10 juin 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/18419

Pôle 5 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 10 JUIN 2016



(n°118, 10 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18419





sur renvoi après cassation, par arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation rendu le 4 novembre 2011 (pourvoi n°M 10-25.097) rectifié par arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation rendu le 20 mars 2013 (pourvoi n°M 10-25.097), d'un arrêt de la 1ère chambre civile A de la Cour d'appel de LYON rendu le 1er juillet 2010 (RG n°08/07438) sur appel d'un jugement de la 10ème chambre du Tribunal de grande instance de LYON du 11 septembre 2008 (RG n°05/02912)







DEMANDEUR A LA SAISINE





M. [Z] [U]

Né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] (Algérie)

De nationalité française

Exerçant la profession de designer industriel

Demeurant [Adresse 1]



Représenté par Me Martin HATIER, avocat au barreau de PARIS, toque P 324

Assisté de Me Antoine GUERINOT, avocat au barreau de LYON, toque T 1383







DEFENDERESSE A LA SAISINE





S.A.S. RODET, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Immatriculée au rcs de Romans sous le numéro 442 421 665



Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP J. - L. LAGOURGUE & Ch. - H. OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque L 0029

Assistée de Me Jean-Pierre STOULS plaidant pour la SELARL STOULS & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque T 1141







COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Colette PERRIN, Présidente, en présence de Mme Sylvie NEROT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport



Mmes Colette PERRIN et Sylvie NEROT ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère





Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT







ARRET :





Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.















Vu la lettre recommandée avec accusé de réception datée du 08 décembre 2003 par laquelle monsieur [Z] [U], qui fut lié à la société Rodet Loisirs SAS par un contrat de collaboration designer/entreprise conclu le 29 juin 1995, d'une durée d'une année et tacitement reconduit, portant sur l'exploitation de modèles de mobilier, a signifié à la société Rodet SAS, créée le 18 juin 2002 et qui a repris les activités de la société Rodet Loisirs à la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de cette dernière sans toutefois reprendre ce contrat, la suspension immédiate de l'autorisation de reproduction de ses modèles,



Vu le jugement contradictoire rendu le 11 septembre 2008 par le tribunal de grande instance de Lyon qui, saisi par monsieur [U] d'une action en contrefaçon à l'encontre de la société Rodet SAS, ceci selon assignation du 04 février 2005, a, en substance et sans assortir sa décision de l'exécution provisoire, prononcé la nullité du modèle n° 412 865 (déposé le 1er septembre 1995 et portant sur une chaise), débouté le requérant de toutes ses demandes et la défenderesse de sa demande indemnitaire reconventionnelle en condamnant monsieur [U] à verser à la société Rodet la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,











Vu l'arrêt rendu le 1er juillet 2010 par la cour d'appel de Lyon qui a, pour l'essentiel :

' déclaré monsieur [U] recevable en ses demandes relatives aux actes de contrefaçon du modèle n°96 3976 et portant sur le paiement de factures émises en 2003,

' déclaré la société Rodet recevable en ses demandes aux fins de nullité des modèles n°97 7092 déposés le 04 décembre 1997 et n° 578 152 déposé le 28 avril 2000,

' confirmé le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du modèle n°412 865,

' débouté la société Rodet de sa demande de nullité du modèle n°97 7092 (figure 1) mais prononcé la nullité du modèle n°97 7092 (figure 3) ainsi que celle du modèle de piètement n°578 152 (figure 2),

' confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions de monsieur [U], sauf en ce qui concerne la contrefaçon du modèle n°97 7092 (figure 1), dit que la société Rodet a commis « un acte » de contrefaçon en commercialisant la chaise Alpen Deco au cours de l'année 2005 et l'a condamnée à verser à monsieur [U] la somme indemnitaire de 5.000 euros à ce titre,

' rejeté les demandes de ce dernier relatives aux actes de contrefaçon du modèle n°96 3976 et au paiement de factures de l'année 2003,

' confirmé le jugement en son rejet de la demande reconventionnelle formée par la société Rodet,

' en le réformant en ses dispositions relatives aux frais non répétibles et aux dépens en disant n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et en laissant à chaque partie la charge de ses entiers dépens,



Vu l'arrêt rendu le 04 novembre 2011 par la première chambre civile de la Cour de cassation qui, saisie par monsieur [U] de trois moyens de cassation, a cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu'il a débouté monsieur [U] de ses demandes au titre de la contrefaçon et de sa demande de dommages intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur en remettant, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Grenoble,



Vu l'arrêt rendu le 20 mars 2013 par la première chambre civile de la Cour de cassation rectifiant une erreur relative à la désignation de la juridiction de renvoi et disant y avoir lieu de renvoyer la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris,



Vu la déclaration de saisine, par Monsieur [Z] [U], de la présente cour d'appel enregistrée le 11 avril 2013,



Vu l'ordonnance de retrait du rôle rendue le 19 décembre 2013 afin de permettre aux parties de parvenir à un éventuel règlement amiable de leur différend et la demande de réinscription au rôle de la cour présentée par monsieur [U] le 10 septembre 2015,



Vu les dernières conclusions notifiées le 14 avril 2016 par monsieur [Z] [U] qui demande, en substance, à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon et :

' de rejeter l'ensemble des demandes en nullité de ses modèles,

' de déclarer « irrecevables » les pièces adverses n° 4 à 6, 8, 9, 13, 20 à 23,

' de considérer que la société Rodet SAS a commis des actes de contrefaçon « de (ses) modèles, déposés ou non auprès de l'INPI », à compter du mois de juin 2002 pour tous les produits pour lesquels aucune redevance n'a été versée et à compter du 08 décembre 2003 pour tous les autres, et de juger, par ailleurs, que le défaut de paiement des montants forfaitaires correspondant à ses journées de présence au sein de la SAS Rodet lui a causé un préjudice d'un montant de 481.493,55 euros TTC,

' de condamner la société Rodet SAS à lui payer une somme provisionnelle de 150.000 euros à parfaire, en réparation du préjudice subi, la somme de 15.129,31 euros au titre des factures impayées de 2003, outre intérêts capitalisables, en ordonnant, aux frais de la société Rodet et « selon les conditions contractuelles applicables entre les parties », une expertise destinée à évaluer l'ampleur réelle de son préjudice depuis juin 2002 et à déterminer le juste taux de redevance due en contrepartie de l'utilisation de ses modèles,

' de condamner, de plus, la société Rodet à lui verser les sommes de 91.893 euros (pour compenser la perte de chance de développement subie du fait qu'il a été privé de la possibilité de présenter ses modèles à d'autres entreprises), de 100.000 euros (pour compenser la perte de chance de développement subie du fait que la société Rodet a contribué à la vulgarisation de ses modèles) et de 100.000 euros au titre de son préjudice moral (du fait de l'absence de son nom comme créateur des modèles proposés à la vente dans les brochures et catalogues de la société Rodet SAS),

' d'ordonner des mesures d'interdiction, sous astreinte, de confiscation et la remise des éléments d'identification de tout tiers ayant acquis les objets jugés contrefaisants outre diverses mesures de publication (par voie de presse, sur internet et par affichage) et la diffusion de la décision, sous contrôle d'huissier, à l'ensemble des destinataires des catalogues de la société Rodet SAS,

' de rejeter l'ensemble des demandes reconventionnelles de cette dernière en la condamnant à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens,



Vu les dernières conclusions notifiées le 03 mai 2016 par la société par actions simplifiée Rodet qui prie, pour l'essentiel, la cour, au visa des dispositions du Livre V du code de la propriété intellectuelle et de l'article 544 du code de procédure civile,

' de rejeter comme étant nouvelles les demandes de monsieur [U] relatives aux actes de contrefaçon du modèle n° 963976 et aux factures impayées de 2003,

' de constater qu'est définitive la nullité prononcée des modèles n° 977092 (figures 2 et 3) déposés le 04 décembre 1997, du modèle n° 578152 déposé le 28 avril 2000, du modèle n° 412865 déposé le 1er septembre 1995 et de rejeter comme irrecevables les demandes de monsieur [U] de ce chef,

' de prononcer la nullité du modèle n° 977092 (figure 1) déposé le 04 décembre 1997 et de rejeter les demandes de monsieur [U] de ce chef comme étant irrecevables,

' de considérer, en tout cas, que sont mal fondées les demandes de ce derniert au titre de la contrefaçon et de l'atteinte à son droit moral et de le débouter de l'ensemble de ses demandes,

' de faire droit à sa demande indemnitaire reconventionnelle en condamnant monsieur [U] au paiement des sommes de 30.000 euros pour procédure abusive, de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.






SUR CE,





Sur l'étendue et la portée de la cassation



Considérant que si la cassation d'un arrêt expressément prononcée en toutes ses dispositions investit la juridiction de renvoi de la connaissance de l'entier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 638 du code de procédure civile, tel n'est pas le cas de la présente espèce, contrairement à la présentation de monsieur [U] qui considère que la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon qui « (l)' a débouté de ses demandes au titre de la contrefaçon » mais comme le fait justement valoir la société Rodet SAS, à la lumière de la motivation de l'arrêt de cassation en cause ;



Qu'il apparaît, en effet, que le Cour de cassation n'était saisie par monsieur [U] que de trois moyens de cassation portant sur (1) les circonstances de la commercialisation poursuivie après le 08 décembre 2003 en contrepartie de laquelle il y a eu paiement de royalties, (2) la contrefaçon du modèle n° 99 7972 par la gamme de meubles « Brazil » dont monsieur [U] soutenait qu'elle n'a pas donné lieu à versement de redevances et (3) l'atteinte qui aurait été portée au droit moral de monsieur [U] du fait de la commercialisation sans mention de son nom des modèles litigieux ; qu'elle n'a expressément cassé la décision de la cour d'appel de Lyon que sur ces deux derniers points ;



Que la censure ne vise donc qu'une partie de la décision et qu'il n'est pas établi qu'un lien d'invisibilité ou de dépendance nécessaire unisse ces chefs de dispositif de la décision à l'encontre de laquelle le pourvoi a été formé et ses autres dispositions ;



Qu'à juste titre, par conséquent, la société Rodet soutient que la cour d'appel de Paris ne peut être saisie d'autres points définitivement jugés par l'arrêt de la cour d'appel de Lyon et pourtant soumis à son appréciation, aux termes des conclusions de son adversaire identiques (sauf ajouts), précise-t-elle, à celles qu'il a présentées devant la cour d'appel de Lyon ; qu'elle ne saurait, par conséquent, revenir sur les points suivants :

l'annulation du modèle n° 412 865 déposé par monsieur [U] le 1er septembre 1995,

l'annulation du modèle n° 97 7092 (figure 3) et n° 578 152 (figure 2/modèle de piètement),

le rejet des prétentions et demandes de monsieur [U], sauf ce qui concerne la contrefaçon du modèle de chaise n° 97 7092 (figure 1),

l'acte de contrefaçon commis par la société Rodet SAS du fait de la commercialisation de la chaise Alpen Deco au cours de l'année 2005 et sa condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi à ce titre ;





Sur la procédure



Sur la mise à l'écart de pièces sollicitée par monsieur [U]



Considérant qu'au soutien de sa demande à ce titre, Monsieur [U] fait successivement valoir (pages 105 et 106/ 137 de ses dernières écritures) :

¿ que les pièces adverses n°4, 6, 8 et 9 sont des courriels adressés depuis une boîte personnelle et pose à la cour la question de savoir en quoi ils engagent la société Rodet,

¿ que les pièces 5 et 13 sont des courriers sans en-tête signés par une personne non dirigeante et ne faisant plus partie de la société si bien qu'ils ne sauraient constituer une quelconque preuve profitable à la société Rodet,

¿ que la pièce 20 est un « listing des modèles soumis à redevances » incomplet mais qu'il complète en pièce 32,

¿ que la pièce 21 (« attestation du CAC de Rodet ») est nécessairement incomplète en ce qu'elle ne précise pas les périodes concernées par les royalties ni les références de produits concernés,

¿ que la pièce 22 est un courrier circulaire dont la preuve de l'envoi réel n'est pas rapportée ;



Mais considérant que les griefs qu'il formule portent sur la valeur probante de ces pièces ou leur efficacité pour venir étayer les prétentions adverses ;



Que leur examen ressort, par conséquent, du fond du litige et qu'il n'y a pas lieu de les mettre à l'écart purement et simplement, comme requis par l'appelant ;



Sur les fins de non-recevoir tirée de l'exception de nouveauté en cause d'appel opposées par la société Rodet SAS



Considérant que la première exception de nouveauté opposée par la société Rodet, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, porte sur la demande en paiement de la somme de 15.129, 31 euros au titre de factures datant de 2003 et 2004, soit antérieures à l'introduction de l'instance, dont il sollicite le paiement pour la première fois en cause d'appel ;



Que monsieur [U] y réplique en affirmant que « le paiement de factures non payées demeure évidemment le coeur de la présente action » et qu'elles ont été « formulées » à de nombreuses reprises dans ses pièces, visant une unique pièce n° 59 (qui concerne des factures d'honoraires des 10 et 27 janvier 1997) ;















Considérant, ceci rappelé, que, ce faisant, monsieur [U] ne démontre ni même ne prétend que cette demande précise était formulée devant les premiers juges, ce que la lecture du jugement tend à confirmer, ou que sa demande s'inscrit dans une des hypothèses prévues par le texte sus-visé permettant de faire échec à cette exception, à savoir : « si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait » ;



Qu'il s'en déduit qu'il est irrecevable en cette demande de ce chef ;



Considérant que la seconde exception de nouveauté opposée aux prétentions formulées devant la cour par monsieur [U] porte sur la poursuite de faits de contrefaçon d'un modèle n° 96 3976, déposé le 08 juillet 1996 et publié sous les numéros 447 805, 447 813 et 447 814, consistant en un combiné armoire-bibliothèque qui n'était pas visé dans la procédure de première instance ;



Que monsieur [L] rétorque qu'il peut se prévaloir de la révélation d'un fait nouveau dès lors que ce modèle, issu de la gamme du mobilier de collectivités pour les internats scolaires dénommée « Univers » n'a jamais été commercialisée par la société Rodet Loisirs ; que ce n'est qu'en 2008 que la société Rodet SAS s'est arrogé le droit de s'approprier son travail en proposant à la vente la gamme « Alba » anciennement dénommée « Univers », « mixé » à diverses gammes de sa création (« Olympie » ou « « Roma ») visibles depuis plusieurs années dans les catalogues Ugap auxquelles ont été ajoutées une poignée spécifique de forme ronde, également de sa création ainsi qu'en atteste le croquis (non daté) qu'il produit ;



Mais considérant qu'outre le fait que monsieur [U], évoquant de manière quelque peu confuse ces différentes métamorphoses, n'établit pas autrement qu'à la faveur de son récit le fait que le modèle figurant dans le catalogue 2008, édité par une société tierce et non sous la responsabilité de la société Rodet SAS, est la reprise du modèle déposé, ce n'est pas sans contradiction qu'il se prévaut de la survenance ou de la révélation d'un fait, au sens de l'article 544 précité, postérieur au jugement de première instance rendu en septembre 2008 tout en affirmant, d'une part, qu' « à partir de 2008 la gamme « Roma » devient « Alba » en référence à Alba la romaine » et, d'autre part, que « début 2007, l'Ugap a lancé un appel d'offres relatif à un marché public « fourniture de mobilier de restauration et d'hébergement » remporté par la SAS Rodet avec la ligne Roma », lequel marché prévoyait « un engagement minimum (') allant jusqu'à janvier 2008 » ;



Que, par voie de conséquence, ses prétentions de ce chef doivent également être déclarées irrecevables ;





Sur les actes de contrefaçon incriminés du fait de l'exploitation du modèle n°997 972



Considérant que la censure partielle de la Cour de cassation, saisie d'un deuxième moyen de cassation se rapportant audit modèle, est fondée sur un défaut de réponse à conclusions ; qu'elle énonce, en effet, qu'en statuant comme elle l'a fait « sans répondre aux conclusions de monsieur [U] qui prétendait que le modèle n° 997 972 dont il est titulaire était exploité par la société Rodet au travers notamment de la gamme de meubles « Brazil », laquelle ne figurait pas sur la liste précitée, et soutenait que cette exploitation n'avait donné lieu au versement d'aucune redevance, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences (de l'article 455 du code de procédure civile) » ;





Considérant qu'au soutien de sa demande, monsieur [U] se prévaut de sa qualité de « créateur d'un modèle de piètement, déposé le 29 octobre 1997 sous le n°997 972 (représentation 22) » en renvoyant la cour à sa pièce 4 (page 44/138 de ses conclusions) ; qu'il reproduit ensuite dans ses écritures différents « modèles de piètement » (« Brazil », « Caferia », « Mosquito ») porteurs de l'embout destiné, selon ses termes, à être « le témoin original de sa personnalité dans les nombreuses tables qu'il envisage de proposer à la société Rodet Loisirs » et précise à ce stade qu'il a déposé cet embout sous le n° 976 276 (modèle 22) le 29 octobre 1997 ; qu'il estime que relèvent de sa création toutes les tables pourvues de cet embout - référencées Moselle, Alsace, Caferia, Mosquito, Brazil - ainsi que claustras à piètement (référencés Caféria et Sextant) ;



Qu'il fait grief à la société Rodet d'avoir utilisé dans de nombreuses gammes de meubles cet embout qu'il a dessiné (page 49/138 de ses dernières conclusions) et de continuer à le faire, comme le révèlent des constats réalisés en février 2016, sans pour autant récompenser son travail de création, estimant que la société Rodet ne peut se dédouaner de sa responsabilité en prétendant que ces produits figurent sur la documentation de ses partenaires commerciaux ;



Considérant, ceci rappelé, que la cour ne peut que constater, en préambule, que tant l'objet de la protection que la protection dont le bénéfice est réclamé ne ressortent pas de manière limpide des écritures de monsieur [U] ;



Que, faute de davantage de clarté, l'objet de la protection paraît être l'embout, objet d'un dépôt n° 976 276 (modèle 22) le 29 octobre 1997 (désigné, selon la pièce 4 de monsieur [U], comme un « embout avec vérin » dans le document de l'Institut national de propriété industrielle et concomitamment comme « embout de meuble » dans le dessin en coupe n° 22) ; que ne paraissent être cités les piètements objets du dépôt n° 997 972 enregistré non point le 29 octobre 1997 mais le 29 décembre 1999 (pièce 5, figures 2 et 3 seules versées aux débats) ainsi que les produits ci-avant référencés qu'autant qu'ils incorporent cet embout ; que cette appréciation semble pouvoir être confortée par le deuxième moyen de cassation ainsi formulé : « (') alors que monsieur [U] justifiait dans ses conclusions d'appel être titulaire d'un modèle d'embout constituant un modèle de piètement déposé le 29 octobre 1997 sous le n° 997 972 (...) » ;



Que, de la même façon, le champ de protection sollicité demeure imprécis ; qu'à s'en tenir au dispositif des dernières conclusions de monsieur [U] qui seul saisi la cour, par application de l'article 954 du code de procédure civile, il lui est demandé de juger que la société Rodet « a commis des actes de contrefaçon des modèles de monsieur [U] déposés ou non auprès de l'INPI », ce qui laisserait supposer que la cour n'est saisie que d'une action en contrefaçon de dessins et modèles ;



Qu'aux termes, toutefois, d'une autre disposition de ce dispositif, il est demandé à la cour de juger que « la société SAS Rodet a causé un préjudice à monsieur [Z] [U] en ne le mentionnant pas comme créateur des modèles proposés à la vente dans ses brochures commerciales et catalogues » et de le condamner à lui verser une certaine somme « au titre des dommages-intérêts pour réparation de son préjudice moral » si bien que la cour paraît par ailleurs saisie d'une action en contrefaçon de droits d'auteur, étant relevé que monsieur [U] évoque « les droits de l'auteur » en introduisant son argumentation (« § 2.1 - En droit », page 25/138) ;



Que, dans ce contexte imprécis, la cour examinera successivement la protection susceptible d'être conférée par le Livre I et (en sa rédaction applicable aux faits de l'espèce) par le Livre V du code de la propriété intellectuelle du fait de la création et du dépôt de dessin de cet embout, protection contestée par la société Rodet (pages 27 puis 30/53 de ses dernières conclusions visant le modèle n° 997 972 sous son numéro de publication) qui poursuit le débouté de monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes ;



Que monsieur [U] énonce comme suit les caractéristiques de l'embout de piètement dont il recherche la protection en précisant qu'il l'a dessiné et 1995 et, à cette occasion, « imaginé un embout destiné à être le témoin original de sa personnalité dans les nombreuses tables qu'il envisage de proposer à la société Rodet Loisirs » :

¿ un produit très généreux en dimensions et muni d'un verin très important et qui se voit, dessiné selon sa sensibilité et volonté personnelle, dans un contexte où, par souci d'économie, était réduite la quantité de plastique utilisée,

¿ avec pour référence esthétique le sabot d'un cheval de course si bien qu'il sera toujours incliné, jamais à plat et se trouve très court et fortement arrondi en sa partie arrière, linéaire et peu arrondi en sa partie avant,

¿ doté d'un vérin uniquement visible sur les côtés, de préférence strié verticalement et de diamètre important (50 mm) s'inscrivant dans un rectangle parfait, sans arrondi ;



Que, s'agissant de la protection du Livre V, il résulte des dispositions des articles L L 511-1 et L 511-3 du code de la propriété intellectuelle alors en vigueur que le droit exclusif d'exploitation accordé à « tout créateur d'un dessin ou modèle » est applicable «à  tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle » ;



Qu'en l'espèce, quand bien même le dessin en cause peut être regardé comme satisfaisant au caractère de nouveauté, faute, en particulier, de se voir opposer une antériorité pertinente, il n'en demeure pas moins que pour satisfaire aux exigences de la législation sus-rappelée, le « créateur » se doit de démontrer que la combinaison des caractéristiques qu'il invoque est dissociable de sa fonction technique et utilitaire et qu'elle révèle l'empreinte de sa personnalité ;



Que quand bien même monsieur [U] a recours à la représentation du sabot d'un cheval dans la simple description des caractéristiques de ce dessin d' « embout à verin », il ne précise pas en quoi le choix qu'il a opéré pour combiner ces différents éléments (épaisseur du matériau ou forme liées à la présence d'un vérin, en particulier) n'est pas dicté par les nécessités de la technique mais exprime en revanche sa personnalité, ceci du fait de son caractère arbitraire et de son activité créatrice ;



Que monsieur [U] ne peut donc prétendre à la protection du Livre V ;



Que, s'agissant de la protection du Livre I de ce même code, la condition d'originalité requise pour y être éligible n'est pas non plus satisfaite, compte tenu de ce qui précède ;



Qu'il en résulte que monsieur [U] n'est pas fondé en son action en contrefaçon, aussi bien de droits d'auteur que de dessins et modèles, dirigée à l'encontre de la société Rodet SAS ;





Sur l'atteinte au droit moral



Considérant que ne pouvant se prévaloir de la protection du droit d'auteur sur l'embout en cause, seul ou incorporé dans différents piètements, monsieur [U] sera débouté de sa demande fondée sur le droit au respect de son nom qu'il revendique de ce chef ;



Considérant qu'il ressort des éléments de la procédure que la cour d'appel de Lyon n'a retenu la contrefaçon que d'un seul modèle, à savoir le modèle de chaise ayant fait l'objet d'un dépôt de dessins et modèles n° 977 092 (représentation 1), le 04 décembre 1997, par la chaise référencée « Alpen Deco » commercialisée « au cours de l'année 2005 » ;



Que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon sus-visé - portant sur les autres modèles invoqués et rejetant le surplus de l'action en contrefaçon fondée sur le droit des dessins et modèles et sur le droit d'auteur - n'ont pas été soumis à la censure de la Cour de cassation, pas plus, d'ailleurs, que cette disposition retenant l'éligibilité de cette chaise aux protections recherchées et l'existence de faits de contrefaçon ;

















Que le troisième moyen de l'arrêt rendu par la Cour de cassation au visa de l'article 455 du code de procédure civile reprend les termes de la motivation des juges d'appel selon laquelle « le seul acte de contrefaçon très limité retenu à la charge de la société Rodet ne justifie pas qu'il soit fait droit aux autres demandes de paiement, expertise, (') et toutes autres demandes présentées par monsieur [U] qui découlent d'actes de contrefaçon allégués mais non caractérisés » ; qu'elle énonce « qu'en se déterminant ainsi, sans réfuter le moyen tiré de l'atteinte qui aurait été portée au droit moral de monsieur [U] du fait de la commercialisation sans mention de son nom des modèles litigieux, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé » ;



Qu'à juste titre, par conséquent, la société Rodet SAS fait valoir que pour circonscrire la demande à ce titre devant la présente juridiction de renvoi, il convient de se reporter au dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon qui « confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions et demandes de monsieur [U] sauf en ce qui concerne la contrefaçon du modèle de chaise n° 977 092 en sa représentation 1 » ;



Que la cour d'appel de Lyon ayant retenu que ce modèle présente des caractéristiques lui conférant « une physionomie propre révélant la personnalité de son auteur et qui n'est détruite par aucune antériorité pertinente », il y a lieu de se prononcer sur le droit attaché à la qualité d'auteur que constitue de le droit à la paternité ici revendiqué ;



Qu'au soutien de sa demande au titre de l'atteinte à son droit moral (globalement chiffré à la somme de 100.000 euros) dans un chapitre intitulé « sur la persistance des ventes de mobiliers contrefaisants par la société SAS Rodet jusqu'en février 2016», monsieur [U] qui demande à la cour de fixer le début des actes de contrefaçon au mois de juin 2002 (ou, éventuellement, au 08 décembre 2003) la renvoie, tout comme son adversaire, à diverses brochures éditées par la société Rodet entre 2003 et 2005, à des catalogues Ugap et Camif Collectivités édités postérieurement ou encore à des sites internet qui ont fait l'objet de mesures de constat sans incriminer précisément, comme le voudrait le principe du contradictoire, la présence de la chaise référencée « Alpen Deco » dont le caractère contrefaisant a été retenu et caractériser avec précision l'atteinte dont il se prétend victime ;



Que, surtout, pour motiver l'atteinte au droit moral dont il se prévaut, il expose uniquement que le contrat de collaboration initialement signé avec la société Rodet Loisirs stipulait, au 2ème alinéa de son article 8, que « l'entreprise devra faire figurer la mention « Design [Z] [U] » sur ses catalogues ou autres documents relatifs aux modèles créés » et que cette règle contractuellement acceptée et respectée par la société Rodet Loisirs a été complètement ignorée par la société Rodet, ce qui a porté atteinte à ses droits moraux car il aurait dû disposer, en sa qualité de créateur, de son droit à être mentionné en tant que tel ;



Qu'il ne saurait, toutefois, être suivi dans son argumentation dès lors qu'elle se fonde uniquement sur le non respect d'une stipulation issue d'un contrat qui le liait à la société Rodet Loisirs et que cette convention a pris fin, sans pouvoir produire d'effet à l'égard de la société tierce qu'est la société Rdet SAS, ainsi que cela résulte en particulier du premier moyen de cassation se prononçant sur l'effet relatif des contrats ;



Que, dans ces conditions, il sera débouté de sa demande à ce titre ;







Sur les autres demandes



Considérant que monsieur [U] qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits a pu, sans faute, agir pour leur défense en introduisant et en poursuivant une procédure à l'encontre de la société Rodet, si bien qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande indemnitaire de cette dernière fondée sur l'abus de procédure ;







Considérant que l'équité commande en revanche de condamner monsieur [U] à verser à la société Rodet une somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Que, débouté de ce dernier chef de demande, monsieur [U] qui succombe devant la cour de renvoi supportera les dépens de la présente instance d'appel ;









PAR CES MOTIFS









Vu l'arrêt de cassation partielle rendu le 04 novembre 2011 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation et l'arrêt rectificatif par elle rendu le 21 janvier 2013,



Constate que l'arrêt rendu le 1er juillet 2010 par la Cour d'appel de Lyon a confirmé le jugement rendu le 11 septembre 2008 par le tribunal de grande instance de Lyon sauf en ce qu'il a prononcé la nullité du modèle n° 412 865 déposé par monsieur [U] le 1er septembre 1995, a dit que la société Rodet a commis des actes de contrefaçon en commercialisant la chaise référencée « Alpen Deco » au cours de l'année 2005 et a rejeté le surplus des demandes au titre de la contrefaçon, sans que ces dispositions soient soumises à la censure de la Cour de cassation ;



Statuant après déclaration de saisine ;



Rejette la demande de monsieur [U] tendant à obtenir la mise à l'écart des pièces adverses n°4 à 6, 8, 9, 13, 20 à 23 ;



Déclare irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de monsieur [U] tendant à obtenir la condamnation de la société Rodet SAS au paiement de factures impayées de 2003 et à voir juger de la contrefaçon du modèle n° 96 3976, déposé le 08 juillet 1996 et publié sous les numéros 447 805, 447 813 et 447 814, consistant en un combiné armoire-bibliothèque ;



Dit que le modèle de piètement n°997 972 (figures 2 et 3) enregistré par monsieur [U] le 29 décembre 1999 incorporant « l'embout à vérin » lui-même enregistré à titre de dessins et modèles sous le n°976 276 (figure 22) le 29 octobre 1997 ne satisfait pas aux conditions requises par les dispositions de l'article L 511-4 du code de la propriété intellectuelle applicable et, par ailleurs, que cette oeuvre ne donne pas prise au droit d'auteur ;



Déboute, en conséquence, monsieur [U] de son action en contrefaçon de ce chef ;



Déboute monsieur [U] de sa demande au titre de l'atteinte à son droit moral d'auteur ;



Rejette le surplus des prétentions de monsieur [U] ;



Déboute la société Rodet SAS de sa demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure ;



Condamne monsieur [Z] [U] à verser à la société Rodet SAS une somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens afférents à la présente instance d'appel sur renvoi de cassation, avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





La Greffière La Présidente

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