9 septembre 2015
Cour d'appel de Paris
RG n° 13/07169

Pôle 5 - Chambre 4

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/07169



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010058593







APPELANTES ET INTIMEES :





SARL PROTILAB

Société à Responsabilité Limitée au capital de 22.500 euros

immatriculée au RCS de Paris sous le n° 488 579 723

ayant son siège [Adresse 5]

[Adresse 9]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

ayant pour avocat plaidant : Me Yann CHENET de la SELARL ARMAND Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0153





SAS PROXI DENTAL

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 519.939.268

ayant son siège [Adresse 6]

[Adresse 9]

prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

ayant pour avocat plaidant : Me Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108



INTIMES



Monsieur [F] [V]

né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 2]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 9]



Représenté par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053 ayant pour avocat plaidant : Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108









Monsieur [S] [B]

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 6]

de nationalité française

demeurant [Adresse 12]

[Adresse 9]



Représenté par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053 ayant pour avocat plaidant : Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108





Monsieur [D] [R]

né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 4]

de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 9]



Représenté par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053 ayant pour avocat plaidant : Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108





Monsieur [U] [Y]

né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 7]

de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 9]



Représenté par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053 ayant pour avocat plaidant : Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108





Monsieur [K] [X]

né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 3]

de nationalité française

demeurant [Adresse 8]

[Adresse 9]



Représenté par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053 ayant pour avocat plaidant : Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108





Monsieur [W] [H]

né le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 5]

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 11]



Représenté par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053 ayant pour avocat plaidant : Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108







Monsieur [L] [O]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]

de nationalité française

demeurant [Adresse 7]

[Adresse 10]



Représenté par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053 ayant pour avocat plaidant : Fabrice HERCOT de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 10 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre

Madame Irène LUC, Conseillère

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, rédacteur

qui en ont délibéré,



Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Claudette NICOLETIS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,





Greffier, lors des débats : M. Gérald BRICONGNE



ARRET :



- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, présidente et par Mme Violaine PERRET, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.









En septembre 2005, M. [A] [T] est entré en contact avec M. [L] [O], docteur en chirurgie dentaire qui avait participé, 20 ans plus tôt, à la création de la société LABOCAST, leader du marché sur le secteur de la fabrication et la vente de prothèses dentaires d'import. M. [T] a confié à M. [O] une première mission portant sur l'identification de potentiels laboratoires chinois de prothèses dentaires auprès desquels la société PROTILAB, qu'il projetait de créer, pourrait s'approvisionner.



Le 15 février 2006, Messieurs [A] [T] et [M] [E] ont créé la SARL PROTILAB, qui a pour activité la fabrication et l'import de prothèses dentaires. Messieurs [T] et [E] détenaient respectivement 90% et 10% du capital de la société PROTILAB.



Le 9 mars 2006, une Convention de conseil a été conclue entre M. [O] et la société PROTILAB, avec effet rétroactif au 1er janvier 2006, stipulant le versement à M. [O] d'une rémunération annuelle égale à 2,6 % du chiffre d'affaires de la société PROTILAB.



Par acte du 9 mai 2007, 10% du capital de la société PROTILAB a été cédé à M. [O] par M. [E].



Le 1er juin 2007, une nouvelle convention de conseil a été conclue entre M. [O] et la société PROTILAB, prévoyant le versement à M. [O] d'une rémunération annuelle égale à 1,5% du chiffre d'affaires net annuel, minoré des dividendes de l'année en cours.



Le 19 juin 2008, un pacte d'associés a été conclu entre M. [T] et M. [O], stipulant que ce pacte 'a un caractère strictement confidentiel'.



Le 1er août 2008, la société PROTILAB a résilié la convention de conseil du 1er juin 2007. Par jugement du 25 mai 2010, le tribunal de grande instance de Paris a jugé cette résiliation fautive et a condamné la société PROTILAB à verser à M. [O] des dommages-intérêts.



Au début de l'année 2009, la société PROTILAB employait :

- 6 prothésistes-conseils, Messieurs [U] [Y], [D] [R], [F] [V], [K] [X], [S] [B] et [W] [H], prothésistes dentaires diplômés, chargés de démarcher et de fidéliser la clientèle,

- 9 prothésistes, chargés d'un travail de préparation en amont de la fabrication des prothèses et d'un travail de vérification et de retouche une fois la fabrication réalisée,

- 1 contrôleur qualité, M. [Q] [P].



Le 22 avril 2009, le nom de domaine 'proxidental.fr' a été déposé anonymement.



La société PROTILAB a licencié pour faute grave Messieurs [Y], [R] et [V], les 5 juin , 16 juin et 20 juillet 2009, en leur reprochant de la dénigrer et de propager un climat délétère au sein de la société.



Par jugements du 24 décembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a jugé ces licenciements sans cause réelle et sérieuse.



Le 2 septembre 2009, le nom de domaine 'proxidental.com' a été déposé par M. [H].



Le 29 décembre 2009, M. [B] a remis sa démission.



Par jugement du 24 décembre 2013 le conseil de prud'hommes de Paris a refusé de requalifier cette démission en licenciement, mais a condamné la société PROTILAB à verser à M. [B] des rappels d'heures supplémentaires pour les années 2007 et 2008, ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé.



Messieurs [X] et [H] ont démissionné respectivement le 31 décembre 2009 et le 25 janvier 2010.



Le 21 janvier 2010, Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X], [H] et M. [I] [Z], ont créé la SAS PROXI DENTAL, qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 5 février 2010 et a commencé son activité commerciale au mois de mars 2010.



Reprochant à la société PROXI DENTAL des actes de concurrence déloyale et de dénigrement, la société PROTILAB a obtenu, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, une ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Paris du 9 avril 2010, désignant la SCP [J], huissiers de justice, à l'effet à titre principal de dresser la liste des clients communs aux deux sociétés, sur la base du fichier clients de la société PROTILAB.



La SCP [J] a établi un procès verbal de constat le 15 avril 2010 et le 29 juillet 2010.



Par ordonnance sur requête du 13 avril 2010, le président du tribunal de commerce de Paris a ordonné une mission complémentaire et a autorisé la SCP [J] à appréhender auprès de la société PROXIDENTAL, notamment, les échanges électroniques et logs de connexion Skype de M. [O] et de M. [V], dirigeant de la société PROXIDENTAL.



La SCP [J] a établi un procès verbal de constat le 15 avril 2010 et le 2 août 2010.



Par ordonnance de référé du 17 juin 2010, la société PROXIDENTAL et M. [O] ont été déboutés de leur demande de rétractation des ordonnances sur requête des 9 et 13 avril 2010. Par arrêt du 25 janvier 2011, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance de référé du 17 juin 2010. Le pourvoi formé contre cet arrêt par la société PROXIDENTAL et de M. [O] a été rejeté par la Cour de cassation, par arrêt du 22 mars 2012.



Par acte du 18 août 2010, la société PROTILAB a assigné la société PROXI DENTAL, ainsi que Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X], [H] et [O] devant le tribunal de commerce de Paris en leur reprochant des actes de concurrence déloyale :

- participation de M. [O], associé de la société PROTILAB, à un voyage en Chine avec M. [V] pour démarcher les fournisseurs de la société PROTILAB,

- imitation de la dénomination sociale de la société PROTILAB par la société PROXI DENTAL,

- détournement du fichier clients de la société PROTILAB,

- reproduction de l'organisation et de la politique commerciale de la société PROTILAB,

- débauchage de salariés entraînant une désorganisation de la société PROTILAB.



Les défendeurs ont soulevé l'incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal de grande instance pour connaître de la demande relative à l'imitation de la dénomination sociale de la société PROTILAB, ainsi que l'incompétence du tribunal de commerce concernant les demandes dirigées contre les anciens salariés de la société PROTILAB. Ils ont contesté les demandes de la société PROTILAB et ont soutenu, à titre reconventionnel, que la société PROTILAB s'était livrée à des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société PROXI DENTAL, visant à sa désorganisation générale et en la dénigrant notamment sur un site Internet public destiné aux professionnels de la santé bucco-dentaire.



Par ordonnances des 20 septembre et 13 octobre 2010, le président du tribunal de commerce de Paris a ordonné à l'hébergeur du site sur lequel des propos dénigrant la société PROXI DENTAL avaient été tenus et à la société FRANCE TELECOM de communiquer l'identité des dentistes à l'origine de ces propos. Par 3 ordonnances des 13 décembre 2010 et 17 janvier 2011, le président du tribunal de commerce de Paris a ordonné des mesures d'instruction in futurum tant au sein de la société PROTILAB qu'au domicile personnel de M. [T].



Lors d'une assemblée générale du 30 septembre 2011, la société PROTILAB a procédé à la réduction de son capital social par rachat des titres de M. [O], lequel n'est plus associé de la société depuis le 4 janvier 2012.



Par jugement du 25 octobre 2011, le tribunal de commerce de Paris a ordonné la communication par Maître [J], à la société PROTILAB, de 10 courriels séquestrés en exécution des ordonnances des 9 et 13 avril 2010. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 mai 2015.



Par jugement du 28 février 2012, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société PROXI DENTAL et Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X], [H] et [O] de leur demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive ordonnant la remise des pièces saisies chez la société PROTILAB et mises sous séquestre en vertu des ordonnances sur requête des 13 décembre 2010 et 17 janvier 2011.



Par jugement du 9 avril 2013, le tribunal de commerce de PARIS':

- s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'Hommes de Paris à l'endroit de Messieurs [V], [H], [R], [Y], [B] et [X] et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

- a débouté la société PROXI DENTAL et M. [O] de leur demande de sursis à statuer ;

- débouté la société PROTILAB de sa demande de constater que M. [O] s'est livré à des actes de concurrence déloyale à son égard ;

- dit que la société PROXI DENTAL s'est livrée à des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société PROTILAB ;

- condamné la société PROXI DENTAL au paiement de dommages intérêts à hauteur de 192 000 € à la société PROTILAB ;

- débouté la société PROXI DENTAL de l'ensemble de ses demandes formulées, à titre reconventionnel ;

- condamné la société PROXI DENTAL à procéder à ses frais, dans la limite de 10 000 €, à la publication du dispositif du jugement dans trois journaux professionnels ;

- ordonné l'exécution provisoire sauf pour les mesures de publication ;

- condamné la société PROXI DENTAL à payer à la société PROTILAB la somme de 20'000 €, déboutant pour le surplus, au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société PROXI DENTAL aux dépens.



Le 10 mars 2013, la société PROXI DENTAL a interjeté appel du jugement du 9 avril 2013. La société PROTILAB a interjeté appel de ce même jugement le 12 avril 2013.



Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 10 septembre 2013.



Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 26 mai 2015, par lesquelles la société PROXI DENTAL et Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X], [H] et [O] demandent à la cour de :

Aux visas des articles 92 du code de procédure civile et 1382 du code civil,

- Confirmer le jugement du 9 avril 2013 en ce que le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris pour connaître des prétentions formées par PROTILAB à l'encontre de Messieurs [V], [Y], [R], [X], [H] ET [B] ;

- confirmer le jugement du 9 avril 2013 en ce qu'il a débouté la société PROTILAB de ses prétentions à l'encontre du docteur [O] ;

- infirmer le jugement du 9 avril 2013 en ce qu'il a dit que PROXI DENTAL s'est livrée à des actes de concurrence déloyale à l'égard de PROTILAB ;

- infirmer le jugement du 9 avril 2013 en ce qu'il a condamné PROXI DENTAL à payer à PROTILAB une somme de 192 000 € à titre de dommages et intérêts, outre 20 000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- Infirmer le jugement du 9 avril 2013 en ce qu'il a ordonné la publication de son dispositif dans trois journaux professionnels dans la limite de 10 000 € ;

- infirmer le jugement du 9 avril 2013 en ce qu'il a débouté PROXI DENTAL de ses demandes reconventionnelles ;

STATUANT A NOUVEAU :

- dire et juger que la société PROTILAB s'est livrée à des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société PROXI DENTAL ;

EN CONSÉQUENCE :

- condamner la société PROTILAB à payer à la société PROXI DENTAL la somme de 100 000 € à titre de réparation du préjudice d'image causé par les pratiques de dénigrement ;

- condamner la société PROTILAB à payer à la société PROXI DENTAL la somme de 100 000 € à titre de réparation du trouble commercial causé par les pratiques de désorganisation ;

- débouter la société PROTILAB de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société PROTILAB à payer à PROXI DENTAL et à chacun de ses associés (Messieurs [V], [O], [Y], [R], [X], [H] et [B]) la somme de 25 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 mai 2015, par lesquelles la société PROTILAB demande à la cour de :

Au visa des articles 16, 73 et 74 du code de procédure civile et L.210-6 et L.225-251 du code de commerce,

- infirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris en ce qui concerne les demandes formées à l'endroit de Messieurs [F] [V], [W] [H], [D] [R], [U] [Y], [S] [B] et [K] [X],

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société PROTILAB de son action à l'encontre de M. [O],

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant du préjudice subi par la société PROTILAB à la somme de 192 000 €,

En conséquence et statuant à nouveau :

Aux visas des articles 1134 et 1382 du code civil, L.210-6 et L225-251 du code de commerce,

- dire et juger que la société PROXIDENTAL et Messieurs [F] [V], [W] [H], [D] [R], [U] [Y], [S] [B], [K] [X] et [L] [O], ès qualités de fondateurs et dirigeant, se sont rendus coupables d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la société PROTILAB,

- dire que M. [L] [O] s'est rendu coupable de la violation de ses obligations statutaire de loyauté et contractuelle de confidentialité à l'égard de la société PROTILAB,

En conséquence :

- A titre principal, condamner solidairement la société PROXIDENTAL et Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X], [H] et [O] au paiement des sommes suivantes :

- 6 976 000 € au titre du préjudice lié à la perte de marge sur la période avril 2010- mars 2015, en ce compris la perte des 127 clients détournés à hauteur de 2 441 000 € et à hauteur de 1 050 000 € au titre des 118 clients perdus.

- 87 000 € au titre des coûts induits par le débauchage de son personnel

- A titre subsidiaire, condamner solidairement la société PROXIDENTAL et Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X], [H] et [O] au paiement des sommes suivantes :

- 4 711 000 € au titre du préjudice lié à la perte de marge sur la période avril 2010- mars 2015, en ce compris la perte des 127 clients détournés à hauteur de 2 441 000 € et à hauteur de 1 050 000 € au titre des 118 clients perdus.

- 87 000 € au titre des coûts induits par le débauchage de son personnel,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement pour le surplus

Y ajoutant :

- condamner solidairement la société PROXIDENTAL et Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X], [H] et [O] à la somme supplémentaire de 100 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la société PROXIDENTAL et Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X], [H] et [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique ETEVENARD, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,





Sur les demandes de la société PROTILAB à l'encontre de Messieurs [V], [H], [R], [Y], [B] et [X] :



Considérant que la société PROTILAB expose qu'en se déclarant incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris, le tribunal de commerce a violé les dispositions des articles 73 à 75 du code de procédure civile relatifs aux exceptions de procédure, dans la mesure où la société PROXI DENTAL et Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X], [H] et [O] avaient déjà lors de l'audience du 6 février 2012 sollicité qu'il soit sursis à statuer et étaient désormais irrecevables en leur exception d'incompétence présentée le 24 septembre 2012 ; que leur demande d'incompétence était également irrecevable en vertu de la théorie de l'estoppel, puisque Messieurs [V], [B], [R], [Y] avaient soutenus dans leurs conclusions devant le conseil de prud'hommes que les demandes relatives à la concurrence déloyale étaient de la compétence du tribunal de commerce ;



Considérant que la société PROTILAB expose également que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences légales attachées à la qualité de fondateurs et de dirigeant de la société PROXI DENTAL de MESSIEURS [V], [H], [R], [Y], [B] et [X] ;

Que, d'une part, le tribunal a fait droit à l'exception d'incompétence présentée par la société PROXI DENTAL et ses fondateurs en soulevant d'office le moyen tiré de l'existence de la personnalité juridique de la société PROXI DENTAL, sans inviter les parties à s'expliquer, en violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ;

Que, d'autre part, que la responsabilité de Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X], et [H] est recherchée pour des agissements qui ont été effectués alors même qu'ils n'avaient plus la qualité de salariés ; que Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X] et [H] sont poursuivis non pas en leur qualité d'anciens salariés de la société PROTILAB mais en leur qualité :

- de fondateurs de la société PROXI DENTAL sur le fondement, notamment, de l'article L. 210-6 du code de commerce en ce qui concerne Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X] et [H],

- de dirigeant de la société PROXI DENTAL sur le fondement, notamment, de l'article L. 225-251 du code de commerce en ce qui concerne M. [V] ;

Que dans son jugement du 25 octobre 2011 le tribunal de commerce de Paris avait précédemment apprécié la nature et l'étendue de la responsabilité pesant sur Messieurs [V], [B], [R], [Y], [X], et [H] en jugeant 'que les associés fondateurs de PROXI DENTAL avaient entrepris bien avant l'immatriculation de la société, des démarches actives au nom de la future société...' ;



Mais considérant, d'une part, que les règles relatives à la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes sont d'ordre public ; que, en application des dispositions de l'article L.1411-1 du code du travail, la société PROTILAB ne peut rechercher la responsabilité de ses anciens salariés, auxquels elle reproche des actes de concurrence déloyale commis durant l'exécution de leur contrat de travail, que devant le conseil de prud'hommes ;



Considérant que si le moyen pris de l'incompétence de la juridiction ne peut être présenté par les parties pour la première fois qu'avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, le juge peut user en tout état de cause de la faculté qu'il tient de l'article 92 du code de procédure civile de relever d'office son incompétence en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ;



Considérant qu'au surplus le conseil de prud'hommes de Paris était saisi depuis le 5 août 2009 des demandes de Messieurs [V], [R], [Y], [B] dirigées contre la société PROTILAB, laquelle avait formulé des demandes reconventionnelles en dommages-intérêts contre ces salariés pour des faits faisant l'objet de l'assignation du 18 août 2010 ; que le conseil de prud'hommes étant saisi depuis 2011 de demandes de la société PROTILAB sur le fondement de la concurrence déloyale, ni les moyens de défense des ex-salariés, ni le principe de l'estoppel ne peuvent faire échec à la compétence exclusive du conseil de prud'hommes pour connaître des actes accomplis par ces salariés antérieurement à la cessation définitive de leur contrat de travail ;



Considérant que, la question de la compétence d'attribution étant dans le débat, le tribunal de commerce pouvait à bon droit se déclarer d'office incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris pour connaître des demandes formulées par la société PROTILAB, reprochant à Messieurs [V], [R], [Y], [B], [X] et [H] , ses anciens salariés, des actes de concurrence déloyale commis antérieurement à la cessation de leur contrat de travail ; qu'en conséquence, la question de la recevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par les anciens salariés devant le tribunal de commerce est inopérante ; que le jugement du 9 avril 2013 doit être confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris pour connaître des demandes de la société PROTILAB à l'encontre de Messieurs [V], [R], [Y], [B], [X] et [H] relatives à des actes de concurrence déloyale commis antérieurement à la cessation de leurs contrats de travail ;



Considérant, d'autre part, que bien que le tribunal ait statué sur les demandes dirigées contre Messieurs [V], [R], [Y], [B], [X] et [H] dans une partie consacrée à 'la demande d'incompétence au profit du conseil de prud'hommes', le tribunal ne s'est pas déclaré incompétent pour connaître des actes de concurrence déloyale reprochés aux salariés, non tenus par une clause de non-concurrence, commis postérieurement à la cessation de leur contrat de travail, mais a débouté la société PROTILAB de ses demandes aux motifs que l'éventuelle responsabilité civile des anciens salariés devenus actionnaires de la société PROXI DENTAL s'efface derrière la personne morale de leur société et que s'agissant de M. [V], dirigeant de la société PROXI DENTAL, aucune faute personnelle détachable de ses fonctions n'est démontrée ; que le tribunal de commerce n'était pas tenu par la motivation du jugement du 25 octobre 2011, rendu dans une instance à laquelle Messieurs [R], [Y], [B], [X] et [H] n'étaient pas parties ;



Considérant que la cour d'appel saisie d'un appel total du jugement du 9 avril 2013 est investie par l'effet dévolutif de l'appel du devoir de statuer à nouveau en fait et en droit sur la chose jugée en première instance et donc sur la responsabilité délictuelle de Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X] et [H] pour les faits postérieurs à la cessation de leur contrat de travail ;



Considérant que le tribunal saisi d'une action en responsabilité formée par la société PROTILAB à l'encontre de Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X] et [H], sur le fondement de l'article 1382 du code civil, pour des actes commis après l'expiration de leur contrat de travail, a pu retenir, sans violer le principe de la contradiction, que la personnalité morale de la société PROXI DENTAL faisait obstacle à la mise en 'uvre de la responsabilité civile des anciens salariés devenus actionnaires de la société PROXI DENTAL dès lors que le moyen tiré de l'existence de la personnalité juridique de la société PROXI DENTAL était dans le débat ; que le tribunal n'a fait que tirer les conséquences juridiques des éléments de fait qui lui étaient soumis ;



Considérant que le tribunal de commerce, qui était compétent pour connaître des actes accomplis par Messieurs [V], [Y], [R], [B], [X] et [H], après la cessation de leur contrat de travail et durant la période de formation de la société PROXI DENTAL, soit jusqu'à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés le 5 février 2010, en leur qualité de fondateurs de la société PROXI DENTAL n'a pas répondu aux demandes de la société PROTILAB relatives aux actes reprochés à Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X] et [H] en leur qualité de fondateurs ;



Considérant que la société PROTILAB fait grief à Messieurs [V], [Y], [R], [B], [X] et [H] d'avoir :

- détourné l'ensemble de la documentation technique, financière et commerciale de la société PROTILAB,

- détourné une partie substantielle de la clientèle de la société PROTILAB,

- dénigré la société PROTILAB auprès de sa clientèle,

- enfreint l'obligation de confidentialité à laquelle était tenue M. [O] en application du pacte d'associés du 9 juin 2008,

- débauché le personnel de la société PROTILAB ;



Mais considérant que la constitution d'une société concurrente, qui est licite n'est pas constitutif d'actes de concurrence déloyale ; que la société PROTILAB qui ne rapporte pas la preuve d'acte positif déloyal commis personnellement par un des fondateurs entre la cessation de son contrat de travail et le 5 février 2010, date à laquelle la société PROXI DENTAL avait acquis la personnalité morale, doit être déboutée de ses demandes à l'encontre de Messieurs [V], [Y], [R], [B], [X] et [H], pris en leur qualité de fondateurs de la société PROXI DENTAL ;



Considérant que la société PROTILAB soutient que M. [V] a engagé sa responsabilité en sa qualité de président de la société PROXI DENTAL, pour avoir appréhendé la totalité de ses documents techniques, commerciaux et financiers ; que le Parquet de Paris a considéré cette appréhension comme constitutive du délit d'abus de confiance et M. [V] a non seulement fait l'objet d'un rappel à la loi mais également, d'une mise à l'épreuve ;



Mais considérant qu'à l'égard des tiers, la responsabilité personnelle du dirigeant d'une société ne peut être engagée que si la preuve est rapportée d'une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; que la société PROTILAB produit au soutien de sa demande une 'notification de sursis à décision de poursuite - mise en garde' adressée le 27 septembre 2012 à M. [V] par le parquet de Paris ; que cet notification, qui n'a pas autorité de chose jugée, est insuffisante à rapporter la preuve de l'existence d'une infraction pénale commise par M. [V] détachable de ses fonctions de dirigeant de la société PROXI DENTAL ; que le jugement qui a retenu qu'il n'était pas démontré que M. [V] ait commis une faute personnelle détachable de ses fonctions, doit être confirmé de ce chef ;



Considérant qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société PROTILAB de ses demandes à l'encontre de Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X] et [H] ;







Sur les demandes de la société PROTILAB à l'encontre de M. [O], en sa qualité d'associé de la société PROTILAB :



Considérant que la société PROTILAB expose que M. [O] a violé l'engagement de loyauté et de confidentialité prévu au pacte d'associés du 19 juin 2008, en étant à l'origine de la reproduction à l'identique de l'organisation et de la politique commerciale de la société PROTILAB au profit de la société PROXI DENTAL ; que la société PROTILAB est bien fondée à se prévaloir de la violation par M. [O] des stipulations du pacte d'associés dès lors que ce dernier en reproduisant l'organisation et la politique commerciale lui a causé un préjudice certain ;



Mais considérant que M. [O] n'était plus lié à la société PROTILAB depuis le 1er août 2008 par la convention de conseil et n'était tenu par aucune obligation de non-concurrence avec cette société ; que la qualité d'associé minoritaire de M. [O] ne lui interdisait pas d'exercer une activité ou de créer une société concurrente de la société PROTILAB ; qu'en apportant son savoir-faire à la société PROXI DENTAL en cours de formation, M. [O] n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale ;



Considérant que la société PROTILAB ne peut invoquer la violation des stipulations du pacte d'associés signé le 19 juin 2008 entre Messieurs [T], détenteur de 90 % des parts sociales, et [O], détenteur de 10 % des parts sociales, dès lors que, selon son l'article premier, ' le pacte a pour objet de définir les modalités garantissant une cession collective de l'ensemble des parts sociales représentant 100 % du capital social de la société' ; que l'obligation de confidentialité prévue à l'article 6 est relative au contenu du pacte et interdit à M. [O] de divulguer à des tiers les informations de toute nature concernant M. [T] dont il aurait pu avoir connaissance dans le cadre et au titre du pacte d'associés et de leur association ; que l'obligation de loyauté prévue à l'article 4 du pacte n'engage que les signataires dans l'exécution du pacte ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société PROTILAB de ses demandes à l'encontre de M. [O] ;





Sur les demandes de la société PROTILAB à l'encontre de la société PROXIDENTAL :



Considérant que la société PROTILAB reproche à la société PROXI DENTAL de s'être livrée au :

- pillage de son savoir-faire et au détournement de sa clientèle :

* par la reproduction servile de la société PROTILAB, en détournant son fichier clients et ses documents financiers, techniques et commerciaux, en reproduisant son organisation et sa politique commerciale, en orchestrant la confusion entre les deux sociétés,

* par la captation et la fidélisation illicite de la clientèle détournée,

- dénigrement de la société PROTILAB auprès de sa clientèle et de son fournisseur chinois, la société DYLABCO,

- débauchage des salariés de la société PROTILAB ;



Considérant que la société PROXI DENTAL conteste le détournement de la clientèle de la société PROTILAB et répond que les anciens salariés sont libres d'adresser des propositions/ sollicitations aux anciens clients, d'autant que ses clients disposaient du numéro de téléphone portable personnel de Messieurs [Y], [R], [V], [B], [X] et [H] ; que la majorité des anciens clients de la société PROTILAB l'ont volontairement quittée en raison du caractère insatisfaisant des prestations ; que sur les 937 dentistes auxquels la société PROXI DENTAL a adressé son 'kit de départ' seuls 63 clients sont communs à la société PROTILAB, soit 6,4 % ;





Que la société PROXI DENTAL conteste la reproduction de l'organisation et de la politique commerciale de la société PROTILAB en faisant observer que l'organisation de cette société résulte du savoir-faire de M. [O] qui a pu apporter les mêmes conseils à la société PROXI DENTAL, créée par les anciens salariés de la société PROTILAB ;

Que la société PROXI DENTAL conteste le détournement du laboratoire DYLABCO en faisant valoir que la société PROTILAB avait elle -même mis un terme à sa collaboration avec le laboratoire DYLABCO à la fin du premier trimestre 2009 pour confier l'intégralité de sa production au laboratoire VEDEN ; qu'elle conteste également le débauchage de M. [P], en faisant valoir que celui-ci a décidé de lui-même de faire acte de candidature et de démissionner de la société PROTILAB, ainsi que tout débauchage massif de salariés et fait valoir qu'aucune désorganisation n'est caractérisée ;

Que la société PROXI DENTAL conteste le reproche de dénigrement en faisant valoir que les propos qui lui sont reprochés entrent dans l'exercice normal d'une critique professionnelle dans le cadre d'une concurrence ;



Mais considérant que le courriel de M. [V] du 23 septembre 2009 fait apparaître que le serveur commun de la société PROTILAB a été copié et diffusé aux actionnaires de la société PROXI DENTAL ; que ces faits sont confirmés par l'attestation de M. [S] [C] qui affirme que M. [X] lui a indiqué en février 2010 détenir la totalité du fichier clients de la société PROTILAB ; qu'il résulte des constatations contenues dans le constat d'huissier des 15 avril et 29 juin 2010 dressé par maître [J] que sur les 59 clients facturés par la société PROXI DENTAL, 56 étaient communs à la société PROTILAB ; que par des motifs pertinents le tribunal a retenu que le détournement de la clientèle de la société PROTILAB mis en oeuvre par la société PROXI DENTAL dans les premières semaines de sa création était établi ; que ces manoeuvres déloyales de la société PROXI DENTAL faussent le jeu de la concurrence et constituent une faute au sens de l'article 1382 du code civil ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;



Considérant que par des motifs pertinents le tribunal a rejeté les griefs de reproduction de l'organisation et la politique commerciale de la société PROTILAB, faute d'originalité et de confidentialité de l'organisation et de la politique commerciale de cette société, étant rappelé que les anciens salariés de la société PROTILAB pouvaient utiliser le savoir-faire acquis auprès de leur ancien employeur, d'autant qu'aucun risque de confusion entre les sociétés n'est avéré, les erreurs d'étiquetage commises par le transporteur sont insuffisantes à rapporter la preuve d'une confusion chez les clients et les fournisseurs ; que la production du grand livre fournisseurs de la société PROTILAB démontre que les sociétés PROTILAB et DYLABCO avaient mis un terme à leur relation commerciale au début de l'année 2009 ; que les correspondances échangées entre les sociétés PROXI DENTAL et DYLABCO à compter de l'année 2010 ne contiennent pas de propos dénigrants de la société PROTILAB ; que le tribunal a justement rejeté ces griefs ;



Considérant qu'il ne résulte pas des attestations produites par la société PROTILAB que les commerciaux de la société PROXI DENTAL qui ont démarché les clients de la société PROTILAB pour présenter et vanter les prestations de la nouvelle société aient dénigré la société PROTILAB ; que même si certains commerciaux ont fait une comparaison entre les deux sociétés à l'avantage de la société PROXI DENTAL, les propos en cause sont restés mesurés et dans les limites de ce qui est acceptable ; que comme l'a retenu le tribunal aucun débauchage massif de salariés n'est imputable à la société PROXI DENTAL, les salariés qui ont quitté la société PROTILAB pour rejoindre la société PROXI DENTAL l'ayant fait spontanément ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que la société PROXI DENTAL a commis des actes de concurrence déloyale en démarrant son activité en détournant une partie de la clientèle et le fichier client de la société PROTILAB ;





Sur le préjudice de la société PROTILAB :



Considérant que la société PROTILAB expose que pour quantifier le préjudice dont elle a été victime, elle a mandaté Mme [G] [N], expert-comptable inscrite sur la liste des experts près la cour d'appel de Paris, aux fins d'établir un premier rapport amiable d'évaluation au 15 juin 2012 ; qu'elle a également confié à son expert- comptable, à la société XERFI, ainsi qu'à Mme [N] quatre nouvelles missions :

- en premier lieu, sur l'évaluation et la certification des chiffres d'affaires réalisés du 1er janvier 2008 au 31 mars 2015 pour les 245 clients de la société PROTILAB détournés ou perdus et identifiés aux termes du procès-verbal de Me [J] (56), à la suite des erreurs de livraisons (71) et à la suite de l'examen d'éléments financiers (118),

- en second lieu, sur l'évaluation du marché des prothèses dentaires d'import en France et, plus particulièrement du marché des prothèses dentaires d'imports en France en provenance de Chine puisque c'est le pays auprès duquel les parties s'approvisionnent,

- en troisième lieu, sur l'actualisation du préjudice qu'elle a subi au 31 mars 2015,

- en dernier lieu, sur la réponse apportée par M. [BF], le 19 décembre 2014, et le préjudice subi par la société PROTILAB au 31 mars 2015 ;



Considérant que la société PROTILAB sollicite l'indemnisation des préjudices subis au titre des dommages financiers de deux natures relevés par Mme [N] :

- en premier lieu du départ des clients détournés par PROXI DENTAL ou qui ont quitté PROTILAB du fait des agissements de la société PROXI DENTAL, ce qui se traduit par une marge manquée pour la société PROTILAB ;

- en second lieu du départ des salariés partis rejoindre la société PROXI DENTAL, ce qui s'est traduit par une désorganisation interne de la société PROTILAB et la nécessité de recruter et de former de nouveaux collaborateurs ; que ces deux natures de dommages induisaient un préjudice distinct au titre :

- un préjudice lié à la marge manquée au 31 mars 2015,

- un préjudice lié au débauchage de ses salariés ;



Considérant que la société PROTILAB reproche au tribunal de s'être trompé de marché de référence et d'avoir assimilé le marché de la prothèse dentaire fabriquée en France avec celui de la prothèse dentaire importée en France en provenance de Chine, alors que ces marchés sont totalement distincts et connaissent une croissance en tout point opposée ; qu'il ressort de l'analyse de la société XERFI que le marché de l'import de prothèses dentaires en provenance de Chine a connu un taux de croissance moyen de 47,8%, en valeur euros, au cours des années 2009 à 2012 ; que le taux de croissance annuel du marché qui doit être retenu pour fixer sa perte de marge peut raisonnablement être fixé à 15%, comme préconisé par Mme [N] ;



Considérant que la société PROTILAB reproche au tribunal de n'avoir pris en considération que sa perte de marge au cours d'une seule année, sans tenir compte des conséquences irrémédiables attachées au dénigrement dont la société a fait l'objet, et uniquement pour les 56 clients identifiés par Maître [J] en avril 2010 ;

Qu'elle sollicite la somme de 6 976 000 € en réparation de son préjudice au titre de la marge manquée du 1er avril 2010 au 31 mars 2015, sur la base d'une progression annuelle des ventes de 15%, en se référant au rapport du 7 mai 2015 de Mme [N], qui a notamment évalué la perte de marge totale de la société PROTILAB au titre des 245 clients détournés et/ou perdus ( 56 clients détournés et identifiés par Maître [J] en avril 2010, 71 clients détournés et identifiés à la suite des erreurs de livraison, 118 clients perdus par la société PROTILAB qui lui ont commandé des produits au 1er trimestre et au 2 ème trimestre 2009 mais qui n'ont plus passé de commande au plus tard à compter de juin 2010) à la somme de 3 491 000 €, répartie de la manière suivante :

- 2 441 000 € au titre des 127 clients détournés,

- 1 050 000 € au titre des 118 clients perdus ;

Qu'à titre subsidiaire, elle sollicite la somme de 4 711 000 € sur la base d'un taux de croissance de 10,80 %, reconnu par le propre expert de la société PROXI DENTAL ;



Considérant que la société PROTILAB sollicite la somme de 87 000 € au titre des coûts liés au débauchage de ses salariés, en exposant qu'elle a dû supporter le coût de la formation de ses nouveaux salariés ;



Considérant que la société PROXIDENTAL, qui conteste les assertions de Mme [N] et de la société XERFI, répond que les demandes de la société PROTILAB correspondent à des chefs de préjudice totalement fictifs et surtout sont déconnectées de toute réalité, puisqu'elles représentent près de 5 années de chiffre d'affaires pour la société PROXI DENTAL, qui n'a réalisé aucun bénéfice lors des deux derniers exercices qui se sont respectivement soldés par un bénéfice de 282,24 € au 31 mars 2013 et par une perte de 111 452 € au 31 mars 2014, alors que le chiffre d'affaires de la société PROTILAB n'a jamais cessé de croître, atteignant 11.783.669 € au 31 décembre 2013, contre 10.628.708 € en 2011 et 11.688.948 € en 2012 ; qu'ainsi la société PROTILAB n'a subi aucune perte du fait de l'arrivée sur le marché de la société PROXI DENTAL ;



Mais considérant que, la concurrence étant licite et la clientèle libre de changer de fournisseur, la société PROTILAB ne peut réclamer d'indemnisation que pour les actes de concurrence déloyale commis par la société PROXI DENTAL et non pour le préjudice concurrentiel que lui cause la création de sa concurrente, le préjudice concurrentiel étant licite ; que seul le détournement de 56 clients lors de la création de la société PROXI DENTAL est démontré ; que la perte des autres clients et le caractère définitif de ces pertes ne sont qu'hypothétiques ; qu'aucun dénigrement, ni débauchage de salarié ne sont imputables à la société PROXI DENTAL ; que le tribunal n'a pas substitué le marché de la prothèse dentaire fabriquée en France à celui de la prothèse dentaire importée, mais a effectué une comparaison qui a constitué un des éléments du raisonnement qui l'a conduit à écarter l'hypothèse d'un taux de croissance annuelle de 15 % ; que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a évalué à 192 000 € le montant des dommages-intérêts dus à la société PROTILAB, somme qui correspond à la perte de marge brute subie par la société PROTILAB sur une durée d'une année du fait de la perte des 56 clients détournés par la société PROXI DENTAL ;



Sur les demandes reconventionnelles de la société PROXI DENTAL:



Considérant que la société PROXI DENTAL soutient que la société PROTILAB s'est livrée à un dénigrement systématique à son encontre tant à l'égard de sa clientèle que de ses partenaires commerciaux ; qu'au cours des mois de mars et mai 2010, M. [V] a découvert que la société PROXI DENTAL était dénigrée sur le site Internet public www.eugenol.com, forum de discussion destiné aux professionnels de la santé bucco-dentaire, par trois prétendus dentistes intervenant sous des pseudonymes ;

Que par ordonnances sur requête des 20 septembre et 13 octobre 2010, Maître [NM], huissier de justice, a été désigné pour se faire communiquer les adresses IP utilisées par les internautes ayant participé entre mars et juin 2010 à la discussion intitulée 'A propos de PROTILAB ', puis pour identifier les auteurs des messages ; que les constatations établies par Maître [NM] ont ainsi permis d'établir que les messages litigieux avaient été postés depuis les mêmes ordinateurs appartenant à la société PROTILAB et à M. [T], son gérant ;

Qu'en vertu d'ordonnances sur requête du 13 décembre 2010, l'huissier s'est rendu le 3 janvier 2011 au siège de la société PROTILAB, où M. [T], a spontanément reconnu être l'auteur d'une partie des propos dénigrants tenus à l'égard de la société PROXI DENTAL, ainsi que le caractère artificiel des discussions tenues sur le blog eugenol.com, celui-ci ayant même incité ses propres salariés à colporter des informations dénigrantes à l'égard de la société PROXI DENTAL ;

Que par ordonnance sur requête du 17 janvier 2011, l'huissier a pu saisir certains éléments de preuve dans le système informatique de la société PROTILAB ;



Considérant que la société PROXI DENTAL expose que les propos mensongers tenus sur le site Internet eugenol.com sont dénigrants à son égard et que le fait qu'ils aient été commis en usurpant l'identité de trois prétendus chirurgiens-dentistes constitue une circonstance aggravante ; que ces agissements ont été orchestrés par la société PROTILAB en vue d'éliminer un concurrent ; que la société PROXI DENTAL soutient qu'elle a subi un préjudice d'image particulièrement important s'agissant d'un dénigrement subi dès sa création et sollicite en réparation une somme de 100'000 € ;



Considérant que la société PROXI DENTAL soutient également que la société PROTILAB s'est livrée à une désorganisation générale de sa concurrente, notamment de sa production, en multipliant les man'uvres destinées à entraver son activité aux fins de détourner sa clientèle ; qu'elle a créé délibérément la confusion avec PROXI DENTAL auprès des sociétés de transport qui jouent un rôle clef dans l'activité des prothésistes dentaires et a exercé des pressions sur les prestataires de services de PROXI DENTAL afin de les dissuader de poursuivre leur collaboration avec elle ;



Considérant que la société PROTILAB expose que, d'une part, les demandes de la société PROXI DENTAL sont irrecevables en application des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, en l'absence de tout lien entre les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés et ceux commis par la société PROXI DENTAL et ses associés ; que les faits reprochés par la société PROTILAB à la société PROXI DENTAL ont été réalisés dès le 1er semestre 2009 dans le cadre de sa constitution, alors que les faits reprochés par la société PROXI DENTAL à la société PROTILAB auraient été commis au cours du second semestre 2010 et ne sauraient en aucune manière exonérer, expliquer, justifier ou tempérer les actes commis par la société PROXI DENTAL et/ou ses fondateurs en 2009 ; qu'au surplus les demandes sont fondées sur des ordonnances sur requête postérieures à la saisine du tribunal de commerce, le 18 août 2010, par la société PROTILAB ; que, d'autre part, la société PROXI DENTAL ne rapporte pas la preuve que les propos litigieux qu'elle dénonce sont imputables à la société PROTILAB et se fonde uniquement sur ses propres affirmations ou des courriers qu'elle a elle-même établi pour tenter de justifier la désorganisation qu'elle invoque ;



Mais considérant qu'en application des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile la recevabilité d'une demande reconventionnelle est soumise à la seule condition de l'existence d'un lien suffisant avec les prétentions originaires ; que la demande reconventionnelle en concurrence déloyale de la société PROXI DENTAL se rattache par un lien suffisant à la demande originaire de la société PROTILAB, les demandes étant relatives aux fautes respectives commises par chacune des sociétés dans l'exercice de la concurrence sur une période de quelques mois concomitante à la création et au début d'activité de la société PROXI DENTAL, ainsi la demande relative à la désorganisation formée par la société PROXI DENTAL repose sur les mêmes faits que ceux allégués par la société PROTILAB au soutien de son grief de confusion ; que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société PROXI DENTAL ;



Considérant qu'il résulte des procès-verbaux de constat d' huissiers versés aux débats par la société PROXI DENTAL que les messages diffusés sur le site eugenol.com correspondent à des adresses IP attribuée à la société PROTILAB ou à son gérant, que celui-ci a déclaré à l'huissier que les propos concernant la société PROXI DENTAL ont été tenus par lui-même, par des amis, sa famille ou ses salariés ; que les propos litigieux, qui visent nommément la société PROXI DENTAL, critiquent les méthodes de vente, les produits, les prix ainsi que la viabilité et d'honnêteté de la société PROXI DENTAL ; que ces messages postés par le biais d'un pseudo sur un blog accessibles aux professionnels, prestataires et clients de la société PROXI DENTAL, avaient pour objet de nuire à la réputation de cette société ainsi qu'à ses produits, en la dénigrant ; que ces agissements qui sont établis durant plus de 3 mois, sont fautifs et constitutifs des actes de concurrence déloyale ; que la société PROXI DENTAL est bien fondée à obtenir réparation du préjudice d'image en résultant à hauteur de la somme de 30'000 € ; qu'en revanche, les pièces versées aux débats ne démontrent pas que la société PROTILAB ait cherché à désorganiser la société PROXI DENTAL ou ait exercé des pressions sur ses prestataires, que la société PROXI DENTAL doit être déboutée de sa demande de ce chef ;





Sur la demande de publication :



Considérant que la société PROTILAB sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la publication de son dispositif et la société PROXI DENTAL en sollicite l'infirmation de ce chef ; que, eu égard à l'infirmation partielle du jugement et à l'ancienneté des faits, cette mesure de publication, non assortie de l'exécution provisoire, n'apparaît plus nécessaire ; que le jugement doit être infirmé de ce chef ;





PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement sauf en ses dispositions ayant débouté le société PROXI DENTAL de ses demandes reconventionnelles et ordonné la publication du dispositif du jugement ;



Et statuant à nouveau dans cette limite,



Dit recevable les demandes reconventionnelles de la société PROXI DENTAL ;



Dit que la société PROTILAB a commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société PROXI DENTAL ;



Condamne la société PROTILAB à verser à la société PROXI DENTAL la somme de 30 000 € en réparation du préjudice d'image causé par le dénigrement dont elle a fait l'objet ;



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;



Déboute les parties de leurs autres demandes ;



Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.









LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,









V.PERRET F.COCCHIELLO

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