19 novembre 2015
Cour d'appel de Versailles
RG n° 14/07860

14e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 00A



14e chambre



ARRÊT N°



contradictoire



DU 19 NOVEMBRE 2015



R.G. N° 14/07860



AFFAIRE :



[K] [N]

...



C/

Société TOUCHET IMMOBILIER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège









Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 15 Octobre 2014 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° RG : 2014R307



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :



Me Pierre GUTTIN



Me Franck LAFON



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [K] [N]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 2]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 623 - N° du dossier 14000427

assisté de Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS



SA A2BCD, agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié de droit en cette qualité au siège social

N° SIRET : 304 497 183

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Pierre GUTTIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 623 - N° du dossier 14000427

assistée de Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS





APPELANTS

****************





Société TOUCHET IMMOBILIER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 452 085 509

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 618 - N° du dossier 20140492

assistée de Me Laurent TIXIER, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Octobre 2015, Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,

Madame Véronique CATRY, conseiller,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE






FAITS ET PROCÉDURE,



La société [C] Immobilier (la société [C]) exerce depuis 2004 l'activité d'administrateur de biens.



M. [N] a été engagé par la société [C] le 25 septembre 2007 en qualité de 'gestionnaire de portefeuille de syndicat et responsable du service location'. Il gérait 47 copropriétés dans le département des Yvelines.



M. [N] a démissionné le 18 juin 2013 à effet du 18 septembre 2013.



Il est entré en collaboration avec la société A2BC.



Considérant que M. [N] avait procédé à un démarchage déloyal de plusieurs copropriétés qu'il gérait antérieurement, la société [C] a saisi le président du tribunal de commerce de Versailles d'une requête aux fins de constat.



Par une ordonnance du 7 mai 2014, modifiée le 16 mai 2014 en raison de la nécessité de procéder au changement de l'huissier de justice instrumentaire, le président du tribunal de commerce de Versailles, saisi sur requête de la société [C], a commis un huissier de justice pour se rendre au siège social de la société A2BCD à [Localité 1] et en tout lieu utilisé dans le cadre de son activité pour se faire remettre par M. [N] et/ou par la société A2BCD le contrat de travail conclu entre M. [N] et la société et rechercher tout document papier ou numérique susceptible de mettre en évidence toute relation entre M. [N], la société A2BCD et les copropriétés anciennement gérées par M. [N] pour le compte de la société [C] listés dans un document remis à l'huissier de justice.



Les opérations de constat se sont déroulées le 13 juin 2014. Des documents ont été appréhendés dans les locaux de la société A2BCD.



La société [C] a demandé la mainlevée du séquestre et la remise des documents appréhendés par l'huissier de justice.



Par acte séparé, la société A2BCD et M. [N] ont sollicité la rétractation de l'ordonnance sur requête.



Les instances ont été jointes.



Par une ordonnance du 15 octobre 2014, le juge des référés :



- s'est déclaré compétent ;



- a rejeté les demandes de rétractation ;



- a prononcé un sursis à statuer sur la demande de mainlevée du séquestre formée par la société [C].



Le 30 octobre 2014, la société A2BCD et M. [N] ont relevé appel de l'ordonnance.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 septembre 2015.






PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES,



Aux termes de leurs dernières conclusions, reçues au greffe le 17 septembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, la société A2BCD et M. [N] demandent à la cour :



- de dire que le président du tribunal de commerce de Versailles était incompétent ratione materiae au profit du président du tribunal de grande instance ;



- de rétracter en conséquence les ordonnances des 7 et 16 mai 2015 ;



- d'ordonner à l'huissier de justice de restituer l'ensemble des documents et données appréhendés ;



- de dire qu'aucune copie ne pourra être conservée ou utilisée ;



A titre subsidiaire :



- de juger que les circonstances n'exigeaient pas que la mesure sollicitée soit prise non contradictoirement ;



- de rétracter en conséquence les ordonnances des 7 et 16 mai 2015 ;



- d'ordonner à l'huissier de justice de restituer l'ensemble des documents et données appréhendés ;



- de dire qu'aucune copie ne pourra être conservée ou utilisée ;



- de condamner la société [C] au paiement de la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Aux termes de ses dernières conclusions, reçues au greffe le 3 juillet 2015, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens soulevés, la société [C] demande à la cour :



- de dire le président du tribunal de commerce compétent pour statuer sur la requête ;



- de confirmer l'ordonnance entreprise qui a rejeté les demandes de rétractation ;



- d'ordonner la mainlevée du séquestre et la remise à la société [C] de l'intégralité des pièces appréhendées par l'huissier de justice ;



- de condamner la société A2BCD et M. [N] à verser chacun et solidairement à la société [C] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




MOTIFS DE LA DÉCISION,



L'article 145 du code de procédure civile énonce :



' S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.





I - Sur le moyen pris de l'incompétence matérielle du tribunal de commerce



La société A2BCD et M. [C] soutiennent que, dès lors que la requête déposée par la société [C] était dirigée à la fois contre la société A2BCD et contre M. [N], au motif que ce dernier aurait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de son ancien employeur dont il a démissionné le 17 juin 2013, c'est à tort que la société [C] a cru pouvoir déposer une requête unique qui visait personnellement M. [C], non commerçant, entre les mains du président du tribunal de commerce, matériellement incompétent pour connaître du litige qui pourrait opposer la société [C] à M. [N].



Le juge des requêtes peut cependant ordonner, sur le fondement de l'article 145 précité, une mesure d'instruction avant tout procès, dès lors que le litige est de nature à relever, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence de la juridiction à laquelle il appartient (en ce sens Civ.2ème, 7 juin 2012, Bull. II, pourvoi n° 11-15.490).



La requête unique présentée au président du tribunal de commerce par la société [C] expose que celle-ci tend à voir conserver, avant tout procès, la preuve de l'ensemble des agissements anticoncurrentiels de M. [N] et de la société A2BCD.



Aux termes de cette requête, les faits reprochés à M. [N] le sont en sa qualité d'ancien salarié de la société [C] et d'ancien gestionnaire de copropriétés déloyalement détournées.



Quant à la société A2BCD, il lui est fait grief d'avoir embauché M. [N] dans le but de s'accaparer la clientèle de la société [C] avec laquelle elle se trouve en concurrence.



Ces agissements sont susceptibles de relever pour partie de la compétence au fond du tribunal de commerce, peu important qu'une partie des faits litigieux aient pu être commis par M. [N] en sa qualité de salarié.



Le premier juge a en outre relevé à juste titre que la mise en cause de M. [N] était justifiée non seulement par sa qualité d'ancien salarié de la société [C], mais aussi par sa présence dans les locaux de la société A2BCD.





Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a écarté l'exception d'incompétence matérielle qui lui était soumise au profit du président du tribunal de grande instance.





II - Sur l'existence d'un motif légitime



S'agissant de la contestation de l'existence d'un motif légitime, les appelantes ne font pour l'essentiel que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.



En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour considère que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.



Il sera seulement ajouté que la circonstance que certaines copropriétés ont été insatisfaites des services de la société [C] et qu'elles se seraient tournées, pour ce motif, et de façon non exclusive, vers d'autres administrateurs de biens ou encore qu'il aurait existé des dysfonctionnements au sein de la société [C] l'ayant notamment conduite à fermer son agence de Meulan, n'est pas de nature à priver de crédibilité les faits articulés par la société [C] qui souligne à nouveau, ainsi que le premier juge l'a relevé, la concomitance entre la démission de M. [N] et la défection de grosses copropriétés gérées par lui au sein de la société [C],



Le débat que propose d'engager les appelantes relèvent du -ou des juges - du fond appelé le cas échéant à statuer sur le litige opposant la société [C] à la société A2BCD et à M. [N].



L'ordonnance sera dès lors confirmée en ce qu'elle a retenu que la société [C] disposait d'un motif légitime à obtenir l'instauration d'une mesure d'instruction.





III - Sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction



La requête énonce que le risque serait grand que M. [N] et la société A2BCD ne mettent à profit le temps d'un débat judiciaire contradictoire pour faire disparaître tous documents compromettant.



L'ordonnance qui l'a accueillie retient à son tour avec pertinence qu'un effet de surprise est nécessaire pour empêcher la disparition des preuves et que le recours à une procédure non contradictoire constitue le seul moyen de rendre efficaces les mesures ordonnées.



Il est ainsi justifié tant dans la requête que dans l'ordonnance de la nécessité de déroger aux exigences de la contradiction.



Il convient dans ces conditions de confirmer l'ordonnance qui a ordonné des mesures légalement admissibles, dans les conditions prévues par la loi, rappel étant fait que l'article 146 du code de procédure civile, invoqué par les appelantes, est sans application lorsque le juge est saisi sur le fondement de l'article 145 du même code.





IV - Sur les autres demandes



Le président du tribunal de commerce ne s'est pas dessaisi de la demande de mainlevée de la mesure de séquestre pour laquelle il a ordonné un sursis à statuer.



Il n'y a pas eu dévolution du chef de cette demande sur laquelle le premier juge ne s'est pas prononcé.



La demande de la société [C] tendant à voir ordonner la mainlevée du séquestre ne peut dès lors être accueillie.



Il sera enfin fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société [C].









PAR CES MOTIFS,



La cour,



Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,



CONFIRME l'ordonnance entreprise ;



DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée du séquestre dont demeure saisi le premier juge ;



CONDAMNE in solidum la société A2BCD et M. [N] à payer à la société [C] la somme de 3000 euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



REJETTE toute autre demande ;



DIT que la société A2BCD et M. [N] supporteront la charge des dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier,Le président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.