentence rendue entre les parties le 22 janvier 2013 et à une sentence rectificative du 28 mars 2013.



Condamne la SAS VANILLE ET PRODUITS aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement à la société MONAPRO BV de la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Rejette toute autre demande.





LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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