20 novembre 2015
Cour d'appel de Paris
RG n° 14/09557

Pôle 2 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2015



(n° 2015-304 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/09557



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Février 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 11/14241





APPELANTS



Monsieur [L] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]/ France

né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2]



Représenté et assisté par Me François JACQUOT de la SELURL CABINET FRANCOIS JACQUOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2060



Monsieur [S] [Z]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]



Représenté et assisté par Me Elodie MAUMONT de la SELARL MDMH, avocat au barreau de PARIS, toque : C2410



Association SPIRITUELLE DE L'EGLISE DE SCIENTOLOGIE CELEBRITY CENTRE (ASES-CC)

Agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Michel RAGOT, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Michel DE GUILLENCHMIDT, avocat au barreau de PARIS, toque R 125





INTIMÉE



Association UNADFI

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Olivier MORICE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0546

Assistée de Me Meriem KHELLADI-REINAERTS du CABINET OLIVIER MORICE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 546







COMPOSITION DE LA COUR :



Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, ayant été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère



qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE







ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente et par M Guillaume LE FORESTIER, greffier.








FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :



Par jugement du 27 octobre 2009, la 12 ème chambre du tribunal de grande instance de Paris a condamné l'Association Spirituelle de l'Eglise de Scientologie (ASES-CC), la société SEL, M. [S] [Z], M. [L] [Y] à des peines délictuelles pour des faits d'escroquerie en bande organisée commis entre 1997 et 1999 mais a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l' Union Nationale des Associations des Familles et de l'Individu Victimes des Sectes (UNADFI) au motif que, si elle avait modifié ses statuts le 7 décembre 2004, son objet étant devenu conforme à l'article 2-17 du code de procédure pénale, elle ne satisfaisait pas à la condition d'antériorité prévue par la loi, aux termes de laquelle l'objet défini selon le critère légal doit avoir été déclaré au moins 5 ans avant la date des faits incriminés.



Appel a été interjeté de cette décision par les parties condamnées et par l'UNADFI. Par arrêt du 2 février 2012, la cour d'appel de Paris a confirmé les condamnations prononcées et l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de l'UNADFI, celle-ci ne constituant pas une association familiale au sens de l' article L211-1 du code de l'action sociale. Elle avait préalablement, par neuf arrêts rendus en novembre 2011, rejeté plusieurs demandes de transmission de questions prioritaires de constitutionnalité sollicitées par les parties condamnées.



Par arrêt du 16 octobre 2013, la Cour de cassation a rejeté les différents pourvois formés par les parties condamnées contre l'arrêt précité du 2 février 2012 et le pourvoi de l'UNADFI relativement à l'application tant de l'article 2 du code de procédure pénale que des articles L211-1 et L211-3 du code de l'action sociale.



Par ailleurs, l'association ASES-CC, M. [Y] et M. [Z] ainsi que la société SEL ont introduit devant le tribunal de grande instance de Paris des actions en responsabilité à l'encontre de l'UNADFI afin d'obtenir réparation du préjudice moral résultant d'un abus de droit, lui étant reproché de s'être constituée partie civile dans l'instance pénale, tant en premier ressort qu'en appel, alors qu'elle savait que sa constitution n'était pas recevable.



Par jugement contradictoire rendu le 20 février 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

-Ecarté des débats la pièce n°38 (ordonnance de règlement du 16 octobre 2012) produite par l'association UNADFI ;

-Dit et jugé l'association ACES-CC, la société SEL, M.[L] [Y], M. [S] [Z] mal fondés en leurs demandes ; les en a déboutés ;

-Dit et jugé l'association UNADFI mal fondée en ses demandes reconventionnelles ; l'en a déboutée ;

-Condamné l'association ACES-CC, la société SEL, M. [L] [Y], M. [S] [Z] à payer chacun à l'UNADFI la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Rejeté toutes autres demandes ;

-Condamné l'association ACES-CC, la société SEL, M.[Y], M.[Z] aux dépens, qui pourront à la demande des avocats être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



Pour l'essentiel, le tribunal a dit que 'Le droit d'ester en justice ne peut être sanctionné que s'il dégénère en abus manifeste, procède de la mauvaise foi ou d'une erreur grossière équivalent au dol', qu'un tel abus n'est pas caractérisé dans le cadre de l'instance qui s'est déroulée devant le tribunal correctionnel de Paris dès lors qu'il est présomptueux d'affirmer a priori, avant toute décision de la juridiction de jugement saisie de la cause, qu'un texte, en l'occurrence l'article 2-17 du code de procédure pénale, même imposant des délais conditionnant la recevabilité d'une action, n'était sujet à aucune interprétation possible, qu'aucun autre fondement juridique n'était envisageable et que tout recours à justice de l'association relevait nécessairement d'une intention dolosive ou d'une erreur grossière et que s'agissant de la poursuite de l'instance devant la cour d'appel, il n'existait à cette époque aucune jurisprudence bien établie sur la recevabilité de la constitution de partie civile de l'UNADFI tant sur le fondement de l'article 2-17 du code de procédure pénale que sur celui de l'article L211-1du code de l'action sociale.



L'ASES-CC, M. [Y] et M. [Z] ont fait appel de ce jugement par déclarations déposées respectivement les 9 mai 2014, 9 septembre 2014 et 1er septembre 2014.



Au terme de ses conclusions 'récapitulatives en réplique' signifiées le 25 novembre 2014, l'ASES-CC demande à la cour de :

-la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

-dire que la constitution de partie civile de l'UNADFI lors de l'audience correctionnelle du 25 mai 2009 devant la 12ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris ainsi que l'exercice, par cette même association, du droit d'appel à l'encontre du jugement rendu le 27 octobre 2009 par la 12ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, constituent un abus de droit fautif engageant sa responsabilité et ayant causé un préjudice à l'ASES-CC ;

-infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 20 février 2014, en ce qu'il a rejeté les demandes de l'ASES-CC tendant à la mise en jeu de la responsabilité civile de l'UNADFI sur le fondement de l'abus du droit d'ester en justice ;



-infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à l'UNADFI la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

-confirmer le jugement rendu le 20 février 2014, en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes reconventionnelles de l'UNADFI ;

en conséquence,

-condamner l'UNADFI à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison de la faute commise ;

-ordonner à titre de mesure de réparation, la publication du dispositif de la décision à intervenir, précédé du titre « Condamnation judiciaire pour abus de droit » :

* sur le site Internet de l'UNADFI à l'adresse : http://www.unadfi.org,

(ou toute autre adresse principale et usuelle de cette association à la date du prononcé de la condamnation) pendant une durée de trois mois ;

* dans le périodique « Bulletin de Liaison et d'Etudes des Sectes » dit « BULLES» publié trimestriellement par l'UNADFI ;

-condamner l'UNADFI au paiement d'une amende civile de 3 000 € en application de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

-condamner l'UNADFI à lui payer la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner l'UNADFI aux entiers dépens dont distraction requise au profit de Maître Michel de Guillenchmidt ;

-rejeter l'intégralité des demandes reconventionnelles de l'UNADFI.



Selon conclusions signifiées le 25 novembre 2014, M. [Y] sollicite de la cour qu'elle :

-le déclare recevable et bien fondé en son action;

-confirme le jugement dont appel en ce qu'il dit que la pièce n°38 produite par l'UNADFI devant tribunal de grande instance doit être écartée des débats ;

et réformant le jugement dont appel, qu'elle :

-dise que l'exercice du droit d'appel et le maintien de ce recours par l'UNADFI, à l'encontre du jugement rendu le 27 octobre 2009 par la 12 ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, sont constitutifs d'abus de droit engageant sa responsabilité et ayant causé préjudice à M. [L] [Y] ;

En conséquence, qu'elle :

-condamne l'UNADFI à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la faute qu'elle a commise ;

-ordonne, à titre de mesure de réparation, la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir après anonymisation de l'identité d'[L] [Y], et précédé du titre « condamnation judiciaire pour abus de droit » :

*sur le site internet de l'UNADFI à l'adresse : http://www.unadfi.org/ en page d'accueil de ce site et en caractère 13, pendant une durée de 3 mois, passé un délai de 48 heures après la signification de l'arrêt et ce, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard et par infraction à ladite contrainte,

*dans le premier numéro suivant la signification de l'arrêt à intervenir du périodique BULLES « Bulletin de Liaison et d'Etude des sectes » publié trimestriellement par l'UNADFI en page 1 dudit périodique et en caractère 13 ;

-condamne l'UNADFI à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dise que les écrits soulignés suivants figurant dans les dernières conclusions récapitulatives de l'UNADFI produites devant le tribunal de grande instance sont diffamatoires et injurieux à l'encontre de M. [Y] et que le tribunal aurait dû en ordonner la suppression :

- "Les demandeurs ne sauraient ignorer l'existence de ces décisions et omettent volontairement de les mentionner, ce qui ne fait que caractériser leur volonté délibérée et inlassable de porter atteinte aux intérêts et à l'image de l'UNADFI, dont il sera rappelé qu'il s'agit d'une association reconnue d'utilité publique et dont le travail quotidien aux côtés des victimes de sectes ne peut être sérieusement remis en cause".

- "En outre, ils indiquent avec une parfaite mauvaise foi que la présence de l'UNADFI les contraint à se défendre contre elle, alors que l'accusation est soutenue en matière pénale par le Ministère Public et aucunement par la partie civile.

A ce titre, il est pour le moins scandaleux de venir reprocher à l'UNADFI des « mensonges éhontés » lorsque Monsieur [Y] n'hésite pas à dissimuler la réalité avec tant de mauvaise foi.";

-condamne l'UNADFI au paiement d'une amende civile en application de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

-condamne l'UNADFI aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL cabinet François Jacquot, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

-déboute l'UNADFI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.



Selon conclusions signifiées le 4 décembre 2014, M. [Z] forme devant la cour les demandes suivantes ;

-le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

-infirmer le jugement en ce qu'il a dit mal fondées ses demandes ;

et statuant à nouveau,



-dire que l'exercice du droit d'appel par l'UNADFI à l'encontre du jugement rendu le 27 octobre 2009 par le tribunal de grande instance de Paris est constitutif d'un abus de droit engageant sa responsabilité et lui ayant causé préjudice ;

en conséquence ;

-condamner l'UNADFI à lui verser le somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;

-ordonner à titre de mesure de réparation, la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans les mêmes conditions que celles réclamées par M. [Y] ;

-condamner l'UNADFI au paiement d'une amende civile en application de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

-condamner l'UNADFI à lui verser 'la somme de 7 000 € (CINQ MILLE EUROS)' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de l'UNADFI et l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

-rejeter comme irrecevable et constituant une prétention nouvelle la demande formulée par l'UNADFI au titre de son appel incident et tendant à la condamnation de M. [Z] à titre reconventionnel, cette dernière demande n'ayant pas été reprise par l'UNADFI aux termes de ses dernières conclusions de première instance ;

Subsidiairement et le cas échéant,

-débouter l'UNADFI de ses demandes reconventionnelles et de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions.



Selon conclusions signifiées le 8 septembre 2015, l'UNADFI qui forme appel incident sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses disposions sauf à infirmer celles qui écartent des débats la pièce n°38 qu'elle produit, qui rejettent ses demandes reconventionnelles et ses demandes tendant à la suppression des propos injurieux et diffamatoires tenus par M. [Y], et statuant à nouveau, demande à la cour de :

-prononcer une amende civile à l'encontre de chacun des appelants ;

-dire que l'action engagée par les appelants constitue une faute au sens de l'article 1382 du code civil ;

-condamner chacune des parties appelantes à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;

-ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, précédé du titre « Condamnation de l'Association Spirituelle de l'Eglise de Scientologie ' ie ' Celebrity Centre pour son action en justice fautive à l'égard de l'UNADFI» pendant 6 mois et aux frais exclusifs de l'ASES-CC, sous astreinte de 500€ par jour et par infraction à ladite contrainte :

* en page d'accueil du site internet officiel de l'ASES-CC : http://www.celebritycentreparis.com

* en page d'accueil de la revue Ethique et Liberté : http://www.ethique-liberte.org

* dans le premier numéro suivant la signification du jugement à intervenir de la version papier de la revue Ethique et Liberté, en première page et en caractère 13 ;

-dire que la suppression des écrits soulignés suivants, diffamatoires et injurieux à l'encontre de l'UNADFI et de Madame [O] sa présidente aurait dû être ordonnée par le tribunal :

« Cette demande est le fruit de l'arrogance d'une association présente à tous les niveaux de l'Etat, se sachant soutenue par la MIVILUDES et le Ministère de la Justice assurant depuis plus de 13 ans des formations aux magistrats du siège, et que tous les ministères importants, y compris le Premier Ministre, financent à coût de centaines de milliers d'euros».

« Cette association qui, de fait, constitue un démembrement administratif de l'Etat, fait preuve d'un sentiment d'impunité qui lui permet de se constituer partie civile pendant trente ans sans avoir jamais été reconnue recevable et de poursuivre dans cette voie comme si de rien n'était ».

« Lorsque le Chef de Cabinet du Premier Ministre semble s'inquiéter que la Présidente de cette association puisse hausser le ton à son encontre, on mesure l'égo et le sentiment de toute puissance qui anime l'UNADFI » ;

-condamner chacune des parties appelantes à lui verser la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner solidairement les parties appelantes aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Olivier MORICE, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



La société Scientologie Espace Librairie (SEL), partie au litige en première instance, n'a pas fait appel du jugement rendu le 20 février 2014 et n'a pas été intimée devant la cour.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 septembre 2015.



En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.



Ceci étant exposé , la cour :



Sur la production aux débats de la pièce n°38 présentée par l'UNADFI :



La décision des premiers juges qui ont refusé la production aux débats de la pièce n°38 présentée par l'UNADFI doit être confirmée dès lors que la cour constate, tout comme eux, que cette pièce qui est constituée par une ordonnance du juge d'instruction du 16 octobre 2012 dans une affaire concernant l'UNADFI et des tiers au présent litige est sans rapport ni intérêt établi avec la présente instance.



Sur l'abus d'ester en justice :



L'action en justice, comme l'exercice du droit d'appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable.



Devant le tribunal correctionnel, l'UNADFI a entendu se constituer partie civile sur un unique fondement, celui de l'article 2-17 du code de procédure pénale dans sa version applicable au jour du jugement (27 octobre 2009) qui dispose que 'Toute association reconnue d'utilité publique régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs peut, à l'occasion d'actes commis par toute personne physique ou morale dans le cadre d'un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter une sujétion psychologique ou physique, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions (L. no 2004-800 du 6 août 2004, art. 31) «contre l'espèce humaine,» d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens prévues par les articles (L. no 2004-800 du 6 août 2004, art. 31) «214-1 à 214-4,» 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3 (L. no 2004-800 du 6 août 2004, art. 31) «, 324-1 à 324-6 et 511-1-2» du code pénal, les infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie prévues par les articles L. 4161-5et L 4223-1 du code de la santé publique, et les infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications prévues par les articles L 121-6 et L 213-1 à L 213-4 du code de la consommation.

Dès lors que les faits soumis au tribunal correctionnel ont été commis en 1997,1998 et 1999 et que les statuts de l'UNADFI ont été modifiés par l'assemblée générale extraordinaire du 7 décembre 2004 puis annexés à l'arrêté ministériel du 22 novembre 2005 afin de remplir les critères posés par l'article 2-7 du code de procédure pénale, une simple confrontation des dates permettait de constater que l'association ne remplissait pas la condition du délai de 5 ans imposée par le même article.

L'application de ce délai à l'UNADFI ne comportait aucune difficulté d'interprétation et de fait, le tribunal correctionnel a retenu cette irrecevabilité par des motifs explicites, sans avoir à trancher sur un point de droit litigieux. L'association qui, dans le cadre de précédentes instances, avait déjà été déclarée irrecevable à agir sur le fondement de l'article 2-7 du code de procédure pénale avant qu'elle ne modifie ses statuts, avait une parfaite connaissance de l'état du droit positif à l'élaboration duquel elle avait participé par la voix de sa présidente, Madame [O], qui était le rapporteur auprès de l'Assemblée nationale de la loi dite 'About-Picard' du 12 juin 2001. C'est ainsi que le 26 novembre 2009 à l'occasion d'un colloque, Madame [O] a pu affirmer que l'UNADFI ferait appel du jugement du 27 octobre 2009 'même si sa demande sera rejetée puisque les faits sont antérieurs à la loi About-Picard. A priori nous ne pouvons pas nous porter parties civiles. Mais pour l'exemple et pour le symbole, nous irons en appel.'

Enfin, l'UNADFI ne peut sérieusement soutenir que la jurisprudence n'était pas établie à la date du jugement en l'absence d'arrêt rendu par la Cour de cassation dès lors que l'article 2-7 ne permet qu'une seule lecture s'agissant de dispositions claires et précises relatives à la condition d'antériorité.

Ainsi, il y a lieu de juger que l'UNADFI a fait preuve d'une mauvaise foi manifeste en se constituant partie civile sur le fondement de l'article 2-7 du code de procédure pénale dans l'instance pendante devant le tribunal correctionnel et qu'elle a de ce fait commis un abus du droit d'ester en justice.



L'UNADFI a fait appel de ce jugement le 9 novembre 2009 et prenant acte de la motivation parfaitement claire du tribunal correctionnel sur l'irrecevabilité de sa constitution de partie civile, a modifié le fondement juridique de sa demande en visant les articles 2 du code de procédure pénale et L211-3 du code de l'action sociale.

En faisant appel à ces textes, l'UNADFI savait pertinemment pour en avoir déjà subi les conséquences dans des décisions antérieures, que sa constitution de partie civile serait déclarée irrecevable sur l'un comme sur l'autre de ces fondements. En effet, selon un jurisprudence bien établie, l'article 2 ne permettait pas sa constitution de partie civile en l'absence de préjudice direct et personnel subi par elle, cette position ayant été rappelée à de multiples reprises par les tribunaux de sorte qu'a été ajouté au code de procédure pénale l'article 2-7 dans le but de déclarer recevables, sous certaines conditions, les constitutions de partie civile de certaines associations dont l'UNADFI. S'agissant du fondement de l'article L211-3 du code de l'action sociale et des familles, son application était conditionnée à la qualification de l'UNADFI en 'association familiale' au sens de l'article L211-1 du même code ; or, l'UNADFI s'était toujours vue refuser cette qualification dans le cadre d'instances antérieures, à l'exception d'une décision isolée rendue par le tribunal de grande instance de Chambéry en 2000.

Il s'ensuit qu'en choisissant de tels fondements qu'elle savait inévitablement voués à l'échec, l'UNADFI a fait preuve de mauvaise foi et a abusé de son droit d'agir en justice. Sa mauvaise foi est au demeurant parfaitement illustrée par les déclarations faites par Madame [O], le 26 novembre 2009, à l'occasion d'un colloque, aux termes desquelles elle a affirmé que l'UNADFI ferait appel du jugement du 27 octobre 2009 'même si sa demande sera rejetée puisque les faits sont antérieurs à la loi About-Picard. A priori nous ne pouvons pas nous porter parties civiles. Mais pour l'exemple et pour le symbole, nous irons en appel.'

Dans ces conditions, l'abus de droit d'ester en justice étant établi à l'encontre de l'UNADFI, le jugement déféré doit être infirmé.



En dernier lieu, M. [Z] soutient que Madame [X] [O], présidente de l'UNADFI, ne justifie d'aucun mandat lui accordant le pouvoir de faire appel des dispositions du jugement rendu le 27 octobre 2009 le concernant.

Toutefois, la déclaration d'appel est régulière au regard des statuts de l'UNADFI dont l'article 9 énonce que le président représente l'association dans tous les actes de la vie civile, l'article 2 prévoyant que les moyens d'action de l'association sont entre autres «l'exercice devant les juridictions de toute action en justice qu'elle jugera nécessaire à la réalisation de ses buts » ; que la déclaration d'appel et partant, l'appel de l'UNADFI, conforme aux statuts, ont été valablement engagés. Il s'ensuit qu'aucun abus du droit de faire appel n'a été commis par l'UNADFI au regard de la validité du recours.



Sur la réparation des préjudices :



Les parties appelantes font essentiellement valoir qu'en se constituant partie civile de manière artificielle, l'UNADFI a obtenu les mêmes droits que toute autre partie au procès correctionnel, a pu accéder à des pièces relatives à la vie privée des personnes physiques, s'est comporté comme un accusateur, a exercé une influence négative et délétère sur le cours du procès en dénigrant systématiquement l'ASES-CC qu'elle a présentée comme étant une secte et a porté atteinte à leur droit à un procès équitable.

Mais s'il est certain que la présence de l'UNADFI a influencé le déroulement du procès et le fond des débats, ce qui était le but de sa constitution de partie civile si l'on s'en tient aux déclarations sus visées de Madame [O], il doit être relevé que les instances devant le tribunal correctionnel comme devant la cour d'appel sont intervenues dans un contexte déjà ancien de belligérance entre l'UNADFI et l'ASES-CC et d'interrogation de l'opinion publique sur la nature de l'ASES-CC de sorte que les juges professionnels n'ont pas pu se laisser abuser par les positions de l'UNADFI. Par ailleurs, à la date de ces instances, la loi dite 'About-Picard' du 12 juin 2001 était entrée en vigueur et avait notamment pour but de permettre les constitutions de partie civile de certaines associations reconnues d'utilité publique se proposant par leurs statuts de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs. L'intention du législateur était bien de permettre qu'un débat 'de société' s'engage à l'occasion de procès individuels et que l'opinion publique soit éclairée sur les agissements de tel ou tel groupe susceptible de porter gravement atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Par conséquent, l'UNADFI qui s'est vue refuser de se constituer partie civile dans les instances dont s'agit en raison du délai d'antériorité de 5 ans aurait vocation à mener un tel débat dans des procès portant sur des faits identiques mais commis plus de 5 ans après la modification de ses statuts de sorte que si les appelants sont bien fondés dans le principe à invoquer une faute de l'UNADFI, leur préjudice moral sera justement réparé par l'octroi à chacun d'eux de la somme de 3 000 €.



Au vu de l'état du droit positif, la demande à titre de réparation de publication du dispositif du présent arrêt sur le site internet de l'UNADFI ainsi que dans son journal périodique ne se justifie pas.



Sur les autres demandes :



Il résulte des éléments de la cause que l'UNADFI n'a commis aucun abus de droit au sens de l'article 32-1 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance introduite par l'ASES-CC, M. [Y] et M. [Z] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation des préjudices résultant pour eux des constitutions de partie civile de l'UNADFI dans le cadre d'une autre instance. La demande d'amende civile formée par M. [Z], M. [Y] et l'ASES-CC sera rejetée.



Les demandes d'indemnisation formées par l'UNADFI pour la première fois en cause d'appel sur le fondement de l'article 1382 à raison de l'attitude de l'ASES-CC, M. [Y] et M. [Z] qui n'ont de cesse de l'affaiblir par l'introduction d'actions judiciaires et l'utilisation de voies de recours constituent des demandes nouvelles qui à ce titre, en application de l'article 564 du code de procédure civile, sont irrecevables.



Compte tenu du sens de la présente décision, les demandes d'amende civile formées par l'UNADFI à l'encontre de chacun des trois appelants seront rejetées.



L'UNADFI et M. [Y] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à leurs demandes réciproques de retrait d'écritures en raison de leur caractère injurieux et diffamatoire.

Toutefois c'est par une exacte appréciation des écrits et de leur contexte ainsi que par une juste application de la loi que les premiers juges ont rejeté ces demandes, étant constaté que les conditions de la diffamation ou de l'injure posées par la loi du 29 juillet 1881 (article 29) ne sont pas réunies.



Il serait inéquitable de laisser à la charge de chacun des appelants les frais irrépétibles engagés pour la présente procédure tant en première instance qu'en appel. Il leur sera accordé à chacun la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



L'UNADFI qui succombe sur la demande principale supportera les dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



LA COUR



Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a écarté des débats la pièce n° 38 (ordonnance du juge d'instruction en date du 16 octobre 2012) produite par l'UNADFI ;



Statuant à nouveau,



Dit irrecevables les demandes d'indemnisation formées par l'UNADFI à l'encontre de l'association ASES-CC, de M. [L] [Y] et de M. [S] [Z] sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en application de l'article 564 du code de procédure civile ;



Dit que l'association UNADFI a commis une faute dans l'exercice de son droit d'ester en justice ;



Condamne l'association UNADFI à verser à l'association ASES-CC, à M. [L] [Y] et à M. [S] [Z] la somme de 3 000 € à chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices ;



Condamne l'association UNADFI à verser à l'association ASES-CC, à M. [L] [Y] et à M. [S] [Z] la somme de 4 000 €euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne l'association UNADFI aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SELARL Cabinet François Jacquot, de la SELARL MDMH et de Maître Michel de Guillenschmidt dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;



Rejette toutes les autres demandes.







LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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