3 janvier 2017
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 15/00486

1ère CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIERE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 03 JANVIER 2017



(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)





N° de rôle : 15/00486









SAS SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTION HABITAT



c/



[T] [K] [O]

[D] [X] [O]

[N] [A] veuve [O]

SELARL [F]

SA ALLIANZ IARD

























Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 janvier 2015 par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC ( RG : 12/00167) suivant déclaration d'appel du 23 janvier 2015.





APPELANTE :



SAS SOCIETE INDUSTRIELLE DE CONSTRUCTION HABITAT (SIC HABITAT), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]



Représentée par Maître Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat au barreau de BORDEAUX, postulant

Représentée par Maître Christian HEUTY, avocat au barreau de DAX, plaidant.





INTIMÉS :



[T] [K] [O] pris en qualité d'héritier de Mr [I] [O]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]



[D] [X] [O] pris en qualité d'héritier de Mr [I] [O]

né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 3]



[N] [A] veuve [O] agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [G] [O] née le [Date naissance 3] 2006 à [Localité 3], prise en qualité d'héritière de Mr [I] [O]

née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 4] (ESPAGNE)

demeurant [Adresse 4]



Représentés par Maître Christine MOREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX



SELARL [F], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL PLS, nommée à cette fonction par jugement du tribunal de Commerce de Bordeaux du 12 mai 2010, domiciliée [Adresse 5]



Représentée par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX



SA ALLIANZ IARD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6]



Représentée par Maître TRARIEUX, substituant Maître Valentine GUIRIATO de la SELARL JOLY-GUIRIATO-TRARIEUX, avocat au barreau de BERGERAC.





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 novembre 2016 en audience publique, devant la cour composée de :



Elisabeth LARSABAL, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Irène CHAUVIRE





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.




* * *



EXPOSE DU LITIGE



Par acte authentique du 30 août 2006, M. [O] et son épouse Mme [A] ont acheté à la société Pierres en Perigord trois lots de copropriété dans un ensemble immobilier situé à [Localité 5], lieu-dit [Localité 6], consistant en un terrain à bâtir pour une surface totale de 2ha 16a 77ca cadastré [Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 3], avec l'obligation de construire sur ce terrain le bâtiment F de l'ensemble immobilier comprenant les lots [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].



Les époux [O] avaient préalablement confié la construction de l'immeuble comprenant les trois appartements à la société industrielle de construction habitat (SIC habitat), pour un montant HT de 158.491,46 euros soit 189.555,79 euros TTC, suivant contrat en date du 4 janvier 2006.

Le permis de construire initialement accordé par la mairie de [Localité 5] à la société Pierres en Périgord a été transféré aux époux [O] par arrêté du 18 janvier 2007.

Les travaux ont été réalisés entre novembre 2006 et septembre 2007 et réceptionnés avec des réserves en novembre 2008.

A l'occasion de la visite des lieux en 2010, M. [O] s'est aperçu que la construction n'a pas été faite sur son terrain mais sur celui de la société Pierres en Périgord.



Estimant que cette erreur d'implantation constituait un manquement grave à l'exécution du contrat imputable au constructeur, les époux [O], assistés de leur conseil, ont demandé à la société SIC habitat d'apporter une solution au litige.



M. [O] est décédé le [Date décès 1] 2011.



Par acte du 20 janvier 2012, Mme [A], épouse [O], agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de sa fille [G] [O], mineure, messieurs [T] [O] et [D] [O], agissant tous deux en qualité d'héritiers de M. [O], ont assigné la société SIC habitat devant le tribunal de grande instance de Bergerac.



Par assignations en dates des 10 et 11 janvier 2013, la société SIC habitat a appelé à la cause la SELARL [F], en qualité de mandataire liquidateur de la société PLS, et la société Verspieren, assureur responsabilité civile professionnelle de la société PLS pour son activité de gestion immobilière, aux fins de voir :

- joindre les instances opposant les consorts [O] à la société 'Maisons SIC' et cette dernière à maître [F] et aux assurances Verspieren,

- fixer la créance éventuelle de l'indivision [O] au passif de la société PLS,

- statuer sur la garantie des assurances Verspieren,

- condamner les assurances Verspieren au règlement des indemnités compensatrices du préjudice subi par les époux [O] tel qu'il sera évalué par la juridiction,

- à titre subsidiaire, condamner les assurances Verspieren à la relever indemne de toute condamnation qui pourra être prononcée à son encontre et au bénéfice de l'indivision [O].

La société Allianz Iard est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 30 janvier 2013, en sa qualité d'assureur de la société PLS, la société Assurances Vespierren n'étant intervenue qu'en qualité de courtier.

La jonction de ces appels en cause à l'instance principale a été ordonnée le 22 février 2013.



Les consorts [O] ont sollicité, à titre principal, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, la résolution judiciaire du contrat de construction avec la société SIC habitat pour manquement grave à l'exécution du dit contrat par erreur d'implantation de la construction avec effet au jour où le jugement est rendu. Subsidiairement, ils ont demandé la nullité du contrat de construction pour violation des règles d'ordre public de l'article L 231-2 du code de la construction et de l'habitation. En outre, ils ont réclamé que la société SIC habitat soit condamnée à leur payer la somme de 452.282,81 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de retard au taux légal à compter de l'assignation, ainsi que celle de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et au paiement des entiers dépens, le tout assorti de l'exécution provisoire.



Par jugement du 6 janvier 2015, le tribunal a :

- déclaré recevable l'intervention de la société Allianz IARD,

- mis hors de cause les assurances Verspieren,

- déclaré irrecevables les demandes formées par la société SIC habitat à l'encontre de la société [F], es qualité de mandataire liquidateur de la société PLS,

- prononcé la résolution judiciaire du contrat de construction conclu le 4 janvier 2006 aux torts exclusifs de la société SIC habitat,

- condamné en conséquence la SIC Habitat à payer à madame [A], agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de sa fille [G] [O], mineure, messieurs [T] [O] et [D] [O], agissant tous deux en qualité d'héritiers de M. [O] :



* la somme de 180.108 euros au titre des sommes versées en exécution du contrat de construction,

* la somme de 39.688,37 euros au titre des frais intercalaires dus avant la phase d'amortissement du crédit ( du 5 août 2006 au 5 juillet 2010),

* les intérêts sur les échéances payées :

du 5 août 2010 au 5 février 2011: 3567,21 euros

du 5 mars 2011 au 5 juillet 2011: 1241,38 euros,

outre les intérêts dus du 5 août 2011 (364,87 euros) jusqu'au complet remboursement du crédit,

* la somme de 2662,35 euros au titre des indemnités contractuelles résultant du remboursement anticipé du crédit (sur la somme de 162.301,98 euros) selon décompte arrêté au 5 novembre 2011,

* la somme de 1373,98 euros résultant de l'apport personnel,

* la somme de 5339,98 euros au titre des frais de la garantie hypothécaire,

* les sommes de 1322 euros et 762 euros au titre des taxes payées (taxe d'urbanisme et autres),

* la somme de 14.546,96 euros au titre des charges de copropriété dues au 1er octobre 2011,

* la somme de 37.851 euros au titre des frais de commission de l'agence PLG,

* la somme de 10.004,54 euros au titre de la facture ARCS pour des aménagements extérieurs,

* la somme de 6.840,02 euros au titre de la facture Marques pour des aménagements intérieurs,

* la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,



- débouté les requérants du surplus de leurs demandes indemnitaires,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la société SIC habitat à garantir les consorts [O] de toute action en dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires de la résidence de [Localité 5] pour non-exécution de l'obligation de construire dans les deux ans de l'acquisition du terrain,

- débouté la société SIC habitat de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société SIC habitat à payer au titre des frais irrépétibles la somme de 1.000 euros à Mme [A], agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de sa fille [G] [O], mineure, messieurs [T] [O] et [D] [O] , agissant tous deux en qualité d'héritiers de M. [O], outre celle de 500 euros chacun à la SELARL [F], es qualité de mandataire liquidateur de la société PLS, et à la compagnie Allianz IARD,

- condamné la société SIC habitat à payer les dépens,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,

- ordonné l'exécution provisoire.



La société SIC habitat a régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe de son avocat en date du 23 janvier 2015 dans des conditions de régularité non contestées. Les consorts [O] forment appel incident.




Par conclusions du 17 juillet 2015 la société SIC habitat demande à la cour de réformer le jugement et de :

- juger que l'erreur d'implantation ne lui est pas imputable,

- débouter les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre elle,

- les condamner à restituer la somme de 308.672,66 euros versée au titre de l'exécution provisoire,

- les condamner au paiement des sommes de :

* 9.447,79 euros au titre du solde dû au constructeur,

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive



subsidiairement de :

- statuer ce que de droit sur l'éventuel recours de l'indivision [O] contre l'assureur responsabilité civile du groupe PLS,

- limiter la créance de l'indivision [O] au montant de 50.000 euros, sous déduction de la somme de 9.447,79 euros due à la société Maisons SIC, représentant la valeur de l'immeuble vendu à la barre.



plus subsidiairement encore :

- limiter la créance de l'indivision [O] au montant de 94.777,90 euros, sous déduction de la somme de 9.447,79 euros due à la société Maisons Sic, représentant la moitié du coût du contrat avec SIC Habitat, le surplus ayant été remboursé par l'assurance décès de M. [O]

- statuer sur la garantie de la Cie Allianz venant aux droits des assurances Verspieren au règlement des indemnités compensatrices du préjudice subi par les époux [O],



à titre infiniment subsidiaire, condamner la compagnie Allianz venant aux droits des assurances Verspieren à relever la Société 'Maisons SIC' indemne de toute condamnation qui pourra être prononcée à son encontre et au bénéfice de l'indivision [O] ;



en tout état de cause:

- condamner l'indivision [O] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'indivision [O] aux entiers dépens, en ce compris ceux d'exécution forcée si elle s'avère nécessaire, dont distraction au profit de l'avocat.





Par conclusions signifiées le 18 mai 2015 par RPVA, les consorts [O] demandent à la cour de :

- dire et juger mal fondé l'appel interjeté par la société SIC habitat

- débouter la société SIC habitat de l'intégralité de ses demandes ;

en conséquence, à titre principal:

- de confirmer le jugement du 6 janvier 2015 pour avoir prononcé la résolution judiciaire du contrat de construction conclu le 4 janvier 2006 aux torts exclusifs de la société SIC habitat et avoir condamné la société SIC habitat à payer:

* la somme de 180.108 euros au titre des sommes versées en exécution du contrat de construction,

* la somme de 39.688,37 euros au titre des frais intercalaires dus avant la phase d'amortissement du crédit ( du 5 août 2006 au 5 juillet 2010),

* les intérêts sur les échéances payées:

du 5 août 2010 au 5 février 2011: 3567,21 euros

du 5 mars 2011 au 5 juillet 2011: 1241,38 euros,

outre les intérêts dus du 5 août 2011 (364,87 euros) jusqu'au complet remboursement du crédit,

* la somme de 2662,35 euros au titre des indemnités contractuelles résultant du remboursement anticipé du crédit (sur la somme de 162.301,98 euros) selon décompte arrêté au 5 novembre 2011,

* la somme de 1373,98 euros résultant de l'apport personnel,

* la somme de 5339,98 euros au titre des frais de la garantie hypothécaire,

* les sommes de 1322 euros et 762 euros au titre des taxes payées (taxe d'urbanisme et autres),

* la somme de 14.546,96 euros au titre des charges de copropriété dues au 1er octobre 2011,

* la somme de 37.851 euros au titre des frais de commission de l'agence PLG,

* la somme de 10.004,54 euros au titre de la facture ARCS pour des aménagements extérieurs,

* la somme de 6.840,02 euros au titre de la facture Marques pour des aménagements intérieurs,

* la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

et condamné la société SIC habitat à garantir les consorts [O] de toute action en dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires de la résidence de [Localité 5] pour non exécution de l'obligation de construire dans les deux ans de l'acquisition du terrain.



- d' infirmer ledit jugement pour les avoir déboutés sur le solde du contrat de construction et des préjudices résultants de la perte de loyers, du préjudice financier relatif au coût du terrain et le préjudice fiscal ;



en conséquence, et statuant à nouveau:

- de condamner la société SIC habitat à leur payer la somme de :

* 9.447,79 euros au titre du solde du contrat de construction,

* 1.471 euros par mois au titre de la perte de loyers depuis la date de la réception fixée par la SIC en juillet 2008 jusqu'au règlement du litige,

* 51.528 euros au titre du préjudice financier pour coût d'achat d'un terrain nu,

* 40.000 euros au titre du préjudice financier fiscal,

* 40.000 euros au titre du préjudice moral ;



à titre subsidiaire:

- prononcer la nullité du contrat de construction de la société SIC pour violation des règles d'ordre public de l'article L 231-2 du code de la construction et de l'habitation,

- condamner la société SIC à leur payer à titre de dommages et intérêts pour préjudices subis, les sommes de :

* 189.555,79 euros TTC au titre du contrat de construction,

* 39.688,37 euros au titre des frais intercalaires depuis le 5 août 2006 dus avant la phase amortissement du crédit,

* les intérêts sur les échéances payées:

- du 05/08/2010 au 05/02/2011: 1.158,52 * 7 = 8.109,64 euros les intérêts pour un montant de 3.597,21 euros

- du 05/03/2011 au 05/08/2011: 1.516,30 *5 = 7.581,50 euros dont les intérêts pour un montant de 1.241,38 euros

- depuis le 05/08/2011: 1.581,25 euros par mois dont les intérêts pour un montant de 364.87 euros jusqu'au remboursement du crédit



* le coût du remboursement anticipé du prêt pour 162.301,98 euros selon décompte arrêté au 05/11/2011 soit la somme de 2.662,35 euros, montant à parfaire le jour du remboursement anticipé,

* les taxes payées:

- TLE et autres taxes : 2.396 euros

- taxe d'urbanisme: 202 euros

- taxe d'urbanisme : 1.120 euros



* 14.546,96 euros des charges de copropriété dues suivant arrêté provisoire au 1er octobre 2011,

* 37851 euros au titre des frais de commission de l'agence PGL,

* 10.004,51 euros au titre de la facture ARCS

* 6.840,02 euros au titre de la facture Marques,

* 5.339,98 euros au titre des frais de garantie hypothécaire,

* 1.373,98 euros au titre de l'apport personnel,

*1.471 euros par mois au titre de la perte de loyers depuis la date de la réception fixée par SIC en juillet 2008 jusqu'au règlement du litige,

* 51.528 euros au titre du préjudice financier pour coût d'achat d'un terrain nu,

* 40.000 euros au titre du préjudicie financier fiscal,

* 40.000 euros au titre du préjudice moral



- de dire et juger que la société SIC habitat les garantira contre toute action en dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires de la résidence de [Localité 5] pour non-exécution de l'obligation de construire dans les deux ans de l'acquisition du terrain;



en toutes hypothèses :

- condamner la société SIC habitat à leur payer toutes sommes à compter du 1er octobre (année non précisée) au titre des charges de copropriété,

- condamner la société SIC habitat au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens



Par conclusions signifiées le 19 juin 2015 par RPVA, la compagnie Allianz IARD demande à la cour de :



à titre principal :

- dire et juger mal fondé l'appel interjeté par la société SIC Habitat,

- débouter la société SIC habitat de l'intégralité de ses demandes,

- en conséquence confirmer le jugement dans son intégralité,

- condamner la société SIC habitat à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel ;



à titre subsidiaire, limiter le montant de la garantie d'[L] au plafond contractuel, soit la somme de 460.000 euros, et sous déduction de la franchise contractuelle de 10%, avec un minimum de 915 euros et plafonnée à 9.145 euros.



Par conclusions signifiées par RPVA le 5 juin 2015, la société [F] es qualités de mandataire liquidateur de la société PLS demande à la cour de :

- constater qu'aucune condamnation n'a été prononcée par le jugement contre elle,

- constater qu'aucune demande n'a été présentée par aucune des parties devant la cour à son encontre,

- condamner la société SIC habitat à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société SIC habitat à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à régler les entiers dépens dont distraction au profit de la société Trassard et associés.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 mai 2016.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières écritures déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la résolution du contrat de construction entre la société SIC habitat et les époux consorts [O]



C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a prononcé la résolution du contrat de vente au motif des manquements graves du constructeur qui ne s'est pas assuré que le terrain sur lequel il a édifié la construction était bien celui des époux consorts [O].



Il est exact que le maître d'ouvrage s'était réservé le terrassement et une étude de sol de type G12 et a effectivement fait faire le terrassement, ce qui en dispensait le constructeur, lequel se serait à cette occasion nécessairement préoccupé de l'implantation exacte de la construction, et que le contrat de construction prévoyait la construction d'un bâtiment A alors que l'acte de vente faisait référence à un bâtiment F.

Néanmoins, il demeure que le constructeur, à plus forte raison dans la mesure où le contrat de construction avait été signé le 4 janvier 2006, soit bien avant l'acte de vente du terrain signé le 30 août 2006, et où le permis de construire initial avait été délivré antérieurement le 13 juillet 2005 non aux acheteurs mais à la société Pierres en Périgord et pour l'exécution de deux bâtiments A et B -la société SIC habitat étant d'ailleurs intervenue auprès de la mairie à l'occasion du transfert accordé par arrêté du 18 janvier 2007- devait s'assurer avant de commencer la construction d'un seul bâtiment de la localisation exacte de celui-ci.

Ceci ne présentait pas de difficulté majeure et n'obligeait pas à la formalité de levée d'un état hypothécaire, d'autant que l'acte de vente faisait référence à un bâtiment F et non à un bâtiment A comme le contrat du 4 janvier 2006. S'il est regrettable que les consorts [O] produisent un récapitulatif d'ouverture de chantier en date du 5 septembre 2006 (leur pièce 5, pièce 14 de la société SIC habitat ) d'où la mention « bâtiment A» a été gommée et remplacée par la mention manuscrite « copie » alors que l'original présenté à l'audience par l'avocat de la société SIC habitat porte bien la mention « bâtiment A », pour dissimuler que la société n'avait pas été expressément informée du changement de bâtiment de A en F, il demeure que la société SIC habitat, professionnel, devait s'assurer de la localisation exacte de la construction sur cet ensemble immobilier auprès du maître d'ouvrage et le cas échéant des intermédiaires intervenus (sociétés PLS et PLG), le maître d'ouvrage étant de plus domicilié en région parisienne, alors en outre que la DROC est datée du 20 novembre 2006, soit avant même l'obtention du permis de construire transféré.

De plus ce permis de construire portait sur deux bâtiments de trois logements chacun, alors que le contrat de construction portait sur un seul bâtiment de trois logements, de sorte que cette distorsion devait appeler la vigilance de la société SIC habitat.

Enfin, la société SIC habitat ne peut faire abstraction des démarches par elle effectuées tendant à un règlement amiable par l'échange de terrains d'une part et d'autre part de la transmission du dossier à son propre assureur (pièce 37 des consorts [O]).



La société SIC habitat est donc responsable de l'erreur d'implantation.



Ce manquement dont les conséquences sont considérables, dès lors que la construction a été édifiée sur le terrain d'un tiers, la société Pierres en Périgord, qui a depuis été placée en liquidation judiciaire, de sorte que les constructions financées au moyen d'un emprunt ont fait l'objet d'une vente à un prix de 61 000 € inférieur au coût de la construction, et que les consorts [O] sont propriétaires d'un terrain nu, est d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat de construction.



Le jugement sera confirmé de ce chef.



Il n'y a donc pas lieu à examen de la demande subsidiaire de nullité d'un contrat de CMI.



Sur l'indemnisation des consorts [O]



La résolution judiciaire du contrat a pour effet d'anéantir rétroactivement celui-ci au jour de sa conclusion et de remettre les choses en l'état où elles se trouvaient avant sa conclusion. Et la partie victime de la résolution du contrat peut également solliciter des dommages intérêts.

Les consorts [O] sont donc fondés à obtenir de la société SIC habitat l'indemnisation du seul préjudice résultant du contrat de construction mal exécuté par celle-ci et non de l'entièreté du préjudice résultant de l'opération d'investissement ou des actes d'autres intervenants à celle-ci, étant précisé qu'ils demeurent propriétaires du terrain acquis et non construit, et que la société SIC habitat a tenté de mettre en place un échange de terrains avec la société Pierres en Périgord qui leur aurait permis de récupérer un autre terrain que celui acquis mais sur lequel se trouvait la construction par eux financée, qu'ils n'ont pas accepté.

Les époux [O] avaient conclu pour le financement de l'opération, pour laquelle leur apport personnel était limité à 1378,98 €, un prêt auprès de la Caisse d'épargne d'un montant de 344 515 €. Le prix du terrain était de 51528 €. Le prix prévu au contrat de construction était de 189 555,46 € TTC, de sorte que le montant du prêt était très largement supérieur, la juridiction étant dans l'ignorance de l'utilisation du surplus de la somme empruntée. Ce prêt était assorti d'une assurance pour le seul M. [O], à hauteur de 50 % et l'assurance a été mise en oeuvre à l'occasion du décès de celui-ci.

Le tribunal a fait partiellement droit aux demandes des consorts [O] ; la société SIC habitat conclut à titre subsidiaire à la limitation de l'indemnisation et les consorts [O] forment appel incident pour obtenir l'intégralité des sommes initialement demandées.



Il convient d'examiner les différents poste de préjudice invoqués par les consorts [O], en prenant en considération le fait qu'ils ne se sont aperçus de l'erreur que deux ans après la fin de la construction, ce qui démontre un intérêt et des diligences limitées.



Le contrat de construction a été conclu pour un montant de 189 555,46 € TTC ; il a été financé par le prêt ci dessus mentionné qui a été remboursé à hauteur de 50 % à la suite du décès de M. [O] en 2011; si les consorts [O] sont fondés à demander le remboursement du prêt, ce remboursement est limité d'une part à proportion du contrat de construction, et d'autre part, il doit en être déduit la part remboursée par l'assurance décès.

C'est donc à bon droit que la société SIC habitat demande que l'indemnisation à ce titre soit réduite à la somme de 94 777,90 €.

S'agissant des intérêts, et pour la même raison, l'indemnisation sera limitée au prorata calculé par la société SIC habitat sans objection des consorts [O] à la somme de 29 086,41 €. les intérêts dus jusqu'à complet remboursement ne seront pas pris en compte, dès lors que le prêt était supérieur à l'opération de construction.

S'agissant de l'indemnité de remboursement anticipé, ce remboursement résulte du décès de M. [O] et ne peut donner lieu à indemnisation.

L'apport personnel de 1373,98 € ne peut donner lieu à indemnisation, les consorts [O] demeurant propriétaires du terrain.

Il en va de même pour les frais de garantie hypothécaire, les consorts [O] demeurant propriétaires du terrain.

L'indemnisation au titre des taxes d'urbanisme payées soit 1322 et 762 € n'est pas due, celles-ci étant afférentes à la propriété du terrain.

Les frais de commission de l'agence PGL ne donneront pas lieu à indemnisation; outre que le contrat entre les acquéreurs et cette société n'est pas produit, la société SIC habitat s'étonne légitimement du montant de cette commission de 37851 € pour l'achat d'un terrain d'une valeur de 51 528 €.

Il n'est pas justifié du paiement des charges de copropriété, de sorte que ce poste ne peut donner lieu à indemnisation.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société SIC habitat au paiement de la somme correspondant à des travaux relatifs aux logements construits soit:

- la somme de 10.004,54 € au titre de la facture ARCS pour des aménagements extérieurs (pièce 28 des intimés),

- la somme de 6.840,02 € au titre de la facture Marques pour des peintures intérieures non incluses dans le contrat de construction (pièce 27 des intimés).



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [O] de leur demande au titre du préjudice locatif, en l'absence d'une part d'une quelconque évaluation de la valeur locative des logements édifiés, la somme de1471 € par mois ne résultant d'aucune pièce, d'autre part de tentative de location par leurs soins entre juillet 2008, fin des travaux, et 2010, date à laquelle a été découverte l'erreur d'implantation.

Il en va de même s'agissant du préjudice financier fiscal allégué à hauteur de 40000 €, en l'absence de tout élément de preuve.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société SIC habitat devrait garantir les consorts [O] de toute action engagée par le syndicat de copropriété pour l'absence de construction dans le délai de deux ans, encore que cette action apparaisse peu envisageable dix ans après l'acquisition du terrain.

Le préjudice moral a été justement arbitré à la somme de 1000 € au regard des circonstances de l'espèce.



Récapitulatif



La société SIC habitat sera en conséquence condamnée à payer aux consorts [O] les sommes de :



94 777,90 € au titre du prêt

29 086,41 € au titre des intérêts sur le prêt

10.004,54 € au titre de la facture ARCS pour des aménagements extérieurs

6.840,02 € au titre de la facture Marques pour des peintures intérieures

1000 € au titre du préjudice moral

soit au total 148 564,89 €.

Le jugement sera réformé.



De ce fait, les consorts [O] devront rembourser la somme en excès reçue en vertu de l'exécution provisoire.



Sur le solde du contrat de construction



La société SIC habitat réclame un solde de 9447,79 € euros dû à raison des réserves formulées lors de la réception par le maître d'ouvrage.

Les consorts [O] concluent au rejet de cette demande au motif que leur auteur aurait payé cette somme en espèces à M. [P], le gérant de la société PLS. Cependant, si ce paiement, qui n'aurait en tout état de cause pas été effectué entre les mains du créancier, n'est pas établi, il demeure que la société SIC habitat n'est pas fondée à en demander le paiement, dès lors que la construction a été effectuée sur le terrain d'autrui et que le contrat est résolu.

Le jugement sera confirmé de ce chef.



Sur la demande de dommages intérêts de la société SIC habitat



Dès lors que le jugement est confirmé s'agissant de la demande principale de résolution du contrat, la société SIC habitat est mal fondée à demander des dommages intérêts pour procédure abusive. Elle sera déboutée de cette demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.



Sur la mise en cause du mandataire liquidateur de la société PLS



Les demandes formées devant le tribunal par la société SIC habitat ont été déclarées irrecevables. Ce chef du jugement n'est pas contesté et il n'est formé en appel aucune demande contre la liquidation judiciaire de la société PLS, et aucune déclaration de créance à son passif n'a été effectuée que ce soit par la société SIC habitat ou par les consorts [O].

Pour autant, la procédure ne peut être considérée comme abusive compte tenu de l'intervention de la société PLS dans le contrat de construction qui pouvait nécessiter sa présence en cause d'appel dans l'hypothèse d'un appel incident des consorts [O].

Le mandataire liquidateur de la société PLS sera débouté de sa demande de dommages intérêts.



Sur la mise en cause de la société Allianz IARD



La société Allianz IARD était assureur de la société PLS, mais en l'absence de fixation de créance au passif de celle-ci, faute notamment de déclaration de créance, la garantie de l'assureur n'a pas vocation à être mise en oeuvre, et aucune demande n'est formée contre celui-ci par les consorts [O], de sorte que la demande de la société SIC habitat tendant à voir statuer ce que de droit sur une telle demande est sans objet. De même, la demande subsidiaire de la société SIC habitat de condamnation de la compagnie Allianz IARD ou de relevé indemne par celle-ci sera rejetée en l'absence de fixation de créance au passif de la société PLS et de constatation de la responsabilité de celle-ci dans l'erreur d'implantation de la construction édifie par la société SIC habitat pour le compte des époux [O].







Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



La société SIC habitat sera condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé s'agissant des dépens de première instance, et elle sera de ce fait déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SIC habitat sera condamnée à verser aux consorts [O], dont partie des demandes et l'appel incident sont rejetés, la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

De même , elle devra verser à la SELARL [F] es qualités de mandataire liquidateur de la société PLS et à la compagnie Allianz IARD chacun une somme de 1000 €, dès lors que la première a dû conclure en l'absence de demandes contre elle, et que les demandes contre la seconde sont rejetées.



PAR CES MOTIFS



LA COUR



Réforme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société SIC Habitat à payer à madame [A], agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure [G] [O], messieurs [T] [O] et [D] [O], agissant tous deux en qualité d'héritiers de M. [O] les sommes suivantes :



* la somme de 180.108 euros au titre des sommes versées en exécution du contrat de construction,

* la somme de 39.688,37 euros au titre des frais intercalaires dus avant la phase d'amortissement du crédit ( du 5 août 2006 au 5 juillet 2010),

* les intérêts sur les échéances payées :

du 5 août 2010 au 5 février 2011: 3567,21 euros

du 5 mars 2011 au 5 juillet 2011: 1241,38 euros,

outre les intérêts dus du 5 août 2011 (364,87 euros) jusqu'au complet remboursement du crédit,

* la somme de 2662,35 euros au titre des indemnités contractuelles résultant du remboursement anticipé du crédit (sur la somme de 162.301,98 euros) selon décompte arrêté au 5 novembre 2011,

* la somme de 1373,98 euros résultant de l'apport personnel,

* la somme de 5339,98 euros au titre des frais de la garantie hypothécaire,

* les sommes de 1322 euros et 762 euros au titre des taxes payées (taxe d'urbanisme et autres),

* la somme de 14.546,96 euros au titre des charges de copropriété dues au 1er octobre 2011,

* la somme de 37.851 euros au titre des frais de commission de l'agence PLG,

* la somme de 10.004,54 euros au titre de la facture ARCS pour des aménagements extérieurs,

* la somme de 6.840,02 euros au titre de la facture Marques pour des aménagements intérieurs,

* la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;



Statuant à nouveau de ce chef, condamne la société SIC habitat à payer à madame [A], agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure [G] [O], messieurs [T] [O] et [D] [O] , agissant tous deux en qualité d'héritiers de M. [O] les sommes suivantes :



* 94 777,90 € au titre du prêt

* 29 086,41 € au titre des intérêts sur le prêt

* 1.004,54 € au titre de la facture ARCS pour des aménagements extérieurs

* 6.840,02 € au titre de la facture Marques pour des peintures intérieures

* 1000 € au titre du préjudice moral

soit au total 148 564,89 € ;



Confirme pour le surplus le jugement déféré ;



Y ajoutant, déboute la SELARL [F] es qualités de mandataire liquidateur de la société PLS de sa demande de dommages intérêts ;



Rejette toute demande contraire ou plus ample ;



Condamne la société SIC habitat à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de :

- 2000 € à madame [A], agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de sa fille mineure [G] [O], messieurs [T] [O] et [D] [O], agissant tous deux en qualité d'héritiers de M. [O]

- 1000 € à SELARL [F] es qualités de mandataire liquidateur de la société PLS

- 1000 € à la compagnie Allianz IARD



Condamne la société SIC habitat aux dépens d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Elisabeth LARSABAL, Président, et par Madame Irène CHAUVIRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier,Le Président,

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