2 février 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/01766

Pôle 5 - Chambre 8

Texte de la décision

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 02 FEVRIER 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01766



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Janvier 2015 -Juge commissaire DU Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013065547



APPELANT :



Direction Régionale des Finances Publiques d'Ile de France et du département de Paris

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Bérengère LAGRANGE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0800





INTIMEES :



SA COOPERATIVE D'EXPLOITATION DU LIVRE FRANCAIS

[Adresse 2]

[Localité 3]



SELAFA MJA prise en la personne de Maître [U] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coopérative d'Exploitation du Livre Français - CELF.

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentées par Me Luc MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0353



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré



Greffier, lors des débats : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY



Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.



ARRET :



- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.



Vu l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Paris en date du 6 janvier 2015 qui a rejeté en totalité la déclaration de créance de la Direction régionale des finances publiques de la région d'Ile de France et du département de Paris (DRFP) au passif de la procédure collective de la société CELF,



Vu l'appel relevé à l'encontre de cette ordonnance par la DRFP selon déclaration du 23 janvier 2015,



Vu les conclusions de la DRFP, signifiées le 7 juillet 2015, demandant à la cour de débouter la Selafa MJA de toutes ses prétentions, d'infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, statuant à nouveau d'admettre sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société CELF pour un montant en principal de 4.631.401,12 euros à titre définitif au titre des aides illégalement versées, de constater que le titre de perception du 23 octobre 2013 s'agissant des intérêts d'un montant de 10.375.749,03 euros a fait l'objet d'une réclamation contentieuse par la Selafa MJA, ès qualités, devant le tribunal administratif de Paris suivant requête enregistrée le 5 août 2014, d'ordonner la mention de l'arrêt à intervenir en marge de l'état des créances de la liquidation judiciaire de CELF par les soins du greffe et de condamner la Selafa MJA, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel,




Vu les conclusions de la Selafa MJA, prise en la personne de Maître [N], ès qualités de liquidateur judiciaire, et de la société Coopérative d'exportation du livre français (CELF) en date du 22 octobre 2015 qui demandent à la cour de confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, en conséquence, de déclarer la DRFP irrecevable en sa demande d'admission de créance au titre des aides d'état versées illégalement,en principal, pour la somme de 4.631.401,12 euros à titre définitif, cette créance ayant été rejetée aux termes d'une ordonnance du 1er décembre 2009 aujourd'hui définitive et de rejeter cette demande d'admission, de déclarer irrecevable la DRFP en sa nouvelle demande d'admission de créance au titre des intérêts afférents à ces aides sur la base d'un nouveau titre de perception pour la somme de 10.375.749,03 euros à titre définitif, de juger que cette demande a été tranchée par l'ordonnance définitive du juge-commissaire en date 1er décembre 2009 qui a constaté l'existence d'une instance en cours, de juger que par décision définitive du 29 avril 2013, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre de perception produit à l'appui de la déclaration de créance, de rejeter en conséquence la nouvelle demande d'admission sur la base d'un nouveau titre et, en tout état de cause, de condamner la DRFP aux entiers dépens.




SUR CE

La société CELF a été créée à l'initiative du ministère de la culture et du syndicat national de l'édition pour traiter directement en France et à l'étranger des commandes de livres et autres supports de communication et plus généralement pour promouvoir la culture française dans le monde.



Entre 1982 et 2001, elle a perçu des aides de l'Etat dans le cadre d'un programme dit 'petites commandes', qui ont ultérieurement été déclarées incompatibles avec le marché intérieur, l'Etat français s'est alors vu enjoindre par un arrêt du Conseil d'Etat du 19 décembre 2008 faisant suite à un arrêt de la CJCE du 12 décembre 2008 de récupérer les intérêts des aides versées à CELF. Par décision du 14 décembre 2010, la Commission Européenne a enjoint à l'Etat français de récupérer également le capital des aides versées entre 1982 et 2001, cette décision ayant été notifiée à CELF le 21 janvier 2011.



C'est dans ce contexte qu'a été ouverte à l'égard de CELF une procédure de sauvegarde, puis de liquidation judiciaire le 9 septembre 2009.











Des pièces au débat, il ressort les éléments suivants :



- le 6 mai 2009, le ministère de la culture et de la communication a déclaré au passif de CELF une créance de 11.885.785 euros au titre des intérêts afférents à l'aide versée par l'Etat à CELF de 1980 au 19 décembre 2008, en vertu de l'arrêt du Conseil d'Etat du 19 décembre 2008, et une créance de 4.814.339,90 euros correspondant au montant de l'aide versée dont le remboursement est susceptible d'être demandé à l'Etat à l'issue des instances pendantes devant les instances communautaires et nationales au titre du principal,



- le receveur général des finances avait de son côté déclaré le 24 avril 2009 une créance de 11.885.785,02 euros au titre des intérêts,



- le 24 juin 2011, le receveur a réduit à 10.375.749,03 euros sa déclaration relative aux intérêts et a procédé à une déclaration de créance pour un montant de

4.631.401,12 euros correspondant au principal des aides versées,



- par deux ordonnance du 1er décembre 2009, le juge-commissaire a, d'une part, rejeté la déclaration du ministère de la culture d'un montant de 4.814.339,90 euros, cette ordonnance étant devenue définitive à défaut d'appel, d'autre part, constaté l'existence d'une instance en cours et ordonné un sursis à statuer sur la déclaration de créance du receveur général d'un montant de 11.885.785,02 euros,



- par jugement du 29 avril 2013,devenu définitif, le tribunal administratif de Paris saisi de la contestation du titre émis le 25 mars 2009 au titre des intérêts, l'a annulé considérant qu'il ne contenait pas d'indications relatives à la nature et au calcul des sommes considérées et, saisi par ailleurs d'une demande de décharge concernant le paiement du principal, a rejeté cette demande,



- le 23 octobre 2013, le ministère de la culture a émis un nouveau titre de perception pour un montant de 10.375.749,03 euros,



- par courrier du 31 octobre 2013, la DRFP, au vu, d'une part, du jugement du tribunal administratif du 29 avril 2013, d'autre part, du nouveau titre émis par le ministère de la culture le 23 octobre 2013, a sollicité son admission à titre définitif d'une part pour 4.631.401,12 euros (principal), d'autre part pour le montant du nouveau titre concernant les intérêts, soit pour un total de 15.007.150,15 euros,



- par requête du 5 août 2014, la Selafa MJA a contesté devant le tribunal administratif de Paris le nouveau titre émis par le ministère de la culture.



C'est au vu du courrier du 31 octobre 2013 qu'est intervenue l'ordonnance dont appel.



Il est admis que la créance de récupération de l'Etat contre une société ayant bénéficié d'aides financières jugées illégales par les instances européennes constitue une créance administrative étrangère à l'impôt et que le fait générateur de la créance est la décision des instances européennes ou au plus tard la date de sa notification. Il s'ensuit que le comptable public est donc tenu de déclarer sa créance au passif de la société débitrice en respectant les délais légaux.



Sur la créance en principal :



La déclaration de créance effectuée par le ministère de la culture a été définitivement rejetée le 1er décembre 2009, étant relevé qu'il n'est pas contesté que le ministère qui était l'ordonnateur n'avait pas qualité pour déclarer cette créance. Il ne ressort aucunement des pièces communiquées que le receveur général a déclaré la créance au titre du principal avant le 24 juin 2011.La décision de la Commission Européenne enjoignant à l'Etat français de récupérer également le capital des aides versées entre 1982 et 2001, qui constitue le fait générateur de cette créance de l'Etat contre CELF est intervenue le 14 décembre 2010, après l'ouverture de la procédure collective, cette décision ayant été notifiée à CELF le 21 janvier 2011.



Il s'agit en conséquence d'une créance postérieure au jugement d'ouverture, devant en vertu de l'article L622-24 du code du commerce être déclarée dans le délai de deux mois à compter de l'exigibilité de la créance. Le délai pour déclarer expirant au plus tard le 21 mars 2011, la déclaration du 24 juin 2011 est intervenue hors délai, étant relevé que la DRFP ne peut utilement se prévaloir de la déclaration initialement faite par le ministère de la culture qui a été définitivement rejetée.



L'ordonnance du 6 janvier 2015 qui a implicitement rejeté la déclaration de créance de la DRFP pour le principal sera en conséquence confirmée de ce chef.



Sur les intérêts



La créance au titre des intérêts est née antérieurement au jugement d'ouverture dès lors qu'elle résulte d'un arrêt de la CJCE du 12 décembre 2008 et d'un arrêt du Conseil d'Etat du 19 décembre 2008. Elle a été déclarée par le receveur général dès le 24 avril 2009.



Les parties ne s'accordent pas sur la teneur et la portée de l'ordonnance du juge-commissaire qui a statué sur cette déclaration de créance le 1er décembre 2009, l'appelante soutenant que le juge-commissaire a sursis à statuer tandis que les intimés considèrent que le juge-commissaire s'est trouvé dessaisi par son constat d'une instance en cours, liant nécessairement le sort de la déclaration de créance à celui du titre sur lequel elle était fondée.



Il ressort des termes de l'ordonnance du 1er décembre 2009 que si le juge-commissaire a dans sa motivation constaté l'existence d'une instance en cours il a toutefois dans son dispositif décidé de surseoir à statuer, le fait qu'il ait en outre invité la partie la plus diligente à faire inscrire la décision attendue ne remettant pas en cause la nature, fût-elle erronée, de cette décision devenue définitive, de sorte que le juge-commissaire ne s'est pas trouvé dessaisi par sa décision de sursis à statuer.



Est en conséquence inopérant le moyen pris de ce que le juge-commissaire en se dessaisissant a nécessairement lié le sort de la déclaration de créance au seul titre qu'elle visait.



Le juge-commissaire étant resté saisi de la déclaration de créance du 24 avril 2009, le courrier du 31 octobre 2013 dans lequel la DRFP vise le nouveau titre et demande son admission au titre des intérêts pour un montant de 10.375.749,03 euros ne s'analyse pas en une nouvelle déclaration de créance, mais tend uniquement à justifier de la créance antérieurement déclarée par la production d'un titre de perception régularisé.



Il s'ensuit que c'est à tort que le juge-commissaire a dans l'ordonnance entreprise rejeté la déclaration de créance au titre des intérêts, qu'il lui appartenait de constater l'existence d'une instance en cours, le nouveau titre faisant l'objet d'une réclamation contentieuse pendante devant le tribunal administratif de Paris.



L'ordonnance sera réformée en ce sens.



Sur les dépens



Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.







PAR CES MOTIFS



Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la déclaration de créance au titre du principal (4.631.401,12 euros), l'infirme pour le surplus,



Statuant à nouveau du chef infirmé,



Constate l'existence d'une instance en cours devant le tribunal administratif de Paris concernant la créance relative aux intérêts (10.375.749,03 euros),



Dit qu'il sera fait mention du présent arrêt en marge de l'état des créances,



Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.







La Greffière, La Présidente,

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