26 mai 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/13060

Pôle 4 - Chambre 7

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE [Localité 3]

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 26 Mai 2016

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13060 ( 15-17386, 15-20276 et 15-20289)



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Juin 2015 par le tribunal de grande instance de [Localité 3] RG n° 14/00219



APPELANTES



SCI [E] DES ROSES, représentée par son gérant Monsieur [U] [E]

(RG15/13060 et 15-20289)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me William WOLL, avocat au barreau de [Localité 3], toque : C0448



SCI [E] DES RASES Aciennement '[E] des Roses' et devenue '[E] des Rases' au cours de la procédure en première instance

( RG 15-17386, 15-20276)

Représentant légal : M. [U] [T] [E] (Gérant)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me William WOLL, avocat au barreau de [Localité 3], toque : C0448



INTIMÉES (RG 15/13060, 15-17386, 15-20276 et 15-20289)



VILLE DE [Localité 3]

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne LE SOURD-DESFORGES de la SELARL LE SOURD-DESFORGES, avocat au barreau de [Localité 3], toque : K131



DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE [Localité 3]

Commissariat du gouvernement

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par M. [P] en vertu d'un pouvoir général





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 Avril 2016, en audience publique, devant la cour composée de



M. Christian HOURS, Président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Mme le Premier Président de la Cour d'Appel de [Localité 3],



M. Claude TERREAUX, Conseiller désigné par Mme le Premier Président de la Cour d'Appel de [Localité 3]



Mme Agnès DENJOY, Conseillère désignée par Mme le Premier Président de la Cour d'Appel de [Localité 3]



Greffier : Mme Isabelle THOMAS, lors des débats



ARRÊT :- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






Exposé :



La SCI [E] des Roses, propriétaire d'un appartement constituant le lot 36 de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 3], dont le gérant est M.[U] [E], ayant fait part, le 30 juin 2014, de son intention de le vendre au prix de 150 000 euros, la ville de [Localité 3] lui a fait, le 26 août suivant, une offre d'acquisition au prix de 75 000 euros, qui a été refusée.



La ville de [Localité 3], titulaire du droit de préemption qu'elle a entendu exercer sur ce bien, a saisi le juge de l'expropriation pour en voir fixer le prix.



La cour statue sur l'appel (procédure 15/13060) formé, le 23 juin 2015, par la SCI [E] des Roses (en abrégé la SCI)), de la décision de la juridiction de l'expropriation de Paris du 4 juin 2015, ayant fixé le prix d'acquisition du bien à la somme de 78 245 euros, la ville de [Localité 3] étant condamnée à payer à la SCI la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.



La société [E] des Rases, anciennement dénommée société [E] des Roses, a également interjeté appel de ce jugement, par RPVA, le 14 août 2015, à la suite de la signification qui lui a été faite du jugement à son nouveau nom, le 3 août 2015.



En cause d'appel, ces deux sociétés ont présenté, d'une part, des questions prioritaires de constitutionnalité (RG 15/20276 et RG 15/20289) et, d'autre part, une argumentation au fond (RG 15/13060 et 15/17386).



Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :



sur la recevabilité des appels et le fond du dossier :



- adressées au greffe, le 10 septembre 2015, (procédure 15/13060) par la SCI [E] des Roses, appelante, aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- fixer le prix de vente du lot en cause à la somme de 150 000 euros ;

- condamner la ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel et à supporter les dépens ;



- adressées au greffe, le 25 septembre 2015, (procédure 15/17386) par la SCI [E] des Rases, appelante, exactement aux mêmes fins que les écritures ci-dessus ;



- adressées au greffe, le 5 novembre 2015, par la ville de [Localité 3] (procédure 15/13060), aux termes desquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner l'appelante aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



- adressées au greffe, le 8 janvier 2016, par la ville de [Localité 3] (procédure 15/17386), soulevant l'irrecevabilité de ce nouvel appel et tendant, subsidiairement, aux mêmes fins que ses écritures ci-dessus ;



- adressées au greffe, le 28 septembre 2015, (procédure 15/13060) par le commissaire du gouvernement, aux termes desquelles il conclut à la confirmation du jugement critiqué.



- adressées au greffe, le 24 février 2016, (procédure 15/17386) par le commissaire du gouvernement, aux termes desquelles il conclut également à la confirmation du jugement critiqué.



Sur les questions prioritaires de constitutionnalité,



- adressées au greffe, le 8 octobre 2015, par la SCI [E] des Rases, aux termes desquelles elle demande à la cour de prendre acte de la question de constitutionnalité portant sur l'alinéa 2 de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme pour violation des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de la transmettre sans délai à la Cour de cassation ;



- adressées au greffe, le 6 avril 2016, par la ville de [Localité 3], aux termes desquelles elle conclut à l'irrecevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité et à la condamnation de la SCI à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



- déposées au greffe et signifiées aux parties, le 4 avril 2016, par le ministère public, aux termes desquelles il est d'avis que :

- le moyen tiré de la non-conformité de l'article 211-5 du code de l'urbanisme à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne constitue pas un moyen sérieux susceptible de justifier la transmission de la QPC à la Cour de cassation ;

- le moyen tiré de la non-conformité de l'article 211-5 du code de l'urbanisme à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen constitue un moyen sérieux justifiant de transmettre la QPC à la Cour de cassation.






Motifs de l'arrêt :



Considérant qu'il convient d'ordonner la jonction des procédures suivies sous les numéros 15-13060, 15-17386, 15-20276 et 15-20289, qui sont toutes relatives aux appels concernant le litige opposant la SCI [E] des Roses, devenue la SCI [E] des Rases à la ville de [Localité 3] ;



Considérant que l'appel et les écritures des parties, lesquelles ont permis un débat contradictoire complet, sont recevables ;



Considérant sur les questions prioritaires de constitutionnalité, que la SCI [E] des Rases, anciennement SCI [E] des Roses, soutient que la disposition de l'article L211-5 du code de l'urbanisme, selon laquelle, 'à défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation selon les règles mentionnées à l'article L213-4", disposition qui est applicable au litige, qui n'a jamais été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, est sérieuse au regard de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont il résulte que les atteintes portées au droit de propriété doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'intérêt poursuivi car :

- le renvoi pour la fixation du prix aux règles relatives au droit de l'expropriation n'a aucun sens dans la mesure où l'exercice du droit de préemption n'est pas une expropriation ;

- surtout, ce renvoi autorise le titulaire du droit de préemption et le juge de l'expropriation en cas de recours, à ne pas tenir compte d'un compromis de vente et donc du prix réel du marché, ce qui occasionne une atteinte au droit de propriété qui n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi par la loi car, si le droit de préemption peut servir l'intérêt général, il n'y a aucune raison qu'il autorise l'administration à proposer un autre prix que celui sur lequel les parties sont tombées d'accord ; en Belgique, Suisse et Allemagne, l'exercice du droit de préemption oblige son titulaire à payer le prix convenu entre acquéreur et vendeur ;



Considérant qu'elle affirme par ailleurs que la même disposition est également contraire à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en particulier à la liberté contractuelle, en ce que l'exercice du droit de préemption ne se borne pas à la substitution à l'acquéreur du titulaire du droit de préemption mais permet audit titulaire et, le cas échéant, au juge de l'expropriation, d'ignorer le prix fixé par le compromis de vente ; que cette atteinte est particulièrement grave et totalement disproportionnée, visant à autoriser le titulaire du droit de préemption à proposer un prix plus bas que celui fixé en toute bonne foi, conformément au marché ;



Considérant que la ville de [Localité 3] réplique que :

- les conditions tenant à l'applicabilité du texte contesté au litige et à l'absence de décision du Conseil constitutionnel sur les questions soulevées sont bien réunies ;

- en revanche, l'atteinte constituée par une décision de préemption aux conditions d'exercice du droit de propriété est conforme à l'article 2 de la Déclaration dans la mesure où elle est justifiée par un motif d'intérêt général ;

- le renvoi aux dispositions du code de l'expropriation permet une estimation réelle de la valeur du bien ; le Conseil constitutionnel a d'ailleurs estimé que le renvoi à ces règles permettait d'évaluer le bien à un prix qui ne saurait être inférieur à sa valeur ; en effet, le prix est fixé par le juge judiciaire, garant de la propriété privée, au terme d'une procédure contradictoire, le juge n'étant pas tenu par la somme mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner ; une telle procédure garantit le bon usage des deniers publics, autre objectif de valeur constitutionnelle; l'auteur de la DIA dispose enfin de la faculté de renoncer à la vente de son bien au prix fixé par le juge ;

- s'agissant de la conformité à l'article 4, le Conseil constitutionnel a précisé qu'il était loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle des limitations justifiées notamment par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas des atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ; or, la préemption poursuit des objectifs d'intérêt général comme la réalisation ou l'aménagement d'équipements collectifs d'intérêt général ; imposer à une collectivité le prix figurant à un compromis de vente, auquel elle n'est pas partie, dénaturerait le sens et la portée de sa liberté contractuelle, élément essentiel du principe de libre administration dans la mesure ou aucune négociation entre l'auteur de la DIA et le titulaire du droit de préemption ne serait possible ; ce n'est qu'à défaut d'accord amiable que s'applique la procédure régissant l'expropriation, les parties disposant à l'issue de la faculté de ne pas contracter ;



Considérant que le ministère public est d'avis que :

- les conditions tenant à l'applicabilité de la disposition contestée au litige et l'absence d'examen de cette disposition par le Conseil constitutionnel sont réunies ;

- sur le caractère sérieux, s'agissant de l'atteinte alléguée au droit de propriété du vendeur, il n'y est pas porté d'atteinte directe ou immédiate, dès lors que celui-ci, faute d'accepter le prix proposé par le titulaire du droit de préemption, ou celui fixé par le juge de l'expropriation, conserve la faculté de ne pas vendre son bien ;

- sur le caractère sérieux résultant de l'atteinte prétendue à la liberté contractuelle, s'il ne fait pas de doute que la limitation à cette dernière est justifiée par un motif d'intérêt général résultant de la mise en oeuvre de principes d'aménagement, l'importance de la diminution du prix convenu entre les parties dans le compromis résultant de la décision du juge, résultant du jeu de la disposition litigieuse, constitue indéniablement une atteinte grave à la liberté contractuelle du vendeur de convenir librement du prix avec son cocontractant ; la disposition contestée n'encadre pas suffisamment la fixation du prix par le juge de l'expropriation et, en particulier, ne lui imposer pas de référence à un éventuel compromis de vente conclu par le vendeur, ce qui peut susciter un doute quant à la proportionnalité de l'atteinte à la liberté contractuelle pouvant résulter de sa mise en oeuvre, de nature à conférer un caractère sérieux à la question soumise ;

- il peut être observé que la question de la conformité de l'article 211-5 du code de l'urbanisme à la constitution semble posée au regard du principe de clarté de la loi et de l'objectif de son intelligibilité, le jeu des renvois successifs mis en oeuvre par cet article aboutissant potentiellement à un non-sens, les dispositions de l'article L321-1 du code de l'expropriation ne trouvant pas à s'appliquer, s'agissant de l'exercice d'un droit de préemption, où le vendeur reste libre de ne pas vendre son bien, la question posée étant celle des règles applicables à la fixation du prix par le juge de l'expropriation ;



Considérant sur le fond que la SCI [E] des Rases, anciennement SCI [E] des Roses, appelante, soutient que :

- la somme de 150 000 euros, qui constituait le prix figurant au compromis de vente du 23 mai 2014, est une créance et un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH ;

- cet article interdit à la ville de [Localité 3] de substituer son propre prix au prix initial, d'autant que le prix proposé est très inférieur à celui obtenu lors de la vente, le 21 octobre 2014, d'un appartement identique dans le même immeuble ;

- l'application de cet article aurait pour effet, si elle renonçait à la vente, de lui faire perdre une créance de 150 000 euros, soit, si elle acceptait le prix proposé, de perdre la moitié de sa créance ;

- il n'existe aucun principe général du droit international autorisant une telle privation de propriété ;

- il convient dès lors de fixer le prix du lot dont s'agit à la somme de 150 000 euros ;



Considérant que la ville de [Localité 3] réplique sur le fond que :

- aucun terme de référence ne vient étayer le prix invoqué de 150 000 euros ;

- il n'est justifié d'aucun recours contre la décision de préemption, dont la légalité doit être considérée comme acquise ;

- quand bien-même on admettrait que la prétendue créance invoquée serait un bien, au sens du premier protocole additionnel, la possibilité laissée au vendeur de renoncer à la mutation serait constitutive d'un juste équilibre entre l'exigence de l'intérêt général de la communauté ayant motivé la péremption et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu;

- le jugement doit, dans ces conditions, être confirmé ;



Considérant que le commissaire du gouvernement fait valoir que :

- la première instance a porté sur une demande d'acquisition de la SCI par la ville et non sur une préemption exercée par celle-ci dans le cadre de l'article L211-1 du code de l'urbanisme, en vue de se substituer à un éventuel acquéreur, de sorte qu'il n'y a pas de relation entre la première instance et l'objet de l'appel ; qu'il convient de confirmer le jugement ;

- subsidiairement, il est observé que le compromis, non présenté en première instance, a été passé entre deux associés de la SCI , l'acquéreur étant domicilié en Algérie, en sorte que l'achat d'un bien occupé n'apparaît pas présenter grand intérêt ;

- l'immeuble du [Adresse 3] a un caractère vieillissant, de nature à dissuader les acquéreurs potentiels ;

- il existe une différence essentielle entre le lot 30 auquel l'appelante se réfère, celui-ci étant libre d'occupation, alors que le lot de la SCI fait l'objet d'une location en vertu des dispositions de la loi de 1948 (loyer de 6,24 euros le m², comparable aux charges de copropriété) ; par ailleurs, le lot 36 est dépourvu de wc intérieur et ne dispose que d'un droit d'accès aux toilettes du palier ;

- une étude de marché conduit à une valeur libre de 3 466 euros le m² dans ce type de logement, soit, après réfaction de 25 % pour occupation, une valeur pour le lot 36 de 78 .425 euros, à comparer avec l'achat, le 16 janvier 2013, au prix de 60 000 euros, ce qui ne constitue pas une spoliation ;



Considérant, sur la transmission des trois questions prioritaires de constitutionnalité à la Cour de cassation, que l'article 23-2 de l'ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958 dispose que la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

1° la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;



Considérant que les dispositions mises en cause par un mémoire écrit, distinct et motivé sont celles de l'article L 211-5, alinéa 2 du code l'urbanisme, disposant que, à défaut d'accord

(sur le prix d'un bien entre le propriétaire et le titulaire du droit de préemption auquel l'acquisition de ce bien est proposée), le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation selon les règles mentionnées à l'article L 213-4 (du code de l'urbanisme), lesquelles seraient contraires, d'une part, au droit de propriété mentionné par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, d'autre part, à la liberté contractuelle, protégée par l'article 4 de cette Déclaration ;



Considérant que ces dispositions contestées sont de nature législative ; qu'elles sont applicables au litige, puisqu'elles sont relatives aux modalités de fixation du prix d'un bien préempté, ce qui est le cas du bien appartenant à l'appelante ;



Considérant qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;



Considérant sur le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la disposition contestée, qui méconnaîtrait la protection accordée au droit de propriété par l'article 2 de la Déclaration de l'homme et du citoyen, qu'il ressort des dispositions de l'article L 213-7 du code de l'urbanisme, qu'au terme de la procédure de fixation par le juge de l'expropriation du prix du bien préempté, le propriétaire du bien reste libre, à défaut d'accord sur le prix, de ne pas donner suite à la vente de son bien, dont il restera propriétaire ; qu'en conséquence, il n'apparaît pas, qu'eu égard à l'objectif d'intérêt général qui s'attache à la maîtrise par les collectivités publiques de l'occupation du sol et du développement, urbain, cette question puisse être considérée comme présentant le caractère sérieux justifiant sa transmission à la Cour de cassation ;



Considérant sur la question prioritaire de constitutionnalité relative à la contrariété de la disposition contestée au principe de la liberté contractuelle, garanti par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu' il n'est pas contestable que l'accord sur la chose et sur le prix, auquel sont librement parvenus le propriétaire du bien en cause et l'acquéreur est totalement remis en cause par le jeu de la préemption ;



Considérant que si l'objectif d'intérêt général est manifestement de nature à justifier que le mécanisme de préemption aboutisse à substituer une collectivité locale à un acquéreur déterminé, il est moins évident que cet objectif ne pourrait pas être satisfait par une simple substitution de la collectivité locale à cet acquéreur, au prix convenu entre les parties, sauf fraude, comme cela se pratique dans plusieurs autres pays voisins ;



Considérant ainsi que le texte contesté impose au propriétaire, désireux de vendre son bien soumis au droit de préemption, une atteinte substantielle, s'agissant de la liberté d'en discuter le prix ; que la question prioritaire de constitutionnalité n'apparaît dès lors pas, ainsi que le considère le ministère public, dépourvue de sérieux, de sorte qu'elle doit être transmise à la Cour de cassation, sous la formulation suivante :

'l'alinéa 2 de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme est-il conforme à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen '' ;



Considérant qu'il sera sursis à statuer sur toutes les autres demandes des parties jusqu'à la décision de la Cour de cassation et, le cas échéant, jusqu'à décision sur la constitutionnalité du texte en cause ; que, dans cette attente, l'affaire sera retirée du rôle et pourra être rétablie, dès la survenance de la ou des décision (s) attendue (s), à la demande de la partie la plus diligente;





PAR CES MOTIFS, la cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort,



- ordonne la jonction des procédures suivies sous les numéros 15-13060, 15-17386, 15-20276 et 15-20289 qui seront désormais suivies sous le numéro de rôle 15-13060 ;



- dit n'y avoir lieu de transmettre à la Cour de cassation la question de la conformité de l'alinéa 2 de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;



- ordonne la transmission à la Cour de cassation de la question suivante :

'l'alinéa 2 de l'article L 211-5 du code de l'urbanisme est-il conforme à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen '' ;



- dit que le présent arrêt sera adressé à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou conclusions des parties relatifs à la question prioritaire de constitutionnalité ;



- dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision ;



- sursoit à statuer sur le surplus des demandes des parties jusqu'à la décision de la Cour de cassation et, le cas échéant, celle du Conseil constitutionnel ;



- ordonne le retrait de l'affaire du rôle et dit qu'elle pourra être rétablie dès la survenance de la décision attendue à la demande de la partie la plus diligente ;



- réserve les dépens.







LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.