16 septembre 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 14/07895

Pôle 5 - Chambre 11

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/07895



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2012045703





APPELANTE





SAS ISO [S] exploitant sous le nom commercial IMPRESSION DE SAINT OUEN, agissant poursuites et diligences de son Président directeur général Monsieur [O] [S], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 2]

N° SIRET : B 572 190 957 (Melun)



Représentée par Me Véronique KIEFFER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : Représentée par Me Philippe JUCHS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0146 substitué par Me Anne SAVELLI BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0620 L0028







INTIMEES





SARL CHRIDAMI MEDIAS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 4]

N° SIRET : 402 758 866 (Paris)



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Cécile RAFIN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C2477 substituant Me Rémi HANACHOWICZ, avocat au barreau de LYON



SARL CHRIDAMI COMMUNICATION, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 6]

N° SIRET : 417 663 200 (Paris)



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Cécile RAFIN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C2477 substituant Me Rémi HANACHOWICZ, avocat au barreau de LYON.



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 26 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :



M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre

Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre, chargée du rapport

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère



qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS







ARRET :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.














La société ISO [S] exerce une activité de transformation de papier et assure les services associés ( stockage, gestion et transfert de stocks). Les sociétés CHRIDAMI COMMUNICATION et GULLIV'R, aux droits desquelles viennent aujourd'hui les sociétés CHRIDAMI MEDIAS et CHRIDAMI COMMUNICATION, sont des régisseurs publicitaires qui prennent en charge les frais d'impression des brochures qu'elles éditent, ainsi que l'achat du papier et ses frais de transport. Elles commercialisent des espaces publicitaires dans des supports médias. Elles ont, entre 2002 et octobre 2008, commandé d'importantes quantités de papier à ISO [S], papier qu'elles faisaient livrer directement chez les imprimeurs.



Le 18 janvier 2010, elles ont assigné ISO [S] devant le tribunal de commerce de Creteil dans le cadre d'un litige portant sur le montant des stocks de papier qui aurait été conservé par ISO [S]. Elles ont été déboutées de leur demande de paiement à ce titre. Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Paris le 23 janvier 2014.

Reconventionnellement, ISO [S] demandait leur condamnation pour rupture brutale de la relation commerciale. Le tribunal de CRETEIL se déclarant incompétent a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de PARIS.

ISO [S] dénonce la rupture intervenue après la dernière commande du 27 octobre 2008 et s'estime victime de concurrence déloyale de la part de [Z] [L] salarié d'ISO [S] qui a démissionné.



Par jugement du 13 janvier 2014, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société ISO [S] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à payer à chaque défenderesse la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, et a débouté les parties de leurs plus amples prétentions.



Le tribunal a estimé que la relation commerciale entre ISO [S] et CHRIDAMI MEDIAS ne pouvait être considérée comme suivie, stable et habituelle et ne pouvait être qualifiée de relation commerciale établie au sens de l'article L.442-6 I, 5° du code de commerce. Il a également retenu que la concurrence déloyale n'était pas démontrée par ISO [S].



La société ISO [S] a régulièrement interjeté appel de cette décision.



La société ISO [S], par conclusions signifiées par le RPVA le 4 mai 2016, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leur argumentation et de leur moyens, demande de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- sur la rupture brutale, condamner in solidum les sociétés CHRIDAMI MEDIAS et CHRIDAMI COMMUNICATIONS à lui payer la somme de 230.000 euros à titre de préavis d'une année correspondant à une perte de marge bénéficiaire brute de la société ISO [S], avec intérêts de droit à compter de l' arrêt à intervenir ;

- à défaut, condamner la société CHRIDAMI MEDIAS à lui payer la somme de 140.000 euros à titre de préavis d'une année correspondant à une perte de marge brute de la société ISO [S], avec intérêts de droit à compter de l' arrêt à intervenir ;

- condamner la société CHRIDAMI COMMUNICATIONS GULLIV'R à payer à la société ISO [S] la somme de 90.000 euros à titre de préavis d'une année correspondant à la perte de marge bénéficiaire brute de la société ISO [S], avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir ;

- dire que les sociétés CHRIDAMI MEDIAS et CHRIDAMI COMMUNICATIONS GULLIV'R ont commis à son encontre des actes de concurrence déloyale ;

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 160.000 euros à titre de dommages et intérêts;

A défaut,

- condamner chacune des sociétés à lui payer une somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A défaut,

- les condamner chacune à lui payer une somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens.



Elle soutient qu'il existait, entre les parties, une relation commerciale de plusieurs années (de six années) qui s'est interrompue brutalement, sans préavis, lors du départ de Monsieur [L]. Cette rupture n'a pas eu pour motif la qualité ou le stock de papier.

Elle estime avoir subi un préjudice constitué de la perte de la marge brute.

Elle estime également que les sociétés intimées ont participé à la concurrence déloyale reprochées aux sociétés du groupe HK COURSES puisqu' elles ont été averties par lettre recommandée AR le 15 décembre 2008 du problème qui se posait avec les sociétés HK COURSES et M. [L].

Elles ont donc passé commande avec elles en toute connaissance de cause.

En outre, elle soutient que les sociétés CHRIDAMI ne forment qu'une seul et même société, les commandes de papier étant faites une fois par l'une, une fois par l'autre.





La société CHRIDAMI MEDIAS et la société CHRIDAMI COMMUNICATION, par leurs dernières conclusions signifiées par le RPVA le 10 mai 2016, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leur argumentation et de leurs moyens, demandent :

- dire que la société ISO [S] formule pour la première fois en appel, des demandes de condamnation in solidum, à leur encontre au paiement de la somme globale de 230.000 euros en réparation d' un préjudice lié à la rupture brutale des relations contractuelles et à la somme globale de 160.000 euros en réparation d'un préjudice lié à des actes de concurrence déloyale ;

- dire que ces demandes ne sont ni l' accessoire, ni la conséquence, ni le complément des demandes formulées en première instance ;

- dire que le courant d'affaires entre ISO [S] et les sociétés CHRIDAMI ne constituaient pas des relations commerciales établies ;

- dire que les sociétés CHRIDAMI étaient fondées à mettre un terme immédiat aux commandes passées à ISO [S] dès lors qu'elle refusait de fournir les prestations attendues ;

- dire que ISO [S] ne démontre ni ne justifie de l'existence d'un quelconque préjudice et du montant des dommages et intérêts qui lui seraient dus au titre d'une prétendue rupture brutale des relations commerciales ;

- dire que ISO [S] ne saurait non plus se prévaloir de prétendus actes de concurrence déloyale de la part des sociétés CHRIDAMI ;

- dire qu'ISO [S] ne démontre, ni ne justifie la faute des sociétés CHRIDAMI, le préjudice et le lien de causalité entre les deux, au titre de la concurrence déloyale ;



En conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes de condamnation in solidum des sociétés CHRIDAMI COMMUNICATION et CHRIDAMI MEDIAS au paiement de la somme globale de 230.000 euros en réparation d'un prétendu préjudice lié à la rupture brutale des relations contractuelles et de la somme globale de 160.000 euros en réparation d'un prétendu préjudice lié à des actes de concurrence déloyale ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter la société ISO [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société ISO [S] à leur payer la somme de 8.000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.



Elle soulèvent l'irrecevabilité, en application de l'article 564 du code de procédure civile, des demandes de condamnation en paiement solidaire d'une somme de 230.000 euros au titre de préavis d'une année correspondant à une perte de marge bénéficiaire brute et d'une somme de 160.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale, comme étant nouvelles en appel.



Elle soutiennent qu'il n'y avait pas de relation commerciale établie entre elles et ISO [S] en l'absence de stabilité et de continuité au sens de l'article L.442-6 du code de commerce.

En effet, les sociétés CHRIDAMI se fournissaient auprès d'autres sociétés et la relation avec CHRIDAMI MEDIAS s'est interrompue en 2005 et 2006 sans que ISO [S] ne se manifeste.

Elles expliquent la rupture de leurs relations commerciales avec ISO [S] par un problème de qualité du papier commandé et la gestion du stock que ISO [S] conservait et non au départ de M. [L] salarié chez ISO [S].

Elles contestent le préjudice qui n'est pas justifié par ISO [S].

Elle soutiennent également l'absence d'actes de concurrence déloyale de leur part alors que ISO [S] n'a pas démontré une situation de concurrence avec elles, régisseurs publicitaires, une faute de leur part, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

Elles reconnaissent être rentrées en relation d'affaires avec M. [L] mais estiment n'avoir commis aucune faute, n'étant liées par aucune exclusivité avec ISO [S] et s'étant toujours fournies auprès d'autres sociétés.



Elle expliquent enfin être deux entités juridiques différentes et distinctes et qu'aucune condamnation in solidum ne peut intervenir à leur encontre.






SUR CE





Sur la recevabilité des demandes de ISO [S] portant sur la condamnation in solidum des sociétés CHRIDAMI



Considérant que la société ISO [S] demande pour la première fois en appel la condamnation solidaire des sociétés CHRIDAMI COMMUNICATION et CHRIDAMI MEDIAS à lui payer une somme globale de 230.000 euros au titre de la rupture brutale des relations contractuelles et une somme de 160.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale ;



Considérant que l'article 564 du code de procédure civile prévoit qu''à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d' un fait' ; que l'article 566 du code de procédure civile dispose que' les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément' ;



Considérant que ISO [S] justifie cette demande en soutenant que les sociétés CHRIDAMI sont une seule et même entité ;



Considérant que la demande de condamnation solidaire formulée pour la première fois en appel n'est ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément des demandes formulées en première instance et ne tend pas aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges ; qu'elle doit être déclarée irrecevable comme étant nouvelle ;





Sur le fond



Sur la rupture brutale des relations commerciales



Considérant que l'article L.442-6, I du code de commerce dispose qu''engage la responsabilité de son auteur et l' oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels...';



Considérant que la société ISO [S] soutient avoir subi une rupture brutale des relations commerciales qu'elle entretenait depuis six ans avec les sociétés CHRIDAMI COMMUNICATION et CHRIDAMI MEDIAS ;



Considérant qu'il résulte des pièces produites que cette relation n'a pas été identique avec les deux sociétés ;



Qu'avec CHRIDAMI MEDIAS, la relation s'est interrompue en 2005 et 2006, aucune commande n'étant passée pendant cette période par cette société ;



Que CHRIDAMI COMMUNICATION n'a adressé que des commandes ponctuelles à ISO [S] : une seule commande en novembre 2002, trois commandes en 2003, une seule commande en 2004, trois commandes en 2005, six commandes en 2006 ; que le chiffre d'affaires réalisé avec cette dernière, qui a diminué de manière significative de juillet 2007 à juin 2008, n'a connu aucune régularité ; que, si les relations commerciales ont commencé en 2002, elles se sont interrompues en 2008 ;



Que n'est intervenu entre les parties ni accord-cadre, ni garantie de chiffre d'affaires ;



Que la relation entretenue entre la société ISO [S] et les sociétés CHRIDAMI ne revêt dès lors pas le caractère de stabilité, de régularité et de continuité exigé par l'article L.442-6,I du code de commerce ; qu'il convient donc de confirmer sur ce point le jugement entrepris en ce qu'il débouté la société ISO [S] de ce chef de demande ;





Sur la concurrence déloyale



Considérant qu'il est établi que les actes de concurrence déloyale invoqués par la société ISO [S] à l'encontre des sociétés CHRIDAMI ont été en fait commis par un de ses anciens salariés, Monsieur [Z] [L] et quatre sociétés dans lesquelles il a travaillé après son départ de ISO [S] ; qu'ISO [S] n'établit pas la participation des deux sociétés CHRIDAMI aux actes de concurrence déloyale à son encontre ; que les sociétés CHRIDAMI n'étaient liées par aucune exclusivité avec ISO [S] et passaient commande auprès d' autres fournisseurs ; qu'aucune faute n'est, dans ces conditions, démontrée par ISO [S] ; que le jugement entrepris confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ISO [S] de ce chef ;



Considérant que l'équité impose de condamner la société ISO [S] à payer à chacune des sociétés CHRIDAMI COMMUNICATIONS et CHRIDAMI MEDIAS la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;





PAR CES MOTIFS





La Cour statuant publiquement et contradictoirement,



DECLARE la demande de condamnation in solidum de sociétés CHRIDAMI COMMUNICATIONS et CHRIDAMI MEDIAS irrecevable en application de l' article 564 du code de procédure civile,



CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



CONDAMNE la société ISO [S] à payer à chacune des sociétés CHRIDAMI MEDIAS et CHRIDAMI COMMUNICATION la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,



CONDAMMNE la société ISO [S] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître

Matthieu BOCCON-GIBOD en application de l'article 699 du code de procédure civile.











Le greffier Le président

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