14 juin 2016
Cour d'appel de Versailles
RG n° 14/06319

12e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



FL

Code nac : 39H



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JUIN 2016



R.G. N° 14/06319



AFFAIRE :



SARL FUTUR DIGITAL





C/

SA LINKEO.COM









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 19 Juin 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2011F01133



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Thierry VOITELLIER





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



SARL FUTUR DIGITAL

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1453603

Représentant : Me Quentin MOUTIER, Plaidant, avocat au barreau de TOURS





APPELANTE

****************





SA LINKEO.COM

N° SIRET : 430 10 6 2 788

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 017346 - Représentant : Me François HERPE de la SELARL C.V.S., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0098 substitué par Me BIDAUT





INTIMEE

****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Avril 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
















EXPOSÉ DU LITIGE



La société anonyme LINKEO.COM est une agence spécialisée dans le conseil en communication pour les T.P.E et les P.M.E, à travers notamment l'hébergement de sites web pour le compte de ses clients, et la gestion de leur budget de communication Annuaires internet et/ou papier Pages Jaunes.



Par jugement du 22 octobre 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné la cession à la société LINKEO.COM du fonds de commerce des sociétés TOP TECHNOLOGY et TOP TECHNOLOGY NORD en liquidation judiciaire, spécialisées dans la création, la gestion et l'hébergement de sites internet.



La société LINKEO.COM a acquis ces fonds de commerce pour un prix de 300.000 euros et a repris 31 salariés de ces sociétés.



Auparavant, le 3 décembre 2007, elle avait embauché [C] [I], ancien directeur des ventes de la société TOP TECHNOLOGY, en qualité d'ingénieur commercial.



Par courrier du 3 février 2010, [C] [I] a présenté sa démission à la société LINKEO.COM, demandant à être dispensé de son préavis et de son engagement de non-concurrence prévu au contrat de travail.



Par lettre recommandée du 9 février 2010, la société LINKEO.COM l'a dispensé d'effectuer son préavis mais lui a confirmé vouloir appliquer et rémunérer l'engagement de non-concurrence.



A la suite de la démission de [C] [I], la société LINKEO.COM dit avoir constaté le départ de plusieurs de ses employés et les agissements déloyaux à son encontre de la société à responsabilité limitée FUTUR DIGITAL.



Créée le 30 octobre 2009, la société FUTUR DIGITAL est spécialisée dans la création de sites sur internet. Son principal actionnaire est [X] [O], ancien dirigeant et actionnaire des sociétés TOP TECHNOLOGY, et sa gérante est [N] [O], son épouse.







A l'occasion d'une session de recrutement de commerciaux réalisée à l'automne 2010, deux salariés de la société FUTUR DIGITAL ont passé des entretiens et la société LINKEO.COM dit avoir découvert à cette occasion que [C] [I] était le directeur commercial de la société FUTUR DIGITAL.



La société LINKEO.COM dit également avoir eu confirmation que les salariés de la société FUTUR DIGITAL étaient formés depuis le mois d'août 2010 par [C] [I] aux savoir-faire et méthodes de vente constituées par des book de vente, argumentaire client et argumentaire de prise de rendez-vous, dont il aurait indiqué les avoir acquis auprès de la société LINKEO.COM.



Sur requête de la société LINKEO.COM et par ordonnance du 20 janvier 2011, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé des opérations de constat au sein de la société FUTUR DIGITAL avec mise sous séquestre des éléments copiés.



Le constat a été effectué le 31 janvier 2011 par Maître [B] [U], huissier de justice, accompagnée de [F] [D], expert informatique.



Saisi par la société LINKEO.COM qui demandait la levée du séquestre et la rétractation de l'ordonnance rendue le 20 janvier 2011, le président du tribunal de grande instance de Nanterre par ordonnance de référé du 23 juin 2011, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre saisi au fond pour connaître de la demande de mainlevée du séquestre et a débouté la société FUTUR DIGITAL de sa demande reconventionnelle de rétractation de l'ordonnance du 20 janvier 2011.



C'est ainsi que par acte d'huissier délivré à personne le 3 mars 2011, la société LINKEO.COM a fait assigner la société FUTUR DIGITAL devant le tribunal de commerce de Nanterre pour concurrence déloyale.



Par jugement du 14 octobre 2011, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé de la procédure et des motifs de la décision, le tribunal a désigné [W] [H] en qualité d'expert avec pour mission l'examen des pièces saisies afin de définir celles relevant du secret des affaires ou de la vie privée. Il a ordonné, au profit exclusif de l'expert désigné, la levée du séquestre exécuté par Maître [B] [U] dans le cadre de la mission de saisie qui lui avait été confiée par l'ordonnance du 20 janvier 2011 du président du tribunal de grande instance de Nanterre.





[W] [H] a déposé son rapport le 25 juillet 2012, complété par une rectification d'erreur matérielle le 6 février 2013.



Par jugement du 7 novembre 2013 auquel il convient de se référer pour l'examen des motifs, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société FUTUR DIGITAL de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du conseil des prud'hommes de Nanterre dans l'instance opposant la société LINKEO.COM et [C] [I], et renvoyé les parties à son audience de procédure du 4 décembre 2013 pour conclure au fond.



Après échanges de conclusions, la société FUTUR DIGITAL, par conclusions récapitulatives n°7 régularisées à l'audience du juge chargé d'instruire l'affaire du 30 avril 2014, a demandé au tribunal de :

A titre principal,

Vu les dispositions des articles 145, 233, 494 et 495 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 1382 du code civil,

Prononcer la nullité de la mesure de constat réalisée par Maître [B] [U] retranscrite dans son procès-verbal du 31 janvier 2011 et clôturé le 21 février 2011 ; Ecarter des débats la pièce adverse n°26 relative au procès-verbal de constat dressé par Maître [B] [U] le 31 janvier 2011 et clôturé le 21 février 2011, de même que toutes celles résultant de l'expertise ordonnée par Monsieur le juge rapporteur par jugement du 14 octobre 2011, en ce qu'elle avait pour unique objet de déterminer quels éléments, parmi ceux recueillis lors de la mesure de constat, pouvaient être versés aux débats ;

Débouter LINKEO de sa demande en réparation en raison de l'absence de concurrence déloyale de FUTUR DIGITAL à son encontre ;

Débouter LINKEO de toutes ses autres demandes ;

La condamner à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens de l'instance ;

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l'article 1382 du code civil,

Débouter LINKEO de sa demande en réparation en raison de l'absence de concurrence déloyale de FUTUR DIGITAL à son encontre ;

Débouter LINKEO de toutes ses autres demandes ;

Condamner LINKEO à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner LINKEO aux entiers dépens de l'instance.





Par conclusions en réponse régularisées à l'audience du juge chargé d'instruire l'affaire du 30 avril 2014, dont elle a indiqué qu'elles étaient récapitulatives au sens de l'article 446-2 alinéa 2 du code de procédure civile, la société LINKEO.COM a demandé au tribunal de :

Vu l'article 1382 du code civil,

Dire mal fondée la demande de nullité de la mesure de constat réalisée par Maître [U] ;

Dire mal fondée la demande d'écarter des débats le procès-verbal de constat de Maître [U] et toutes les pièces résultant de l'expertise ;

Prendre acte de ce que FUTUR DIGITAL verse spontanément aux débats les annexes aux courriers de son conseil sous les intitulés Pièce n°7 et Pièce n°8 et de ce que l'ensemble de ces documents sont de fait déconfidentialisés ;

Dire que FUTUR DIGITAL s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à son encontre;

Ordonner à FUTUR DIGITAL d'avoir à cesser ces agissements déloyaux, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée, et se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Condamner FUTUR DIGITAL à lui payer la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique et financier subi par elle du fait des agissements déloyaux ;

Condamner FUTUR DIGITAL à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle subit ;

Ordonner la publication du jugement à intervenir dans deux journaux ou revues à son choix et aux frais exclusifs de FUTUR DIGITAL, dans la limite de la somme de 5.000 euros HT par insertion, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de 1 mois suivant la signification de la décision à intervenir et se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Condamner FUTUR DIGITAL à lui payer la somme de 40.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux entiers dépens de la présente instance et en particulier les dépens relatifs aux opérations de constat et les frais et coûts engagés pour l'expert informatique ;

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.



Par jugement entrepris du 19 juin 2014 le tribunal de commerce de Nanterre a :

Débouté la SARL FUTUR DIGITAL de sa demande en nullité de la mesure de constat réalisée par Me [B] [U] le 31 janvier 2011 ;

Débouté la SARL FUTUR DIGITAL de sa demande d'écarter des débats certaines pièces ;



Dit que la SARL FUTUR DIGITAL avait commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SA LINKEO.COM ;

Condamné la SARL FUTUR DIGITAL à payer à la SA LINKEO.COM la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamné la SARL FUTUR DIGITAL à payer à la SA LINKEO.COM la somme de 20.000 euros pour indemnisation du préjudice moral ;

Ordonné à la SARL FUTUR DIGITAL de cesser ses agissements déloyaux dans le mois suivant la signification du jugement et passé ce délai et ce, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte ;

Ordonné l'exécution provisoire sur cette cessation des agissements déloyaux;

Ordonné la publication d'un extrait du jugement dans deux journaux ou revues au choix de la SA LINKEO.COM et aux frais exclusifs de la SARL FUTUR DIGITAL, dans la limite de la somme de 5.000 euros HT par insertion, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 1 mois suivant la signification du présent jugement et s'est réservé la liquidation de l'astreinte ;

Condamné la SARL FUTUR DIGITAL à payer à la SA LINKEO.COM la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne la cessation des agissements déloyaux ;

Condamné la SARL FUTUR DIGITAL aux entiers dépens y compris ceux liés aux opérations de constat et aux frais et coûts engagés pour l'expert informatique.






PRÉTENTIONS DES PARTIES



Vu l'appel interjeté le 14 août 2014 par la société FUTUR DIGITAL ;



Vu les dernières écritures en date du 29 février 2016 par lesquelles la société FUTUR DIGITAL demande à la cour de :



Infirmer en toutes leurs dispositions tant le jugement du Tribunal de commerce NANTERRE du 14 octobre 2011, que le jugement du même Tribunal du 19 juin 2014,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

Vu les dispositions des articles 145, 233, 494 et 495 du Code de procédure civile, Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil,

Prononcer, en conséquence, la nullité de l'expertise réalisée en suite, et



Prononcer la nullité de la mesure de constat réalisée par Maître [B] [U], retranscrite dans son procès-verbal du 31 janvier 2011 et clôturé le 21 février 2011.

Ecarter des débats la pièce adverse n°26 relative au procès-verbal de constat dressé par Maître [B] [U] le 31 janvier 2011 et clôturé le 21 février 2011, de même que toutes celles résultant de l'expertise ordonnée par Monsieur le Juge Rapporteur par jugement du 14 octobre 2011, en ce qu'elle avait pour unique objet de déterminer quels éléments, parmi ceux recueillis lors de la mesure de constat, pouvaient être versés aux débats,

Débouter la Société LINKEO de sa demande en réparation en raison de l'absence de l'absence de concurrence déloyale de la Société FUTUR DIGITAL à son encontre,

Débouter la Société LINKEO de toutes ses autres demandes,

Condamner la Société LINKEO à payer à la Société FUTUR DIGITAL la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la Société LINKEO aux entiers dépens de l'instance.

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil,

Retenir que le Tribunal de commerce a délégué ses pouvoirs juridictionnels en ordonnant l'expertise confiée à Monsieur [H],

En conséquence, écarter des débats toutes les pièces résultant de l'expertise ordonnée par jugement du 14 octobre 2011, en ce qu'elle avait pour unique objet de déterminer quels éléments, parmi ceux recueillis lors de la mesure de constat, pouvaient être versés aux débats,

Débouter la Société LINKEO de sa demande en réparation en raison de l'absence (de l'absence) de concurrence déloyale de la Société FUTUR DIGITAL à son encontre,

Débouter la Société LINKEO de toutes ses autres demandes,

Condamner la Société LINKEO à payer à la Société FUTUR DIGITAL la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la Société LINKEO aux entiers dépens de l'instance,

Dire que les dépens pourront être directement recouvrés par la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



Vu les dernières écritures en date du 29 février 2016 au terme desquelles la société LINKEO.COM demande à la cour de :



Vu l'article 1382 du code civil,

CONFIRMER le jugement attaqué du 14 octobre 2011 en toutes ses dispositions ;

CONFIRMER le jugement attaqué du 19 juin 2014 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- Limité le quantum de l'indemnisation de la société LINKEO.COM au titre des actes de concurrence déloyale au montant de 50.000 euros ;

- Limité le quantum de l'indemnisation de la société LINKEO.COM au titre du préjudice moral au montant de 20.000 euros ;

- Limité le quantum de l'indemnisation de la société LINKEO.COM au titre de l'article 700 du code de procédure civile au montant de 15.000 euros ;

ET EN CONSÉQUENCE, infirmant le jugement attaqué du 19 juin 2014 sur ces seuls points et statuant de nouveau :

DIRE ET JUGER mal fondée la demande de nullité de la mesure de constat réalisée par Maître [U] ;

DIRE ET JUGER mal fondée la demande d'écarter des débats le procès-verbal de constat de Maître [U] et toutes les pièces résultant de l'expertise ;

PRENDRE ACTE de ce que FUTUR DIGITAL verse spontanément aux débats les annexes aux courriers du conseil de LINKEO sous les intitulés Pièce n°7 et Pièce n°8 et l'ensemble de ces documents sont de fait déconfidentialisés ;

DIRE ET JUGER que la société FUTUR DIGITAL s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société LINKEO.COM ;

ORDONNER à la société FUTUR DIGITAL d'avoir à cesser ces agissements déloyaux, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée, et se RÉSERVER la liquidation de l'astreinte;

CONDAMNER la société FUTUR DIGITAL à payer à la société LINKEO la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice économique et financier subi par la société LINKEO.COM du fait des agissements déloyaux ;

CONDAMNER la société FUTUR DIGITAL à payer à la société LINKEO la somme de 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi par la société LINKEO.COM ;

ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans deux journaux ou revues au choix de la société LINKEO.COM, et aux frais exclusifs de la société FUTUR DIGITAL, dans la limite de la somme de 5.000 euros HT par insertion, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 1 mois suivant la signification de la décision à intervenir et se RÉSERVER la liquidation de l'astreinte ;

CONDAMNER la société FUTUR DIGITAL à payer à la société LINKEO.COM la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société FUTUR DIGITAL aux entiers dépens de la présente instance et en particulier les dépens relatifs aux opérations de constat, aux frais et coûts engagés pour l'expert informatique et aux frais exposés lors de la procédure d'expertise, dont distraction au profit de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, conformément aux articles 699 et suivants du code de procédure civile ;

ET EN TANT QU'APPELANT INCIDENT,

Y AJOUTANT en cause d'appel,

DIRE ET JUGER irrecevable la demande de FUTUR DIGITAL de nullité de l'expertise réalisée ou, à tout le moins la déclarer mal fondée ;

DÉBOUTER la société FUTUR DIGITAL de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.



Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.




MOTIFS DE LA DÉCISION



1 - Sur la nullité du procès-verbal de constat dressé le 31 janvier 2011 :



La société FUTUR DIGITAL entend voir prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé par Maître [B] [U], huissier de justice à la résidence de Neuilly-sur-Seine le 31 janvier 2011 et clôturé le 21 février 2011, par application de l'ordonnance, sur requête de la société LINKEO.COM, prise par le président du tribunal de grande instance de Nanterre le 20 janvier 2011.



Au soutien de sa demande, elle fait valoir le fait que l'huissier de justice s'est présenté dans ses locaux sans lui remettre, en violation des articles 16 et 495 du code de procédure civile, copie de la requête, copie des pièces jointes à la requête, expressément visées dans le dispositif de l'ordonnance du 20 janvier 2011, particulièrement les pièces n°23 et 24, et sans lui laisser un délai suffisant pour prendre connaissance de l'ordonnance du 20 janvier 2011 avant de procéder aux opérations de constat.



Elle ajoute à ces critiques le fait qu'une partie des missions de l'huissier de justice a été effectuée par [F] [D], expert informatique qu'il s'était adjoint, ultérieurement et en l'absence de l'huissier de justice, qui lui a ainsi délégué le tri des courriels collectés sur place, en violation de l'article 233 du code de procédure civile.



Enfin, la société FUTUR DIGITAL reproche à la mesure d'instruction d'avoir outrepassé les missions que lui fixait l'ordonnance du 20 janvier 2011, en recueillant des éléments antérieurs ou postérieurs à la période durant laquelle l'obligation de non-concurrence pesait sur [C] [I] ou bien relatifs à l'activité de celui-ci sur d'autres territoires que ceux visés par la clause de non-concurrence et donc sans rapport avec les griefs que formule la société LINKEO.COM à son encontre, en faisant un usage extensif des mots clés listés dans cette ordonnance.



La société LINKEO.COM lui rétorque que la requête lui a bien été signifiée en même temps que l'ordonnance du 20 janvier 2011 et qu'aucun texte ne prévoit la communication des pièces visées à la requête, ajoutant que, ces deux points relèvent de la compétence du juge des requêtes, saisi en rétractation, auquel il appartient de veiller au respect du principe de la contradiction.



Elle poursuit en indiquant que les personnels présents de la société FUTUR DIGITAL ont bien pris connaissance des termes de l'ordonnance sur requête avant le démarrage des opérations de constat.



En ce qui concerne l'intervention de l'expert informatique, la société LINKEO.COM fait observer que l'ordonnance du 20 janvier 2011 lui confiait expressément des tâches purement techniques, telle une mission de tri différé, sans avoir effectué lui-même aucune mesure de constatation, ni pris aucune initiative, s'être fait remettre par la société FUTUR DIGITAL aucune pièce, ni posé aucune question ou encore avoir donné aucune instruction de quelque sorte que ce soit, s'étant contenté, sur instruction de l'huissier, ce dernier ayant relevé la volumétrie importante de certains fichiers, d'en prendre copie dans les conditions prévues par l'ordonnance et d'en faire le tri différé.



Elle ajoute que le président du tribunal de grande instance de Nanterre n'a pas exigé que les opérations d'assistance techniques de l'expert informatique soient réalisées en présence de l'huissier, car les termes de recherches étaient déjà détaillés grâce aux mots clés visés dans l'ordonnance ; que l'expert n'a eu qu'à utiliser mécaniquement le filtre des mots clés aux éléments copiés en la présence de l'huissier ; qu'en exécutant ainsi les opérations techniques hors la présence de l'huissier avec la présentation de la méthodologie, la description de récupération des données, des indexations et autres opérations de tri effectuées, les termes de l'ordonnance ont été parfaitement respectés ; qu'en tout état de cause, la question de savoir si ces opérations auraient dû ou non être réalisées en présence de l'huissier n'appartient pas au débat de la nullité des opérations de constat, mais à celui de la rétractation de l'ordonnance, débat qui a eu lieu et a déjà été tranché en sa faveur.





Enfin, sur l'exécution de la mesure d'instruction dans la stricte limite des termes de l'ordonnance du 20 janvier 2011, la société LINKEO.COM conteste qu'ait été outrepassée la mission confiée à l'huissier de justice par la collecte d'éléments qui ne se situeraient pas dans la période d'engagement de non concurrence de [C] [I] (entre le 3 février 2010 et le 3 février 2011) et qui ne concerneraient pas les territoires visés par ledit engagement ou bien relatifs à la société TOP TECHNOLOGY, leur exclusion n'étant pas justifiée eu égard aux faits présentés dans la requête et, en toute hypothèse, n'existant pas dans les termes de l'ordonnance.



La société LINKEO.COM soutient en effet, qu'au-delà de la complicité de la violation d'engagement de non concurrence, elle a rapporté des éléments tendant à démontrer :

- l'acquisition par elle des fonds de commerce TOP TECHNOLOGY et le fait que [X] [O], actuel gérant de fait de la société FUTUR DIGITAL était également le gérant de la société TOP TECHNOLOGY ; que dès lors, elle avait exposé au stade de la requête son intérêt légitime à découvrir si la société FUTUR DIGITAL via [X] [O] avait procédé à l'exploitation illicite du savoir-faire et des informations privilégiées de la société TOP TECHNOLOGY devenus sa propriété ; que c'est pour cette raison que les mots clés visés à l'Ordonnance étaient notamment Top Technology ou TT ainsi que les noms des anciens salariés de TOP TECHNOLOGY repris par elle,

- que la société FUTUR DIGITAL a débauché plusieurs de ses salariés, a fait, sans doute via [C] [I], son ancien salarié, une exploitation systématique à son profit d'informations stratégiques et de son savoir-faire, ce qui ressort des attestations de deux anciens salariés de la société FUTUR DIGITAL,

- que la société FUTUR DIGITAL s'était rendue complice à son encontre de la violation par [C] [I] de son engagement de non concurrence (limité territorialement et dans le temps) mais également de son obligation de confidentialité qui, elle, ne connaît pas de limite spatiale ou temporelle, en apprenant aux salariés de la société FUTUR DIGITAL la méthode de vente constituée par des book de vente, argumentaire client, argumentaire de prise de rendez-vous, formation aux produits Pages Jaunes, application informatique de réalisation des devis Pages Jaunes, créés et exploités par elle.



Elle réfute que des documents étrangers au litige aient été collectés au-delà des limites de la mission confiée, dès lors qu'ont été utilisés les mots clés visés dans l'ordonnance. Elle en profite pour faire observer que la société FUTUR DIGITAL verse spontanément en pièces 7 et 8 des documents qu'elle a ainsi fait choix de déconfidentialiser.



Enfin, elle conteste la critique qui lui est faite de collecte de documents qui seraient exclus de la mission et dont elle prétend, en les analysant, qu'ils intéressent le litige en ce qu'ils démontent l'exploitation illicite par la société FUTUR DIGITAL d'informations stratégiques lui appartenant.



Selon l'article 495 du code de procédure civile : L'ordonnance sur requête est motivée.

Elle est exécutoire au seul vu de la minute.

Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.



Au soutien de sa demande de nullité du procès-verbal de constat dressé le 20 janvier 2011, la société FUTUR DIGITAL affirme ne pas avoir reçu copie de la requête formée par la société LINKEO.COM, laquelle est pourtant annexée à la signification de l'ordonnance qui lui a été faite le 31 janvier 2011 par Maître [B] [U], huissier de justice, le procès-verbal de signification comprenant 17 feuillets, 2 pour le procès-verbal, 10 pour la requête et 5 pour l'ordonnance. Il ne peut donc y avoir matière à annulation de ce chef.



La société FUTUR DIGITAL expose encore ne pas avoir eu copie des pièces listées dans la requête, dont elle prétend que certaines d'entre elles feraient corps avec l'ordonnance du 20 janvier 2011. Mais outre le fait que le tribunal a exactement apprécié qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article 494 du code de procédure civile que la requête doit comporter l'indication précise des pièces invoquées, ce qui est le cas en l'espèce, nul texte n'en prévoyait la communication, la cour relève que l'ordonnance ne vise, dans son dispositif aucune pièce en particulier et ne renvoie expressément à aucune, se suffisant à elle-même, de sorte que la communication de l'ordonnance à la société FUTUR DIGITAL satisfait pleinement aux prescriptions réglementaires en la matière.



L'appelante invoque ensuite un prétendu délai qui n'aurait pas été respecté entre la signification de l'ordonnance et le démarrage des opérations de constat.



A cet égard, le tribunal a bien jugé que dans le procès-verbal de constat, l'huissier de justice dit avoir rencontré Messieurs [C] [I] et [X] [O] à qui [il] signifie respectivement à 10 heures 15 et 10 heures 16 une copie de l'ordonnance exécutoire sur minute dont [il est] porteur. Messieurs [I] et [O] prennent connaissance des termes de l'ordonnance. Après lecture, Monsieur [O] [lui] déclare qu'il n'a pas dans les locaux le registre d'entrée et de sortie du personnel de la société FUTUR DIGITAL mais qu'il va demander à son cabinet comptable de le lui adresser par courriel ; qu'aucun article du code de procédure civile ne fixe de délai entre la remise des documents et le début des opérations, et que la réponse immédiate de [X] [O] sur une des pièces visées démontre qu'il a eu le temps de prendre connaissance des termes de l'ordonnance, de sorte que le principe de la contradiction que sous-tend le dernier alinéa de l'article 495 précité du code de procédure civile a été respecté.



S'agissant de l'intervention de l'expert informatique, l'article 233 du code de procédure civile, dont il n'est pas contesté qu'il s'applique à une mesure de constat ordonné sur requête, édicte que : Le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.

Si le technicien désigné est une personne morale, son représentant légal soumet à l'agrément du juge le nom de la ou des personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom l'exécution de la mesure.



La société FUTUR DIGITAL reproche à l'huissier de justice de ne pas avoir contrôlé les agissements de tri différé des copies de courriels qui ont été pratiquées par l'expert informatique lors des opérations de constat, dérogeant ainsi à l'obligation dont il est débiteur de procéder personnellement à la mission qui lui était confiée.



A cet égard, le tribunal a justement relevé que l'ordonnance du 20 janvier 2011 autorise explicitement l'huissier de justice à se faire assister, pour l'aider dans sa mission, d'un ou plusieurs experts informatiques de son choix, indépendants des parties en présente, faculté dont il a usé en s'adjoignant les services de [F] [D], et, notamment dans l'hypothèse où la bonne fin de la mission pourrait être compromise du fait (...) d'un obstacle technique tenant à la volumétrie des informations (...) confier à l'expert informatique qui l'assiste les disques durs qu'il aura extraits des unités centrales et ordinateurs afin que celui-ci procède aux opérations purement techniques (récupérations de données, indexations et autres opérations de tri...) de nature à permettre l'exploitation des informations nécessaires à l'accomplissement de la mission, avant que ces disques durs soient remis en place dans leur unité centrale ou ordinateurs respectifs.



La cour constate que le constat querellé indique notamment que [F] [D] à procédé sur place, à la copie, sur disque dur de l'ordinateur de [C] [I] et de celui de [X] [O] des documents et courriels nécessaires à l'exécution de la mission visée dans l'ordonnance et dont la volumétrie nécessite une exploitation ultérieure, le constant précisant que pour préserver l'intégrité des informations contenues sur le support, Monsieur [D] effectue une empreinte électronique.



La société FUTUR DIGITAL pointe le fait que l'huissier de justice mentionne dans le procès-verbal que : En ma présence, Monsieur [F] [D] procède aux opérations de copie sur le disque dur externe USB neuf Iomega des documents et courriels nécessaires à l'exécution de la mission visée dans l'ordonnance et dont la volumétrie nécessite une exploitation ultérieure (cf. rapport technique annexé), avant de conclure : Nous nous retirons à 14 heures 15 en possession du disque USB Iomega sur lequel les éléments ont été copiés dans les conditions sus décrites, Monsieur [D] en ayant réalisé une deuxième copie sur son ordinateur pour les besoins de sa mission technique ultérieure telle que visée dans l'ordonnance ;



Que l'expert informatique a ensuite établi un rapport intitulé : Opérations d'assistance à huissier, compte rendu d'opérations, daté du 19 février 2011 ; que dans ce rapport, l'expert expose dans sa partie intitulée : 3 DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE (...) 3.2 Messagerie : Pour geler les boîtes aux lettres et parce que pendant la durée des opérations, MÊME. [I] et [O] souhaitaient pouvoir répondre à leurs courriels, j'ai copié les dossiers « Outlook » (contenu dans données d'applications du compte utilisateur), ce dossier contient les fichiers actifs.

Cette copie m'a aussi été utile pour effectuer des opérations différées de tri qui étaient difficiles à faire sur place ;



Qu'à propos des courriels recueillis, l'expert indique : Je fais un premier tri sur place, mais je ne peux pas traiter tous les mails, notamment les mails échangés avec les anciens salariés de Linkeo/TopTechnology. Je conviens avec Maître [U] d'en faire un tri lors d'opérations différées.



La société FUTUR DIGITAL soutient qu'il résulte de toutes ces indications que [F] [D] a copié l'intégralité des emails de Messieurs [O] et [I] lors de la mesure de constat, dans le but de faire ensuite le tri entre les documents qui rentraient ou ne rentraient pas dans le cadre des chefs de mission autorisés par le juge ; que ceci est encore confirmé, s'il en était besoin, dans une partie 3.3 Recherches et copies de fichiers, l'expert y indiquant que les recherches de fichiers ont été effectuées sur place, alors que, réciproquement, aucune pareille mention ne figure dans la partie 3.4 Recherches et copie de courriels ;



Que sous la rubrique intitulée 3.6 Traitement différé des messages, l'expert indique : J'ai ouvert les fichiers de messagerie Outlook [...] Pour éviter d'exposer dans les listings annexés à ma note, les clients de Futur Digital, et plus généralement les correspondants de Futur Digital qui ne sont pas Linkeo, Top Technologie, [T], [O] ([X] et [Z]), [X] et [I], j'ai masqué les noms et les destinataires.

[...] Les objets des messages ont aussi été expurgés des marques et des noms, qui sont remplacés par « (masqué) » lorsqu'ils apparaissaient.



Que, dans la partie intitulée 5.3.3 CAS DES MESSAGES RELATIFS À L'ACTIVITÉ COMMERCIALE DE FUTUR DIGITAL, l'expert indique encore: Je n'ai pas trouvé de contrats signés par M. [O] ou M. [I] dans les mails, en revanche, j'ai identifié des tableaux décrivant, entre autres, l'activité commerciale de M. [I]. (...) Ils ne rentrent pas dans la lettre stricte de l'ordonnance qui couvre les contrats signés par M. [O] ou M. [I], en revanche, ils contiennent les mots clés Pages Jaunes (PJ) et [I].



Que ce tri d'éléments effectué au regard des termes de l'ordonnance du 20 janvier 2011, en interprétant nécessairement celle-ci, a été effectué ultérieurement hors la présence de l'huissier, qui n'en fait aucune mention dans son procès-verbal proprement dit ;



Qu'ainsi, l'huissier de justice a délégué à l'expert le soin de déterminer de manière totalement autonome si les courriels, recueillis sur place sans aucun tri, entraient ou non dans les chefs de missions autorisés par ordonnance du 20 janvier 2011 ; que ces opérations ne peuvent sérieusement être qualifiées de purement techniques.



La société LINKEO.COM soutient, quant à elle, que l'huissier de justice a bien personnellement effectué sa mission, l'ordonnance l'autorisant à confier à l'expert un traitement différé en ces termes : Dans l'hypothèse où la bonne fin de la mission pourrait être compromise du fait d'une obstruction, d'un obstacle technique tenant à la volumétrie des informations (...) autorisons l'huissier de justice à confier à l'expert informatique qui l'assiste les disques durs qu'il aura extraits des unités centrales et ordinateurs afin que celui-ci procède aux opérations purement techniques (récupérations de données, indexations et autres opérations de tri...) de nature à permettre l'exploitation des informations nécessaires à l'accomplissement de la mission avant que les disques durs soient remis en place dans leur unité centrale ou ordinateurs respectifs,





Disons que l'expert en informatique assistant l'huissier devra au préalable, pour préserver l'intégrité des informations contenues sur le support qui lui sera remis, procéder notamment avant toute intervention technique :

- Au relevé de l'empreinte électronique globale du dit support,

- A la formalisation de la démarche méthodologique adoptée.



Elle estime qu'il en découle que des tâches incombaient personnellement à l'expert informatique, ce que n'est pas un huissier de justice, mais que ce dernier, en s'exprimant à la première personne du singulier tout au long du procès-verbal a, en revanche, bien personnellement mené l'ensemble des opérations de constat, en contrôlant les opérations d'assistance de l'expert, comme cela est notamment indiqué en pages 5, 15 et 22 du constat, pour lesquelles le président du tribunal de grande instance de Nanterre, dans son ordonnance, n'a nullement exigé qu'elles se déroulassent en la présence de l'huissier de justice.



Mais si, comme l'expose justement l'intimée, les opérations de copies de données des ordinateurs ont bien été effectuées, selon les mentions du constat d'huissier de justice, dans les locaux de la société FUTUR DIGITAL en la présence de l'huissier instrumentaire, il est constant que le tri de ces documents a été effectué ultérieurement par [F] [D], hors cette présence.



Or, bien que l'expert, conformément à l'ordonnance, expose, dans son rapport d'opérations d'assistance à huissier, qui est simplement joint au constat de Maître [B] [U], la démarche méthodologique adaptée, incluant l'empreinte globale des répertoires de classement et des dates d'accès aux fichiers présents sur les disques durs, force est de constater que le tri auquel l'expert a procédé des documents qu'il avait recueillis a été fait arbitrairement, hors la présence et le contrôle de l'huissier de justice, et a nécessité de sa part, une appréciation de la mission confiée par l'ordonnance à ce seul officier ministériel, chargé de la réaliser personnellement, par application de l'article 233 du code de procédure civile, et non à lui-même.



Ainsi, la simple adjonction au procès-verbal que Maître [B] [U] a personnellement dressé le 31 janvier 2011 des constats qu'elle a elle-même effectués ce jour là, du compte rendu technique de [F] [D], expert informatique, pour des opérations ultérieures d'analyse de données recueillies en sa présence, qui ont nécessité une interprétation de l'ordonnance lui ayant personnellement confié, ès qualités, une mission de recueil et d'exploitation d'informations à laquelle elle n'a pas entièrement participé se trouve entachée d'un vice, qui, contrairement à ce qu'en a décidé le tribunal, conduit la cour à prononcer la nullité de ce constat, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs complémentaires que la société FUTUR DIGITAL formule à son encontre.



Le jugement sera réformé en ce sens.



2 - Sur l'infirmation du jugement du 14 octobre 2011 :



La société FUTUR DIGITAL demande à la cour, outre l'infirmation du jugement du 19 juin 2014, d'infirmer celui du 14 octobre 2011, par lequel le tribunal de commerce de Nanterre a désigné [W] [H] en qualité d'expert avec pour mission l'examen des pièces saisies par Maître [B] [U], dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par ordonnance du 20 janvier 2011, afin de définir celles relevant du secret des affaires ou de la vie privée et ordonnées, au profit exclusif de l'expert désigné, la levée du séquestre exécuté par Maître [B] [U] dans le cadre de sa mission de saisie qui lui avait été confiée par la même ordonnance.



À titre liminaire, dans le corps de ses conclusions, la société LINKEO.COM soulève l'irrecevabilité d'une telle demande, d'une part parce que la société FUTUR DIGITAL aurait acquiescé à ce jugement en ne s'opposant pas à la désignation de l'expert ou au déroulement de sa mission et d'autre part parce que cette demande est nouvelle devant la cour d'appel.



La cour constate cependant que ces fins de non-recevoir ne sont pas reprises dans le dispositif des dernières écritures de la société LINKEO.COM, qui seul saisit la cour des ses prétentions, par application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'ayant donc pas à statuer sur ces fins de non-recevoir.



Néanmoins, il entre dans le pouvoir de la cour de relever d'office le caractère nouveau d'une prétention au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.



Par application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, cette fin de non-recevoir soulevée d'office doit pouvoir être débattue par les parties. La cour constate à cet égard que la société FUTUR DIGITAL a répondu à la société LINKEO.COM sur ce point, en faisant d'ailleurs justement observer que l'intimée ne concluait pas à l'irrecevabilité de sa demande de ce chef mais à son débouté.



Elle se défend de cette nouveauté, en affirmant qu'il s'agit non d'une prétention nouvelle, mais d'un moyen nouveau, entrant dans le champ d'application de l'article 563 du code de procédure civile, relatif à la délégation par le premier juge de ses pouvoirs juridictionnels au moyen de la mission qu'il a confiée à l'expert.



La cour ne peut toutefois que constater que la demande d'infirmation du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 octobre 2011 que la société FUTUR DIGITAL formule devant la cour n'est pas un moyen nouveau, mais bien une prétention nouvelle, qui n'a pas été formulée par elle en première instance et que celle-ci est donc irrecevable.



3 - Sur la nullité de l'expertise :



La société FUTUR DIGITAL demande à la cour de déclarer, en conséquence de la réformation du jugement du 14 octobre 2011, prétention que la cour vient de déclarer irrecevable, de prononcer la nullité de l'expertise réalisée en exécution de ce jugement.



La société LINKEO.COM lui oppose, à bon droit, l'irrecevabilité d'une telle demande en cause d'appel pour la première fois, alors que la société FUTUR DIGITAL a déjà fait valoir des moyens de défense au fond et qu'il résulte des dispositions combinées des articles 175 du code de procédure civile, selon lequel : La nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure et de celles de l'article 112 du même code qui prévoient que : La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité, que la nullité sollicitée est couverte.



La cour dira donc cette demande irrecevable, peu important son fondement juridique, dès lors qu'elle n'a pas été effectuée avant de soulever des moyens de défense au fond.



4 - Sur la demande de rejet de pièces formulée par la société FUTUR DIGITAL :



La société FUTUR DIGITAL maintient en cause d'appel sa demande de voir écarter des débats la pièce adverse n°26 relative au procès-verbal de constat dressé par Maître [B] [U] le 31 janvier 2011 et clôturé le 21 février 2011, de même que toutes celles résultant de l'expertise ordonnée par Monsieur le Juge Rapporteur par jugement du 14 octobre 2011, en ce qu'elle avait pour unique objet de déterminer quels éléments, parmi ceux recueillis lors de la mesure de constat, pouvaient être versés aux débats.



La cour ayant déclaré nul le procès-verbal de constat dressé le 31 janvier 2011, clôturé le 21 février 2011, par Maître [B] [U], au cours duquel les éléments saisis ont servi de base à l'expertise diligentée en exécution du jugement du 14 octobre 2011, ne pourra qu'écarter des débats ce procès-verbal de constat.



En revanche, la société FUTUR DIGITAL ne détaillant quelles pièces résulteraient de l'expertise ordonnée par le juge rapporteur par jugement du 14 octobre 2011, celles pouvant être versées aux débats, cette demande imprécise sera rejetée.



5 - Sur la concurrence déloyale :



La société LINKEO.COM retient au titre des agissements déloyaux, qu'elle attribue à la société FUTUR DIGITAL, le pillage organisé et systématique d'informations privilégiées et de son savoir-faire, le débauchage de ses anciens salariés, ainsi que sa complicité dans la violation de l'engagement de non-concurrence de [C] [I].



Sur l'appropriation de son savoir-faire, la société LINKEO.COM verse aux débats deux attestations d'anciens salariés.



La première, datée du 21 décembre 2010, émane de [X] [R], lequel déclare avoir été salarié de la société FUTUR DIGITAL du 3 mai à fin novembre 2010 en qualité d'attaché commercial, recruté par [X] [O] et formé par [C] [I] à une technique de vente apprise lorsque celui-ci était salarié de la société LINKEO.COM et qu'il a apportée à [X] [O]. Il y indique, en outre, que [U] [X], salariée de la société FUTUR DIGITAL a été débauchée de son poste chez LINKEO.COM compte tenu de ses connaissances acquises chez cet ancien employeur.



La deuxième attestation a été rédigée par [X] [G], le 22 décembre 2010, salarié de la société FUTUR DIGITAL dans la même période que [X] [R], également formé par [C] [I], qui lui a dit avoir acquis les méthodes de vente au sein de la société LINKEO.COM et les avoir apportées à [X] [O] en échange d'un poste de chef des ventes.



Pour étayer son propos, la société LINKEO.COM se réfère à plusieurs documents, argumentaires, et/ou méthodologies de vente, informations confidentielles relatives à ses tarifs ou prestations, constatés par l'huissier de justice, méthodologies de vente censées par leur graphisme, la compilation et le tri des informations, les préconisations et instructions adressées à la force de vente, traduire un savoir-faire développé pendant plusieurs années.



La société FUTUR DIGITAL conteste tant la démonstration d'un savoir-faire propre de la société LINKEO.COM, que l'appropriation qu'elle aurait pu faire d'informations privilégiées que celle-ci aurait détenues.



Mais la cour, qui a annulé le procès-verbal de constat duquel la société LINKEO.COM tire l'essentiel des pièces et de son argumentaire visant à démonter l'appropriation par la société FUTUR DIGITAL de son savoir-faite ou d'informations privilégiées lui appartenant, ne démontre pas, par le seul biais des deux attestations qu'elle met au débat, évoquant en termes généraux la réutilisation d'une acquisition de méthodes par [C] [I] auprès d'elle, des faits pouvant être qualifiés de concurrence déloyale de ce chef.



Le jugement sera réformé en ce sens.



Sur le débauchage de salariés, la société LINKEO.COM reprend les mentions des attestations sus-évoquées, concernant [C] [I] et [U] [X], auxquelles elle ajoute le nom de [B] [T], figurant au procès-verbal de constat dressé par Maître [B] [U], annulé par la cour.



Elle affirme ainsi que la société FUTUR DIGITAL a volontairement ciblé ses recrutements en fonction des compétences particulières des salariés concernés, acquises auprès d'elle.



La société FUTUR DIGITAL ne conteste pas avoir embauché trois anciens salariés de la société LINKEO.COM : [C] [I] en mars 2010, [U] [X] en mars 2010 et [B] [T] en novembre 2010, sans cependant avoir tenté de désorganiser l'intimée ou y être parvenue, désorganisation qu'elle affirme justement ne pas être démontrée en l'espèce, particulièrement quant à la déloyauté de ces recrutements.



C'est donc justement que la cour a écarté ce grief, ce que la cour confirme.



Enfin, la société LINKEO.COM, tout en reconnaissant au conseil de prud'hommes la compétence pour trancher de l'éventuelle violation par le salarié de la clause de non-concurrence stipulée à son contrat de travail, soutient néanmoins une complicité de la société FUTUR DIGITAL dans la violation de l'engagement de non-concurrence de [C] [I], en l'ayant embauché en connaissance de l'engagement qui le liait à son ancien employeur, pour une activité concurrente dans des zones géographiques prohibées.



Elle se fonde, pour cela, essentiellement sur les pièces obtenues dans le cadre du constat annulé par la cour.



La société FUTUR DIGITAL, sans pour autant formuler une demande de sursis à statuer, lui oppose que la question de la complicité ne saurait être détachée de la violation de la clause elle-même par [C] [I], question dont il n'est pas contesté qu'elle est toujours actuellement pendante devant les juridictions en charge des conflits individuels du travail.



Le tribunal a retenu ce grief en motivant sur la pleine connaissance que la société FUTUR DIGITAL avait du contrat de travail de [C] [I] qui le liait encore à la société LINKEO.COM au moment de son embauche, mais la cour ne peut que constater que la question de la violation de la clause de non-concurrence par [C] [I] est toujours en débat devant la juridiction prud'homale et que la question de l'implication de la société FUTUR DIGITAL dans une éventuelle complicité de cette violation ne peut être tranchée indépendamment du fait principal.



Infirmant le jugement sur ce point, la cour rejettera donc ce grief, en l'état, et partant réformera le jugement en disant qu'aucun acte de concurrence déloyale de la part de la société FUTUR DIGITAL n'est caractérisé par la société LINKEO.COM, qui se verra donc déboutée de ses demandes de chef, tant indemnitaires que de cessation d'agissements ou de publicité de la décision.



Sur l'article 700 du code de procédure civile :



Il est équitable d'allouer à la société FUTUR DIGITAL une indemnité de procédure de 5.000 euros. La société LINKEO.COM, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.







PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



DÉCLARE irrecevable comme étant nouvelle devant elle la demande formulée par la société à responsabilité limitée FUTUR DIGITAL d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 14 octobre 2011,



DÉCLARE irrecevable la demande formulée par la société à responsabilité limitée FUTUR DIGITAL d'annulation de l'expertise réalisée en exécution du jugement du 14 octobre 2011,



INFIRME le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 19 juin 2014 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société à responsabilité limitée FUTUR DIGITAL de sa demande de voir écarter des débats les pièces résultant de l'expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Nanterre par jugement du 14 octobre 2011,



Et statuant à nouveau,



ANNULE le procès-verbal de constat dressé par Maître [B] [U], huissier de justice, le 31 janvier 2011, clôturé le 21 février 2011,



ÉCARTE des débats le procès-verbal de constat dressé par Maître [B] [U], huissier de justice, le 31 janvier 2011, clôturé le 21 février 2011,



DIT que la preuve n'est pas rapportée par la société anonyme LINKEO.COM d'actes de concurrence déloyale commis par la société à responsabilité limitée FUTUR DIGITAL à son encontre,



DÉBOUTE la société anonyme LINKEO.COM de toutes ses demandes indemnitaires, de cessation des agissements et de publicité du chef de concurrence déloyale



REJETTE toutes autres demandes,



Et y ajoutant,



REJETTE toutes autres demandes,





CONDAMNE la société anonyme LINKEO.COM à payer à la société à responsabilité limitée FUTUR DIGITAL somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE la société anonyme LINKEO.COM aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier, Le président,

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