10 décembre 2015
Cour d'appel de Douai
RG n° 15/03655

CHAMBRE 1 SECTION 2

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 10/12/2015



***



N° MINUTE :

N° RG : 15/03655



Ordonnance du Juge de la mise en état (N° 14/11087)

rendue le 29 Mai 2015

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : CPL/VC



APPELANTE

SA COMPAGNIE GERVAIS DANONE prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Dominique LEVASSEUR, membre de la SCP SCP DOMINIQUE LEVASSEUR-VIRGINIE LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Sophie HAVARD DUCLOS, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉS

SAS DAGNIAUX agissant poursuites et diligences de son représentant légal

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 1]

société en redressement judiciaire



Maître [K] [J] en sa qualité d'administrateur judiciaire de la Société DAGNIAUX

Demeurant

[Adresse 4]

[Localité 3]



Maître [L] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire de la Société DAGNIAUX

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentés par Me Bernard FRANCHI, membre de la SCP FRANÇOIS DELEFORGE-BERNARD FRANCHI, avocat au barreau de DOUAI

Assistés de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE, substitué à l'audience par Me Virginie PERDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 13 Octobre 2015, tenue par Christian PAUL-LOUBIERE magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christian PAUL-LOUBIERE, Président

Myriam CHAPEAUX, Conseiller

Sara LAMOTTE, Conseiller



ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Christian PAUL-LOUBIERE, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 octobre 2015




***



FAITS ET PROCÉDURE



Depuis le 1er janvier 2014, le Groupe Danone propose au public français un produit laitier innovant dénommé « DANIO ».



Cette dénomination a fait l'objet de nombreux dépôts de marques françaises, communautaires et internationales désignant, notamment, des produits laitiers.



Estimant que le signe « DANIO » portait atteinte aux droits antérieurs qu'elle détient sur les marques «glacier dagniaux depuis 1923» et «depuis 1923 dagniaux artisan glacier», la SAS DAGNIAUX a sollicité du président du tribunal de grande instance de Lille l'autorisation de faire procéder à une saisie-contrefaçon.



Autorisée par ordonnance présidentielle du 27 octobre 2014, la SAS DAGNIAUX a fait diligenter cette saisie-contrefaçon le 12 novembre 2014.



La SA GERVAIS DANONE a obtenu la rétractation intégrale de l'ordonnance en cause, par une décision du 2 juin 2015, laquelle a fait l'objet d'un appel de la part de [I] qui a assigné, au fond, la SA GERVAIS DANONE devant le tribunal de grande instance de Lille, par acte en date du 28 novembre 2014.



Avant toute défense au fond, la SA GERVAIS DANONE a soulevé devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille, l'exception d'incompétence de ce tribunal au profit du tribunal de grande instance de Paris.



Par ordonnance en date du 29 mai 2015, le juge de la mise en état a débouté la SA GERVAIS DANONE de son incident, et l'a condamnée à verser à la SAS DAGNIAUX la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



La SA GERVAIS DANONE a interjeté appel de cette décision par acte en date du 15 juin 2015.




Selon ses conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 28 septembre 2015, la SA GERVAIS DANONE demande à la cour de :



Vu les articles 74, 75 et 776 du Code de procédure civile,



Vu les articles L. 717-4 et R. 717-11 du Code de la propriété intellectuelle,



Vu l'article R. 211-7 du Code de l'organisation judiciaire, vu les pièces versées aux débats,



Il est demandé à la cour de bien vouloir :



' Déclarer la société Compagnie Gervais Danone recevable et bien fondée en ses conclusions d'appel ;



' Dire et Juger que les demandes de la société DAGNIAUX mettent en jeu des marques françaises mais également des marques communautaires et internationales désignant l'Union Européenne ;



' Dire et Juger qu'une mesure de nullité et d'interdiction prononcée à l'encontre des marques françaises de la société Compagnie Gervais Danone affecterait les droits d'occupation de celle-ci sur ses marques communautaires et enregistrements internationaux ;



En conséquence,



' Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de grande instance de Lille le 29 mai 2015 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Compagnie Gervais Danone ;



Et statuant à nouveau,



' Dire et Juger que seul le Tribunal de grande instance de Paris est compétent pour connaître des demandes de la société DAGNIAUX;



' Déclarer, par suite, le Tribunal de grande instance de Lille incompétent pour en connaître au profit du Tribunal de grande instance de Paris ;



' Condamner la société DAGNIAUX à payer à la société Compagnie Gervais Danone la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;



' Condamner la société DAGNIAUX aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Levasseur, sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.





Aux termes de ses conclusions récapitulatives, déposées par voie électronique le 24 septembre 2015, la SAS DAGNIAUX demande à la cour de :



Vu l'article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle,



Vu l'article D.211-6-1 du Code de l'organisation judiciaire,



Vu les articles 4 et 46 du Code de procédure civile,

DÉCLARER la société Dagniaux SA, Maître [K] [J], ès qualités d'Administrateur judiciaire, et Maître [L] [Y], ès qualités de Mandataire judiciaire, recevables et fondés en leurs conclusions ¿'intimés.



CONFIRMER, en toutes ses dispositions, l'Ordonnance rendue le 29 mai 2015 par le Juge de la mise en état près le Tribunal de Grande Instance de Lille, notamment en ce qu'elle a débouté la société Compagnie Gervais Danone SA de son exception d'incompétence.



Y ajoutant,



CONDAMNER la société Compagnie Gervais Danone SA à verser à la société Dagniaux SAS, Maître [K] [J], ès qualités d'Administrateur judiciaire, et Maître [L] [Y], ès qualités de Mandataire judiciaire, la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'art. 700 du Code de Procédure Civile.



CONDAMNER la société Compagnie Gervais Danone SA aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître [D] [S], sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.



Maître [K] [J] et Maître [L] [Y], respectivement Administrateur judiciaire et de Mandataire judiciaire de la société Dagniaux, sont intervenus en cause d'appel à la suite du jugement rendu le 5 août 2015 par le tribunal de commerce de Douai ayant prononcé la mise en redressement judiciaire de cette société.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 octobre 2015.






SUR CE,



Sur la demande :



Attendu que l'article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa dernière rédaction résultant de la Loi n°2011-525 du 17 mai 2011, dispose :

«Les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire». ;



Que la liste des juridictions spéciales, destinées à connaître des actions visées ci-dessus, a été établie en annexe de l'article D 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire, lequel désigne notamment le tribunal de grande instance de Lille comme juridiction exclusivement compétente dans le ressort de la cour d'appel de Douai ;



Que s'agissant spécifiquement des actions mettant en jeu des marques communautaires, les articles L. 717-4 et R. 717-11 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que l'article R. 211-7 du code de l'organisation judiciaire en réservent la compétence exclusive au tribunal de grande instance de Paris, l'article R. 211-7 du dernier code énonçant :« Le tribunal de grande instance compétent pour connaître des actions en matière de marques, dessins et modèles communautaires, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle, est celui de Paris.» ;



Attendu que selon la SA GERVAIS DANONE, tout litige, dont l'issue pourrait avoir une incidence sur la validité ou l'étendue des droits d'une partie sur une marque communautaire, doit être renvoyé devant le tribunal de grande instance de Paris ;



Que tel serait le cas de l'espèce où l'action a été engagée aux fins de nullité ou d'interdiction à l'encontre d'une marque française, faisant par ailleurs l'objet d'une marque identique, communautaire ou internationale désignant l'Union Européenne ;



Mais attendu que selon les dispositions d'ordre public des textes sus-énoncés, dont la lecture doit s'appréhender strictement, la compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris porte sur les « actions en matière de marques, dessins et modèles communautaires » ;



Que selon l'article 4 du code de procédure civile,  « l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense » ;



Attendu en l'espèce, que l'action intentée par la SAS DAGNIAUX vise à voir constater :



- la nullité des marques françaises : « Danio » n° 00 3 003 761, n° 02 3 173 484, n° 14 

4 063 165 et n° 14 4 063 186, pour les produits portant atteinte à ses droits antérieurs ;



- les actes de contrefaçon commis par la société Danone Gervais résultant de l'exploitation de ses marques françaises n° 14 4 063 165 et n° 14 4 063 186 ;



- la déchéance pour défaut d'exploitation sérieuse des marques françaises « Danio » n° 00 3 003 761 et n° 02 3 173 484 pour les produits et services visés aux dépôts. ;



Qu'ainsi le litige dont se trouve saisi le tribunal de grande instance de Lille ne porte que sur les droits détenus, tant pas la SA GERVAIS DANONE que par la SAS DAGNIAUX, sur des marques françaises ;



Et attendu que la décision à intervenir qui n'aura autorité de la chose jugée qu'à l'égard des seules marques françaises, et non des marques internationales ou communautaires, ne sera pas de nature à affecter les droits des titulaires sur les marques communautaires ou internationales désignant l'Union Européenne ;



Qu'en conséquence, la compétence du tribunal de grande instance de Lille apparaît fondée au regard de l'objet du litige et par application de l'article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle ;



Que l'ordonnance entreprise sera confirmée ;





Sur les frais irrépétibles de procédure et les dépens :



Attendu que tant l'équité que le sens de l'arrêt justifient de condamner la SA GERVAIS DANONE à payer à LA SAS DAGNIAUX la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Que la demande faite, au même titre, par l'appelante sera rejetée ;



Attendu que le sens de l'arrêt justifie de mettre les dépens en totalité à sa charge ;







PAR CES MOTIFS :



La cour,



Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,



Confirme l'ordonnance déférée,



Y ajoutant,



Condamne la SA GERVAIS DANONE à payer la somme de 3.000 € à la SAS DAGNIAUX, par application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la SA GERVAIS DANONE aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Bernard FRANCHI, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Déboute les parties de toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.



Le GreffierLe Président,









C. POPEKC. PAUL-LOUBIERE

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