26 octobre 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/15770

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 26 OCTOBRE 2017



(n°579, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15770



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juin 2016 -Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 12-15-000206



APPELANT



Monsieur [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2]



Représenté par Me Elodie DENIS de la SCP MARIE-SAINT GERMAIN DENIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0199



INTIME



EPIC PARIS HABITAT

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 344.810.825



Représenté par Me Alain DE LANGLE de la SCP NICOLAS GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0208

Assisté par Me Priscilla PALMA substituant Me Alain DE LANGLE de la SCP NICOLAS GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0208



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Bernard CHEVALIER, Président, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Véronique DELLELIS, Conseillère



Qui en ont délibéré



Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.






EXPOSÉ DU LITIGE





L'office public d'HLM Paris Habitat a donné en location à M. [J] par acte du 11 janvier 2012 un appartement de type 2 situé [Adresse 1].



Le 28 novembre 2014, il lui a fait signifier un commandement de payer la somme de 4 427,11 euros comprenant 4 259,74 euros réclamés à titre de loyers et charges. Ce commandement citait les dispositions de l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ainsi que la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail.



Par acte du 2 juin 2015, l'office public d'HLM Paris Habitat a fait assigner M. [J] devant le juge des référés du tribunal d'instance de Paris 13eme qui, par ordonnance contradictoire rendue le 8 juin 2016, a :



- constaté l'acquisition de la résiliation du bail à compter du 28 janvier 2015,

- ordonné l'expulsion de M. [J] et de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique si besoin, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux,

- dit ce qu'il adviendrait des meubles laissés dans les lieux,

- condamné M. [J] à payer à l'OPH Paris Habitat la somme de 11 387,32 euros en deniers ou quittances valables au titre des sommes dues au 4 avril 2016 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation provisionnelle à celui du loyer révisé majoré des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. [J] aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer et à acquitter la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Par déclaration en date du 19 juillet 2016, M. [J] a fait appel de cette ordonnance.



Au terme de ses conclusions communiquées par voie électronique le 5 septembre 2017, il demande à la cour de :



- dire non avenue l'ordonnance de référé du 8 juin 2016 en toutes ses dispositions,



en tout état de cause,



- débouter l'OPH Paris Habitat de l'ensemble de ses demandes,



- le condamner à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [J] a fait valoir ce qui suit : le tribunal de commerce de Paris a prononcé sa liquidation judiciaire par jugement du 30 mars 2016 ; en vertu de ce jugement et en application de l'article L 622-21 du code de commerce, les poursuites étaient interrompues et l'OPH Paris Habitat ne pouvait obtenir ni sa condamnation au paiement d'un arriéré locatif ni la constatation de la clause résolutoire ; l'ordonnance attaquée est ainsi non avenue ; le moyen tiré de l'irrecevabilité de son appel au motif qu'il aurait été dessaisi de la gestion de ses biens n'est pas fondé dès lors que seul le liquidateur peut se prévaloir de ce dessaisissement et que, s'agissant d'une dette personnelle, il conservait en tout état de cause le pouvoir de faire ce recours.



L'OPH Paris Habitat, dans ses conclusions communiquées par voie électronique le 11 septembre 2017, demande à la cour de :



- déclarer nulle la déclaration d'appel du 19 juillet 2016 de M. [J],



- débouter celui-ci de l'ensemble de ses demandes,



- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel,



ajoutant à celle-ci



- condamner M. [J] à la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



L'OPH Paris Habitat soutient en résumé les éléments suivants :

- en vertu de l'article L 641-9 du code de commerce, seul le mandataire judiciaire, la SELARL [C]-[S], disposait du pouvoir de faire appel contre l'ordonnance attaquée ; le mandataire judiciaire a indiqué à M. [J] qu'il n'entendait pas faire appel ; le contrat de location excluait l'exercice d'une activité commerciale dans les lieux ; M. [J] n'a pas averti l'OPH Paris Habitat dans les 10 jours de la procédure collective, en violation de l'article L 622-22 du code de commerce ;

- il ressort de la lettre du mandataire judiciaire du 20 octobre 2016 que M. [J] n'a demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation que dans le but d'obtenir l'arrêt des poursuites alors qu'il n'a exercé aucune activité dans les lieux loués ; la procédure de l'article L 622-21 du code de commerce n'est pas applicable à des biens personnels qui ne relèvent pas de l'activité professionnelle de M. [J] ;

- M. [J] a déjà été condamné pour sous-location prohibée et le tribunal administratif, dans le cadre du recours formé par celui-ci afin de s'opposer à son expulsion, a indiqué qu'il était de mauvaise foi et avait commis plusieurs escroqueries au préjudice de ses bailleurs ; M. [J] a été expulsé le 29 juin 2017 ;

- le bail a été résilié par l'effet de la clause résolutoire le 28 janvier 2015, soit avant l'ouverture de la liquidation judiciaire et la jurisprudence selon laquelle l'article L 622-21 du code de commerce ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de crédit-bail immobilier par application d'une clause résolutoire qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du crédit-preneur, si elle n'est pas transposable à un bail commercial, l'est à un bail d'habitation d'un logement conventionné.






SUR CE LA COUR





Sur la recevabilité de l'appel



M. [J] a fait appel le 19 juillet 2016 de l'ordonnance rendue le 8 juin 2016, qui lui avait été signifiée le 5 juillet 2016.



Il a produit pour la première fois en cause d'appel le jugement rendu le 30 mars 2016 par le tribunal de commerce de Paris qui a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, nommé un juge commissaire et désigné la SELARL [C]-[S] en la personne de Mme [P] [C] mandataire liquidateur.



L'article L 641-9 du code de commerce dispose, à son paragraphe I, :

'Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.'



Le moyen soulevé par l'intimé, tenant à l'irrecevabilité de l'appel formé par M. [J] sur le fondement de cet article, s'analyse en une nullité de fond affectant l'acte d'appel.



Contrairement à ce que M. [J] a soutenu, l'OPH Paris Habitat est recevable à soulever un tel moyen, conformément aux articles 118 et 119 du code de procédure civile.



Il découle de l'article L. 641-9, précité, que le débiteur seul ne peut exercer une voie de recours relativement à son patrimoine.



Cependant, cet article ne fait pas obstacle à l'exercice par le débiteur des droits et des actions attachées à sa personne.



L'ordonnance attaquée a constaté la résiliation d'un bail d'habitation conclu par M. [J] à titre personnel et a ordonné son expulsion du logement pris à bail, censé constituer sa résidence principale. Elle a également condamné celui-ci au paiement de sommes dues au titre de ce bail antérieurement au jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire et l'instance ayant abouti à cette décision était pendante au moment de l'ouverture de la liquidation judiciaire.



M. [J] dispose d'un droit propre à faire appel d'une telle ordonnance.



Le moyen soulevé par l'OPH Paris habitat tiré de l'irrecevabilité de l'appel formé par M. [J] doit être rejeté comme non fondé.



Sur le principal



M. [J] soutient que l'ordonnance attaquée est nulle et non avenue en vertu de l'article L 622-21 du code de commerce qui dispose :

'I Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 et tendant :

1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

[...]'



Toutefois, l'article L 622-22 du même code prévoit ensuite :

'[...] les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L 626-25 dûment appelés, mais tendant uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant [...]'



Il se déduit de cette disposition que la décision rendue à défaut d'une reprise d'instance dans les conditions énoncées par l'article L 622-22 précité ne saurait être déclarée non avenue lorsque le mandataire judiciaire au profit de laquelle l'interruption était prévue l'a confirmée expressément ou tacitement.



Dans l'affaire examinée, Maître [C], de la Selarl [C] [S], désignée mandataire judiciaire liquidateur de M. [J], a écrit à ce dernier le 26 octobre 2016 (pièce n° 9 produite par l'intimé) qu'elle n'entendait pas intervenir dans la présente instance d'appel au motif que celle-ci concerne le bail d'habitation de l'intéressé et non son exploitation commerciale.



Maître [C] a conclu sa lettre comme suit :



'Ainsi, non seulement votre bail personnel d'habitation n'a jamais pu servir à vos activités commerciales et ses effets ne sont pas opposables à la procédure collective, mais il a été, de plus, résilié avant la liquidation judiciaire suivant une ordonnance exécutoire par provision, nonobstant l'appel que vous aviez le droit d'interjeter seul dans l'exercice de vos droits propres [...] Je vous confirme en conséquence que je n'interviendrai pas dans le litige personnel qui vous oppose à votre bailleur au titre de votre bail d'habitation, ma mission se limitant à la représentation collective de l'intérêt collectif des créanciers.'



Le liquidateur judiciaire ayant indiqué expressément son refus d'intervenir dans la présente instance, l'ordonnance attaquée ne saurait donc être déclarée nulle et non avenue sur le fondement de l'article L 621-21 du code de commerce.



M. [J] ne forme aucune autre contestation à l'encontre de l'ordonnance attaquée.



Celle-ci se fonde sur une appréciation pertinente et juste en droit des circonstances de fait du présent litige et elle ne contrevient à aucune disposition d'ordre public, de sorte qu'elle doit être confirmée en toutes ses dispositions.



Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [J], qui succombe dans son appel, devra supporter les dépens de cette voie de recours.



En outre, l'équité commande de décharger la partie intimée des frais non répétibles qu'elle s'est trouvé contrainte d'exposer. Il lui sera alloué la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Enfin, il résulte des motifs de l'ordonnance de référé rendue par le juge administratif de Paris le 5 avril 2017 que M. [J] a déjà fait l'objet d'une quinzaine de mesures d'expulsion, celui-ci souscrivant plusieurs baux simultanément en indiquant de manière erronée qu'il exerce une profession aisée et perçoit de bons revenus puis s'abstenant de régler son loyer tout en sous-louant les logements.



Dans un arrêt rendu le 5 juin 2007, sur l'appel formé par M. [J] contre un jugement prononçant la résiliation d'un bail qu'il avait conclu précédemment avec la SA Régie Immobilière de la ville de Paris, la cour de céans a retenu :



'Il est donc établi, au vu des documents produits par la RIVP, que le locataire a définitivement quitté les lieux pour les faire occuper par des tiers moyennant le versement d'une contrepartie financière, ce qui caractérise la sous-location, M. [J] ayant ainsi gravement manqué aux obligations mises à sa charge par le bail de ne pas sous-louer les lieux et d'y établir son habitation principale [...]'



Ces éléments confirment que M. [J] est un locataire indélicat qui a pour habitude de ne pas respecter ses engagements.



L'appel qu'il a formé contre l'ordonnance du 8 juin 2016 fondé uniquement sur l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 30 mars 2016 s'avère ainsi manifestement abusif et ce comportement doit être sanctionné par une amende civile de 3 000 euros.





PAR CES MOTIFS





DÉCLARE recevable l'appel formé par M. [J] contre l'ordonnance de référé rendue le 8 juin 2016 par le tribunal d'instance de Paris 13ème ;



CONFIRME cette ordonnance en toutes ses dispositions ;



Ajoutant à celle-ci,



CONDAMNE M. [J] à payer à l'OPH Paris Habitat la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;



CONDAMNE M. [J] au paiement d'une amende civile de 3 000 euros.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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