31 mars 2016
Cour d'appel de Versailles
RG n° 14/06855

16e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 38C



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 31 MARS 2016



R.G. N° 14/06855



AFFAIRE :



[L] [E] épouse [S] nom d'usage [J]

...



C/

SA LE CREDIT DU NORD.....







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Septembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 01

N° Section :

N° RG : 10/01457



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :



Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE SEIZE, après prorogation

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [L] [E] épouse [S] nom d'usage [J]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22953

Représentant : Me Frédéric LANDON, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 262 -



SELARL [J] au capital de 33.539 € inscrite au RCS de NANTERRE sous le N° D [J] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET :[P]5

[Adresse 2]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 22953

Représentant : Me Frédéric LANDON, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 262 -





APPELANTES

****************





SA LE CREDIT DU NORD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité de droit audit siège siège central [Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentant : Me Emmanuelle ORENGO de la SCP LUSSAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0077 -

Représentant: Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20140431





INTIMEE

****************



Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Décembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller chargé du rapport et Madame Ghislaine SIXDENIER, conseiller.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :





Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller, faisant fonction de président,

Madame Ghislaine SIXDENIER, conseiller,





Monsieur Eric LEGRIS, conseiller,







Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,








FAITS ET PROCEDURE,





Madame [L] [S] était la gérante de la SELARL [J], société professionnelle d'avocats.



Aux termes d'une convention du 6 août 1992, la SELARL [J] ouvrait un compte dans les livres du CREDIT DU NORD. Par avenant du 23 août 2007, le CREDIT DU NORD accordait à la SELARL [J] une facilité de trésorerie de 40.000 €.



Le 31 décembre 2008, le solde débiteur du compte courant était de 65.449,96 €.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2009, le CREDIT DU NORD dénonçait la facilité de trésorerie moyennant un préavis de 60 jours.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mars 2009, le CREDIT DU NORD mettait en demeure la SELARL [J] de payer la somme de 39.792,94 €, solde débiteur du compte courant. Le 26 mai 2009, le compte courant était clôturé et présentait un solde débiteur de 35.232,34 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juin 2009, le CREDIT DU NORD mettait à nouveau en demeure la SELARL [J] de payer les sommes dues.

Par ailleurs, aux termes d'une convention du 24 août 1994, Mme [L] [S], nom d'usage [J], avait ouvert un compte personnel ans les livres du CREDIT DU NORD. Par avenant du 23 septembre 1998, le CREDIT DU NORD lui accordait une facilité temporaire de trésorerie de 20 000 F soit 3 000 €. Les 18 juin et 1er septembre 2005, le CREDIT DU NORD aconsenti à Mme [S] deux prêts respectivement de 29.000 € et 10.000€, remboursables en cinq ans.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mars 2009, le CREDIT DU NORD invitait Mme [L] [S] à régulariser sa situation, son compte affichant un solde débiteur de 17.875,87 €.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 avril 2009, le CREDIT DU NORD dénonçait la facilité temporaire de trésorerie accordée à Mme [L] [S].



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2009, le CREDIT DU NORD dénonçait la convention de compte courant et les concours octroyés moyennant un préavis de 30 jours à compter de la réception de la lettre par Mme [L] [S].



Par lettre recommandée avec accusé de réception des 24 juillet, 8, 11 et 22 septembre 2009, le CREDIT DU NORD mettait en demeure Mme [L] [S] de régulariser la situation et prononçait la déchéance du terme des dernières conventions.



Par actes d'huissier des 14 et 19 janvier 2010, le CREDIT DU NORD assignait la SELARL [J] devant le Tribunal de grande instance de VERSAILLES aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 35.232,34 € au titre du solde débiteur du compte courant, mais également Mme [L] [S] à titre personnel aux fins de la voir condamner à payer la somme de 16.848,81 € au titre du solde débiteur de son compte bancaire personnel.



Parallèlement, Mme [L] [S] était assignée devant le Tribunal d' instance de POISSY en paiement de la somme en principal de 2. 637,97 € correspondant au solde d'un des prêts personnels.



Par jugement en date du 30 mars 2010, le Tribunal d' instance de POISSY rejetait l'exception d'incompétence soulevée par Madame [L] [S] au motif que la demande de la banque était soumise aux dispositions des articles L311-4 et suivants du code de la consommation, mais constatait l'existence d'un lien de connexité avec l'instance en cours devant leTribunal de grande instance de VERSAILLES justifiant le renvoi de l'affaire devant la présente juridiction.



Par ordonnance du 6 janvier 2011, le juge de la mise en état prononçait la jonction des deux procédures pendantes devant deux chambres distinctes du tribunal de grande instance, ainsi que de la procédure d'instance.





Vu l'appel interjeté le 12 septembre 2014 par la SELARL [J] et Madame [L] [S] du jugement contradictoire rendu le 10 septembre 2014 par le Tribunal de grande instance de VERSAILLES qui a :

-condamné Mme [L] [S] à payer au CREDIT DU NORD la somme de 16. 848,81€ assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2009 au titre du solde du compte courant n°30076 2055 141897 003,

-ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil,

-condamné Mme [L] [S] à payer à la SA CREDIT DU NORD la somme de

5.377,16 € avec intérêts au taux conventionnel de 4,5% à compter du 22 septembre 2009 au titre du prêt n°30076 02055 141897 0146 02,

-condamné Mme [L] [S] à payer à la SA CREDIT DU NORD la somme de

2. 637,97 € avec intérêts au taux conventionnel de 5,8% à compter du 11 septembre 2009 au titre du prêt n°30076 02055 141897 01746 04,

-condamné la SELARL [J] à payer à la SA CREDIT DU NORD la somme de

35.232,34 € au titre du solde débiteur du compte courant numéro [Compte bancaire 1], assortie des intérêts au taux conventionnel de 11,10 % à compter du 18 juin 2009,

-condamné le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 1.100€ à titre de dommages et intérêts,

-débouté la SELARL [J] et Mme [L] [S] de toutes leurs autres demandes,

-rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties,

-condamné Mme [L] [S] et la SELARL [J] à payer au CREDIT DU NORD chacune la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné Mme [L] [S] et la SELARL [J] aux dépens de l'instance,

-dit qu'ils pourront être recouvrés directement par la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;





Vu l'ordonnance d'incident en date du 17 mars 2015, par laquelle le conseiller de la mise en état de la 16ème chambre de la cour d'appel de VERSAILLES :

-s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande tendant à l'annulation de la décision entreprise,

-a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence et la demande de disjonction de partie du litige,

-renvoyé l'affaire au 3 novembre 2015 pour clôture et au mercredi 16 décembre 2015 à 14 heures pour plaidoiries,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à ce stade de la procédure,

-condamné Mme [L] [S] et la SELARL [J] aux dépens du présent incident avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause qui peuvent en bénéficier ;






Vu les dernières conclusions en date du 26 octobre 2015 par lesquelles la SELARL [J] et Madame [L] [S], appelantes, demandent à la cour de :

Vu les dispositions du code de procédure civile et notamment des articles 14 et 16,

Vu les dispositions de l'article 125 du code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 102 et suivants du code de procédure civile,

Vu les dispositions du code de la consommation et notamment l'article L 311.52,

Vu les dispositions du code monétaire et financier et notamment l'article L 313-12,

Vu les dispositions de l'article 786 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 503 du code procédure civile,

In limine litis :

-déclarer nul le jugement rendu le 10 septembre 2014 car violant les dispositions de l'article 786 du code de procédure civile,

-déclarer nul le jugement pour défaut du respect des dispositions des articles 14 et 16 du code de procédure civile et atteinte à la loyauté des débats,

-déclarer nul le jugement pour non-respect des dispositions d'ordre public de l'article L311.52 du code de la consommation,

Y ajoutant,

-rejeter l'ensemble des demandes du CREDIT DU NORD à l'égard de la SELARL [J], confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a considéré que la banque avait incontestablement manqué à son obligation d'information envers la SELARL [J], l'infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau,



En ce qui concerne la SELARL [J] :

-confirmer que les chèques impayés n'ont pas fait l'objet de lettres d'avertissement et de régularisation, le CREDIT DU NORD n'en justifiant ni l'envoi par la poste et par voie recommandée ni la réception,

-confirmer que les résiliations de la facilité de trésorerie commerciale et de la convention de compte courant sont abusives, manifestant un comportement anormal et déloyal,

-en conséquence, débouter le CREDIT DU NORD de sa demande de paiement de la somme de 35.232,34 € et de tous intérêts y afférents, ce dernier ayant créé les conditions de son propre préjudice,

A titre reconventionnel :

Vu les articles 1134, 1147 du code civil,

-dire que la résiliation de la facilité de trésorerie et de la convention de compte courant est abusive et déloyale,

-dire que la SA CREDIT DU NORD a commis des fautes dans les relations contractuelles ;

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 32.649,09 € en réparation du préjudice lié au rejet intempestif des chèques et prélèvements et en réparation de la rupture abusive des concours qui lui étaient accordés sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 5.553,71 € au titre des frais complémentaires d'impayés exposés sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 5.000€ pour indemniser le préjudice né de l'absence de secrétaire sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 50.346,82 € au titre de la perte de chiffre d'affaires occasionnée sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de

2.991,94 € au titre des sommes indûment prélevées par la banque (double consignation), sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 130.000€ au titre de la perte d'un client important (la société LAVAZZA France) sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 8.970 € au titre des frais de recrutement de la secrétaire sur le fondement de l'article 1 147 du code civil,

A titre subsidiaire,

Si la cour estime qu'il s'agit de fautes délictuelles sur le fondement de l'article 1382 :

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 32.649,09€ au titre du préjudice causé,

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 8.970,00€ au titre des frais de recrutement de la secrétaire,

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 5.000 € pour indemniser le préjudice né de l'absence de secrétaire,

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 50.346,82€ au titre de la perte de chiffre d'affaires occasionnée,

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 130.000€ au titre de la perte d'un client important,

-condamner le CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 35.000 € autitre de son préjudice moral et 30.000 € au titre de de l'atteinte à sa réputation,

A titre infiniment subsidiaire :

-dire y avoir lieu à compensation du montant de ces condamnations avec les sommes qui pourraient être dues par la SELARL [J] au CREDIT DU NORD,

-En tout état de cause, dans les deux cas,

-condamner le CREDIT DU NORD au paiement à la SELARL [J] de la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner le CREDIT DU NORD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître PEDROLETTI , avocat au Barreau de VERSAILLES,



En ce qui concerne Mme [L] [S] personnellement :

-débouter la SA CREDIT NORD de toutes ses demandes et de toutes demandes plus amples ou contraires,

-dire que les résiliations de la facilité de trésorerie commerciale et de la convention de compte courant sont irrégulières et abusives,

-en conséquence, dire que la banque est non fondée en toute demande et débouter le CREDIT DU NORD de sa demande de paiement de la somme de 2.637,97 € et de tous intérêts y afférents au titre du prêt personnel du 1er septembre, du fait de ses fautes contractuelles,

-en conséquence, dire que la banque est non fondée et débouter le CREDIT DU NORD de sa demande de paiement de la somme de 5.377,16 € et de tous intérêts y afférents au titre du prêt personnel du 18 juin 2005 au titre de ses fautes contractuelles,

-dire que le solde du compte courant était positif de 393,28 € à la date de clôture du compte soit le 1er septembre 2009,

-en conséquence, débouter de plus fort le CREDIT DU NORD de sa demande de paiement du solde du compte de Mme [L] [S] à hauteur de la somme de 16.848,81 €, du fait de ses fautes contractuelles,

A titre reconventionnel :

Vu les articles 1134, 1147 du code civil,

-dire que la résiliation de la facilité de trésorerie et de la convention de compte courant est abusive et déloyale,

-dire que le crédit ETOILE AVANCE n'a pas été dénoncé à nouveau passé le 26 avril 2009,

-dire que le CREDIT DU NORD a commis en tout état de cause une faute en en ne respectant pas un délai raisonnable pour rompre ses concours,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer à Mme [L] [S] la somme de 5.000€ pour résiliation abusive et non-respect des délais de préavis sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

-dans l'hypothèse où Madame [L] [S] serait condamnée au remboursement des sommes sollicitées par le CREDIT DU NORD, condamner le CREDIT DU NORD à payer à Mme [L] [S] la somme de 5.000 € pour indemniser le préjudice né de l'entrave à sa faculté d'emprunt ;

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer au titre du principal et intérêts sur le prêt qu'elle a souscrit aux fins de payer en cas d'exécution les condamnations mises à sa charge, la somme de 10.969,19 € + 150 € soit 11.119,19 €,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer à Mme [L] [S] la somme de 5.000€ au titre des frais exposés sur le fondement de l' article 1147 du code civil,

Si la cour estime que les fautes commises par le CREDIT DU NORD sont quasi délictuelles sur le fondement de l'article 1382 du code civil :

-dans l'hypothèse où Mme [L] [S] serait condamnée au remboursement des sommes sollicitées par le CREDIT DU NORD, condamner le CREDIT DU NORD à lui verser la somme de 5.000 € pour indemniser le préjudice né de l'entrave à sa faculté d'emprunt et à la perte d'une chance d'emprunter à titre personnel,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à lui payer à la somme de 5.000 € au titre des frais exposés,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer à Mme [L] [S] la somme de 190.000 € au titre de la perte de chance de s'associer,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à payer à Mme [L] [S] la somme de 5.000€ au titre de son préjudice moral,

-dire y avoir lieu à compensation du montant de cette condamnation avec les sommes qui pourraient être dues par Mme [L] [S] au CREDIT DU NORD,

-condamner la SA CREDIT DU NORD à lui payer une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction est faite au profit de Maître PEDROLETTI ;



Vu les dernières conclusions en date du 22 octobre 2015 par lesquelles le CREDIT du NORD, intimé, demande à la cour de :

-rejeter purement et simplement les demandes formées in limine litis par Mme [L] [S] et la SELARL [J] tendant à voir déclarer nul le jugement entrepris,

-confirmer purement et simplement le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

-condamner Mme [L] [S] et la SELARL [J] à payer au CREDIT DU NORD une indemnité de 5.000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

-les condamner aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de Maître Franck LAFON, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;






SUR CE , LA COUR :



La Cour se reporte, pour l'exposé des faits constants de la cause et des moyens des parties, aux écritures échangées par celles-ci conformément à l'article 455 du C.P.C., et à la motivation du jugement entrepris.



Sur la demande en nullité du jugement sur le fondement des articles 14, 16 et 786 du code de procédure civile :



Les appelantes reprochent au jugement d'avoir méconnu les dispositions de l'article 786 du code de procédure civile dans la mesure où pour que l'affaire soit entendue devant un juge rapporteur, il faut que les avocats ne s'y opposent pas et qu'ils aient été en mesure d'exprimer leur position à l'ouverture des débats; or, devant le tribunal l'affaire n'a pas été plaidée, mais a fait l'objet d'un dépôt de dossier.



Si aucune opposition formelle n'a été formulée à la tenue de l'audience par le juge rapporteur, ni, antérieurement à l'audience, lors de la mise en état de l'affaire, ni au jour des plaidoiries, Mme [S] était bien présente à cette audience dont seuls ses avocats pouvaient lui avoir indiqué la date, eux-mêmes en ayant été avisés, et étant dès lors en mesure de s'opposer à la tenue de celle-ci devant un seul juge.



Les appelantes soulèvent encore l'atteinte aux droits de la défense, leur avocat Me [O], qui intervenait en succédant à Me [H] leur premier conseil, ayant rencontré selon lui, 'des difficultés à faire enregistrer sa constitution', puis n'ayant effectué aucun acte de procédure et ne s'étant pas présenté à l'audience. Ce second conseil s'étant constitué aux lieu et place le 5 mars 2013, les dernières conclusions du CREDIT DU NORD prises dans le cadre d'un incident des appelantes au mois de janvier 2013, ont été régulièrement signifiées à Me [H]. Le moyen soulevé par Mme [S] ET la SELARL [J] ne concernant que les rapports qu'elles entretiennent avec leurs conseils successifs, le tribunal n'a pu que constater le défaut de conclusions de leur avocat malgré l'injonction aux fins de clôture qui lui avait été décernée. Par ailleurs, Mme [S] reconnaît avoir pu déposer son dossier. La demande de nullité du jugement de ce chef est en conséquence rejetée.



D'autre part, la demande 'reconventionnelle' de la SELARL [J] tendant au remboursement par le CREDIT DU NORD du montant d'un prêt souscrit par elle pour régler les condamnations prononcées à son encontre en première instance est mal fondée, dès lors que la SELARL appelante n'a pas réglé à ce jour les condamnations concernées, et que le lien de causalité entre la souscription du prêt allégué et l'exécution du jugement n'est pas établi.



Sur la nullité du jugement en ce qu'il a prononcé condamnation au titre d'un contrat de crédit à la consommation :



Le CREDIT DU NORD a assigné Mme [S] devant le Tribunal d'instance de POISSY aux fins de la voir condamner à lui payer une somme de 2.637,97 € avec intérêts conventionnels au titre du solde débiteur d'un prêt personnel de 10.000 € soumis aux dispositions sur le crédit à la consommation. Mme [S] ayant soulevé l'incompétence du tribunal d'instance au profit du tribunal de grande instance saisi d'autres demandes à son encontre, et subsidiairement la litispendance et la connexité, le Tribunal d'instance de Poissy a par jugement du 30 mars 2010 rejeté l'exception d'incompétence soulevée au motif de l'exclusivité de sa compétence s'agissant d'un crédit à la consommation, mais a, constatant la connexité de l'affaire avec celles dont le Tribunal de grande instance était saisi, renvoyé l'affaire devant cette dernière juridiction.



Il convient à ce titre de relever que Mme [S] reproche au tribunal d'instance d'avoir accueilli sa propre demande, outre que la décision prise sur l'exception de connexité n'est susceptible en tout état de cause que d'un recours par voie de contredit. A défaut d'infirmation sur contredit, la décision de renvoi s'impose tant aux parties qu'à la juridiction désignée.



Mme [S] verra rejeter la demande de nullité de jugement ainsi motivée.



Sur les demandes en paiement à l'encontre de la SELARL [J] :



Cette demande sera examinée en premier lieu, la SELARL [J] faisant justement observer que le présent litige est né tout entier de la résiliation par la banque de l'autorisation conventionnelle de découvert sur son compte professionnel, la résiliation des compte et contrats personnels n'étant que la conséquence de la cessation des relations contractuelles professionnelles.



Mme [S] oppose aux demandes en paiement de la société CREDIT DU NORD portant sur le solde débiteur du compte courant de la SELARL [J], société professionnelle d'avocats, la rupture brutale et abusive des relations contractuelles par la banque, lui ayant porté préjudice dans son activité professionnelle, génératrice de dommages-intérêts qu'elle fixe à 32.649,09 €, montant total des chèques abusivement rejetés.



Il convient tout d'abord de rappeler que la convention de compte courant du 6 août 1992 et la facilité de trésorerie commerciale du 23 août 2007 ayant été conclues pour une durée indéterminée, chaque partie peut procéder à leur résiliation à sa convenance, sans qu'il soit besoin de motiver sa décision. Les parties sont seulement tenues de respecter un préavis, fixé en matière de crédit à 60 jours par les articles L 313-12 et D 313-14-1 du code monétaire et financier. Le premier de ces textes dispense la banque de donner préavis en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas ou la situation de ce dernier s'avèrerait irrémédiablement compromise. La société CREDIT DU NORD oppose qu'elle a bien donné le préavis de deux mois requis par ces textes pour la résiliation de la convention de découvert et la clôture du compte , laissant entendre toutefois qu'elle a résilié car la situation financière de la SELARL [J] allait en s'aggravant.



A ce titre, la SELARL [J] établit qu'au contraire sa situation financière n'était nullement obérée, ce qui est attesté par les documents comptables de la société, la banque recevant le 30 juin de chaque année le solde intermédiaire de gestion bénéficiaire du cabinet, démontrant la bonne santé financière de ce dernier. Outre que le chiffre d'affaires au 30 juin 2007 était similaire à celui au 30 juin 2008, la société au 31 décembre 2008 avait réalisé un chiffre d'affaires de 532.512 € et avait un résultat d'exploitation avant impôt de +21.648 € en 2007 et de +15.197 € en 2008. L'appelante rappelle que le CREDIT DU NORD lui a accordé une facilité de trésorerie commerciale de 40.000 € au taux conventionnel de 11,10 % pour une durée indéterminée par avenant du 23 août 2007 à la convention de compte de 1992, la société ayant bénéficié pendant des années d'une autorisation de découvert de 25.000 €. Cette facilité de trésorerie conventionnelle a été expressément renouvelée le 20 octobre 2008. Ainsi il est établi que les parties entretenaient des relations de confiance réciproques, anciennes de plus de seize années, fondées sur la clientèle prestigieuse de la société, que la banque connaissait et dont les factures étaient régulièrement payées. La banque disposait au surplus de la caution personnelle des époux [S].



Les relevés de compte pour la période de septembre 2008 à janvier 2009 démontrent que si en fin de mois, et notamment les 30 septembre et 30 novembre 2008, le compte accusait des débits supérieurs au découvert autorisé, c'est parce que la banque ne comptabilisait pas immédiatement à réception les virements et remises de la SELARL [J]. A la survenue au 31 décembre 2008 d'un dépassement plus important résultant de la combinaison du dépôt de chèques par la secrétaire et du non paiement ponctuel par un client important, la société Mitsubishi, de sa mensualité sur honoraires, la banque a réagi de façon intempestive par une résiliation des facilités de caisse du cabinet d'avocats, deux mois après leur renouvellement exprès.



+sur le rejet abusif des chèques de paiement de la SELARL le 6 janvier 2009 :



La SELARL [J] reproche au CREDIT DU NORD d'avoir rompu brutalement les relations contractuelles, et mis fin à la facilité contractuelle de trésorerie dont bénéficiait le compte de la SELARL par le rejet de 32 chèques venant au-delà du découvert accordé alors qu'elle n'a tenu compte que tardivement des remises effectuées, et surtout a rejeté les chèques sans adresser à la SELARL [J] la lettre d'injonction et l'avertissement de rejet de chaque chèque préalablement, conformément aux dispositions de l' article L 131-73 du code monétaire et financier. L'appelante reproche à l'établissement de crédit un abus du droit de résilier la facilité de trésorerie en l'absence de justes motifs de résiliation de la convention de découvert, puis de la convention de compte elle-même.



En l'espèce, le vendredi 2 janvier 2009 à 16 h22, la SA CREDIT DU NORD invitait par courriel la SELARL [J] à régulariser sans délai sa situation compte tenu d'un débit sur son compte bancaire dépassant son autorisation de découvert, sans quoi elle se verrait contrainte de rejeter les paiements qui se présenteraient à compter du mardi 6 janvier 2009. Sans courrier préalable visant précisément les chèques rejetés, le CREDIT DU NORD annonçait à Mme [J] par mail du mardi 6 janvier 2009 à 13h55, avoir rejeté 32 chèques présentés à l'encaissement. Or il appartient en tous les cas à la juridiction saisie d'apprécier le caractère raisonnable et réaliste des modalités de la faculté de régularisation 'sans délai' concédée au client . Dans les faits, ce sont le vendredi après-midi et le lundi qui ont été laissés à la cliente de la banque pour revenir dans les limites du découvert autorisé, et ce au lendemain des fêtes de fin d'année, alors que beaucoup de clients étaient encore en congé.



Pourtant le lundi 5 janvier 2009 à 13h04, la SELARL [J] avait adressé à la banque un courriel énumérant tous les règlements à intervenir de ses clients et leur montant, pour un total à recevoir de 49.962,27 €, et le 6 janvier près de 7.000 € avaient déjà été remis sur le compte. Il y a lieu de noter que cette pratique de l'annonce des remises tenait lieu de loi aux parties depuis de nombreuses années. LA SELARL ajoutait dans son mail : "Je vous remercie donc de ne pas refuser tout prélèvement, étant précisé qu'aucun nouveaux règlements n'ont ét adressés aux fournisseurs ; le montant du découvert ne peut donc que diminuer d'ici vendredi 9 janvier 2009.'



A l'issue des opérations enregistrées après avoir été annoncées le vendredi 9 janvier 2009, le solde du compte s'établissait à - 17.139,82 €, soit largement dans le cadre du découvert autorisé. Ce même jour, la SELARL demandait à la banque de bloquer la provision des chèques rejetés pour obtenir mainlevée de l'interdiction auprès de la Banque de France.



Le courrier recommandé doublé d'une lettre simple daté par la banque du 7 janvier 2009 dénonçant la facilité de trésorerie apparaît ainsi avoir été rédigé et posté en réalité le 9 janvier 2009, ainsi que l'indique le cachet de la poste sur le pli simple ; il n'a été reçu que le 12 janvier par la SELARL [J]. A sa date, le solde débiteur était pourtant largement régularisé.



Il est constant que dans ces conditions, la SELARL [J] n'était pas mise en mesure de régulariser sa situation dans un délai raisonnable, alors que les paiements annoncés par Mme [S]-[J], gérante de la SELARL, ont afflué toute la semaine et que dès le vendredi 9 janvier 2009, le solde débiteur du compte était ramené à -17.139,82 €.



En application de l'article L 131-73 du code monétaire et financier, le tiré doit avant de refuser le paiement d'un chèque pour défaut de provision, adresser au titulaire du compte un avertissement précis des conséquences du défaut de provision. L'avertissement doit être précis et viser chacun des chèques préalablement à son rejet. L'assertion de la SELARL selon laquelle elle n'a jamais reçu les lettres d'avertissement visant précisément les chèques rejetés, est corroborée par la production seulement en cours d'instance par la banque desdites lettres, en outre adressées au [Adresse 5], précédent siège de la SELARL plus de deux ans auparavant, alors que la banque était bien sûr informée de l'entrée du cabinet depuis le 1er janvier 2007 au [Adresse 6].



Enfin il apparaît que la banque a débité deux fois en consignation plusieurs chèques, ce qui maintenait au désavantage de la SELARL [J] une situation plus déficitaire que ce qu'elle était en réalité. La preuve de ces doubles débits est rapportée par une attestation de l'expert-comptable indépendant de la société d'avocats du 20 janvier 2010.



En conséquence, il convient de constater que le droit de la banque de résilier a

dégénéré en abus du fait même de la brutalité des rejets des chèques. La résiliation par le CREDIT DU NORD de la facilité de trésorerie conventionnelle sur le compte courant de la SELARL [J] sera déclarée fautive, la banque ayant manqué à son obligation de contracter de bonne foi.



+ sur la résiliation abusive de la convention de compte conclue avec la SELARL [J] :



Au regard de l'ancienneté des relations contractuelles entre la SELARL [J] et son banquier, de la nature d'entreprise du cabinet d'avocats, ainsi que du délai nécessaire à la cliente pour retrouver un nouveau banquier et opérer toutes ses domiciliations, un préavis de six à douze mois aurait été approprié en cas de résiliation de pure convenance.



A défaut de pouvoir être déclarées nulles, les résiliations de la facilité de trésorerie conventionnelle, et consécutivement de la convention de compte courant conclue avec la SELARL [J], seront dites abusives et génératrices de dommages-intérêts réparatoires.



Sur la résiliation de la facilité de trésorerie et la clôture du compte personnel de Mme [S] :



Aux termes de l'article 1134 du code civil, « les conventions légalement formée tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites 'Elles doivent être exécutées de bonne foi'.

Mme [S] -[J] disposait au CREDIT DU NORD, d'un compte de dépôts n° 300760255 141897 003 ouvert le 24 août 1994, sur lequel elle bénéficiait d'une facilité de trésorerie de 20.000 F, soit 3.048,98 €, depuis le 23 septembre 1998. Plusieurs prêts lui avaient été consentis : un prêt personnel classique le 18 juillet 2005, un prêt personnel « étoile express » le 1er septembre 2005 et une offre de crédit renouvelable « revolving », dite « étoile avance ». Aucun impayé n'est jamais intervenu sur les prêts et échéances du crédit revolving, à l'exception d'un incident de paiement le 23 mars 2009, d'un chèque déposé par un fournisseur, qui a été régularisé le jour même. Le crédit revolving avait fait l'objet d'une élévation de 10.000€ à 21.000 € (en 2008 ), puis d'un renouvellement le 31 mars 2009, la banque indiquant alors à sa cliente que le crédit serait renouvelé.



Le 9 avril 2009 cependant, la banque mettait Mme [S] en demeure avant

déchéance du terme du crédit revolving, au motif qu'un chèque de 15.680 € d'un prestataire de la SELARL avait été déposé le 23 mars 2009 sur ce compte, sans tenir compte du fait que le chèque avait été régularisé le jour même, Mme [S] exposant avoir remis à un prestataire un chèque de caution qui ne devait pas être débité avant le 2avril 2009, le temps qu'elle dispose du carnet de chèques de la nouvelle banque sollicitée par elle du fait des difficultés sur le compte professionnel. D'ailleurs à l'expiration du délai de quinze jours porté à la mise en demeure, la banque n'a pas prononcé la déchéance du terme, manifestant sa renonciation au vu de la régularisation opérée. Le fonctionnement du compte s'est ensuite poursuivi de façon normale, le compte étant positif au 30 avril de 386,61€.



Pourtant par lettre recommandée avec avis de réception du 2 juillet 2009, la banque résiliait la convention de compte de dépôts, soi-disant deux mois après la résiliation de la facilité de trésorerie sur ce compte,



Or alors qu'au 30 août 2009 le compte personnel était créditeur de +941,21 €, et que le compte « étoile avance » présentait un solde débiteur de '18.486,97€, la banque a dénoncé unilatéralement ce crédit revolving pour le porter le 1er septembre 2009 au débit du compte bancaire à ce jour créditeur de +393,28€,de sorte que du fait de la passation de cette écriture le compte s'est retrouvé débiteur au-delà du découvert autorisé. Le CREDIT DU NORD a ensuite rejeté « dans la foulée » les échéances de septembre 2009 des deux prêts personnels, tombant deux puis vingt et un jours plus tard, alors que sa cliente avait mis en place un virement automatique de 1.420 € depuis son autre banque pour honorer les échéances de ses trois crédits.



La banque apparaît donc avoir fait preuve de mauvaise foi en contrepassant la somme due au titre du crédit revolving, alors que les conditions de la dénonciation de ce crédit n'existaient plus, puis en présentant sa créance comme étant afférente au seul solde débiteur du compte bancaire, sans plus rien réclamer au titre du crédit renouvelable ou revolving. La résiliation de la convention de compte apparaît irrégulière et abusive comme étant la conséquence de la dénonciation du crédit « étoile avance » pourtant renouvelé en mars 2009 et récemment augmenté. La résiliation de la convention de compte à titre personnel moyennant un délai de quinze jours pour faire face à la résiliation de la facilité de trésorerie et un mois finalement seulement pour la résiliation de la convention de compte, alors que la banque n'ignorait pas que plusieurs prélèvements automatiques étaient effectués du compte personnel, a incontestablement occasionné un préjudice à Mme [S].



A défaut de disposition légale en ce sens actuellement applicable, la sanction du comportement fautif du CREDIT DU NORD ne doit pas être la nullité de la rupture du concours, mais la mise en jeu de la responsabilité de la banque pour défaut de loyauté dans ses rapports avec sa cliente.



Sur le préjudice résultant pour la SELARL [J] et de Mme [S]-[J] de la dénonciation abusive des facilités de caisse et conventions :



+Sur les préjudices de la SELARL [J] :



Le rejet des chèques sans respecter les dispositions légales, entraînant une résiliation brutale et abusive du découvert autorisé puis compte courant lui-même de la SELARL [J], constitue une faute consistant en un manquement à l'obligation de bonne foi visée à l'article 1134 du code civil, appelant réparation conformément aux dispositions de l'article 1147 du code civil.



Tout d'abord, la SELARL [J] s'est vue réclamer par la banque des frais de rejet des virements et chèques, frais et commissions, frais de clôture de compte d'un montant total de 4.085,01€, dans lesquels est d'ailleurs comprise la somme de 1.410 € réclamée séparément par l'appelante. Les trois autres postes visés de ce chef sont soit insignifiants soit non justifiés. Il convient de dire le préjudice de la SELARL du chef des frais de rejet d'impayés et des commissions justement réparé par l'octroi d'une somme de même montant à titre de dommages-intérêts.



La secrétaire de la SELARL, Mme [L], qui venait d'être embauchée et a vu son premier salaire rejeté à l'issue de son premier mois d'essai, a pris peur pour sa situation et a donné sa démission le 12 janvier 2009, ce qui a contraint la SELARL à rechercher une autre salariée, à la former et donc à perdre temps et argent. Outre que Me [J] n'a trouvé une nouvelle secrétaire que trois mois plus tard, elle a dû négocier avec la banque la remise d'un chèque de banque à Mme [L] le 8 janvier 2009, et surtout assumer toutes les charges du cabinet pendant la même durée avec toutes les difficultés liées à la disponibilité de l'avocat. MMe [J] a dû gérer seule la représentation des impayés par appel de chacun de ses clients, pour explication de la situation. Ce préjudice découlant de l'excès de démarches matérielles entravant la poursuite de ses obligations professionnelles doit être chiffré à la somme de 5.000 € ainsi qu'au coût de la facture du 14 mai 2009 relative au recrutement en urgence d'une secrétaire, d'un montant de 8.970 €, Mme [J] ayant du recourir à un cabinet de recrutement à défaut de temps pour effectuer elle-même cette recherche.



La SELARL [J] n'ayant pu maintenir une activité normale du fait de ses difficultés bancaires pendant les six premiers mois de l'année 2009, certains de ses co-contractants et clients ont perdu confiance. Me [J] sollicite la compensation de la perte de chiffre d'affaires découlant du temps moindre consacré par la SELARL à la gestion des dossiers de ses clients et à la facturation du travail correspondant. L'appelante ajoute qu'elle a en clientèle un portefeuille de sociétés importantes, et qu'elle a constaté la perte d'un client important, la société italienne LAVAZZA, qui, appliquant le principe de précaution, au vu du fichage Banque de France de son conseil dès le 8 janvier 2009, l'a dé-référencée et a cessé de lui confier ses dossiers contentieux, s'abstenant à compter du mois de mars 2009 de lui renouveler les dossiers en cours. Or la SELARL [J] effectuait depuis quinze ans avec ce client un chiffre d'affaires de 130.000 à 160.000 € par an.

Il sera fait partiellement droit à ces demandes. En effet si la SELARL démontre par la comparaison de ses soldes intermédiaires de gestion arrêtés au 30 juin 2008 et au 30 juin 2009, avoir souffert au premier semestre 2009 une perte de chiffre d'affaires de 42.096 € HT, qui doit être indemnisée, la réduction de moitié du chiffre d'affaires réalisé avec la société LAVAZZA en 2009 doit seule être prise en considération, le préjudice du cabinet d'avocat étant complété par la perte d'une chance de ne pas avoir à soumissionner de nouveaux appels d'offres de cette société. Il convient d'allouer à la SELARL [J] à ce titre une somme de (65.000 + 30.000 €)= 95.000 €.



La SELARL [J] réclame également à juste titre le remboursement d'une somme de 2.991,94 € représentant le montant cumulés de six chèques remis au crédit du compte professionnel pour régularisation et dont le montant a été consigné deux fois par la banque les 7, 8, 12 et 14 janvier 2009, ainsi que l'établit l'attestation détaillée faisant foi jusqu'à inscription de faux du cabinet d'expertise comptable indépendant de la SELARL [J], la société Rexco Conseils, du 29 janvier 2010. Il est fait droit par infirmation du jugement entrepris à la demande de la SELARL [J], justifiée en appel. Le solde débiteur du compte est ainsi ramené à la somme de 32.240,40 €.



Mme [S] -[J] détentrice à 100 % du capital de sa SELARL revendique le préjudice relatif à la perte d'une chance d'association avec Me [V], avocat au Barreau des Hauts de Seine, qui travaillait en collaboration avec elle depuis deux ans. Elle soutient qu'il était prévu une association au cours de l'année 2009, et une prise de participation de son confrère à hauteur de 30 %, alors que celui-ci percevait déjà une rétrocession d'honoraires de 5.800 € HT par mois.

Force est de constater que la seule pièce produite par Mme [J] à l'appui de cette association est un courriel adressé par elle le 28 octobre 2008 à Me [V], dans lequel elle évoque le projet d'association, révélant qu'à la date indiquée ce projet n'en était qu'aux pourparlers et que ni le montant de la participation ni le prix de cession n'étaient déterminés. La date suggérée dans ce mail par Mme [J] pour la formalisation de l'acte, 30 novembre 2008, était déjà largement dépassée lorsqu'en janvier 2009 elle a connu les difficultés financières litigieuses. Aucune pièce émanant du futur associé potentiel n'est communiquée par Mme [J] pour confirmer un début de concrétisation de ce projet, de même que rien n'établit le lien de causalité entre les difficultés de Mme [J] avec sa banque et l'abandon du projet. Dès lors, ce chef de demande sera rejeté.



Enfin la SELARL [J] invoque son préjudice moral et l'atteinte à sa réputation, et entend se voir indemniser de ces préjudices par deux sommes respectivement de 35.000 € et 30.000 €. La SELARL invoque à l'appui de cette demande de deux indemnités distinctes le même préjudice tenant au fichage dont elle a fait l'objet de la part de la banque CREDIT DU NORD, qui l'aurait empêchée de conclure dans des conditions avantageuses à l'occasion de plusieurs investissements ultérieurs.



La cour dispose des éléments suffisants pour, à défaut de plus amples justifications, dire que le préjudice moral tenant à l'atteinte à sa réputation découlant du fichage intempestif à la Banque de France sera compensé par l'allocation d'une seule somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts.



+Sur le préjudice de Mme [S] :



Il a été démontré plus haut que la situation débitrice du compte chèques bancaire personnel de Mme [S] était due à la résiliation unilatérale et prématurée par le CREDIT DU NORD du crédit renouvelable Etoile Avance et à sa contre-passation en débit sur le compte ordinaire, alors qu'il n'existait aucun impayé et que le compte était positif au 1er septembre 2009, ce qui a entraîné la déchéance du terme des deux prêts personnels des 18 juin et 1er septembre 2005 pour les montants respectifs de 29.000 et 10.000 €, alors que jusqu'en septembre 2009 le remboursement des mensualités de ces prêts intervenait régulièrement sans incident. S'agissant de la lettre de déchéance du terme du 8 septembre 2009 concernant le prêt étoile Express du 1er septembre 2005 dont l'échéance tombait le 3 septembre 2009, la banque ne produit pas l'accusé de réception correspondant et apparaît avoir contrevenu aux dispositions de l'article L 311-19 du code de la consommation pour ce contrat. Force est de constater que la situation du compte bancaire de Mme [S], créditrice de 393,28 €, aurait permis le prélèvement mensuel de 194,96 € si entre temps la banque n'avait pas rendu le compte débiteur du montant d'un crédit 'Étoile Avance' dont les échéances étaient à jour et qui n'avait pas été préalablement dénoncé. Il y a lieu d'en déduire que la banque CREDIT DU NORD n'a pas respecté les préavis de dénonciation et résiliation des différentes conventions conclues avec Mme [S] personnellement, alors même que celle-ci avait mis en place dès août 2009 un virement mensuel du montant des échéances des trois crédits dont elle bénéficiait, devant prendre effet en septembre 2009.



Le préjudice matériel résultant pour Mme [S] de ces résiliations intempestives alors qu'elle tentait de maintenir ses relations individuelles avec la banque justifie l'octroi à l'intéressée d'une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts.



Mme [S] se prévaut également de l'entrave à sa capacité personnelle d'emprunt et à la perte d'une chance d'avoir remboursé les prêts de 10.000 et 29.000 €au 1er juin et 1er octobre 2010 selon les prévisions contractuelles. Sa capacité d'endettement a été entravée par les incidents litigieux et elle a perdu une chance de souscrire de nouveaux crédits à compter du terme des précédents. Ce préjudice résulte directement de la rupture des relations imposée indûment par la banque et il sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 2.500 € à titre de dommages-intérêts.



De même il y a lieu d'accorder à Mme [S], au titre du préjudice moral découlant de l'obligation de consacrer plus de temps encore à ses obligations professionnelles, au détriment de ses obligations familiales notamment vis à vis de ses enfants alors âgés de 9 et 11 ans, une somme de 5.000 €.



Sur la demande de délais :



Mme [S] formule une demande de délais de paiement à titre personnel, sans toutefois justifier de sa situation actuelle. Cette demande est rejetée.



Sur la demande de compensation :



La compensation est ordonnée entre les créances réciproques des parties, à dûe concurrence de leur montant respectif.



Sur l'abus de procédure et l'article 700 du code de procédure civile :



La société CREDIT DU NORD qui a assigné trois fois Mme [S] personnellement alors que deux assignations visent exactement la même demande, soit la constatation de la régularité de résiliation de la convention d e compte, a commis un abus de procédure qui sera sanctionné par l'octroi d'une indemnité de 2.500 €.



IL apparaît équitable au vu des circonstances de la cause et de la situation respectives des parties, d'allouer à la SELARL [J] ET ASSOCIES une somme de 10.000 €, et à Mme [S] (nom d'usage [J]) une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles de procédure que les appelantes ont été contraintes d'exposer devant la cour pour la préservation de leurs droits.



Sur les dépens :



Succombant en son argumentation et en ses demandes incidentes, La société CREDIT DU NORD supportera les dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS, LA COUR :



Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :



Déboute Mme [L] [E] épouse [S] et la SELARL [J] de leurs demandes tendant à la nullité du jugement entrepris ;



CONFIRME le jugement rendu le 10 septembre 2014 par le Tribunal de grande instance de VERSAILLES contradictoirement entre les parties, sauf sur le montant de la condamnation à paiement de la SELARL ainsi qu'en ce qu'il a limité l'appréciation de la responsabilité de la banque à la résiliation abusive de la convention de découvert assortissant le compte courant de la SELARL [J], et en ce qu'il a fixé le préjudice afférent,



Statuant à nouveau sur le montant de la condamnation à paiement :



Condamne la SELARL [J] à payer à la SA CREDIT DU NORD la somme de 32.240,40 € au titre du solde débiteur du compte courant n° [Compte bancaire 1], outre les intérêts au taux conventionnel de 11,10% à compter du 18 juin 2009 ;



Statuant à nouveau sur la demande reconventionnelle en responsabilité de la SA CREDIT DU NORD, tant à l'égard de la SELARL [J] que de Mme [L] [S]



Dit que la résiliation de la facilité de trésorerie et de la convention de compte de la SELARL [J] est abusive et déloyale ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] une somme de

32.240,40 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au rejet intempestif des chèques et prélèvements et à la rupture abusive des concours qui lui étaient accordés ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] une somme de 4.085,01 €au titre des frais bancaires d'impayés, de rejet et commissions afférents à la rupture des relations contractuelles ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] les sommes de

5.000 € et 8.970 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de l'absence de secrétaire ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] les sommes de 42.096 € à titre de dommages-intérêts au titre de la perte sur chiffre d'affaires, et 95.000 € en compensation du préjudice né de la perte d'un client important en la personne de la société LAVAZZA FRANCE ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] une somme de 2.991,94 €en remboursement des sommes indûment prélevées par la banque sur le compte courant de la SELARL ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à la SELARL [J] la somme de 15.000€ en réparation du préjudice moral découlant de l'atteinte à la réputation du cabinet d'avocat après son fichage à la Banque de France ;



Déboute la SELARL [J] du surplus de ses demandes d'indemnisation ;



Ordonne la compensation des sommes que se doivent réciproquement la SA CREDIT DU NORD et la SELARL [J], à due concurrence de leur montant respectif ;



Dit irrégulières et abusives les résiliations de la facilité de trésorerie et de la convention de compte bancaire de Mme [L] [E] épouse [S], nom d'usage [J] ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à Mme [L] [E] épouse [S] une somme de 16.848,81 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la rupture abusive des facilité de trésorerie contractuelle et du compte bancaire n° 30076 2055 141897 003 ouvert à son nom dans les livres de la banque ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à Mme [L] [E] épouse [S] une somme de 5.377,16 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la résiliation abusive du prêt personnel du 18 juin 2005, outre à titre de dommages-intérêts complémentaires le montant de tous intérêts afférents ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à payer à Mme [L] [E] épouse [S] une somme de 2.637,97 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la résiliation abusive du prêt personnel du 1er septembre 2005, outre à titre de dommages-intérêts complémentaires le montant de tous intérêts afférents ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à régler à Mme [L] [E] épouse [S] les sommes de 5.000 € en réparation de son préjudice matériel, de 2.500 € en réparation de la réduction de sa capacité d'endettement, et de 5.000 € au titre de son préjudice moral ;



Ordonne la compensation des sommes que se doivent réciproquement la SA CREDIT DU NORD et Mme [L] [E] épouse [S] , à due concurrence de leur montant respectif;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à régler à Mme [L] [E] épouse [S] une somme de 2.500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD à verser à la SELARL [J] une somme de 10.000 €, et à Mme [L] [E] épouse [S] une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; rejette la prétention de la SA CREDIT DU NORD du même chef ;



Condamne la SA CREDIT DU NORD aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.





- signé par Madame MASSUET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier,Le conseiller,

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