8 mars 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 14/22862

Pôle 1 - Chambre 3

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 08 MARS 2016



(n° 147 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/22862



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Octobre 2014 -Président du Tribunal de grande Instance de PARIS - RG n° 14/13566





APPELANTES



Fondation INSTITUT DU MONDE ARABE - IMA représentée par son président

[Adresse 1]

[Localité 2]



SARL AMG enseigne 'LE KHALIFE' représentée par son gérant

[Adresse 3]

[Localité 1]

N° SIRET : 539 86 0 9 322





Représentées par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

assistées de Me Agnès BONNES SERRANO plaidant pour Me Andrée FOUGERE de la SELASU D'AVOCAT ANDREE FOUGERE, avocat au barreau de PARIS, toque : J050





INTIMEE



SARL NOURA IMA

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 500 702 493



Représentée par Me Gilles HITTINGER ROUX de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497

assistée de Me Mbaye DIAGNE, plaidant pour SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497













COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre, et Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère,.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère

Mme Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère





Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.












Par acte sous seing privé du 1er octobre 2007, L'Institut du Monde Arabe (IMA) a délégué à la société Noura IMA l'exploitation de trois restaurants situés aux 9ème niveau, rez de chaussée et niveau -3 de ses locaux.



L'IMA a mis en 'uvre la procédure de déchéance du Délégataire prévue à l'article 14-2 du contrat du 1 er octobre 2007, en faisant notifier à la société Noura IMA une mise en demeure le 17 juillet 2014, au motif qu'elle aurait refusé de satisfaire au respect d'obligations substantielles notamment en matière de qualité, d'hygiène, et de sécurité aux quelles elle était tenue.



Estimant que l'IMA et la SARL AMG qui exerce une activité de restauration sous l'enseigne « Le Khalife » dans ses locaux, se livreraient à des actes de concurrence au mépris des clauses d'exclusivité stipulées au contrat, la SARL Noura IMA a fait délivrer à sa co contractante le même jour, une sommation interpellative d'avoir :



o d'une part à faire cesser ces actes,



o d'autre part à respecter le droit de jouissance paisible de la terrasse et de lui communiquer en conséquence le planning des dates de location de celle-ci jusqu'au 31 octobre 2014.



Puis, par requête déposée le 23 juillet 2014, la société Noura IMA, a sollicité la désignation d'un huissier de justice avec mission de pénétrer dans l'IMA aux fins de dresser constat, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.



Par ordonnance du 23 juillet 2014, le président du tribunal de grande instance de Paris a commis Maître [U], huissier de justice à Paris, avec mission de :



- pénétrer dans les locaux de l'IMA, sis à [Adresse 4] ;



- dresser un constat :



. des activités de restauration exploitées sous l'enseigne « Le Khalife » au sein de l'immeuble de l'IMA,



. des affiches apposées sur « le cube » situé sur le parvis de l'IMA,



. des affiches, banderoles, fascicules, publicités imprimés ou programme diffusés, quel que soit leur support, à l'entrée, sur le parvis et dans les espaces communs de l'Institut du Monde Arabe accessible au public ;



- relever l'identité précise de la personne exploitant le restaurant sous l'enseigne « Le Khalife » et lui demander de lui transmettre les titres, en vertu desquels il exploite une activité de restauration au sein de l'IMA ;



- se faire remettre par l'IMA et/ou la personne exploitant l'enseigne « Le Khalife », les bons de commandes et factures des prestations de restauration/traiteur accomplies ou à venir pour le compte de l'IMA, depuis le 1er mars 2014.



L'IMA et la société AMG ont fait citer le 1er septembre 2014 la SARL Noura IMA devant le juge des requêtes statuant comme en matière de référé du tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la rétractation de l'ordonnance du 23 juillet 2014.



Par ordonnance contradictoire du 29 octobre 2014, ce juge a :



-débouté l'IMA et la société AMG de leur demande de rétractation de l'ordonnance du 23 juillet 2014 ;



-déclaré irrecevable la demande de la société Noura IMA tendant à assortir d'une astreinte l'obligation de se faire remettre, par l'IMA et/ou la personne exploitant l'enseigne « Le Khalife », les bons de commandes et factures des prestations de restauration/traiteur accomplies ou à venir pour le compte de l'IMA ;



-condamné l'IMA et la société AMG, chacun, à payer à la société Noura IMA la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la présente instance.



L'IMA et la société AMG ont interjeté appel de cette ordonnance le 13 novembre 2014.




Dans leurs dernières conclusions signifiées le 18 janvier 2016, les appelantes demandent à la cour de :



Vu l'article 526 du code de procédure civile,



- déclarer la société Noura IMA irrecevable en son incident ;



Vu les articles 16, 145, 493 et 812 alinéa 2 du code de procédure civile,



- déclarer l'IMA recevable et bien fondé en son appel ;



- infirmer l'ordonnance entreprise en date du 29 octobre 2014 ;



Statuant à nouveau,



- rétracter l'ordonnance rendue sur requête le 23 juillet 2014 ;



- ordonner en conséquence la restitution à l'IMA des éléments recueillis au cours des mesures d'instruction réalisées en exécution de cette ordonnance et la destruction des copies éventuellement réalisée ;



- condamner la société Noura IMA à verser d'une part à l'IMA, d'autre part à la société AMG exploitant sous l'enseigne « Le Khalife », une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



- condamner la société NOURA IMA aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL Guizard & Associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



L'IMA rappelle qu'en vertu des articles 12 et 13 de ses statuts, le président du conseil d'administration a le pouvoir de le représenter en justice, ce qui a déjà été reconnu par une décision de cette cour du 15 janvier 2016 statuant au fond sur le litige l'opposant à la SARL Noura IMA relatif à la résiliation du contrat de prestations de service de restauration.



Les appelants soutiennent que la requérante ne justifiait pas d'un motif légitime à obtenir une mesure d'instruction fondée sur une violation de l'article 5-2 alinéas 4 et 8 du contrat du 1er octobre 2007 relatif à la publicité et la signalétique, et sur une violation d'un droit d'exclusivité qui n'était pas absolu puisque limité selon les termes de l'article 7-4-1 du contrat à la seule activité de traiteur. Ils estiment de surcroît que ni la requête, ni l'ordonnance ne caractérisent les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction.



Dans ses dernières conclusions, signifiées le 21 janvier 2016, la société NOURA, intimée, demande à la cour de :



à titre principal :



- révoquer la clôture et renvoyer la date des plaidoiries à bref délai ;



à titre subsidiaire :



- juger la demande de l'IMA irrecevable ;



- débouter l'IMA et la société AMG de leurs demandes respectives ;



- confirmer l'ordonnance du 29 octobre 2014 déboutant l'IMA et la société AMG de leurs demandes ;



-condamner l'IMA et de la société AMG, chacune, à une astreinte définitive d'un montant de 1 000 euros par jour, pendant 90 jours, à compter de la signification de la décision à intervenir, jusqu'à la parfaite transmission de l'ensemble des documents financiers et comptables visés dans l'ordonnance du 23 juillet 2014 ;



- condamner l'IMA et la société AMG à lui verser, chacune, une somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles et les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP HB&Associes, Maître Gilles Hittinger-Roux, avocat au Barreau de Paris.



Elle estime que l'IMA confond la 'qualité pour ester en justice' et la 'représentation en justice' et s'appuie sur les statuts de cette fondation, qui ont entendu organiser une gestion collégiale, pour dénier au président du conseil d'administration le pouvoir d'engager une action en justice sans délibération préalable du conseil d'administration.



Elle soutient que le motif légitime de recourir à la mesure requise était justifié par l'irrespect par l'IMA de ses engagement contractuels ; que la requête comportait de manière explicite une motivation sur les circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire.




SUR CE, LA COUR





Considérant que, l'ordonnance de clôture ayant été révoquée, et une nouvelle clôture prononcée à l'audience des plaidoiries, les dernières écritures transmises le 21 janvier 2016 par la SARL Noura IMA sont dans les débats, ce qui est conforme à la demande contenue dans les conclusions de procédure transmises le 25 janvier 2016 par les appelants, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formulée à titre principal par l'intimée de ce chef ;



Considérant qu'en application des dispositions de l'article 954 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées et sur les prétentions énoncées au dispositif ; que ne figure pas au dispositif des dernières conclusions de la SARL Noura IMA une demande tendant à voir prononcer la radiation de l'appel sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, de sorte que la demande de l'IMA et de la SARL AMG tendant à voir écarter une telle prétention est sans objet ;



Considérant que l'article 12 des statuts de l'IMA prévoit :



'Le Président du Conseil d'Administration représente l'Institut dans tous les actes de la vie civile (...)' ;

et l'article suivant :

'En cas de représentation en justice, le Président du Conseil d'administration ne peut être représenté que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale (...)' ;



Qu'il se déduit de ces stipulations que le président du conseil d'administration a le pouvoir de représenter l'IMA en justice, dès lors que le seul pouvoir spécial envisagé par les statuts est pour le représenter lui-même lorsqu'une instance est engagée ; que la fin de non recevoir soulevée par la SARL Noura IMA en cause d'appel sera dans ces conditions rejetée ;



Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référés ; que l'article 493 du dit code dispose que l'ordonnance sur requête est une décision rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ;



Considérant qu'il résulte des articles 496 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé ayant rejeté la demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue ; qu'elle est tenue d'apprécier elle-même, au jour où elle statue, les mérites de la requête au regard de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement ;



Considérant qu'après avoir exposé les manquements imputés à l'IMA au respect de ses obligations contractuelles, la SARL Noura IMA a indiqué que la mise en demeure que son conseil a adressée le 3 juillet 2014 à l'exploitant du restaurant 'Le Khalife' était demeurée sans effet ; qu'elle justifiait avoir un 'intérêt légitime', en application de l'article 145 du code de procédure civile, de faire acter ces situations de violation flagrante de ses droits, ainsi que de la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire car toute information préalable de l'IMA ou de la société exploitant la cuisine libanaise sous l'enseigne 'Le Khalife' pourrait entraîner 'une modification de la situation et compromettre ainsi ses chances de constituer les preuves de ces violations' ;



Considérant toutefois que par cette seule affirmation, assimilable à une clause de style car non étayée par des circonstances propres à l'espèce justifiant la crainte évoquée, sans plus de précisions, de 'modification de la situation' en cas de procédure contradictoire, la requérante n'a pas justifié de la nécessité de déroger au principe de la contradiction, étant relevé par la cour que les parties s'étaient adressées au cours des mois de juin et juillet 2014, et en tout cas antérieurement à la requête, plusieurs mises en demeure de se mettre en conformité avec les stipulations contractuelles, et que les constatations requises concernent des affichages et supports imprimés, accessibles au public, ainsi que des informations sur une activité de restauration qui ne sont pas, par nature, susceptibles de disparaître, et pouvaient donc être obtenues dans le cadre d'un débat contradictoire ;



Que l'ordonnance a été rendue au seul visa de la requête ;



Considérant que la SARL Noura IMA n'établissant pas les circonstances justifiant qu'il ne soit pas procédé contradictoirement aux mesures requises , il convient de rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 23 juillet 2014, et d'infirmer en conséquence l'ordonnance entreprise ; que la restitution des éléments recueillis au cours de ces mesures doit être ordonnée de même que la destruction des copies éventuellement réalisées ;



Considérant que l'équité commande de faire bénéficier les appelantes des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;





PAR CES MOTIFS





Rejette la fin de non recevoir soulevée par la SARL Noura IMA ;



Infirme l'ordonnance entreprise ;



Statuant à nouveau



Rétracte l'ordonnance rendue le 23 juillet 2014 par le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Paris ;



Ordonne la restitution à l'Institut du Monde Arabe des éléments recueillis au cours des mesures d'instruction exécutées en vertu de cette ordonnance et la destruction des copies éventuellement réalisées ;



Condamne la SARL Noura IMA à verser à l'Institut du Monde Arabe et à la SARL AMG, pris ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la SARL Noura IMA aux dépens, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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