7 octobre 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/18262

Pôle 5 - Chambre 3

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2016



(n° 288, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/18262



Décision déférée à la Cour : Ordonnance rendue par la Cour d'Appel de PARIS en date du 14 Avril 2015 venant sur jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 29 octobre 2014 - RG n° 14/22171





APPELANTE



SARL ESSALAM

immatriculé au R.C.S de Paris sous le n°422 822 460

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Charles MOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0279





INTIMÉE



SA MARYLIA

immatriculée au R.C.S de Bobigny sous le n°395 063 969

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 4]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me André JACQUIN de la SCP JACQUIN - MARUANI ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0428

ayant pour avocat plaidant Me Audrey HADJEZ-HAUMI de la SCP JACQUIN-MARVANI, avocat au barreau de Paris, toque : P428





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Anne-Marie GALLEN, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente de Chambre

Mme Anne-Marie GALLEN, Présidente

Mme Brigitte CHOKRON, Conseillère

Qui en ont délibéré,





Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT



ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Anne-Marie GALLEN, présidente, pour la Présidente empêchée et par Mme Clémentine GLEMET, greffier présent lors du prononcé.




******



FAITS ET PROCÉDURE



La société Essalam a, par acte du 5 avril 2011, fait assigner la société Marylia devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir constater le renouvellement du bail commercial et la condamner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à signer un bail commercial conforme aux dispositions de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 26 mars 2008 et du jugement rendu par le Juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny le 27 janvier 2010 et répondant aux caractéristiques suivantes : un local de 60 m 2 et une chambre froide situé au lieudit [Adresse 5], pour un usage de boucherie et épicerie et pour un loyer de 1.067,15 euros HT avec des charges plafonnées à 8 % du montant du loyer HT, soit 85,37 euros HT.




Par conclusions notifiées le 22 octobre 2012, elle a modifié sa demande quant au descriptif des locaux qu'elle énonçait comme étant constitués de 'un local de 60 m2, une chambre froide, un laboratoire et un couloir'.



Le tribunal de grande instance de Bobigny a, par jugement rendu le 5 juin 2013 :

- constaté le renouvellement du bail à effet du 1er octobre 2010, aux conditions définies par le jugement du 4 juillet 2007 rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny, confirmé par la Cour d'appel de Paris le 26 mars 2008, portant exclusivement sur l'assiette du bail constituée d'une part de l'espace de vente de '60 m2 environ', dont il était fait état dans le contrat initial, mais de 70,80 m 2 en réalité, et d'autre part de la chambre froide de 36,60 m2,

- constaté que tant le contrat initial que les titres du 4 juillet 2007 et 26 mars 2008 sont sans ambiguïté sur l'assiette exacte du local donné à bail,

- constaté l'occupation par la société Essalam d'une superficie bien supérieure à la surface contractuelle autorisée, à savoir 307,60 m2 en tout,

- constaté l'impossibilité, dans ces circonstances, d'enjoindre au bailleur de régulariser un bail écrit portant sur une superficie autre que celle autorisée (107,40 m 2 ) mais pour un prix qui serait maintenu à l'identique et sans changement, ce qui ne saurait, sans abus, se concevoir,

- condamné la société Essalam à payer à la société Marylia la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'occupation des lieux faite au-delà de la surface contractuelle autorisée et de sa mauvaise foi, avérée ne serait-ce qu'à l'analyse de la variation des demandes entre l'assignation et les dernières conclusions, ces deux actes décrivant les locaux à prendre en compte différemment.









Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel suivant arrêt du 3 juin 2015 (chambre 5-3), sauf en ce qu'il avait débouté la SARL Essalam de sa demande en remboursement de trop payé de charges et en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts en faveur de la bailleresse, condamnant cette dernière à payer à la société locataire la somme de 16 079,55 euros au titre de remboursement de charges trop payées au-delà du plafond de 8 % prévu au bail et condamnant la SARL Essalam à payer à la SA Marylia la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.



Le juge des loyers commerciaux, par jugement rendu le 17 juillet 2013 a par ailleurs :

- constaté l'incompétence du Juge des loyers commerciaux pour trancher une contestation relative à la surface occupée par le preneur et sur son caractère illicite ou non, laquelle relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance statuant au fond,

- renvoyé l'affaire relative à la fixation du loyer du bail renouvelé devant la 5ème chambre section 1 du tribunal de grande instance de Bobigny, pour jonction avec le dossier RG 13- 03449.



Concernant la présente procédure, suivant acte d'huissier signifié le 19 décembre 2012, la société Marylia a fait assigner la société Essalam devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir :

-constater la jouissance abusive de superficies par la SARL Essalam,

-constater l'acquisition de la clause résolutoire à compter du 30 novembre 2012,

-juger en conséquence que la SARL Essalam est depuis le 30 novembre 2012 occupante sans droit ni titre et ordonner son expulsion suivant les modalités ordinaires,

-ordonner le transport et la séquestration du mobilier

subsidiairement,

-juger le bail commercial résilié aux torts exclusifs de la SARL Essalam, avec les mêmes conséquences,

en tout état de cause :

-condamner la SARL Essalam à payer une indemnité d'occupation mensuelle égale au double du loyer, charges et TVA en sus, jusqu'au départ effectif des lieux, avec le bénéfice de la capitalisation annuelle des intérêts échus depuis plus d'un an,

- la condamner à 5000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens,

- prononcer l'exécution provisoire

- prononcer l'exécution provisoire



Par jugement en date du 29 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- constaté l'erreur matérielle ayant consisté, pour la société Essalam, à faire figurer dans ses conclusions du 10 juin 2014 des explications comptables qui n'étaient destinées qu'à la Cour d'appel de Paris, saisie du jugement rendu le 5 juin 2013.

- dit n'y avoir lieu de statuer, en conséquence, sur les développements relatifs à la répétition de l'indu qui figurent en page 11 à 21 des conclusions sus-évoquées.

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail du 13 mars 2009 à la date du 30 novembre 2012, un mois après la délivrance de la sommation visant ladite clause, restée infructueuse.

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois qui suivra la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Essalam et de tous occupants de son chef des lieux sis [Adresse 5], exploités à usage de boucherie, au rez-de- chaussée, à proximité des réserves de l'enseigne Franprix, tels qu'ils ont été décrits par la société Essalam elle-même sur le plan communiqué soit : un point de vente, un couloir en angle, un vestiaire, une chambre froide, un laboratoire, un sas de sortie vers le quai de déchargement, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier.

- dit en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désignée par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de

l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

- fixé l'indemnité d'occupation due par la société Essalam à la somme de 2.305,08 euros HT mais charges incluses et précise que la TVA au taux en vigueur s'y ajoutera, en sus.

- condamné la SARL Essalam à payer en deniers ou quittances à la SA Marylia à titre d'indemnité d'occupation la somme de 2.305,08 euros HT mais charges incluses par mois, à laquelle la TVA au taux en vigueur s'ajoutera, à compter du 1er décembre 2012 jusqu'à la libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés ou le procès-verbal de reprise après expulsion.

- dit que conformément à la demande de la SA Marylia, les intérêts dus pour une année entière pourront produire à leur tour des intérêts, sur le fondement de l'article 1154 du code civil.

- condamné la société Essalam à payer à la société Marylia la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la société Essalam aux entiers dépens de l'instance.

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.



Le 6 novembre 2014, la SARL Essalam a relevé appel du jugement.



Par ordonnance du 14 avril 2015, la Cour d'appel de Paris a prononcé la radiation de l'affaire. La société Essalam a ressaisi la Cour d'appel le 8 septembre 2015 et l'affaire été réinscrite au rôle.



Par ses dernières conclusions signifiées le 18 avril 2016 au visa de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 122 du code de procédure civile ainsi que les articles 1134, alinéa 3 et 1351 du code civil, la société Essalam demande à la cour de :

A titre principal, de :

- constater le défaut d'impartialité tant objectif que subjectif de M [D], ayant rendu le jugement du 29 octobre 2014,

En conséquence de :

- annuler le jugement rendu le 29 octobre 2014 par le tribunal de grande instance de Bobigny,

- ordonner le remboursement du paiement de l'indemnité d'occupation fixée à 2.305,08 euros HT par mois, à la charge de la société Essalam,

- ordonner la réintégration de la société Essalam des locaux situés à [Localité 1], qui lui

avaient été précédemment donnés à bail par la société Marylia,

- enjoindre à la société Marylia de signer un bail commercial avec la société Essalam, qui

comprend les caractéristiques suivantes : "les locaux : un local de 70,20 mètres carré, une

chambre froide, lieudit [Adresse 5], - droit d'usage et de

passage : un laboratoire, une chambre froide, un couloir - usage : boucherie et épicerie, - loyer : 1.067,15 euros HT ; - charges plafonnées à 8% du montant du loyer HT soit 85,37 euros ht."



A titre subsidiaire de :

- déclarer irrecevable la demande la société Marylia de constat d'acquisition de la clause résolutoire,



En conséquence, de :

- infirmer le jugement rendu le 29 octobre 2014 par le tribunal de grande instance de Bobigny,

- ordonner le remboursement du paiement de l'indemnité d'occupation fixée à 2.305,08 € HT par mois, à la charge de la société Essalam,

- ordonner la réintégration de la société Essalam des locaux situés à [Localité 1], qui lui

avaient été précédemment donnés à bail par la société Marylia,

- enjoindre à la société Marylia de signer un bail commercial avec la société Essalam, qui comprend les caractéristiques suivantes : « les locaux : un local de 70,20 mètres carré, une chambre froide, lieudit [Adresse 5],

- droit d'usage et de passage : un laboratoire, une chambre froide, un couloir

- usage : boucherie et épicerie,

- loyer : 1.067,15 euros HT ;

- charges plafonnées à 8% du montant du loyer HT soit 85,37 euros HT».



A titre infiniment subsidiaire, de :

- constater la mise en 'uvre de la clause résolutoire de mauvaise foi de la société Marylia,

En conséquence, de :

- infirmer le jugement rendu le 29 octobre 2014 par le tribunal de grande instance de Bobigny,

- ordonner le remboursement du paiement de l'indemnité d'occupation fixée à 2.305,08 € HT par mois, à la charge de la société Essalam,

- ordonner la réintégration de la société Essalam des locaux situés [Localité 1], qui lui avaient été précédemment donnés à bail par la société Marylia,

- enjoindre à la société Marylia de signer un bail commercial avec la société Essalam, qui comprend les caractéristiques suivantes : "les locaux : un local de 70,20 mètres carré, une chambre froide, lieudit [Adresse 5], droit d'usage et de passage : un laboratoire, une chambre froide, un couloir, usage : boucherie et épicerie, loyer : 1.067,15 euros HT, charges plafonnées à 8 % du montant du loyer HT soit 85,37 euros HT".



En tout état de cause, de :

- condamner la société Marylia à lui verser la somme de 19.000 euros à la société Essalam sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Marylia aux dépens.



Par ses dernières conclusions signifiées le 24 mai 2016 au visa des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil et les articles 70 et 100 et suivants du code de procédure civile, , la société Marylia demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 29 octobre 2014 dans l'intégralité de son dispositif.

En tout état de cause,

- condamner la société Essalam à verser à la société Marylia la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire,

- condamner la Société Essalam à payer à la Société Marylia la somme de 20.000 euros à titre

d'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Essalam, en tous dépens en ce compris le coût de la sommation valant mise en demeure et visant la clause résolutoire.














SUR CE,



-Sur la partialité du juge de première instance



La société Essalam demande l'annulation du jugement du 29 octobre 2014 en raison de la partialité de M. [D], juge unique qui avait connu des mêmes faits et avait rendu un jugement contentieux le 25 juin 2013 . Citant la jurisprudence Morel contre France de la Cour européenne des droits de l'homme (n°34310/96 §46), elle explique au titre de la partialité objective que ce même juge a tenu un raisonnement similaire dans ses jugements du 25 juin 2013 et du 29 octobre 2014 et qu'ayant eu à connaître de questions identiques, il avait un préjugé sur les faits dont il avait à connaître en 2014 ;



Elle estime que la partialité subjective du juge de première instance est avérée en ce que c'est en des termes particulièrement durs que ce juge avait qualifié le comportement de la société Essalam, démontrant par là même qu'il s'était fait une opinion définitive sur le comportement de cette dernière en donnant clairement son opinion quant à l'issue d'une procédure de résiliation, sans avoir été saisi par l'une des parties de cette demande ;



Or la simple circonstance qu'un magistrat se soit déjà prononcé dans le cadre d'une autre procédure concernant les mêmes parties ne saurait, à elle seule, porter atteinte à l'impartialité de ce juge (CEDH, 2e sect., 26 avr. 2011, n° 31351/06, Steulet c/ Suisse) et les deux questions dont a eu à traiter le juge, en sa qualité de président de la Chambre 5 section 1, chargée de ce type de contentieux, ne sont pas identiques, puisque l'une portait dans la premier procédure sur l'assiette d'un bail et le remboursement d'un trop perçu de charges, qui a d'ailleurs été examinée par trois autres magistrats dans le cadre d'un appel devant la cour, et l'autre dans la présente procédure sur la résiliation du bail commercial et l'expulsion de l'occupant du fait des infractions constatées audit bail ; au surplus , le juge a particulièrement motivé ses décisions en des termes qui ne caractérisent pas un défaut d'impartialité du juge .



La partialité tant objective que subjective du premier juge n'étant pas démontrée, la demande d'annulation du jugement pour ce motif ne saurait prospérer ;





- Sur la résiliation du bail commercial



La société Essalam fait valoir que la résolution du contrat de bail a été prononcée en dépit de l'irrecevabilité de la demande du bailleur, en ce que le jugement du 29 octobre 2014 est intervenu en méconnaissance du principe de concentration des moyens, corollaire du principe de l'autorité de la chose jugée, puisque le bailleur avait précédemment tenté d'obtenir la résolution du bail commercial conclu et ce, sur le fondement du manquement du locataire à ses obligations contractuelles.



L'appelante ajoute que le bailleur avait été débouté par la Cour d'appel de Paris, par un arrêt en date du 26 mars 2008 et qu'il présente désormais la même demande, en se fondant cette fois-ci sur l'acquisition de la clause résolutoire figurant sur le contrat de bail, et prétextant de nouveaux manquements de son locataire, alors que ceux-ci préexistaient aux instances de 2007 et 2008.



A titre infiniment subsidiaire, elle estime que la résolution du contrat de bail est intervenue en méconnaissance de la mauvaise foi du bailleur, au fait des occupations litigieuses, mais qui n'a pas contesté lesdites occupations. Elle cite une attestation de son ancien dirigeant M. [M] que le bailleur était au courant des installations litigieuses, précisant que son loyer n'est pas dérisoire au regard de la surface qu'elle occupe, mettant en lumière la mauvaise foi du bailleur dans la mise en 'uvre de la clause résolutoire en ce qu'il affirme notamment que la surface occupée et bien plus importante que la surface louée ;



La société Marylia sollicite à l'inverse la confirmation du jugement compte tenu de la jouissance abusive des superficies par la société Essalam.



Ceci étant exposé, il convient de rappeler que les juridictions tant de première instance que d'appel, ont déjà statué sur la superficie des lieux loués, la cour d'appel de Paris ayant dans son arrêt devenu définitif du 26 mars 2008 revêtu de l'autorité de la chose jugée, indiqué que l'assiette du bail, initialement de 70,80 m2 au prix de 5000 francs avait été deux ans plus tard et par suite de l'accord des parties étendue à la chambre froide de 36,60 m2 moyennant un complément de loyer de 2000 francs, la cour d'appel de Paris ayant dans son arrêt rendu le 3 juin 2015, rappelé que la SARL Essalam reconnaissait elle-même occuper une superficie totale de 307 m2 utiles, très éloignée de la superficie du bail concédé à l'origine, la circonstance qu'il s'agisse d'espaces nécessaires à son activité commerciale n'ayant pas eu pour effet d'intégrer ces surfaces au bail liant des parties ;



Dans la sommation visant clause résolutoire du bail et l'article L 145-17 du code de commerce, en date du 31 octobre 2012, la société Marilya reproche à la société Essalam d'avoir étendu de manière considérable l'assiette du bail au-delà de ce qui lui avait été consenti, dans le contrat d'origine d'abord, puis avec le surplus accordé (chambre froide) par la Cour d'appel de Paris aux termes de l'arrêt précité, et lui fait sommation de se conformer aux clauses du bail et à la décision de la cour d'appel quant à l'assiette du bail dans le délai d'un mois sous peine de résiliation du bail ;



Arguant du fait qu'elle n'occupait pas une surface excédant l'assiette du bail, la locataire a, par courrier du 7 novembre 2012, refusé de déférer à la sommation ;



Un procès-verbal de constat en date du 12 janvier 2012 et un certificat de superficie au sol du 1 er juin 2012 établi par un géomètre attestent pourtant de l'occupation par la locataire d'une surface excédant les 107,40 m2 autorisés, un autre procès-verbal de constat du 9 août 2012 des experts mandatés par ordonnance produit par la bailleresse en attestant également ; l'abus d'occupation a été constatée par le tribunal de grande instance de Bobigny dans son jugement du 5 juin 2013, confirmé sur ce point par la Cour d'appel de Paris aux termes de son arrêt du 3 juin 2015 ;



Ainsi, alors qu'elle est en droit de jouir de près de 107,40 m2 (calcul effectué sur la base de l'attestation de géomètre produite par la société Essalam), la société locataire exploite son commerce sur une surface de 307,60 m 2 et affirme que le "bloc chambre froide" est constitué d'une seule et même pièce indivisible et que "l'accès à la chambre froide ne se fait que par la porte du laboratoire", des affirmations contredites par les jugements et arrêts précités ;



La société locataire reconnaît d'ailleurs cet état de fait en indiquant dans les écritures produites devant le tribunal, ce que celui-ci ne manque pas de relever, 'qu'il est manifeste qu'elle occupe depuis le début du bail en 1999 un local d'une superficie de 307,60 m2", en contradiction totale avec ce que l'arrêt de la cour en date du 26 mars 2008 avait indiqué ;



Quoique les causes de la sommation visant clause résolutoire n'ont pas été apurées dans le délai d'un mois, il convient néanmoins de dire que ladite sommation ne pouvait produire effet à une date antérieure à celle où le tribunal a tranché le litige concernant l'assiette du bail, fût-ce en revoyant les parties aux dispositions de l'arrêt antérieur de 2008 ; c'est donc à tort que le tribunal a constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail à la date du 30 novembre 2012 un mois après la délivrance de la sommation restée sans effet ;



Néanmoins, l'occupation par la société locataire de locaux au-delà de ce que lui concède le bail et son maintien dans ces locaux sans droit ni titre nonobstant les dispositions du jugement du 25 juin 2013 justifient le prononcé de la résiliation du bail pour manquement grave de la société locataire à ses obligations, la signification du jugement, exécutoire par provision, valant à cet égard mise en demeure suffisante. Il importe peu que la bailleresse n'ait pas invoqué ce manquement aux obligations du bail antérieurement ou que l'ayant invoqué, elle n'en n'ait pas tiré toute conséquence juridique, dés lors que la connaissance par la bailleresse de l'occupation illicite par la locataire d'une partie des locaux lui appartenant ne constitue nullement une acceptation de cet état de fait et que l'occupation a persisté ;



Il y a donc lieu de prononcer la résiliation du bail et de confirmer le jugement qui a ordonné l'expulsion de la locataire de l'ensemble des lieux qu'elle occupe ;



-Sur l'indemnité d'occupation



La SA Marylia demande également la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SARL Essalam à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 1er décembre 2012, égale au double du loyer alors en vigueur, hors taxe et hors charges, jusqu'à son départ effectif, compte tenue de l'occupation de surfaces bien plus importantes que ce qu'elle est en droit d'occuper ;



Le tribunal a justement souligné que le loyer s'élevait en 2001 à 1152,54 euros HT pour une occupation autorisée de 107,60 m2, rappelant en cela l'arrêt de la cour devenu définitif du 26 mars 2008; dans la mesure où il est établi que la SARL Essalam occupe en réalité 307,60 m2, la demande formée par la bailleresse tendant à voir fixer au double du loyer le montant de cette indemnité d'occupation est parfaitement justifiée ;



Le jugement sera confirmé sur ce point et en ce qu'il a dit qu'à cette indemnité d'occupation se verra ajoutée la TVA au taux en vigueur, sauf à prévoir que l'indemnité est due à compter du présent arrêt et jusqu'à la libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés ou le procès-verbal de reprise après expulsion et que les intérêts au taux légal pourront produire à leur tour des intérêts, sur le fondement de l'article 1154 du code civil s'ils sont dus pour une année entière ;



Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens, la SARL Essalam étant déboutée de l'ensemble de ses demandes formées en cause d'appel et étant condamnée aux dépens d'appel et à verser une indemnité de 5000 euros à la SA Marylia sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



La bailleresse sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la locataire, faute pour elle d'établir que l'appel formé par la SARL Essalam, qui n'est que l'expression d'un droit, revêtirait un caractère abusif et dilatoire ;



















PAR CES MOTIFS :



La cour,



RÉFORMANT le jugement sauf en ses dispositions relatives à l'expulsion, au montant de l'indemnité d'occupation due par la société Essalam et aux intérêts, quant aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ,



Y ajoutant,



DIT n'y avoir lieu à annuler le jugement pour défaut d'impartialité tant objective que subjective de M [D] juge, ayant rendu le jugement du 29 octobre 2014



Statuant à nouveau sur les dispositions réformées,



PRONONCE la résiliation du bail entre la société Maylia et la société Essalam portant sur des locaux sis [Adresse 5],



DIT que l'indemnité d'occupation est due par la société Essalam à compter du présent arrêt et jusqu'à la libération effective des lieux, y compris la superficie qu'elle occupe indûment,



DÉBOUTE la SARL Essalam de l'intégralité de ses demandes,



DÉBOUTE la SA Marylia de sa demande de dommages et intérêts,



CONDAMNE la SARL Essalam à verser une indemnité de 5000 euros à la SA Marylia sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



LA CONDAMNE aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.









LE GREFFIER POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE







C. GLEMET Anne-Marie GALLEN

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