4 mars 2016
Cour d'appel de Lyon
RG n° 14/05602

CHAMBRE SOCIALE B

Texte de la décision

AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 14/05602





CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU RHÔNE

C/

[X]

SYNDICAT C.G.T.







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 13 Juin 2014

RG : F 13/01150

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 04 MARS 2016









APPELANTE :



CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU RHÔNE

[Adresse 2]

[Localité 1]



comparante par Mme Christine LHERITIER, Directrice adjointe, munie d'un pouvoir, assistée par Me Alain RIBET de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Christophe BIDAL, avocat au barreau de LYON





INTIMÉS :



[R] [X]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 2]

[Adresse 4]

[Adresse 1]



comparant en personne, assisté de M. [C] [F] (Délégué syndical ouvrier)





SYNDICAT C.G.T.

[Adresse 5]

[Adresse 3]



représenté par M. [C] [F] (Délégué syndical ouvrier)











Parties convoquées le : 10 novembre 2014



Débats en audience publique du : 18 novembre 2015



Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller





ARRÊT : CONTRADICTOIRE



Prononcé publiquement le 04 mars 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;



Signé par Michel SORNAY, Président et par Lindsey CHAUVY, Greffier placé à la Cour d'Appel de LYON suivant ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de LYON en date du 15 décembre 2015, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




********************



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Monsieur [R] [X] est salarié de la Caisse d'allocations familiales (CAF) du Rhône en qualité de gestionnaire conseil allocations, niveau 4 coefficient 240.



La convention collective applicable à cette relation de travail est la Convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale, qui prévoit en son article 23 la possibilité pour certains salariés de percevoir une indemnité dite de guichet équivalente à 4 % de leur coefficient de qualification.



En pratique, la CAF verse à ce jour à [R] [X] une indemnité de guichet, mais ne lui en paye le montant qu'au prorata de son temps de travail passé effectivement passé au guichet.



Un certain nombre de salariés de la caisse d'allocations familiales du Rhône, dont [R] [X], ont saisi en mars 2013 le Conseil de prud'hommes de Lyon afin de voir reconnaître leur droit au paiement intégral de cette indemnité de guichet, sans proratisation, et la condamnation de l'employeur à leur payer à ce titre notamment un rappel de salaires. En outre, [R] [X] sollicitait le bénéfice de l'article 46 de la convention collective, qui stipule la possibilité pour les parents d'un jeune enfant à l'expiration du congé maternité de bénéficier d'un congé supplémentaire.



Ainsi, lors de l'audience de la formation de jugement du Conseil le 4 avril 2014, [R] [X] sollicitait du Conseil la condamnation de la CAF du Rhône à lui payer les sommes suivantes:

- 3483,91 € au titre du rappel d'indemnité de guichet,

- 2467 euros à titre de dommages-intérêts concernant l'application de l'article 46 de la convention collective,

- 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Le Syndicat CGT des employés et cadres de la CAF du Rhône s'est joint à cette action de [R] [X] et a sollicité la condamnation de la CAF du Rhône à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions légales et conventionnelles, outre une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



La CAF du Rhône a conclu au rejet de ces diverses demandes, estimant essentiellement :

- que cet agent ne travaillant qu'occasionnellement au guichet, la prime ne pouvait lui être due qu'au prorata de ses prestations à ce poste,

- et que le bénéfice de l'article 46 vient en complément du dispositif de congé maternité prévu par l'article 45 au bénéfice des mères de famille, et ne saurait être étendu aux pères.



Par jugement du 13 juin 2014, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

'dit n'y avoir lieu à proratisation de la prime guichet,

'condamné la CAF à payer à [R] [X] les sommes suivantes :

- 3483,91 € à titre de rappel de la prime de guichet,

-150 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'débouté [R] [X] de sa demande d'application à son profit de l'article 46 de la convention collective, et de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive,

'déclaré recevable syndicat CGT en qualité de partie intervenante,

'condamné la CAF à verser au syndicat CGT les sommes de 1000 € à titre de dommages-intérêts et 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamné la CAF aux entiers dépens.



La CAF du Rhône a le 4 juillet 2014 interjeté appel de cette décision, ainsi d'ailleurs que de celles concernant les autres salariés ayant introduit une instance similaire.




*



Par ses dernières conclusions, la CAF du Rhône demande à la Cour d'appel de déclarer son appel recevable, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de constater les spécificités du service d'accueil dédié de la Caisse d'allocations familiales du Rhône et en conséquence de :

'dire et juger que la Caisse d'allocations familiales a fait une juste application des dispositions de l'article 23 de la convention collective portant attribution d'une prime de guichet de 4 % proratisable ;

'débouter l'ensemble des demandeurs de leurs demandes de rappels de salaire et autres indemnités du chef de cette prime de guichet;

' débouter [R] [X] de sa demande d'application à son profit de l'article 46 de la convention collective;

' condamner les défendeurs en tous les dépens.





Par ses dernières conclusions, [R] [X] demande à la Cour d'appel de :

' confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Lyon :

- en ce qu'elle dit qu'il ne doit pas y avoir lieu à proratisation de la prime de guichet,

- en ce qu'elle a condamné la CAF du Rhône au paiement de la régularisation de cette prime jusqu'au mois de mars 2013,

- et en ce qu'elle a condamné cet employeur à payer à chaque salarié la somme de 150 € d'article 700 ;

'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté [R] [X] de sa demande de dommages-intérêts pour refus d'application de l'article 46 de la convention collective, et condamner en conséquence la CAF à lui payer à ce titre une somme de 2467 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi de ce chef ;

'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, et lui octroyer 1000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

'dire que la CAF du Rhône devra procéder au rappel de régularisation de la prime de guichet depuis le mois d'avril 2013 pour chaque salarié concerné par ce rappel ;

'condamner la CAF du Rhône aux entiers dépens et à verser à [R] [X] la somme de 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



Pour sa part, le syndicat CGT des employés cadre de la CAF du Rhône demande la Cour d'appel de :

' confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a condamné la CAF du Rhône à lui payer la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamner en voie d'appel la CAF du Rhône à lui payer la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.





Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.






MOTIFS DE LA DÉCISION





1.- Sur la prime de guichet et la demande en paiement présentée à ce titre :



Cette prime est versée par l'employeur en application de l'article 23 de la convention collective précitée qui stipule, dans sa rédaction issue du protocole d'accord du 30 novembre 2004, que :

'Les agents techniques perçoivent, dans les conditions fixées par le règlement intérieur type, une indemnité de guichet équivalente à 4 % de leur coefficient de qualification sans points d'expérience ni points de compétences.

En cas de changement de poste ou d'absence au cours d'un mois, cette prime est payée au prorata du temps pendant lequel l'emploi donnant lieu à l'attribution de la prime aura été exercé.

L'agent technique, chargé d'une fonction d'accueil, bénéficie d'une prime de 15 % de son coefficient de qualification sans points d'expérience ni points de compétences lorsqu'il est itinérant.'



Le règlement intérieur type pris pour l'application de cette convention collective contient un paragraphe 'indemnité de guichet' ainsi rédigé :

'Indemnité de guichet.

Une indemnité spéciale dite de guichet est attribuée en application de l'article 23 de la Convention Collective, aux agents dont la fonction nécessite un contact permanent avec le public, et qui occupent un emploi ayant pour objet le règlement complet d'un dossier prestations soit :

- décompteurs, liquidateurs A.V.T.S., liquidateurs d'une législation de Sécurité Sociale, liquidateurs de pensions et rentes A.T., employés à la constitution des dossiers A.F., liquidateurs maladie, maternité, décès, et incapacité temporaire A.T., contrôleurs des liquidations de décomptes.

Cette indemnité est également due aux vérificateurs techniques et contrôleurs de comptes employeurs en contact avec le public.

La liste des agents bénéficiaires de l'indemnité de guichet est établie le dernier jour de chaque mois par les chefs de service responsables.

L'indemnité de guichet n'entre pas en ligne de compte pour le calcul des échelons d'ancienneté et de mérite, non plus que pour la détermination de la prime d'assiduité.'



Il résulte de la combinaison de ces textes que pour pouvoir prétendre à cette indemnité de guichet, un salarié de la CAF doit remplir les conditions cumulatives suivantes, dont il lui appartient de démontrer la réunion :

- il doit occuper un emploi d'agent technique,

- cet emploi doit avoir pour objet le règlement complet d'un dossier prestations,

- sa fonction doit nécessiter un contact avec le public,

- et ce contact avec le public doit être permanent, au sens du règlement intérieur type.



Les deux premiers de ces points ne posent pas de difficulté en l'espèce, les parties ne les contestant pas au regard de l'emploi occupé par [R] [X] et des tâches qui sont confiées à cet agent.



La CAF du Rhône estime par contre être en droit de ne pas verser l'intégralité de cette prime à [R] [X] et d'en proratiser le montant en fonction du temps très partiel effectivement passé au guichet par cet agent .





En ce sens elle fait valoir que l'accueil du public au sein de la CAF du Rhône est organisé de façon spécifique puisqu'il est confié d'une part à un pôle d'accueil téléphonique et d'autre part à un service dédié au guichet physique, auquel sont affectés 58 agents, tous bénéficiaires de la prime de guichet à taux plein.



Elle précise :

- que compte tenu de la pénibilité de cette fonction d'accueil, ces agents sont affectés à 60 % au guichet et à 40 % à la liquidation des prestations hors la présence des allocataires,

- que 210 autres agents, en l'occurrence des techniciens conseils de niveau 3 et des gestionnaires allocataires de niveau 4 dont la mission principale commune est la liquidation et la gestion des dossiers allocataires et du courrier, sont donc amenés à participer en renfort à l'accueil de manière occasionnelle et sur la base d'un planning prévisionnel au mois, la moyenne pour ces salariés étant ainsi de 2 à 3 vacations d'une demi journée d'accueil par mois ;

- que ces agents venant en renfort bénéficient actuellement à ce titre de la prime de guichet de 4% proratisée en fonction du temps de travail effectif d'accueil sur les sites de [Localité 3], [Localité 3] et [Localité 4] ;

- qu'en ce qui concerne le site de [Localité 5], il a été mis en place une équipe de 10 agents dédiée à l'accueil, qui bénéficient tous de la prime de guichet à taux plein, et que les autres agents de ce site qui effectuent occasionnellement des prestations à l'accueil perçoivent quant à eux cette prime sur la base forfaitaire d'un mois par an de prime à 4%.



La CAF dans ses conclusions prétend que la prime de guichet prévue par la convention collective ne doit être versée à taux plein qu'aux personnels affectés aux services guichet et au pôle téléphonique, qui seuls peuvent être considérés comme étant en contact permanent avec le public.



Cette position est toutefois contraire à la lettre et à l'esprit des textes conventionnels, dont il résulte que l'indemnité de guichet n'est pas juridiquement réservée aux salariés affectés à un guichet ou à une plate-forme téléphonique, ni conditionnée à une confrontation physique directe entre l'agent de la caisse et l'usager, cette indemnité pouvant, nonobstant son nom, être due à des salariés en contact avec le public ailleurs qu'au guichet et/ou par d'autres moyens de communication, notamment ceux nés des technologies numériques.



D'ailleurs la CAF reconnaît par sa propre pratique le mal fondé de cette affirmation puisqu'elle verse elle-même en réalité la prime de guichet en totalité à aux agents d'accueil titulaires qui, de son propre aveu, ne passent pourtant en moyenne que 60 % de leur temps au guichet, consacrant le reste de leur temps à la liquidation hors la présence des allocataires.



Il n'en reste pas moins que dans l'esprit des partenaires sociaux qui l'ont créée, cette indemnité dite 'de guichet' a pour objet de compenser - au moins partiellement - la pénibilité du travail d'accueil direct des usagers et les contraintes spécifiques subies par les agents d'accueil par suite de leur contact permanent avec le public (charge émotionnelle accrue, gestion du flux souvent très dense des allocataires, gestion des incivilités,...).



Il convient ici de distinguer, contrairement à l'amalgame pratiqué par les premiers juges dans le jugement déféré, la notion d'agent 'affecté de façon permanente au service du public' de celle, qui seule doit ici être prise en compte, d'agent 'dont la fonction nécessite un contact permanent avec le public', au sens du règlement intérieur précité.



Il appartient donc à la Cour d'apprécier ici au cas par cas dans quelle mesure l'agent concerné est ou non concrètement en contact avec le public, et s'il l'est bien de façon permanente au sens des textes conventionnels précités, étant rappelé que c'est à cet agent qu'il appartient de rapporter la preuve de ce qu'il remplit bien ces conditions d'octroi de l'indemnité.



En l'espèce [R] [X] occupe un emploi de gestionnaire allocataires de niveau 4 et se borne en ce sens à invoquer la description de cet emploi figurant sur la fiche du référentiel des métiers en vigueur au sein de la CAF pour en déduire qu'il est nécessairement en contact permanent avec le public.



Cette description d'emploi est ainsi rédigée :

''Finalité (raison d'être de l'emploi) : contribuer par son niveau de technicité à faciliter l'accès aux droits et aux institutions sociales pour les allocataires.

Activités principales de l'emploi :

'assure l'ensemble des activités effectuées par les techniciens conseil allocataires : gestion globale du dossier allocataires (accueil, diagnostic, conseil')

'prend en charge le traitement des situations les plus complexes et de certains dossiers ou activités spécifiques impliquant la mise en application d'une réglementation particulière

'assure une interface technique entre son groupe de travails et l'encadrement

'conseille, apporte un appui technique au sein de son service en activités quotidiennes de production

'participe à la formation et au perfectionnement technique à destination du public interne

'assure le monitorat des agents formation de techniciens conseil PF

'contribue à des projets, participe à des groupes de travails, des actions d'information, des événements organisés à destination des publics internes et externes.'



Bien plus, la CAF précise dans ces écritures, sans être contredite par les intimés, qu'hormis les temps assez réduits qu'ils passent matériellement à l'accueil du public au guichet, les gestionnaires allocataires niveau 4 :

'ne sont destinataires que d'appels téléphoniques de second rang, les premiers ayant été gérés par la plate-forme téléphonique qui a déjà pu renseigner l'assuré au moins partiellement ;

'ne sont destinataires que de courriels adressés au service puis redistribués en interne selon les numéros d'affectation ;

'ne prennent l'initiative d'appeler un allocataire pour traitement du dossier que lorsqu'ils le jugent utile.



En l'état de ces éléments, la cour ne peut que constater que [R] [X] ne rapporte pas la preuve de son contact permanent avec le public au sens des textes conventionnels litigieux.



Cet agent n'est donc pas fondé à revendiquer par application de ces textes le paiement total ou partiel de l'indemnité de guichet.



Dans ces conditions, il apparaît que le versement d'une indemnité de guichet proratisée en fonction du temps de travail effectivement passé au guichet, dont cet agent a bénéficié ces dernières années de même que tous ses collègues assurant des prestations ponctuelles d'accueil au guichet, ne s'est pas fait dans le cadre d'une exécution des stipulations conventionnelles précitées mais constitue un simple usage dans l'entreprise, usage dont [R] [X] ne peut ici revendiquer judiciairement l'extension au-delà de ses contours actuels.



[R] [X] est donc mal fondé à solliciter le paiement par l'employeur de l'indemnité de guichet à taux plein et sera donc débouté de sa demande en paiement tant d'un rappel d'indemnité de ce chef que de dommages-intérêts pour une prétendue résistance abusive de la CAF, qui n'est en rien démontrée.





2.- Sur la demande d'application de l'article 46 de la convention collective :



Il est ici constant que monsieur [R][X], à l'approche de la naissance de son enfant, a demandé à son employeur la CAF du Rhône de bénéficier du congé parental supplémentaire prévu par l'article 46 de la convention collective, et il résulte de la réponse que lui adressé son employeur le 19 novembre 2013 que ce congé lui a été refusé au motif qu'il serait réservé par la convention collective aux seules employées mères de familles, et que les employés pères de famille ne pourraient donc y avoir droit.



[R] [X] conteste cette décision qu'il considère comme fautive, estimant que ces dispositions sont indûment discriminatoires à l'encontre des hommes pères de famille, et sollicite donc l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice né pour lui de cette faute de son employeur.





La convention collective applicable à la relation de travail liant les parties contient les articles 45 et 46 suivants :



ART. 45

' Pendant la durée du congé légal de maternité, le salaire est maintenu aux agents comptant au moins six mois d'ancienneté. Il ne peut se cumuler avec les indemnités journalières dues à l'agent en tant qu'assuré social.

Ce congé n'entre pas en compte pour le droit aux congés de maladie et ne peut entraîner

aucune réduction de la durée des congés annuels.'



ART. 46

' A l'expiration du congé prévu à l'article précédent, l'employée qui élève elle-même son enfant a droit successivement :

- à un congé de trois mois à demi-traitement ou à un congé d'un mois et demi plein traitement ;

- à un congé sans solde d'un an.

Toutefois, lorsque l'employée est une femme seule ou lorsque son conjoint se trouve privé de ses ressources habituelles (invalidité, maladie de longue durée, service militaire), elle bénéficiera d'un congé de trois mois à plein salaire (...) '



Le principe d'égalité entre les sexes en matière de rémunération est posé par l'article 157 du traité de fonctionnement de l'Union Européenne, qui est directement applicable dans l'ordre juridique interne français et qui est ainsi rédigé :

'Article 157:

1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.

L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique:

a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure;

b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail.

3. Le Parlement européen et le Conseil, statuant selon la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, adoptent des mesures visant à assurer l'application du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d'emploi et de travail, y compris le principe de l'égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur.

4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.'



Le congé rémunéré prévu par l'article 46 précité de la convention entre bien dans le champ d'application de ces dispositions communautaires, qui comprend notamment tous les 'avantages payés directement ou indirectement, en espèce ou en nature, par l'employeur au travailleur, en raison de l'emploi de ce dernier'.



Si l'on s'en tient à la lettre de ce texte conventionnel, les salariés de sexe masculin sont privés de ces jours de congés spécifiques, puisqu'ils ne sont accordés qu'aux seules employées, à l'issue de leur congé maternité prévu par l'article 45 et à la condition qu'elles élèvent elles-mêmes leur enfant.







Ces jours de congés supplémentaires pour nouvel enfant à charge ne sont pas destinés à compenser un désavantage résultant d'un éloignement du travail lié à la grossesse, ni à protéger la maternité ou à corriger une inégalité de fait affectant les femmes en matière d'emploi ou de promotion professionnelle.

Ils ont pour objet de favoriser la présence d'un parent auprès d'un enfant nouveau né, à l'expiration du congé maternité de la mère.



Ce congé spécifique ne peut donc être refusé aux hommes qui, assurant la garde et l'éducation de leur enfant dans les conditions prévues par l'accord collectif, se trouvent dans la même situation que les employées et ont ainsi vocation à en bénéficier, au regard des exigences découlant de l'article de l'article 157 précité.



Il s'avère par ailleurs, au vu du courrier précité de la CAF du19 novembre 2013, que [R] [X] remplissait bien toutes les conditions pour bénéficier de ce texte et que seul le fait qu'il soit un homme et non une femme l'a empêché d'obtenir le congé parental en cause.



Il en résulte que la CAF du Rhône, en lui refusant indûment ces six semaines de congés payés auxquelles il avait droit par application des textes précités et qu'il ne peut plus prendre aujourd'hui, a effectivement commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle.



Elle sera donc condamnée à l'indemniser du préjudice né de cette faute, que [R] [X] évalue pertinemment à un mois et demi de son salaire.



Il réclame à ce titre une indemnité de 2467 euros nets.



Il résulte toutefois de la déclaration de saisine du Conseil de prud'hommes de Lyon déposée par [R] [X] le 14 mars 2013 que son salaire brut moyen sur les trois derniers mois était alors de 1792 euros, si bien que la CAF du Rhône sera condamnée à lui payer de ce chef la somme de 2688 euros bruts à titre de dommages-intérêts, cette somme devant être ensuite soumise aux prélèvements sociaux applicables en la matière.





3.- Sur l'action du syndicat CGT des employés et cadres de la CAF du Rhône :



En l'état de ses conclusions, cette intervention du syndicat CGT est limitée à la question de la prime de guichet, précitée.



Elle s'avère recevable mais mal fondée faute de preuve en la matière d'une quelconque atteinte à l'intérêt collectif de la profession que ce syndicat représente.



Cette partie intervenante sera donc déboutée de l'ensemble de ses prétentions.





4.- Sur les demandes accessoires :



Les dépens, suivant le principal, seront supportés par la CAF du Rhône.



[R] [X] a dû exposer pour la présente instance des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait manifestement inéquitable de laisser intégralement à sa charge. La CAF du Rhône sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



LA COUR



INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :



CONSTATE que [R] [X] ne rapporte pas la preuve de son droit au paiement intégral de l'indemnité de guichet prévue par l'article 23 de la convention collective ;



En conséquence, le DÉBOUTE de ses prétentions de ce chef ;



CONDAMNE la CAF du Rhône à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 2688 euros bruts en réparation du préjudice né pour lui de la privation indue du congé spécifique pour nouvel enfant prévu par l'article 46 de la convention collective ;



DIT que la somme ainsi allouée supportera, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale ;



CONDAMNE la CAF du Rhône à payer à [R] [X] la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile



DÉCLARE le syndicat CGT des employés et cadres de la CAF du Rhône recevable mais mal fondé en ses demandes, et l'en DÉBOUTE ;



CONDAMNE la CAF du Rhône aux dépens de première instance et d'appel ;



DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.





LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,









CHAUVY LindseySORNAY Michel

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.