18 mai 2017
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 15/19562

3e Chambre A

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 18 MAI 2017



N° 2017/195













Rôle N° 15/19562







SCI LA MARIE





C/



[L] [X]

SA AXA FRANCE IARD





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Christine MONCHAUZOU



Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY



Me Pierre-Yves IMPERATORE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 29 Septembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/02563.







APPELANTE



SCI LA MARIE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christine MONCHAUZOU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE









INTIMES



Monsieur [L] [X]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Stéphan GADY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



SA AXA FRANCE IARD poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ayant Me Sébastien GUENOT de la SCP FENOT GHRISTI GUENOT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,



*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 16 Mars 2017 en audience publique devant la Cour composée de :





Madame Sylvie CASTANIE, Présidente

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller (rapporteur)







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2017,



Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***

































































La SCI La Marie a confié à la SARL Les Maisons de Lisa la réalisation de travaux de réfection complète de l'étanchéité de la toiture-terrasse de la villa dont elle est propriétaire à [Adresse 1].



Ayant constaté des infiltrations en toiture-terrasse la SCI La Marie a sollicité en référé l'organisation d'une mesure d'expertise.

Par ordonnance du 18 mai 2011, M. [A] a été désigné en qualité d'expert et il a déposé son rapport le 7 novembre 2011.



La SARL Les Maisons de Lisa a été placée en liquidation judiciaire le 4 avril 2011, maître [K] étant désigné en qualité de liquidateur.



Par ordonnance du 27 décembre 2012, la SCI La Marie a été déboutée de sa demande tendant à voir déclarer communes et exécutoires les opérations d'expertise à Mme [M], gérante de la SARL Les Maisons de Lisa et à M. [X], gérant de fait.



La SCI La Marie a assigné M. [X] et la compagnie Axa France en paiement de la somme de 65 000 € au titre de son préjudice et de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au motif que M. [X] aurait commis une faute en procédant à la réalisation de travaux sans avoir souscrit une police responsabilité civile décennale.



Par jugement du 29 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Draguignan a :



- débouté La SCI La Marie de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SCI La Marie au paiement de la somme de 2500 € à M. [X] et à la compagnie Axa France en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI La Marie aux dépens,

en retenant que M. [X] n'avait pas la qualité de gérant de la SARL Les Maisons de Lisa.



La SCI La Marie a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 novembre 2015 aux termes de laquelle elle a intimé M. [L] [X] et la société Axa France IARD.


Dans ses conclusions remises au greffe le 1er novembre 2016, elle demande à la cour de :



- vu 1'article L 223-22 du code de commerce,

- vu l'article L 243-3 du code des assurances,

- vu l'article 111-34 du code de la construction,

- vu l'article 1382 du code civil,

- réformer le jugement déféré,

- dire et juger que l'action dirigée à l'encontre de M. [L] [X] est parfaitement recevable,

- sur le fond :

- dire et juger qu'il est établi que M. [X] a bien ouvert le chantier de la concluante sans être couvert par une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs,

- dire et juger M. [X] a donc commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de 1'article 1382 du code civil,

- le déclarer entièrement responsable du préjudice causé à la SCI La Marie,

- le condamner à payer à la SCI La Marie une somme de 65 000 € toutes causes confondues sauf à parfaire,

- condamner M. [X] au paiement d'un somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que le fait d'ouvrir un chantier sans être couvert par une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs constitue de la part du gérant d'une société, une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle, des fonctions sociales et engageant sa responsabilité civile vis-à-vis des tiers.



Dans ses conclusions remises au greffe le 17 février 2017, M. [X] demande à la cour de :



- vu l'article 1382 du code civil,

- vu l'article L. 223-22 du code de commerce,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a débouté la SCI La Marie de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- reconventionnellement et de manière additionnelle,

- condamner la SCI La Marie au paiement d'une somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner la SCI La Marie aux entiers dépens.



Il soutient que la preuve de l'absence de souscription d'une police d'assurance décennale n'est pas rapportée, pas plus que la preuve des préjudices invoqués. Il conclut que le rapport d'expertise lui est inopposable. Il fait enfin valoir que la SCI n'a pas déclaré sa créance au passif de la SARL.



Dans ses conclusions remises au greffe le 31 mars 2016, Axa demande à la cour de :



- confirmer le jugement déféré,

- vu l'article 564 du code de procédure civile,

- dire et juger nouvelle et donc irrecevable toute demande de condamnation dirigée contre la compagnie Axa France,

- dire et juger que la compagnie Axa France justifie de ce qu'elle n'était pas l'assureur de la société Les Maisons de Lisa au jour de l'ouverture du chantier,

- dire et juger de surcroît que le chantier s'est ouvert postérieurement à la résiliation du contrat par la société Les Maisons de Lisa auprès de la compagnie Axa France,

- en tout état de cause, dire et juger que le contrat d'assurance souscrit ne prévoit pas la garantie de l'activité étanchéité et que, dès lors, la position de la compagnie Axa France est parfaitement valide et autorise effectivement une mise hors de cause,

- condamner en tout état de cause, tout succombant au paiement d'une somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2017.








MOTIFS :





La SCI La Marie reproche à M. [X], qui était gérant de la SARL Les Maisons de Lisa, de ne pas avoir souscrit d'assurance décennale pour l'ouverture du chantier suivant commande du 27 octobre 2009, et de la priver ainsi de la garantie d'un assureur, d'autant que la SARL Les Maisons de Lisa est en liquidation judiciaire.

Sa demande est basée sur les conclusions de l'expert qui a relevé des infiltrations dans la chambre d'amis et dans la salle-de-bains du rez-de-chaussée de la villa de la SCI, ces désordres étant imputables d'une part à des non-conformités aux règles de l'art, à savoir une absence d'isolation thermique, l'absence de relevés d'étanchéité en droit de la menuiserie métallique et le non-remplacement de l'évacuation d'eaux pluviales latérale sud, et d'autre part à des défauts d'exécution des travaux, l'étanchéité en relief étant mal soudée au droit de l'évacuation d'eaux pluviales latérale sud.

M. [X] fait valoir que cette expertise ne lui est pas opposable puisqu'il n'a pas été appelé aux opérations d'expertise. Il convient cependant de constater que l'expert a noté sa présence pour les Maisons de Lisa, à l'acccédit du 3 octobre 2011 au cours duquel s'est déroulée la visite des lieux et après lequel l'expert a déposé ses pré-conclusions le 4 octobre. Il a ainsi pu faire toutes observations utiles au cours des opérations de l'expert et sur le rapport qui a été versé au débat. En outre le constat des infiltrations résulte également du procès-verbal d'huissier du 4 novembre 2010. La cause des désordres au plafond de la chambre et de la salle-de-bains se situe nécessairement dans les défaillances de l'étanchéité de la toiture-terrasse.

M. [X] invoque l'intervention d'un tiers qui aurait coupé les seuils en changeant les baies vitrées et produit à cet égard trois attestations de préposés de la SARL Les Maisons de Lisa. Il s'agit d'un argument qui n'a pas été soulevé par cette société lors des opérations d'expertise. Et surtout il ne saurait à lui seul expliquer les désordres, l'expert identifiant à la fois une absence de relevés d'étanchéité en droit de la menuiserie métallique mais aussi deux problèmes au niveau de l'évacuation des eaux pluviales latérale sud comme causes des infiltrations.

Les désordres affectant l'étanchéité de la toiture-terrasse sont de nature décennale puisqu'ils causent des infiltrations portant atteinte à la destination de l'immeuble et ne sont apparus qu'après les intempéries.

Il est certain que ces désordres auraient été couverts par une assurance décennale. M. [X] soutient que la preuve de la non-souscription d'une assurance n'est pas rapportée. Cependant Axa justifie avoir résilié la police d'assurance de la SARL Les Maisons de Lisa pour non-paiement des cotisations, à effet au 1er janvier 2009, soit antérieurement au marché du 27 octobre 2009. Et aucun contrat d'assurance de responsabilité civile de la SARL Les Maisons de Lisa pour la période postérieure à cette résiliation n'est versé au débat.

En négligeant de contracter une telle assurance alors qu'il s'agit d'une obligation légale, M. [X], à qui cette obligation incombait en tant que gérant de la société, a commis une faute.

En raison de cette négligence, la SCI La Marie se trouve privée de toute garantie pour les désordres de nature décennale qui affectent l'ouvrage qu'elle a commandé.

L'expert indique que les travaux de réparation consistent en une réfection complète du complexe iso-étanche défaillant, conformément au DTU 43.5 et il évalue le coût des réparations à la somme de 45 000 €. Compte tenu de la forte perte de chance de la SCI d'obtenir réparation des malfaçons de nature décennale, dans le cadre de la garantie d'une assurance responsabilité décennale, M. [X], dont la faute est directement liée au préjudice subi par la SCI, sera condamné à payer à celle-ci des dommages et intérêts de 36.000 €.

En outre la SCI La Marie se plaint des tracasseries occasionnées par ce litige et d'un préjudice de jouissance. La preuve des préjudices invoqués n'étant pas rapportée, elle sera déboutée de ses demandes d'indemnisation complémentaire.



Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI La Marie la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés.







PAR CES MOTIFS :





La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,





INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



CONDAMNE M. [L] [X] à payer à la SCI La Marie la somme de 36 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;



Le CONDAMNE à payer à la SCI La Marie la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Le CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés contre lui conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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