25 mars 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 13/09445

Pôle 6 - Chambre 11

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 25 Mars 2016

(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/09445

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° F 12/05959





APPELANT

Monsieur [A] [K] né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparant, représenté par Me Nicolas CAPILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1308







INTIMEE

SA LOMBARD ODIER DARIER HENTSCH GESTION devenue LOMBARD ODIER GESTION FRANCE N° SIRET : B 4 34 256 39292

[Adresse 2]

représentée par Me Sophie BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : J095





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

M. Christophe BACONNIER, Conseiller

Qui en ont délibéré



Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats





ARRET :



- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
















FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Monsieur [K] a été engagé par la SA LOMBARD ODIER DARIER HENTSCH GESTION (ci-après la société) par contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2008 en qualité de sous-directeur de l'Unité Clientèle Privée, niveau cadre confirmé, coefficient 625 de la convention collective des sociétés financières. Ses fonctions consistaient notamment dans le développement d'une clientèle privée pour le compte de son employeur.



Le contrat de travail prévoyait en son article 7.1 une clause de non sollicitation de la clientèle libellée comme suit : « Vous devrez, pour une durée d'une année et sauf autorisation expresse de notre part, vous abstenir d'entretenir des relations d'affaires avec les Clients Privés de la société au sein de l'Union Européenne et en Suisse. Vous acceptez également d'ores et déjà de renoncer à faire tout démarchage direct ou indirect auprès de la Clientèle Privée de la société au sein de l'Union Européenne et en Suisse. Dans le but de leur proposer toutes prestations bancaires ou financières. Cet engagement est valable (') Pour une durée d'une année après la fin du contrat, quelle que soit la partie qui a résilié et sans égard au motif ayant donné lieu à la résiliation. »



Le contrat prévoyait également en son article 7. 2 une clause de non-concurrence assortie d'une contrepartie financière.



En dernier lieu, Monsieur [K] percevait un salaire moyen brut de 12.805,91 euros par mois.



Monsieur [K] a donné sa démission le 15 juillet 2010. Le préavis a été fixé d'un commun accord au 22 octobre 2010.



La société a renoncé par courrier du 19 juillet 2010 à invoquer la clause de non-concurrence.



Le 25 octobre 2010, Monsieur [K] informait la société de son embauche par la société concurrente MASSENA PARTNERS.



Le 16 novembre 2010, la société lui indiquait qu'il restait tenu par la clause de non sollicitation prévue à son contrat de travail nonobstant sa renonciation à la clause de non-concurrence. Elle lui rappelait cette obligation par courrier du 25 novembre 2010 et lui demandait également la restitution de tout document traitant directement ou indirectement de la clientèle qu'il pouvait avoir en sa possession, rappelant que les documents et fichiers constitués à titre professionnel ou privé restaient sa propriété exclusive.



Considérant que la clause de non sollicitation de la clientèle invoquée par la société devait être assimilée à une clause de non-concurrence et à ce titre ouvrir droit à son profit à une compensation financière qui n'avait pas été prévue à son contrat de travail, Monsieur [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 29 mai 2012 d'une demande de dommages-intérêts de 90.000 € pour nullité de la clause de non sollicitation et résistance abusive.



Par jugement du 12 septembre 2013 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et demandes des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [K] de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.



Monsieur [K] a interjeté appel de ce jugement le 8 octobre 2013.

À l'audience du 8 janvier 2015, les conseils des parties ont développé oralement les conclusions déposées et visées par le greffe.









Monsieur [K] demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement rendu et de :

- condamner la société à lui verser une indemnité de 90.000 € à titre de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non sollicitation de clientèle et résistance abusive

- débouter la société des demandes formulées à son encontre

- condamner la société à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dire que les condamnations porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et se capitaliseront par application des articles 1153 et 1154 du code civil

- condamner la société aux dépens



Au soutien de ses prétentions, Monsieur [K] fait valoir que :

- la clause de non sollicitation doit être qualifiée de clause de non-concurrence puisqu'elle a pour effet de lui interdire, en sa qualité de banquier privé disposant d'un portefeuille de clients , de poursuivre son activité auprès de cette clientèle après la rupture du contrat de travail alors que toute clientèle est nécessairement libre dans une économie fondée sur la libre concurrence ;

- la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail est sans objet puisque c'est la clause de non sollicitation qui est à l'origine de l'entrave à la liberté du banquier privé de poursuivre son activité auprès de la clientèle qu'il a constituée ;

- s'étant conformé à cette obligation de non sollicitation, il est en droit d'obtenir réparation du préjudice lié à la limitation de son activité ;

- son préjudice est incontestable compte tenu de la nature de ses fonctions qui impliquent de disposer d'un portefeuille de client ;

- il conteste être en possession du dossier de Madame [F], cliente de la société.



La société LOMBARD ODIER GESTION demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Monsieur [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, de le condamner à lui verser la somme de 3.000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



La société LOMBARD ODIER GESTION fait principalement valoir que:

- la clause de non sollicitation ne se confond pas avec la clause de non-concurrence figurant également au contrat de travail et dont la levée a d'ailleurs permis à Monsieur [K] de travailler chez un concurrent direct de sorte qu'il ne justifie d'aucune entrave à sa liberté de travailler et d'aucun préjudice ;

- à supposer qu'une requalification de la clause de non sollicitation en clause de non-concurrence soit possible, Monsieur [K] ne prouve pas avoir respecté l'obligation qui lui était faite de ne pas entrer en contact avec la clientèle de la banque; qu'il est apparu au contraire qu'il a emporté lors de son départ plusieurs dossiers de clients, dont celui de Madame [F] qu'il n'a pas restitué malgré ses demandes;

- Monsieur [K] qui ne produit pas ses bulletins de paie ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice; en tout état de cause, l'indemnisation du préjudice allégué ne peut résulter de l'application de la clause de non-concurrence qui porte sur une interdiction absolue de travailler pour un concurrent en Europe, alors que la clause de non sollicitation permet à Monsieur [K] de travailler chez un concurrent, pour les clients de ce dernier;

l'indemnisation du préjudice ne pourrait excéder 20% du salaire






MOTIFS



La clause de non sollicitation de la clientèle dont l'objet est d'interdire tout démarchage de la clientèle de la société par le salarié après la rupture de son contrat de travail est licite et ne s'analyse pas en une clause de non-concurrence, dès lors qu'elle ne conduit pas à priver le salarié de toute possibilité d'exercer son activité professionnelle.









Tel est le cas en l'espèce. En effet, le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence que la société a levé au départ de Monsieur [K], lui permettant d'exercer les mêmes fonctions de commercial chargé de gestion privée chez MASSENA PARTERNS, société directement concurrente de la SA LOMBARD ODIER DARIER HENTSCH GESTION.



Le non suivi de la clientèle développée par Monsieur [K] dans le cadre de son contrat de travail, imposé par la clause de non sollicitation, ne constitue pas une entrave à sa liberté de travail dans le secteur très concurrentiel de la gestion de fortunes privées.



Il y a lieu dans ces conditions de le débouter de sa demande d'indemnisation et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.



L'issue du litige conduit à confirmer le jugement qui a condamné Monsieur [K] aux dépens.



Succombant en cause d'appel, Monsieur [K] sera condamné aux dépens et au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







PAR CES MOTIFS



LA COUR



Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 12 septembre 2013 en toutes ses dispositions.



Y ajoutant,



Condamne Monsieur [A] [K] à payer à la SA LOMBARD ODIER GESTION FRANCE la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Condamne Monsieur [A] [K] aux dépens d'appel.







Le Greffier,La Présidente,

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