1 septembre 2015
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 14/07534

17e Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 01 SEPTEMBRE 2015



N° 2015/

GB/FP-D











Rôle N° 14/07534





[J] [S]





C/



Sas ST2N

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE



Me Sonia-Maïa GRISLAIN, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 24 Février 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1627.







APPELANT



Monsieur [J] [S], demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 056





INTIMEE



Sas ST2N, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Sonia-Maïa GRISLAIN, avocat au barreau de PARIS

([Adresse 1])











*-*-*-*-*







































COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 01 Juin 2015 en audience publique devant la Cour composée de :





Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller





qui en ont délibéré



Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.



Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2015.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Septembre 2015.





Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.










































PROCÉDURE





Par lettre recommandée postée le 3 avril 2014, M. [S] a relevé appel du jugement rendu le 24 février 2014 par le conseil de prud'hommes de Nice, à lui notifié le 26 mars 2014, condamnant la Société Nouvelle des transports de l'agglomération de Nice, par abréviation ST2N, à lui verser 9 133,14 euros en réparation de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.



En cause d'appel, ce salarié réclame sa réintégration et poursuit la condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes :



42 948 euros pour licenciement nul ou, subsidiairement, illégitime,

5 000 euros pour licenciement vexatoire,

12 000 euros pour manquements à l'égalité de traitement et discrimination, le tout avec intérêts au taux légal à compter de sa demande en justice,

3 000 euros pour frais irrépétibles.



L'employeur, au bénéfice de son appel incident, conclut au rejet de toutes ces prétentions.



La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 1er juin 2015.






MOTIFS DE LA DÉCISION





M. [S] a été au service de la société ST2N, en qualité de conducteur d'autobus, du 3 novembre 2008 au 30 décembre 2012 ; ce salarié a été licencié par une lettre en date du 26 octobre 2012 pour des motifs qu'il conteste formellement, tenant à un comportement déplacé à l'égard de deux anciennes salariées ' dès lors qu'elles se sont retrouvées en votre seule compagnie pendant leur activité professionnelle', l'une déclarant que le salarié lui aurait proposé d'être sa petite amie d'un soir, l'autre lui reprochant des faits similaires survenus au mois de juin 2011, le salarié lui ayant demandé 'si elle le trouvait beau et si elle pouvait envisager une relation, même épisodique, avec quelqu'un comme [lui]'.



Le conseil du salarié poursuit la nullité de ce licenciement pour être fondé sur une discrimination syndicale qu'il prétend établir par le rapprochement entre la date de ce licenciement et la date à laquelle l'intéressé a perdu sa protection.



En sa qualité de suppléant aux fonctions de délégué du personnel à l'occasion d'une élection qui s'est déroulée le 5 avril 2012, la protection légale était acquise à M. [S] jusqu'au 5 septembre 2012, peu important la non élection de ce candidat.



La coïncidence mise en avant par le conseil du salarié ne mérite pas considération dès lors que la plainte de la salariée [D] remonte au 19 août 2012, de sorte que l'employeur, après une enquête interne, a pu n'être en mesure d'initier une procédure de licenciement qu'à partir du 15 octobre 2012 sans encourir le grief.



Par ailleurs, sont inopérantes les trois attestations dont se prévaut le conseil du salarié, à savoir :



- le 'wattman' [I], lequel déclare : ' Lors de la période qui a suivi les élections professionnelles 2012, j'ai surpris au COT (siège social de l'entreprise) une conversation téléphonique entre Mr [H] [Z] qui disait, je cite - 'De toute façon, ils vont essayer de le virer parce qu'il s'est mis sur la liste CFDT. Regarde son non [S] [J], il doit figurer en 3 ou 4ème position. Oui il faudra attendre qu'il n'ait plus de protection. Ils lui trouveront bien un motif.',



-le conducteur-receveur [N], lequel déclare : ' Lors des élections professionnelles de la société ST2N de l'année 2012, avoir assisté à une conversation entre Monsieur [B] [O] (agent de maitrise) et Monsieur [H] [Z] (agent de maitrise), la discussion portait sur Monsieur AITSAID [J], il était question qu'il soit licencié pour cause d'appartenance syndicale par la Direction, mais cette dernière essaierait de trouver un motif recevable juridiquement. Ces faits se sont produits en ma présence au Dépot et Siége social de [Localité 1]',



- le retraité de l'entreprise Casali, lequel déclare : ' ... lors des élections professionnelles de l'année 2012 au sein de la société ST2N, en dehors des bureaux de vote, et en présence de Mr [S] [J] et Mr [Q], agent de maîtrise, ce dernier a dit à Mr [S] : 'Tu as eu tort de te présenter sur une liste CFDT, tu ne feras pas long feu dans l'entreprise; tu aurais dû réfléchir'.



En effet, M. [H] susnommé conteste formellement avoir tenu les propos que lui prête deux témoins, attestant : ' Je déclare sur l'honneur ne pas connaitre ni de nom, ni physiquement Mr [S] [J].... Je réfute totalement les allegations de Mr [I] et de Mr [N], elles sont mensongère et même diffamatoires.'.



Par ailleurs, ces témoignages ne font état que du ressenti de trois salariés ou des opinions circonstancielles prêtées à deux agents de maîtrise qui n'ont pris aucune part dans la décision de licencier M. [S], de sorte que leurs propos sont sans valeur.



D'où il suit que la cour, comme avant elle les premiers juges, dira que ce licenciement n'est pas discriminatoire.



Pour autant, la première 'plainte' d'une collègue n'est pas versée aux débats, de sorte que la cour est dans l'impossibilité d'en apprécier la pertinence.



S'agissant de la 'plainte' de Mme [D], si les faits sont exacts, il ne s'agit que d'une tentative maladroite de lier connaissance qui n'a eu pour répercussion sur la personne de l'intéressée qu'un 'mal à l'aise' comme elle en fait état dans son courrier du 19 août 2012.



Cet incident mineur ne justifiait pas la rupture du contrat de travail.



D'où il suit que la cour confirmera le jugement en ce qu'il dit dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [S].



Âgé de 41 ans au moment de la rupture de son contrat de travail, prononcé en l'état d'une ancienneté de 4 ans au sein d'une entreprise occupant habituellement plus de 11 salariés, ce salarié a perdu un salaire brut de 1 552,63 euros.



L'intéressé ne dit rien de sa situation personnelle postérieurement à son licenciement.



La cour accordera l'indemnisation légale de 6 mois de salaire représentant la somme de 9.315,78 euros, légèrement supérieure au montant de l'indemnité légale retenue par les premiers juges.



Par ailleurs, suggérer dans la lettre de licenciement que le comportement du salarié pouvait mettre en péril la sécurité de la clientèle féminine, 'voire mineure', procède de l'imputation de faits imaginaires propres à caractériser un préjudice moral certain dont la cour estime la juste réparation à la somme de 3 000 euros.



.../...



Son conseil invoque une violation du principe d'égalité de traitement en faisant valoir que M. [S] aurait dû bénéficier d'un avantage de 20 points par comparaison avec un chef machiniste ou un conducteur de tramway, lesquels bénéficient chacun de 10 points de plus sur leurs coefficients de base.



Mais l'employeur rappelle utilement que M. [S] occupait une fonction de conducteur d'autobus qui ne se confond pas avec la fonction d'un chef machiniste, lequel est investi de responsabilités plus importantes, notamment avec pour mission d'encadrer l'activité d'une ligne et d'être un référent comme il résulte de sa fiche de fonction, cet accroissement des responsabilités interdisant de retenir que ces deux salariés se placent dans une situation identique ; que le wattman (conducteur de tramway) doit justifier d'une formation spécifique pour la conduite de ces nouveaux moyens de transport en commun dont la réussite justifie objectivement un très léger avantage en matière de rémunération.



D'où il suit que la cour ne retiendra pas une inégalité de traitement de ce chef.



.../...



Son conseil dénonce le fait que M. [S] ne bénéficie pas de trois jours de congés supplémentaires contrairement à d'autres salariés de l'entreprise.



L'employeur explique qu'un accord d'entreprise du 19 juin 1986 prévoit que bénéficient de trois jours de congés supplémentaires les salariés engagés entre le 29 août 1974 et le 31 mars 1979 ayant subi les contraintes liées au déménagement du dépôt en 1974 au nombre desquels ne compte pas M. [S].



Mais est insuffisante pour justifier cette inégalité de traitement la seule considération de la date d'entrée du salarié dans l'entreprise et constitue une inégalité de traitement la compensation de ce désagrément lié à un déménagement de l'entreprise dont les conséquences préjudiciables pour le personnel de l'époque n'existent plus objectivement quarante ans après sa survenance.



D'où il suit que la cour retiendra une inégalité de traitement de ce chef.



Sur la demande en paiement, l'employeur excipe de la prescription triennale édictée par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, mais à tort puisque l'action a été engagée avant la promulgation de cette loi, en conséquence de quoi s'applique l'ancien délai de la prescription quinquennale.



La compensation pécuniaire à laquelle peut prétendre M. [S] s'élève à la somme de 1.099,20 euros sur quatre ans selon un calcul précis dont le montant n'est pas querellé.



.../...



Son conseil soutient que constitue une discrimination liée au sexe le fait que seul le personnel féminin bénéficie chaque année d'une demi-journée de repos à l'occasion de 'la journée de la femme'.



Mais l'employeur réplique à bon droit que cette demi-journée de congé supplémentaire accordée aux salariées vise à établir l'égalité des chances entre les hommes et les femmes en ce qu'elle a pour objet de permettre aux femmes de participer aux nombreuses manifestations organisées au jour dit pour revendiquer cette égalité qui n'est pas encore réelle dans notre société.



Créée en 1977 par l'ONU, cette journée du 8 mars est encore désignée comme étant 'une journée de lutte de la femme', cette désignation renvoyant à son objet propre.



Est objectivement légitime le fait de favoriser la lutte des femmes dans leur combat pour une égalité avec les hommes non acquise dans le domaine professionnel.



D'où il suit que la cour ne retiendra pas une discrimination de ce chef.



.../...



Sur l'intérêt moratoire, le présent arrêt est déclaratif de droit seulement pour la somme de 1 099,20 euros, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2013, date à laquelle la société débitrice a accusé réception du pli recommandé la convoquant devant le bureau de conciliation ; le bénéfice de l'anatocisme étant acquis depuis le 14 octobre 2014.



.../...



L'employeur, qui succombe au principal, supportera les entiers dépens.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :





Confirme le jugement en ce qu'il dit illégitime le licenciement, sauf à porter l'indemnisation à 9 315,78 euros ;



L'infirme pour le surplus,



Et, statuant à nouveau :



Condamne la Société Nouvelle des transports de l'agglomération niçoise, dite ST2N, à verser à M. [S] 3 000 euros pour préjudice moral, ainsi que 1 099,20 euros, cette dernière somme avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2013 et le bénéfice de l'anatocisme depuis le 14 octobre 2014 ;



Rejette les demandes plus amples ou contraires ;



Condamne la société Société Nouvelle des transports de l'agglomération niçoise aux entiers dépens ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser 1 800 euros à M. [S].





LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Gilles BOURGEOIS faisant fonction.

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