10 septembre 2015
Cour d'appel de Paris
RG n° 14/24871

Pôle 2 - Chambre 1

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2015



AUDIENCE SOLENNELLE



(n° 413 , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24871



Décision déférée à la Cour : Décision du 30 Septembre 2014 -Conseil de l'ordre des avocats de PARIS



DEMANDEUR AU RECOURS



Monsieur [S] [Z]

Élisant domicile au cabinet de Me Florence GUERRE

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Florence GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 et assisté à l'audience de Me Jacques PELLERIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018







DÉFENDEUR AU RECOURS



CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Hervé ROBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P277





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 11 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :



- M. Jacques BICHARD, Président de chambre

- Madame Frédérique BOZZI, Président de chambre

- Mme Marie-Caroline CELEYRON-BOUILLOT, Conseillère

- Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

- Madame Isabelle CHESNOT, Conseillère



qui en ont délibéré



Greffier, lors des débats : Mme Elodie PEREIRA



MINISTÈRE PUBLIC :



L'affaire a été communiquée au Procureur général, représenté lors des débats par M. Michel LERNOUT, Avocat général, qui a fait connaître son avis et qui n'a pas déposé d'écritures antérieurement à l'audience.



DÉBATS : à l'audience tenue le 11 Juin 2015, on été entendus :



- Mme Marie-Claude HERVE, en son rapport

- Me Jacques PELLERIN, en ses observations

- Me Hervé ROBERT, avocat représentant le Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau de PARIS, en ses observations

- M. Michel LERNOUT, Avocat Général, en ses observations



Le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Paris a été invité à présenter ses observations par ordonnance.





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier.






* * *



Par arrêté du 30 septembre 2014, la formation administrative restreinte n°2 du conseil de l'ordre des avocats de Paris a rejeté la demande d'inscription au barreau de Paris présentée par M. [Z] sur le fondement des dispositions de l'article 98-4° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.



La notification de cet arrêté à M. [Z] a été adressée le 6 octobre 2014 et reçue à une date ignorée.



M [S] [Z] a formé un recours contre cette décision, le 21 novembre 2014.



M [S] [Z] a demandé que l'audience soit publique.



Son conseil a déposé et soutenu des observations au soutien de son recours. Il souhaite voir réformer la décision du conseil de l'ordre et être déclaré bien fondé en la demande d'inscription de M. [Z] au tableau des avocats du barreau de Paris.




Par des écritures déposées et soutenues à l'audience, le conseil de l'ordre du barreau de Paris entend obtenir la confirmation de la décision rendue le 30 septembre 2014 et le rejet de la demande d'inscription de M [S] [Z].



Le Procureur général qui n'a pas déposé de conclusions écrites, soutient la confirmation de la décision déférée.




SUR CE, LA COUR



M. [Z] de nationalité hongroise expose qu'il est titulaire d'une maîtrise en droit et d'un DESS obtenus en France et qu'il a été fonctionnaire de catégorie A de la Commission européenne pendant plus de 8 ans, chargé d'activités juridiques relatives aux communications électroniques et au droit de la concurrence.



Il estime qu'il remplit les conditions à une intégration directe dans le barreau de Paris telles que posées par l'article 98 4° du 27 novembre 1991. Il fait valoir que la décision entreprise est insuffisamment motivée, qu'elle repose sur une interprétation restrictive, erronée et discriminatoire de l'article 98 4° contraire au droit européen, en prenant en compte exclusivement l'expérience et l'ancienneté acquises au sein de la fonction publique française. Il fait valoir que la dérogation suppose une connaissance effective et suffisante du droit national par le candidat à l'intégration et que l'expérience juridique acquise au sein de la Commission européenne est pertinente puisque le droit de l'Union fait partie de l'ordre juridique interne français de sorte que la discrimination fondée sur la nationalité n'est pas légitime.



Le conseil de l'ordre soutient au contraire que les fonctions visées par l'article 98 4° sont implicitement celles exercées par des fonctionnaires, anciens fonctionnaires ou personnes assimilées aux fonctionnaires de la fonction publique française. Il fait valoir que l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 qui organise un mode d'accès dérogatoire à la profession d'avocat, est d'interprétation stricte et il rappelle que ses dispositions comme celles de l'article 97, sont prises en application de l'article 11-2° et 3° de la loi du 31 décembre 1991 et qu'elles visent toutes des situations françaises. Il conclut que M. [Z] qui n'a jamais fait partie de la fonction publique française ne remplit pas les conditions requises par l'article 98 4°.



L'article 11-1° de la loi du 31 décembre 1971 dispose que nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il n'est pas notamment titulaire d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat (CAPA).



L'article 98 du décret du 27 novembre 1971 permet un accès direct au barreau sans formation théorique et pratique et sans CAPA à certaines personnes à raison notamment de l'expérience professionnelle acquise dans des fonctions juridiques. Les dispositions de ce texte étant dérogatoires aux règles d'accès à la profession fixées par la loi, doivent être interprétées strictement.



La dispense de formation et d'examen implique que le candidat à l'accès direct ait acquis les connaissances nécessaires dans l'exercice d 'une pratique professionnelle donnée et sur une durée suffisante en l'espèce fixée à 8 ans mais encore faut-il qu'il ait été amené à appliquer le droit local.



Ainsi les termes de l'article 98 4° : 'les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie ayant exercé en cette qualité... dans une administration ou un service public ou une organisation internationale' doit se comprendre comme étant des fonctionnaires de la fonction publique française et il ne se déduit pas des termes 'personnes assimilées' ou 'organisation internationale' une volonté d'étendre ces conditions dérogatoires d'accès à la profession d'avocat à des personnes dont le statut, même s'il est proche du statut de la fonction publique française, n'implique pas l'application du droit français qui, s'il intègre nombre de règles européennes, conserve sa spécificité et ne se limite pas à ces dernières.



Par ailleurs, cette exigence ne crée pas de discrimination illégitime et disproportionnée dès lors que la condition d'appartenance à la fonction publique française vise à assurer la connaissance effective du droit national par les impétrents admis à exercer la profession et répond à la nécessité impérieuse d'intérêt général de garantir au justiciable une défense pertinente et efficace, et que par ailleurs les personnes originaires de l'Union européenne ou d'Etats extérieurs peuvent accéder à la profession d'avocat en France dès lors qu'elles justifient de leur aptitude à exercer celle-ci conformément aux conditions générales fixées par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971.



La décision de refus du conseil de l'ordre doit donc être confirmée et le recours de M. [Z] sera rejeté.







PAR CES MOTIFS



Confirme la décision du conseil de l'ordre du barreau de Paris du 30 septembre 2014,



Condamne M. [Z] aux dépens.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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