21 septembre 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/08619

Pôle 2 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2017



(n°2017- , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08619



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge de la mise en état du 29 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/14643





APPELANTS



Monsieur [M] [W]

Né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (TUNISIE)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Monsieur [N] [L]

Né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 3] (MADAGASCAR)

[Adresse 2]

[Localité 4]



Monsieur [I] [O] [Y]

Né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 5] (ALGÉRIE)

[Adresse 3]

[Localité 6]



Monsieur [F] [E]

Né le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 7] (92)

[Adresse 4]

[Localité 8]



Monsieur [L] [O]

Né le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 4]



SELARL BIO-OPTIMA, agissant en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 429 574 387 00040

[Adresse 3]

[Localité 6]





Représenté par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

ayant pour avocat plaidant Me Benjamin VARDON, avocat au barreau de PARIS, toque : G0124





INTIME



Monsieur [T] [J]

Né le [Date naissance 6] 1953 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 10]



Représenté par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090





COMPOSITION DE LA COUR :



Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le, en audience publique, devant la cour composée de :



Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère



qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN









ARRÊT :

- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.






***********



Vu l'appel interjeté le 14 avril 2016 par [M] [W], [N] [L], [I] [Y], [F] [E], [L] [O] et la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Bio-Optima d'une ordonnance rendue le 29 mars 2016, par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a :

- Rejeté la fin de non-recevoir fondée sur l'incompétence des juridictions étatiques soulevée en défense,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 10 mai 2016 à 13h30 pour réplique au fond de la société Bio-Optima et de [I] [Y], [M] [W], [N] [L] et [F] [E] aux conclusions au fond n°2 du demandeur,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la selarl Bio-Optima, [L] [O], [I] [Y], [M] [W], [N] [L] et [F] [E] aux dépens de l'incident ;




Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2016 par lesquelles les appelants, au visa des articles 771, 776 et 1444 et suivants du code de procédure civile, demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance du 29 mars 2016 en toutes ses dispositions et de :

- constater que la clause compromissoire insérée dans le protocole du 30 janvier 2012 n'est pas manifestement inapplicable à la demande soutenue au fond à tire principal par [T] [J],

- juger que les juridictions étatiques ne sont pas compétentes pour connaître du litige faisant l'objet des prétentions soutenues en demande par [T] [J],



- condamner [T] [J] à verser à la société Bio-Optima ainsi qu'à [M] [W], [N] [L], [I] [Y], [F] [E], [L] [O] la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction ;



Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er août 2016, par lesquelles [T] [J] demande à la cour, au visa notamment des articles 1108, 1116, 1134, 1147, 1165, 1382 et 1383 du code civil (anciens), 751, 814, 815 et 1142 du code de procédure civile, et L. 223-25 du code de commerce, de confirmer l'ordonnance entreprise et de :

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la selarl Bio-Optima, [L] [O], [I] [Y], [M] [W], [N] [L] et [F] [E],

- débouter la selarl Bio-Optima, [L] [O], [I] [Y], [M] [W], [N] [L] et [F] [E] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner in solidum la selarl Bio-Optima, [L] [O], [I] [Y], [M] [W], [N] [L] et [F] [E] à lui verser la somme de 5 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens avec distraction ;






SUR CE, LA COUR



Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé à l'ordonnance déférée et aux écritures des parties, qu'il convient de rappeler que :

* La selarl Bio-Optima est une société exploitant un laboratoire d'analyse médicale multisite dont [L] [O], médecin biologiste, est l'associé historique ;

* [I] [Y], exploitant auparavant un laboratoire à titre individuel a apporté ce dernier à la société et est devenu associé gérant ;

* le 21 octobre 2011, par acte sous seing privé, [T] [J] a cédé sous conditions suspensives à la société Bio-Optima, représentée par [L] [O], son laboratoire d'analyses médicales exploité à [Localité 11] ;

* le 30 janvier 2012, [L] [O], la société Bio-Optima représentée par [L] [O] et [T] [J] ont signé un accord tripartite, prévoyant les conditions de poursuite d'exercice de [T] [J] dans la société, ainsi qu'une promesse de cession de la part de [T] [J] à [L] [O] lors de la cessation des futures fonctions de co-gérant de [T] [J], accord contenant une clause compromissoire ;

* par acte sous seing privé du 6 février 2012, la levée des conditions suspensives a été constatée par les parties ;



* le 1er février 2012, [T] [J] a cédé son laboratoire à la société Bio-Optima au prix de 1 050 000 euros, devenant associé gérant et détenteur d'une part sociale, [L] [O] se portant caution solidaire du prêt bancaire de 712 400 euros accordé à la société Bio-Optima pour cette acquisition ;

* le 28 juin 2013, l'assemblée générale de la société a mis fin aux fonctions de gérant de [T] [J], en son absence, au motif de sa violation des règles de gestion du site de [Localité 11] ;

* par notification en date du 30 juin 2013, [L] [O] a signifié à [T] [J] la levée de l'option de cession de sa part sociale ;

* le 30 octobre 2013, une conciliation ordinale, tenue à la requête de [T] [J], a échoué ;

* par ordonnance en date du 28 mars 2014, [T] [J] a été déclaré irrecevable à agir devant le juge des référés, en raison de la clause compromissoire, et débouté de ses prétentions fondées sur l'urgence ; il s'est désisté de l'appel interjeté ;

* le 24 avril 2014, le président du conseil de l'ordre des pharmaciens, saisi par [T] [J], a refusé le rôle d'arbitre, au motif que sa mission se limitait à la conciliation ;

* par acte d'huissier de justice en date des 27 juin, 7, 24 et 28 juillet, 4 août et 8 octobre 2014, [T] [J] a fait assigner la société Bio-Optima et ses associés co-gérants [L] [O], [I] [Y], [M] [W], [N] [L] et [F] [E] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation à hauteur de 800 000 euros du préjudice résultant de sa révocation fautive ;

* le 29 mars 2016 est intervenue l'ordonnance dont appel, rejetant la fin de non-recevoir soulevée par la société Bio-Optima, [L] [O], [I] [Y], [M] [W], [N] [L] et [F] [E], fondée sur l'existence d'une clause compromissoire ;



Sur le défaut de motivation et la violation du principe de la contradiction :



Considérant que selon l'article 16 du code de procédure civile, Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ;



Qu'en l'espèce, le juge de la mise en état, lequel n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, n'a relevé d'office aucun moyen de droit et a fondé en fait sa décision sur les documents produits par les parties, lesquelles ont été à même de les discuter contradictoirement ;



Sur l'exception d'incompétence :



Considérant que selon l'article 1448 alinéa 1 du code de procédure civile, Lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable;



Qu'en l'espèce, aux termes de l'article 9 de la convention du 30 janvier 2012 intitulé LITIGES,

En cas de litige survenant entre les parties pour l'interprétation et/ou l'exécution des

présentes les soussignés s'engagent à rechercher entre eux, une solution amiable dans le délai d'un mois.

En cas de contestation persistante, les parties s'obligent à soumettre ledit litige à l'Arbitrage de monsieur le Président du Conseil de l'Ordre des Pharmaciens ;

Que cette clause prévoit expressément l'Arbitrage de monsieur le Président du Conseil de l'Ordre des Pharmaciens et non la conciliation sous son égide ; que la maladresse de rédaction, invoquée par [T] [J], ne peut être retenue ;



Que les parties au protocole, soit [L] [O], la société Bio-Optima et [T] [J], sont également parties au présent litige, lequel porte notamment sur l'illicéité de la réalisation par le laboratoire de [Localité 11], sous la responsabilité de [T] [J], d'actes d'analyses biologiques interdits par voies légale et réglementaire et les congés pris sans accord des associés durant les années 2012 et 2013, questions entrant dans le cadre du protocole du 30 janvier 2012, lequel précise en son article 5 les attributions de [T] [J], soit les actes de biologie médicale (prélèvement ' technique ' validation) sous sa responsabilité professionnelle et en son article 4 ses congés, soit six semaines de congés annuels à répartir sur l'année civile en accord avec ses coassociés et Tout congé complémentaire éventuellement pris, dans la limite de quinze jours par an (...) fixé en accord avec ses coassociés ;



Que [T] [J] demande réparation du préjudice causé par la perte de sa qualité d'associé, alors que la cession de sa part sociale au profit de [L] [O] est prévue par l'article 7 de ce même protocole ;



Qu'ainsi, le litige portant sur l'interprétation et l'exécution du protocole, la clause d'arbitrage prévue à son article 9 a vocation à s'appliquer ; que la nullité de cette clause n'est pas manifeste ; que la circonstance du refus du président du conseil de l'ordre des pharmaciens d'assurer la fonction d'arbitre n'est pas de nature à la rendre inapplicable, le demandeur ayant la faculté de mettre en oeuvre les articles 1453 du code civil, selon lequel Lorsque le litige oppose plus de deux parties et que celles-ci ne s'accordent pas sur les modalités de constitution du tribunal arbitral, la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, le juge d'appui, désigne le ou les arbitres et 1454 du même code, prévoyant que Tout autre différend lié à la constitution du tribunal arbitral est réglé, faute d'accord des parties, par la personne chargée d'organiser l'arbitrage ou, à défaut, tranché par le juge d'appui ;



Qu'il appartiendra au tribunal arbitral d'apprécier tant la validité de la clause que sa propre compétence au regard de l'article 23 des statuts de la société Bio-Optima, intitulé CONTESTATIONS, selon lequel Toutes contestations susceptibles de surgir pendant la durée de la société ou après sa dissolution pendant le cours des opérations de liquidation, soit entre les associés, leurs organes de gestion et la société, soit entre les associés eux-mêmes, relativement aux affaires sociales ou à l'exécution des dispositions statutaires, seront jugées conformément à la Loi et à la juridiction des tribunaux compétents ;





Sur les demandes annexes :



Considérant qu'il serait inéquitable de laisser totalement aux appelants la charge de leurs frais irrépétibles ;













PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement et contradictoirement,



Infirme l'ordonnance déférée,



Constate l'incompétence des juridictions étatiques au profit du tribunal arbitral,



Condamne [T] [J] à payer à [M] [W], [N] [L], [I] [Y], [F] [E], [L] [O] et la selarl Bio-Optima ensemble la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne [T] [J] aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.













LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.